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vendredi 18 décembre 2020

18 Décembre 1791 : Premier discours de Robespierre contre la guerre.

 Préambule indispensable.


    Je me suis rendu compte qu'il était devenu impossible de trouver sur le WEB certains discours de Robespierre, comme il était possible de le faire auparavant. J'ai donc pris la liberté de recopier sur cette page le premier d'une série de discours qu'il rédigeât entre décembre 1791 et février 1792.

   Voici celui du 18 Décembre 1791, que j'ai retrouvé dans le magistral ouvrage "Robespierre parle aux Français" de Philippe Landeux, qui regroupe en 900 pages, l'intégralité des écrits de Maximilien Robespierre. J'espère qu'il me pardonnera cet emprunt.

    Je vous renvoie à la fin de cet article à une remarque très judicieuse faite par cet incroyable érudit qu'est Philippe Landeux à propos de cette invraisemblable guerre.


    J'insiste sur le fait que je ne suis pas "Robespierriste". Je m'inquiète seulement de constater que des textes qui étaient autrefois en libre accès, semblent avoir disparu. Que l'on me donne un lien officiel et je reprendrai totalement ce préambule.


Le 16 décembre 1791, aux Jacobins, Brissot a prononcé un grand discours pour la guerre : « Un peuple qui a conquis sa liberté a besoin de la guerre pour la consolider ». Il conclut : « Le pouvoir exécutif va déclarer la guerre, il fait son devoir et vous devez le soutenir quand il fait son devoir, et s’il vous trahit, le peuple est là, vous n’avez rien à craindre ». Robespierre demanda l’ajournement de l’impression qui fut néanmoins votée.

Le 18 décembre, aux Jacobins, Isnard qui préside agite une épée que la Société a reçue et qui doit récompenser le premier général français qui terrassera un ennemi de la Révolution. Il déclare que cette épée sera toujours victorieuse. Robespierre proteste contre ces démonstrations qui suscitent l’enthousiasme et troublent la discussion. Couthon ramène la Société à l’ordre du jour : la guerre. Rœderer parle d’abord en sa faveur. Puis Robespierre prononce son premier grand discours contre la guerre, qui est décrété d’impression. Après lui, Sillery parle pour la guerre, et Brissot obtient de répondre à Robespierre dans une prochaine séance.

Discours de Maximilien Robespierre, sur le parti que l’Assemblée Nationale doit prendre relativement à la proposition de guerre, annoncée par le pouvoir exécutif, prononcé à la Société le 18 décembre 1791.

Messieurs,

La guerre ! s’écrient la cour et le ministère, et leurs innombrables partisans. La guerre ! répète un grand nombre de bons citoyens, mus par un sentiment généreux, plus susceptibles de se livrer à l’enthousiasme du patriotisme, qu’exercés à méditer sur les ressorts des révolutions et sur les intrigues des cours. Qui osera contredire ce cri imposant ? Personne, si ce n’est ceux qui sont convaincus qu’il faut délibérer mûrement, avant de prendre une résolution décisive pour le salut de l’état, et pour la destinée de la constitution, ceux qui ont observé que c’est à la précipitation et à l’enthousiasme d’un moment que sont dues les mesures les plus funestes qui aient compromis notre liberté, en favorisant les projets, et en augmentant la puissance de ses ennemis, qui savent que le véritable rôle de ceux qui veulent servir leur patrie, est de semer dans un temps pour recueillir dans un autre, et d’attendre de l’expérience le triomphe de la vérité.

Je ne viens point caresser l’opinion du moment, ni flatter la puissance dominante ; je ne viens point non plus prêcher une doctrine pusillanime, ni conseiller un lâche système de faiblesse et d’inertie ; mais je viens développer une trame profonde que je crois assez bien connaître. Je veux aussi la guerre, mais comme l’intérêt de la nation la veut : domptons nos ennemis intérieurs, marchons ensuite contre nos ennemis étrangers, si alors il en existe encore.

La cour et le ministère veulent la guerre, et l’exécution du plan qu’ils proposent ; la nation ne refuse point la guerre, si elle est nécessaire pour acheter la liberté : mais elle veut la liberté et la paix, s’il est possible, et elle repousse tout projet de guerre proposé pour anéantir la liberté et la constitution, même sous le prétexte de les défendre.

C’est sous ce point de vue que je vais discuter la question. Après avoir prouvé la nécessité de rejeter la proposition ministérielle, je proposerai les véritables moyens de pourvoir à la sûreté de l’état et au maintien de la constitution.

Quelle est la guerre que nous pouvons prévoir ? Est-ce la guerre d’une nation contre d’autres nations, ou d’un roi contre d’autres rois ? Non. C’est la guerre des ennemis de la révolution française contre la révolution française. Les plus nombreux, les plus dangereux de ces ennemis sont-ils à Coblentz ? Non, ils sont au milieu de nous. Pouvons-nous craindre raisonnablement d’en trouver à la cour et dans le ministère ? Je ne veux point résoudre cette question ; mais puisque c’est à la cour et au ministère que la guerre permettrait la direction suprême des forces de l’état et les destins de la liberté, il faut convenir que la possibilité seule de ce malheur doit être mûrement pesée dans les délibérations de nos représentants.

Quand nous touchons visiblement au dénouement de toutes les trames funestes ourdies contre la constitution, depuis le moment où ses premiers fondements furent posés jusqu’à ce jour, il est temps sans doute de sortir d’une si longue et si stupide léthargie, de jeter un coup d’œil sur le passé, de le lier au présent, et d’apprécier notre véritable situation.

La guerre est toujours le premier vœu d’un gouvernement puissant qui veut devenir plus puissant encore. Je ne vous dirai pas que c’est pendant la guerre que le ministère achève d’épuiser le peuple et de dissiper les finances, qu’il couvre d’un voile impénétrable ses déprédations et ses fautes ; je vous parlerai de ce qui touche plus directement encore le plus cher de nos intérêts. C’est pendant la guerre que le pouvoir exécutif déploie la plus redoutable énergie, et qu’il exerce une espèce de dictature qui ne peut qu’effrayer la liberté naissante ; c’est pendant la guerre que le peuple oublie les délibérations qui intéressent essentiellement ses droits civils et politiques, pour ne s’occuper que des événements extérieurs, qu’il détourne son attention de ses législateurs et de ses magistrats, pour attacher tout son intérêt et toutes ses espérances à ses généraux et à ses ministres, ou plutôt aux généraux et aux ministres du pouvoir exécutif. C’est pour la guerre qu’ont été combinées, par des nobles et par des officiers militaires, les dispositions trop connues de ce code nouveau qui, dès que la France est censée en état de guerre, livre la police de nos villes frontières aux commandants militaires, et fait taire devant eux les lois qui protègent les droits des citoyens [décrets des 5 juillet et 30 1791]. C’est pendant la guerre que la même loi les investit du pouvoir de punir arbitrairement les soldats. C’est pendant la guerre que l’habitude d’une obéissance passive, et l’enthousiasme trop naturel pour les chefs heureux, fait, des soldats de la patrie, les soldats du monarque ou de ses généraux. Dans les temps de troubles et de factions, les chefs des armées deviennent les arbitres du sort de leur pays, et font pencher la balance en faveur du parti qu’ils ont embrassé. Si ce sont des César ou des Cromwell, ils s’emparent eux-mêmes de l’autorité. Si ce sont des courtisans sans caractère, nuls pour le bien, mais dangereux lorsqu’ils veulent le mal, ils reviennent déposer leur puissance aux pieds de leur maître, et l’aident à reprendre un pouvoir arbitraire, à condition d’être ses premiers valets.

A Rome, quand le peuple, fatigué de la tyrannie et de l’orgueil des patriciens, réclamait ses droits par la voix des tribuns, le sénat déclarait la guerre ; et le peuple oubliait ses droits et ses injures pour voler sous les étendards des patriciens, et préparer des pompes triomphales à ses tyrans. Dans les temps postérieurs, César et Pompée faisaient déclarer la guerre pour se mettre à la tête des légions, et revenaient asservir leur patrie avec les soldats qu’elle avait armés. Vous n’êtes plus que les soldats de Pompée, et non ceux de Rome, disait Caton aux Romains qui avaient combattu, sous Pompée, pour la cause de la république. La guerre perdit la liberté de Sparte, dès qu’elle porta ses armes loin de ses frontières. La guerre, habilement provoquée et dirigée par un gouvernement perfide, fut l’écueil le plus ordinaire de tous les peuples libres.

Ce n’est point ainsi que raisonnent ceux qui, impatiens d’entreprendre la guerre, semblent la regarder comme la source de tous les biens ; car il est bien plus facile de se livrer à l’enthousiasme que de consulter la raison. Aussi croit-on déjà voir le drapeau tricolore planté sur le palais des empereurs, des sultans, des papes et des rois : ce sont les propres expressions d’un écrivain patriote, qui a adopté le système que je combats. D’autres assurent que nous n’aurons pas plutôt déclaré la guerre, que nous verrons s’écrouler tous les trônes à la fois. Pour moi, qui ne puis m’empêcher de m’apercevoir de la lenteur des progrès de la liberté en France, j’avoue que je ne crois pont encore à celle des peuples abrutis et enchaînés par le despotisme. Je crois autant que personne aux prodiges que peut opérer le courage d’un grand peuple qui s’élance à la conquête de la liberté du monde ; mais quand je fixe les yeux sur les circonstances réelles où nous sommes ; lorsqu’à la place de ce peuple je vois la cour, et les serviteurs de la cour ; lorsque je ne vois qu’un plan imaginé, préparé, conduit par des courtisans ; lorsque j’entends débiter avec emphase toutes ces déclamations sur la liberté universelle, à des hommes pourris dans la fange des cours, qui ne cessent de la calomnier, de la persécuter dans leur propre pays ; alors je demande au moins que l’on veuille bien réfléchir sur une question de cette importance.

Si la cour et le ministère ont intérêt à la guerre, vous allez voir qu’ils n’ont rien négligé pour nous la donner.

Quel était le premier devoir du pouvoir exécutif ? N’était-ce pas de commencer par faire tout ce qui était en lui pour la prévenir ? Qui peut douter que si sa fidélité à la constitution eût été clairement manifestée à ses amis, à ses partisans, aux parents du roi, aucun d’eux n’eût conçu le projet de faire la guerre à la nation française, qu’aucun petit prince d’Allemagne, qu’aucune puissance étrangère n’eût été tentée de les protéger ? Mais qu’a-t-il fait pour les contenir ? Il a favorisé pendant deux années les émigrations et l’insolence des rebelles. Qu’ont fait les ministres, si ce n’est de porter des plaintes amères à l’Assemblée sur toutes les précautions que la juste défiance des municipalités et des corps administratifs avait prises pour mettre une digue au torrent des émigrations et de l’exportation de nos armes et de notre numéraire ? Qu’ont fait leurs partisans déclarés dans l’Assemblée constituante, si ce n’est de s’opposer de toutes leurs forces à toutes les mesures proposées pour les arrêter ? N’est-ce pas le pouvoir exécutif qui, sur la fin de cette assemblée, a provoqué, par sa recommandation expresse, et obtenu par le crédit de ses affidés, la loi qui les a encouragées et portées à l’excès, en leur accordant à la fois la liberté la plus illimitée, et la protection la plus éclatante [décret du 14 septembre 1791] ? Qu’a-t-il fait lorsque l’opinion publique, réveillée par l’excès du mal, l’a forcé à rompre le silence sans le tirer de son inaction ? De vaines lettres où respire l’affection la plus tendre et la plus vive reconnaissance, où on réprimande les factions du ton le plus encourageant ; des proclamations ambiguës, où les conspirateurs armés contre la patrie, où les chefs militaires transfuges sont traités avec une indulgence et un intérêt qui contraste singulièrement avec les signes de ressentiment et de colère prodigués par les ministres aux citoyens et aux députés du peuple les plus zélés pour la cause publique, mais qui répond parfaitement au zèle avec lequel les rebelles se déclarent les champions de la noblesse et de la cour. A-t-on pu obtenir des ministres qu’ils remplaçassent les officiers déserteurs, et que la patrie cessât de payer les traîtres qui méditaient de déchirer son sein ? À l’égard des puissances étrangères, que signifie d’abord ce secret impénétrable que le ministre Montmorin affecte avec l’Assemblée nationale ? Ensuite le départ du roi ; ensuite cette comédie ridicule, où on fait rendre à tous ces princes des réponses équivoques, et toutes contraires aux droits de la souveraineté nationale, trop grossièrement concertées avec la cour et les Tuileries ? Que signifie encore cette presque certitude de leurs intentions pacifiques que donne le même ministre, au moment où il s’agissait de laisser libre cours aux émigrations ? Ensuite la déclaration de leurs desseins hostiles, et ces proclamations menaçantes, et des confidences publiques que se font les cours impériales et les princes d’Allemagne de leurs projets sur la France ; et le départ du ministre équivoque et mystérieux, qui se retire sans rendre aucun compte, au moment où la défiance de la nation entière semble enfin si éveillée sur sa conduite. Enfin la nouvelle législature, cédant au cri général de la nation, prend des mesures sages et nécessaires pour éteindre le foyer de la rébellion et de la guerre, pour dissiper et punir les rebelles ; elles sont annulées par le veto royal [décret du 9 novembre 1791. Ndla] ; on substitue à la volonté générale de bénignes et inconstitutionnelles proclamations, qui ne peuvent en imposer à ceux qui se déclarent les défenseurs de l’autorité royale. Ensuite on propose de déclarer la guerre [le 14 décembre 1791. Ndla]. Une loi qui ôte des appointements et des fonctions publiques à des traîtres armés contre la patrie ; une loi qui montre à des chefs de conspiration un châtiment tardif, s’ils ne rentrent pas dans le devoir ; cette loi, qui fait grâce à des crimes déjà commis, parait trop dure et trop cruelle ; et pour leur épargner cette disgrâce, on aime mieux attirer sur la nation toutes les calamités de la guerre. Quelle clémence, juste ciel ! et quelle humanité ! Comment croire, après cela, que c’est contre eux que cette guerre sera dirigée ?

Avant de la proposer, il fallait non seulement faire tous ses efforts pour la prévenir, mais encore user de son pouvoir pour maintenir la paix au-dedans ; et les troubles éclatent de toutes parts ; et c’est la cour, c’est le ministère qui les fomente.

Les prêtres séditieux sont les auxiliaires et les alliés des rebelles transfuges ? l’impunité dont ils jouissent, les encouragements qu’ils reçoivent, la malveillance qui abandonnait ou persécutait les prêtres constitutionnels, commençait à allumer le flambeau de la discorde et du fanatisme : un décret [29 novembre 1791.] provoqué par le salut public allait réprimer ceux qui troublaient l’ordre public au nom du ciel ; mais vous les couvrez de votre égide ; vous présentez d’une main la déclaration de la guerre, de l’autre le veto [du 19 décembre 1791] qui anéantit cette loi nécessaire, et vous nous préparez à la fois à la guerre étrangère, civile et religieuse.

A quels signes plus certains peut-on reconnaître une trame ourdie par les ennemis de notre liberté ? Il faut achever de la développer, en déterminant avec plus de précision son véritable objet.

Veulent-ils ensanglanter la France, pour rétablir l’ancien régime dans toute sa difformité ? Non, ils savent bien qu’une telle entreprise serait trop difficile ; et les chefs de la faction dominante n’ont aucun intérêt de faire revivre ceux des abus de l’ancien régime qui les contrariaient. Ils ne veulent, dans l’état actuel des choses, d’autres changements que ceux qu’exigent leur intérêt personnel et leur ambition. Ce projet n’est plus un mystère pour ceux qui ont observé avec quelque attention la conduite et les discours des agents de cette cabale, pour ceux qui les ont entendu insinuer depuis longtemps, que pour obtenir la paix et rapprocher les partis, il ne s’agirait que de transiger, comme de rétablir la noblesse et d’établir une chambre haute, composée de nobles, et même d’hommes des communes, à qui le roi conférerait la noblesse en les y admettant. Et pourquoi, en effet, le peuple montrerait-il beaucoup de répugnance pour ces modifications de l’acte constitutionnel ? Que lui importe que l’autorité suprême soit partagée entre le monarque et la noblesse ? Il est vrai que les principes de l’égalité seront anéantis ; il est vrai qu’avec le despotisme et l’aristocratie ressuscités sous d’autres formes, renaîtront toutes les injustices et tous les abus qui oppriment un peuple avili ; il est vrai que les premières bases de la constitution étant renversées, et le patriotisme terrassé par cette honteuse défaite, l’esprit public et la liberté sont nécessairement perdus. Mais enfin, en ne lui présentant d’abord que des articles qui ne paraîtront pas compromettre directement son existence, en paraissant même lui garantir quelques avantages particuliers, tels que la suppression de quelques monstruosités féodales et des dîmes, on espère qu’il se prêtera d’autant plus facilement à cette infâme composition, qu’on aura pris soin de le ruiner, de le décourager, de l’affamer par l’accaparement du numéraire, des subsistances et par tous les moyens que l’aristocratie n’a cessé de prodiguer depuis le commencement de cette révolution. Cependant, pour arriver à ce but, du point où on était, il y avait un grand intervalle à franchir ; il fallait, au dehors, des menaces de guerre et une armée de contre-révolutionnaires, pour transiger avec eux ; il fallait au dedans un parti puissant pour donner aux rebelles une importance qu’ils n’auraient jamais eue, en divisant la nation et en préparant le succès de leurs projets perfides. De là la protection accordée par le ministère aux contre-révolutionnaires, et sa conduite ténébreuse concertée avec les puissances étrangères : de là, d’un autre côté, le système suivi de mettre dans l’exécution des décrets une lenteur meurtrière, de montrer en tout une prédilection coupable pour les ennemis hypocrites ou déclarés de la constitution, qui les encourageait à se rallier contre la liberté ; de là cette affectation à prendre sous sa sauvegarde les intérêts des prêtres factieux, d’abord faibles et impuissants ; de là cet arrêté du département de Paris, appuyé et converti en loi par le parti ministériel de l’Assemblée constituante, qui, en offrant aux prêtres réfractaires des églises, en les invitant à reprendre leurs fonctions, divisa le peuple entre les anciens et les nouveaux pasteurs ; de là cet autre arrêté des membres du même directoire, connu par sa complaisance pour la cour, qui défend ouvertement la cause des prêtres séditieux contre l’Assemblée nationale même, et contre le vœu de tous les patriotes ; de là la conduite de plusieurs corps administratifs qui ont déjà ensanglanté la patrie, et fait triompher le fanatisme et l’aristocratie dans plusieurs contrées, par leur partialité déclarée en faveur de ces mêmes prêtres ; de là cette lettre perfide écrite par le ministre Lessart à tous les départements, pour y attiser le feu des dissensions religieuses et politiques, dans le temps même où on se proposait de nous donner la guerre étrangère, sous le prétexte de consulter le vœu du peuple sur le décret rendu par ses représentants, démarche inconstitutionnelle et dangereuse qui serait déjà punie comme un crime de lèse-nation dans un pays où les crimes ministériels pourraient être punis. Pour assurer le projet de cette négociation que l’on se propose d’arracher, au milieu des troubles, à la lassitude de la nation, il fallait encore avilir l’Assemblée nationale législative, afin de disposer la nation à adopter le système aristocratique des deux chambres, en la dégoûtant de la représentation actuelle. Pour l’avilir, ce n’était point assez de la faire calomnier par tous les échos du ministère et des intrigants de l’ancienne législature, qui en sont les conseils et les complices ; il fallait faire en sorte qu’elle parût s’avilir elle-même, par l’influence de ce parti national qu’elle recèle dans son sein, qui tantôt lui arrache la révocation de ses plus patriotiques décrets, tantôt l’outrage dans ses membres les plus zélés pour la cause publique, et toujours la livre à un tumulte indécent, dont les députés de la noblesse et du clergé n’auraient osé donner l’exemple dans la première législature ; il fallait fermer ces comités criminels où les vils agents de la cour vont méditer chaque jour régulièrement les moyens de porter le lendemain de nouveaux coups à la liberté ; et vous savez si l’on y a réussi.

Sans doute, il suffit à la nation de voir une trame coupable, pour deviner que le but ne peut qu’en être funeste ; et en divulguant ici le projet favori des ennemis de la liberté, je les place dans la situation la plus favorable ; car ce projet, tout coupable qu’il est, n’est pas plus effrayant que cette contre-révolution complète dont les forcenés, qui ne sont point initiés, ont l’extravagance de nous menacer. Cependant j’ai cru devoir à la nation, dans la plus décisive de toutes les crises, la publication de tout ce qu’une douloureuse expérience et des indices frappants m’ont appris des projets de ses ennemis. Je jure, par la liberté, que moi et plusieurs autres avons entendu des membres ci-devant nobles, qui prétendaient au titre de patriotes, proposer cette idée de chambre haute et de négociation avec les émigrants ; je jure que telle était l’opinion qu’avaient de leur dessein les députés connus par leur attachement invariable aux premiers principes de la constitution.

On peut se rappeler que M. Pétion, dans sa lettre à ses commettants, et à l’époque la plus désastreuse de la révolution, annonçait d’avance à la nation ce projet coupable de la coalition qui déshonora les derniers temps de la première législature. Ce projet était celui de ce qu’on appelait la minorité de la noblesse presque entière, qui aurait démenti toutes ses habitudes et toute son éducation, si elle n’avait pas spéculé sur la révolution de la France, comme elle spéculait sur les révolutions de la cour. C’était celui des nobles fondateurs du club de 1789 ; c’était celui de ces ci-devant nobles et de ces ci-devant patriotes, qui ont si longtemps édifié cette société même par les sublimes élans de leur patriotisme ; celui de tous les hommes de cette caste, qui ont cru qu’il valait mieux poursuivre la fortune en France, au sein des troubles et des intrigues, que de l’aller chercher à Coblentz. Déjà la partie de cette faction qui agitait l’Assemblée constituante, tout en reconnaissant les principes généraux de l’égalité, a préparé, autant que les circonstances le permettaient, l’exécution de ce projet, par l’altération des décrets constitutionnels. Elle l’eut avancée beaucoup plus, si elle avait pu vaincre l’opiniâtreté de quelques hommes qu’il était impossible de forcer à un accommodement sur les droits du peuple, et s’il n’avait fallu du temps pour fortifier les ennemis intérieurs et extérieurs de la constitution. Doutez-vous encore que le gouvernement veuille porter atteinte à la constitution ? Je vais vous en donner une démonstration complète. Si le ministère veut la constitution telle qu’elle est, pourquoi donc s’est-il formé, sous ses auspices, un parti dit ministériel, qui déclare une guerre ouverte aux patriotes ? Puisque les patriotes, aujourd’hui que la constitution est terminée, ne demandent autre chose que l’exécution fidèle des lois nouvelles, puisque tel est l’objet unique de leur surveillance, de leurs sollicitudes, de leurs continuelles réclamations, le ministère et ses partisans doivent être d’accord avec eux, et il ne doit y avoir qu’un seul parti parmi ceux qui se disent patriotes et défenseurs de la constitution. Pourquoi donc voyons-nous ces ministériels poursuivre les autres avec une animosité que ne montrent pas même les aristocrates déclarés ? Pourquoi l’Assemblée législative, qui ne renferme aucun député de corporations privilégiées, composée d’hommes qui ont tous juré de maintenir la constitution, présente-t-elle l’aspect de deux armées ennemies plutôt que du sénat de la France ? Pourquoi une portion des représentants veulent-ils anéantir eux-mêmes l’Assemblée dont ils sont membres ? Pourquoi cette même faction s’applique-t-elle avec un acharnement atroce, à calomnier et à dissoudre les sociétés des amis de la constitution ? Tous ces gens-là ne veulent donc pas la constitution telle qu’elle est ; ils ne veulent pas une représentation nationale unique, fondée sur l’égalité des droits ? Or puisqu’ils se rallient ouvertement sous l’étendard de la cour et du ministère, puisque c’est la cour et le ministère qui les inspirent, qui les caressent et qui les emploient, il est donc clair que la cour et le ministère veulent, sinon renverser, au moins changer la constitution. Or, quel peut être ce changement, si ce n’est quelque chose de semblable du moins à ce projet de transaction que je vous ai indiqué ? Mais concevez-vous que la cour puisse adopter une mesure aussi décisive que la guerre, sans la rapporter à l’exécution de son système favori ? Non. La cour vous tend donc un piège en vous la proposant : ce piège est si visible, que tous les patriotes qui ont adopté le système que je combats, ont eu besoin de se rassurer eux-mêmes en se persuadant que la cour ne voulait pas sérieusement la guerre, qu’elle cherchait les moyens de s’en dispenser, après l’avoir proposée.

Mais quand je n’aurais pas prouvé le contraire par tout ce que je viens de dire, ne suffit-il pas de voir tous les moyens qu’elle emploie pour diriger l’opinion publique vers ce parti ? Ne suffit-il pas d’entendre tous ces cris de guerre que pousse à la fois tous les ministériels, tous les écrivains périodiques qui lui sont vendus, de lire les pamphlets prodigués contre ceux qui défendent l’opinion contraire ? Ne suffit-il pas de se rappeler qu’au sein même de l’Assemblée nationale, le ministre de la guerre s’est permis [le 14 décembre 1791] d’accuser les patriotes qui ne la veulent pas, pour voir qu’elle s’est mise dans l’impossibilité de ne point la faire ? La cour l’a toujours voulue ; elle la veut encore : mais elle voulait attendre le moment favorable qu’elle préparait pour la déclarer, et vous la donner de la manière la plus convenable pour ses vues ; il fallait attendre que les émigrations eussent grossi les forces rebelles, et que les puissances étrangères eussent concerté leurs mesures à cet égard ; il a fallu parer ensuite le décret sévère qui eût pu décourager et flétrir les émigrés ; mais en même temps il fallait se donner bien garde de les laisser les premiers attaquer nos frontières, car après les plaintes qui s’étaient élevées de toutes parts sur la conduite du ministre de la guerre [Duportail], après la dernière marque de protection donnée aux émigrés, la nation lui aurait imputé cette attaque ; elle aurait reconnu la perfidie ; et dans les transports de son indignation, elle eût déployé une énergie qui l’eût sauvée. Il fallait avoir l’air de provoquer ensuite, par une vaine proclamation, la vengeance nationale contre ces mêmes hommes que l’on protégeait même contre la juste sévérité des lois ; il fallait avoir la guerre, et en même temps la confiance de la nation, qui pouvait donner les moyens de la diriger impunément vers le but de la cour. Mais pour couvrir ce qu’un changement si brusque et une conduite si contradictoire, en apparence, pouvaient présenter de suspect, la bonne politique exigeait que l’on fît solliciter la démarche décisive par l’Assemblée nationale. On a déjà préparé ce coup, en faisant provoquer, par des députés ministériels, le message que l’Assemblée législative trompée a envoyé au roi [le 29 novembre], en abandonnant ses propres principes pour entrer, sans s’en apercevoir, dans le plan de la cour. Elle a voulu encore, que les citoyens eux-mêmes parussent devancer son propre vœu ; et en même temps qu’elle refusait des armes aux gardes nationales, elle mettait tout en œuvre pour faire désirer la guerre à la nation ; il n’est pas même de petits moyens qu’elle n’ait employés pour exciter l’enthousiasme dont elle avait besoin ; témoin les fausses nouvelles qu’elle a répandues ; témoin les orateurs même introduits avec affection, dans ce moment suspect, à la barre de l’Assemblée.

Mais reconnaissons de sang-froid notre situation : voyez la nation divisée en trois partis ; les aristocrates, les patriotes, et ce parti mitoyen, hypocrite, qu’on nomme ministériel. Les premiers seuls n’étaient point à craindre, et la liberté était établie, quand les intrigants qui s’étaient cachés sous le masque du patriotisme, vinrent se jeter entre eux et le peuple, pour établir un système aristocratique analogue à leurs intérêts personnels. La cour et le ministère après s’être ouvertement déclaré pour les aristocrates, semble avoir adopté les formes et les projets de cette tourbe machiavélique. C’est peut-être un problème si ses chefs sont actuellement d’accord en tout avec les chefs du parti aristocratique ; mais ce qui est certain, c’est que les aristocrates étant trop faibles par eux-mêmes pour renverser entièrement l’ouvrage de la révolution, se trouveront tôt ou tard assez heureux d’obtenir les avantages de la composition que les autres leur préparent, et qu’ils sont naturellement portés, par leur intérêt, à se liguer avec eux contre la cause du peuple et des patriotes. Quels sont leurs moyens pour parvenir à ce but ? La puissance des prêtres et de la superstition, la puissance non moins grande des trésors accumulés entre les mains de la cour ; l’incivisme d’un grand nombre de corps administratifs, la corruption d’une multitude de fonctionnaires publics, les progrès de l’idolâtrie et de la division, du modérantisme, de la pusillanimité, du ministérialisme au sein même de l’Assemblée nationale ; les intrigues de tous les chefs de cette faction innombrable, qui, cachant leurs vues secrètes sous le voile même de la constitution, rallient à leur système tous les hommes faibles, à qui on persuade que leur repos est attaché à la docilité avec laquelle on souffrira que les lois et la liberté soient sans cesse impunément attaquées ; tous les égoïstes favorisés de la fortune qui, aimant assez de la constitution, ce qui les égalait à ceux qui étaient au-dessus d’eux, ne peuvent consentir à reconnaître des égaux dans ceux qu’ils regardaient comme leurs inférieurs.

Législateur patriote [Brissot], à qui je réponds en ce moment, quelles précautions proposez-vous pour prévenir ces dangers, et pour combattre cette ligue ? Aucune. Tout ce que vous avez dit pour nous rassurer se réduit à ce mot : “Que m’importe ! la liberté triomphera de tout”. Ne dirait-on pas que vous n’êtes point chargés de veiller pour assurer ce triomphe, en déconcertant les complots de ses ennemis ? La défiance, dites-vous, est un état affreux ! beaucoup moins affreux, sans doute, que la stupide confiance qui nous a causé tous nos embarras et tous nos maux, et qui nous mène au précipice. Législateurs patriotes, ne calomniez point la défiance ; laissez propager cette doctrine perfide à ces lâches intrigants qui en ont fait jusqu’ici la sauvegarde de leurs trahisons ; laissez aux brigands qui veulent envahir et profaner le temple de la liberté, le soin de combattre les dragons redoutés qui en défendent l’entrée. Est-ce à Manlius à trouver importuns les cris des oiseaux sacrés qui doivent sauver le capitole ? La défiance, quoi que vous puissiez dire, est la gardienne des droits du peuple ; elle est au sentiment profond de la liberté, ce que la jalousie est à l’amour. Législateurs nouveaux, profitez du moins de l’expérience de trois années d’intrigues et de perfidie ; songez que si vos devanciers avaient senti la nécessité de cette vertu, votre tâche serait beaucoup moins difficile à remplir ; sans elle, vous êtes aussi destinés à être le jouet et la victime des hommes les plus vils et les plus corrompus, et craignez que de toutes les qualités nécessaires pour sauver la liberté, celle-là ne soit la seule qui vous manque.

Si on nous trahit, a dit encore le député patriote que je combats, le peuple est là. Oui, sans doute ; mais vous ne pouvez ignorer que l’insurrection que vous désignez ici, est un remède rare, incertain, extrême. Le peuple était là, dans tous les pays libres, lorsque, malgré ses droits et sa toute-puissance, des hommes habiles, après l’avoir endormi un instant, l’ont enchaîné pour des siècles. Il était là, lorsqu’au mois de juillet dernier son sang coula impunément au sein même de cette capitale ; et par quel ordre (1) ? Le peuple est là ; mais vous, représentants, n’y êtes-vous pas aussi ? Et qu’y faites-vous, si au lieu de prévoir et de déconcerter les projets de ses oppresseurs, vous ne savez que l’abandonner au droit terrible de l’insurrection, et au résultat du bouleversement des empire ? Je sais qu’il peut se rencontrer des circonstances heureuses où la foudre peut partir de ses mains pour écraser les traîtres ; mais au moins faut-il qu’il ait pu découvrir à temps leur perfidie. Il ne faut donc pas l’exhorter à fermer les yeux, mais à veiller ; il ne faut pas souscrire aveuglément à tout ce que proposent ses ennemis, et leur remettre le soin de diriger le cours et de déterminer le résultat de la crise qui doit décider de sa perte ou de son salut. Voilà cependant ce que vous faites, en adoptant les projets de guerre que vous présente le ministère. Connaissez-vous un peuple qui ait conquis sa liberté, en soutenant à la fois une guerre étrangère, domestique et religieuse, sous les auspices du despotisme qui la lui avait suscitée, et dont il voulait restreindre la puissance ? Certes, ce problème politique et moral ne sera point résolu de longtemps, et cependant vous avez prétendu le résoudre par des espérances vagues et par l’exemple de la guerre d’Amérique, lorsque cet exemple seul suffit pour mettre dans le plus grand jour la légèreté de vos décisions politiques. Les Américains avaient-ils à combattre au-dedans le fanatisme et la trahison, au-dehors une ligue armée contre eux par leur propre gouvernement ? Et parce que secondés par un allié puissant, guidé par Washington, secondés par les fautes de Cornwallis, ils ont triomphé non sans peine, du despote qui leur faisait une guerre ouverte, s’ensuit-il qu’ils auraient triomphés, gouvernés par les ministres et conduit par le général de George III ? J’aimerais autant que l’on me dît que pour assurer la liberté, il était indifférent que leurs efforts fussent dirigés par Brutus ou par Arons, par les consuls de Rome ou par les fils de Tarquin.

Si nous devons être trompés ou trahis, dites-vous, autant vaut déclarer la guerre que de l’attendre. Premièrement, ce n’est point-là le véritable état de la question que je veux résoudre, car mon système ne tend pas simplement à attendre la guerre, mais à l’étouffer. Mais comme je veux renverser toutes les bases de votre doctrine, je vais prouver, en deux mots, que le salut de la liberté ordonnerait que l’on attende la guerre, plutôt que d’adopter la proposition déjà faite par le ministère.

Dans le cas d’une trahison supposée, il ne reste qu’une seule ressource à la nation, comme vous l’avez bien prévu ; c’est l’explosion salutaire et subite de l’indignation du peuple français et l’attaque seule de votre territoire l’eût offerte, puisque alors, comme je l’ai déjà observé, les Français réveillés tout à coup de leur léthargique confiance, eussent défendu leur liberté contre leurs ennemis, par des prodiges de courage et d’énergie ; le gouvernement, l’aristocratie l’avait bien prévu ; ils ont voulu conjurer l’orage que les menaces du patriotisme leur avaient annoncé ; ils ont bien senti que les ministres et la cour eussent l’air de vouloir diriger eux-mêmes la foudre contre nos ennemis, afin que, redevenu l’objet de l’enthousiasme et de l’idolâtrie, le pouvoir exécutif pût exécuter à loisir et sans obstacle le plan funeste dont j’ai parlé. C’est alors que tout citoyen éclairé et énergique, qui oserait appeler le soupçon sur un ministre, un général, sera dénoncé par la faction dominante, comme un ennemi de l’état ; c’est alors que les traîtres ne cesseront de réclamer, au nom du salut public, cette confiance aveugle et cette modération meurtrière, qui a jusqu’ici assuré l’impunité de tous les conspirateurs ; c’est alors que partout la raison et le patriotisme seraient forcés de se taire devant le despotisme militaire, et devant l’audace des factions.

Ce n’est pas tout, quand est-ce que des hommes libres ou qui veulent l’être, peuvent déployer toutes les ressources que donne une pareille cause ? C’est lorsqu’ils combattent chez eux, pour leurs foyers, aux yeux de leurs concitoyens, de leurs femmes et de leurs enfants. C’est alors que toutes les parties de l’état peuvent venir pour ainsi dire à chaque instant, au secours les uns des autres, et par la force de l’union comme par celle du courage, réparer une première défaite et balancer tous les avantages de la discipline et de l’expérience des ennemis. C’est alors que tous les chefs forcés d’agir sous les yeux de leurs concitoyens, ne peuvent trahir ni avec succès, ni avec impunité : tous ces avantages sont perdus, dès qu’on porte la guerre, loin des regards de la patrie, dans un pays étranger, et le champ le plus libre est ouvert aux manœuvres les plus funestes et les plus ténébreuses : ce n’est plus la nation entière qui combat pour elle-même, c’est une armée, c’est un général qui décide du destin de l’état. D’un autre côté, en portant la guerre au-dehors, vous mettez toutes les puissances ennemies dans la position la plus favorable pour vous la faire ; vous leur fournissez le prétexte qu’elles cherchaient, si elles la désiraient ; vous les y forcez, si elles ne la voulaient pas. Les plus mal intentionnés auraient au moins hésité à vous déclarer les premiers, sans aucun prétexte plausible, la plus odieuse et la plus injuste de toutes les guerres : mais si vous violez les premiers leur territoire, vous irritez les peuples mêmes de l’Allemagne, à qui vous supposez déjà des lumières et des principes qui n’ont pas encore pu se développer suffisamment chez vous, et chez qui les cruautés exercées dans le Palatinat [sous le règne de Louis XIV] par les généraux français ont laissé des impressions plus profondes que n’auront pu produire encore quelques brochures prohibées, balancées par tous les moyens du gouvernement, et par toute l’influence de ses partisans. Quelle ample matière ne fournissez-vous pas au manifeste du chef et des autres princes de l’empire, pour en réclamer les droits et la sûreté, et pour réveiller d’antiques préjugés et des haines invétérées ? car vous sentez sans doute vous-même qu’il est impossible de regarder comme certains tous les calculs diplomatiques sur lesquels repose la garantie que vous nous donnez des dispositions favorables des princes. Ils renferment au moins deux vices capitaux ; le premier, d’avoir supposé que la conduite des despotes est toujours déterminée par l’espèce d’intérêt politique que vous leur assignez, et non par leurs passions, surtout par la plus impérieuse de toutes les passions, l’orgueil du despotisme et l’horreur de la liberté ; le second, d’avoir prêté à quelques-uns d’entre eux assez de vertus et de philosophie pour mépriser les principes et les préjugés de l’aristocratie française. Je ne crois pas plus à tout cela, qu’aux idées exagérées que vous vous êtes formées de la disposition actuelle de tous les sujets des monarques, à embrasser votre nouvelle constitution. J’espère bien aussi que le temps et des circonstances heureuses amèneront un jour cette grande révolution, surtout si vous ne faites point avorter la nôtre, à force d’imprudence et d’enthousiasme. Mais ne croyez pas si facilement aux prodiges de ce genre, et reconnaissez l’adresse avec laquelle vos ministres et vos ministériels cherchent à abuser contre vous, de votre légèreté et de votre penchant à voir partout ce que vous désirez ; et quelque idée que vous vous soyez formée des intrigues des cours, songez que la vérité sera toujours au-dessus. Quel parti l’Assemblée nationale doit-elle prendre contre le piège visible qu’on lui tend ? Il faut, je ne dis pas attendre la guerre, mais faire ce qui est en notre pouvoir pour nous mettre en état de ne pas la craindre, ou même pour l’étouffer. Si le pouvoir exécutif a fait tout ce qui était en lui pour nous donner la guerre, les représentants de la nation, passés ou présents, sont-ils tout à fait exempts de reproches à cet égard ? Pourquoi sommes-nous réduits maintenant à nous occuper de la guerre extérieure ? C’est parce qu’elle est prête à s’allumer au-dedans ; c’est parce que l’on espère nous surprendre en mauvais état de défense. De quelle cause provient ce double inconvénient ? De la malveillance du ministère, combinée avec la confiance et la faiblesse du corps législatif. Si l’Assemblée montrait, non la fermeté d’un moment, mais une fermeté constante et soutenue contre les conspirateurs du dedans et du dehors ; si elle adoptait, non les mesures hostiles et dangereuses qui ne doivent avoir lieu que de puissance à puissance, mais les mesures du souverain qui punit des rebelles ; si elle faisait tout ce que les principes et le salut public lui ordonnent ; si au lieu de voir chaque ministre, après avoir usé le charlatanisme nécessaire pour éblouir un moment la nation, en la trahissant, céder la place à un successeur destiné à poursuivre l’exécution du même plan, sous un masque nouveau, la nation voyait tomber sous le glaive des lois la tête de ceux qui ont tramé la ruine de leurs pays ; si, accusé par tous les départements de l’empire, convaincu aux yeux de tous ceux qui ont des yeux et quelque patriotisme, le dernier ministre de la guerre donnait un exemple imposant à tous ses semblables ; si, usant des moyens infinis qui sont entre ses mains, pour élever les âmes, pour fortifier et propager l’esprit public, pour s’entourer de la confiance et de l’amour du peuple, elle marquait chacune de ses journées par un bienfait public, par un encouragement donné aux patriotes, par un acte de rigueur qui terrassât le despotisme et l’aristocratie ; si elle forçait toutes les têtes rebelles à ployer sous le joug de la justice, de l’égalité et devant la majesté du peuple, en même temps qu’elle pourvoirait à la sûreté intérieure de l’état, alors vous verriez entrer dans le néant cette ligue insolente dont toute l’audace tient aux ressources que votre faiblesse lui laisse dans l’intérieur de l’empire. Voilà donc les conseils que vous devez lui donner, et que vous devez réaliser autant qu’il est en vous. À Coblentz, dites-vous, à Coblentz ! Comme si les représentants du peuple pouvaient remplir toutes leurs obligations envers lui, en lui faisant présent de la guerre. C’est à Coblentz qu’est le danger ? Non, Coblentz n’est point une seconde Carthage ; le siège du mal n’est point à Coblentz, il est au milieu de nous, il est dans votre sein. Avant de courir à Coblentz, mettez-vous au moins en état de faire la guerre. Est-ce au moment où tout retentit encore des plaintes élevées de toutes les parties de la France, contre le plan formé et exécuté par le ministère, de désarmer vos gardes nationales, de confier le commandement de vos troupes à des officiers suspects, de laisser vos régiments sans chefs, une parties de vos frontières sans défense, en même temps qu’il souffle la discorde au-dedans, que vous devez vous engager dans une expédition dont vous ne connaissez ni le plan, ni les causes secrètes, ni les conséquences ? Eh quoi ! le ministre n’a pas même daigné vous faire part de ses relations avec les puissances étrangères ! il garde un silence mystérieux sur tout ce qu’il vous importe le plus de connaître ! Il n’a pas daigné vous communiquer même les réquisitions qu’il prétend avoir faites, et vous allez entreprendre la guerre, parce qu’un courtisan nouveau, succédant à un autre courtisan, a fait retentir à vos oreilles le jargon constitutionnel dont ses prédécesseurs n’avaient pas été moins prodigues ? Eh ! ne ressemblez-vous pas à un homme qui court incendier la maison de son ennemi, au moment où le feu prend à la sienne ?

Je me résume. Il ne faut point déclarer la guerre actuellement. Il faut avant tout faire fabriquer partout des armes sans relâche ; il faut armer la gardes nationales ; il faut armer le peuple, ne fût-ce que de piques ; il faut prendre des mesures sévères et différentes de celles qu’on a adoptées jusqu’ici, pour qu’il ne dépende pas des ministres de négliger impunément ce qu’exige la sûreté de l’état ; il faut soutenir la dignité du peuple, et défendre ses droits trop négligés. Il faut veiller au fidèle emploi des finances, couvertes encore de ténèbres, au lieu d’achever de les ruiner par une guerre imprudente, à laquelle le système seul de nos assignats serait un obstacle, si on la portait chez les étrangers ; il faut punir les ministres coupables, et persister dans la résolution de réprimer les prêtres séditieux.

Si, en dépit de la raison et de l’intérêt public, la guerre était déjà résolue, il faudrait au moins s’épargner la honte de la faire suivant l’impulsion et le plan de la cour. Il faudrait commencer par mettre en état d’accusation le dernier ministre de la guerre, afin que son successeur comprît que l’œil du peuple est fixé sur lui ; il faudrait commencer par faire le procès aux rebelles, et mettre leurs biens en séquestre, afin que nos soldats ne parussent pas des adversaires qui vont combattre des guerriers armés pour la cause du roi contre une faction opposée : mais des ministres de la justice nationales, qui vont punir des coupables. Mais si, en décidant la guerre, vous ne paraissez qu’adopter l’esprit de vos ministres ; si, au premier aspect du chef du pouvoir exécutif, les représentants du peuple se prosternent devant lui ; s’ils couvrent d’applaudissements prématurés et serviles le premier agent qu’il leur présente ; s’ils donnent à la nation l’exemple de la légèreté, de l’idolâtrie, de la crédulité ; s’ils l’entretiennent dans une erreur dangereuse, en lui montrant le prince ou ses agents comme leurs libérateurs, alors comment espérez-vous que le peuple sera plus vigilant que ceux qu’il a chargé de veiller pour lui, plus dévoués que ceux qui devaient se dévouer pour sa cause, plus sage que les sages mêmes qu’il a choisis ?

Ne nous dites donc plus que la nation veut la guerre. La nation veut que les efforts de ses ennemis soient confondus et que ses représentants défendent ses intérêts : la guerre est à ses yeux un remède extrême dont elle désire être dispensée : c’est à vous d’éclairer l’opinion publique, et il suffit de lui présenter la vérité et l’intérêt général pour les faire triompher. La grandeur d’un représentant du peuple n’est pas de caresser l’opinion momentanée qu’excitent les intrigues des gouvernements, mais que combat la raison sévère, et que de longues calamités démentent. Elle consiste quelquefois à lutter seul, avec sa conscience, contre le torrent des préjugés et des factions. Il doit confier le bonheur public à la sagesse, le sien à sa vertu, sa gloire aux honnêtes gens et à la postérité.

Au reste, nous touchons à une crise décisive pour notre révolution ; de grands événements vont se succéder avec rapidité. Malheur à ceux qui, dans cette circonstance, n’immoleront pas au salut public l’esprit de parti, leurs passions et leurs préjugés mêmes ! J’ai voulu payer aujourd’hui à ma patrie la dernière dettes peut-être que j’avais contractée avec elle. Je n’espère pas que mes paroles soient puissantes en ce moment. Je souhaite que ce ne soit point l’expérience qui justifie mon opinion. Mais dans ce cas-là même, une consolation me restera : je pourrai attester mon pays que je n’aurai point contribué à sa ruine.


Observation de Philippe Landreux, auteur de cet indispensable ouvrage :

"Cette défiance de Robespierre vis-à-vis de la guerre et son opposition aux guerres de conquête ne contribua pas peu à le perdre. C’est elle qui, fin 1791, début 1792, le dressa en premier lieu contre les Girondins qui voulaient à toute force déclarer la guerre à l’empereur d’Autriche et qui parvinrent en effet à plonger la France dans un conflit qui dura près de 20 ans. C’est elle encore qui, au printemps 1794, l’amena à s’opposer à Carnot, son collègue au Comité de salut public, spécialisé dans le domaine militaire, lequel, une fois le territoire national libéré, voulait continuer une guerre de conquêtes et de rapines au lieu d’envisager la paix. Or, si Fouché passe à juste titre pour le principal artisan du complot du 9 thermidor, les robespierristes, eux, regardaient Carnot comme leur pire ennemi."


Post Scriptum :

Voici la liste des discours de Robespierre que l'on peut lire sur l'indispensable ouvrage de Philippe Landeux :

Robespierre & la guerre

  • Premières interventions sur la guerre (28 nov., 11, 12, 14 déc.)
    • La guerre qui convient (28 novembre 1791)
    • Pas de guerre (11 décembre 1791)
    • Le mieux est d’attendre (12 décembre 1791)
    • Sur le droit de discuter de la guerre (14 décembre 1791)
  • Premiers discours contre la guerre (18 décembre 1791)
  • Deuxième discours contre la guerre (2 janvier 1792)
  • Troisième discours contre la guerre (11 janvier 1792)
  • Quatrième discours contre la guerre (25 janvier 1792)
  • Discours sur les moyens de sauver la patrie (10 février 1792)
  • En attendant la guerre
    • Sur Dumouriez (19 mars 1792)
    • Sur le bonnet rouge (19 mars 1792) 

jeudi 17 décembre 2020

17 Décembre 1789 : Gravure de la représentation de la cocarde. Vraiment M. Prudhomme ?

 

Source : Musée Carnavalet
Deux étrangetés.

    Cette gravure est extraite du journal "Les révolutions de Paris" de Monsieur Prudhomme. Son titre est le suivant : « REPRESENTATION DE LA COCARDE NATIONALE dont le relief est blanc sur un fond bleu entouré de rouge. »

Elle comporte deux étrangetés.

1/ La légende nous dit que ladite cocarde a été acceptée par Monsieur Le Marquis De La Fayette le 17 décembre 1789. (C’est la raison pour laquelle je l’affiche sur la page de cette date). Mais pourquoi cette date du 17 décembre, alors que la présentation au roi de la première cocarde a eu lieu le 17 juillet 1789 (en présence de La Fayette)?

2/ J’ai beau regarder et regarder encore, je ne vois pas de cocarde sur cette gravure…

Étonnant, non ? Il y a parfois des surprises de ce genre sur les estampes...

Bailly et La Fayette accueillant Louis XVI à l'Hôtel de Ville

Vérifications infructueuses

    J’ai voulu vérifier dans le journal de Prudhomme. Mais je n’ai rien trouvé, ni dans le numéro de la semaine du 12 au 19, ni dans celui de la semaine du 19 au 26 décembre.

Mystère non résolu.

    Je n'ai pas trouvé de réponses au mystère de cette gravure. Mais c’est une bonne raison pour que vous lisiez ou relisiez mon passionnant article sur le 17 juillet 1789, c’est-à-dire le jour de la cocarde. Vous découvrirez alors que tout ce que l’on vous à dit jusqu’à présent sur les trois couleurs devenues nationale, n’est pas tout à fait vrai !

Cliquez sur la cocarde !

Digression indispensable

Parlons du journal de M. Prudhomme : "Les révolutions de Paris"

1er numéro du journal
en date du 15 juillet 1789
.
    Au cours de mes recherches, j’ai découvert avec grand intérêt les analyses publiées dans ce journal. Dans le numéro de la semaine du 12 au 19, on y explique bien le problème posé par le projet de transformer la caisse d’escompte en caisse nationale. Et dans le numéro suivant, le rédacteur raisonne plutôt brillamment sur le meilleur moyen de faire de bonnes lois, malgré la haine (contre les Juifs), les opinions (contre les comédiens) et les préjugés (contre les bourreaux). On y trouve même abordée la question de la légitimité de la peine de mort.

    Le créateur de ce célèbre journal, et son premier rédacteur, fut un écrivain assez obscur, nommé Tournon. Mais le journal "Les révolutions de Paris" dût son succès à son éditeur, Louis Marie Prudhomme, qui n'en était pourtant que le directeur-propriétaire, et à son principal rédacteur, le jeune et brillant Elisée Loustallot. (Tournon se brouilla assez tôt avec Prudhomme, et il quitta le journal après la publication du n° 15). Grâce au talent de Loustallot, le journal eu rapidement du succès (200.000 lecteurs dès ses début). Loustallot avait pris part à de nombreux événement révolutionnaires. Il défendait tout particulièrement les droits de l'homme et la liberté de la presse. Hélas le malheureux mourut très jeune le 19 septembre 1790, à l'âge de 28 ans.  Parmi les rédacteurs qui succédèrent à Loustallot, figurèrent entre autres, Fabre d'Églantine, Léger-Félicité Sonthonax (abolitionniste réputé), Sylvain Maréchal (Anticlérical) et Pierre-Gaspard Chaumette.


De la bonne façon de faire une bonne législation.

A titre d'exemple sur la qualité des articles de ce journal, je vous propose de lire cet extrait édifiant du numéro relatif à la semaine du 19 au 26 décembre :

Louis Marie Prudhomme

"Il y a trop de lumières répandues dans toute la France, pour que ses législateurs puissent user des fraudes utiles et pieuses des Lycurgue, des Moïse et des Numa. Ce n’est que par la simple et froide raison, par l’évidence du bien, qu’ils peuvent fonder leur ouvrage ; moyen solide, sans doute, mais qui suppose un peuple composé d’hommes également éclairés, également vertueux.

Un tel peuple n’existe point, et n’existera vraisemblablement jamais. Il faut donc faire la constitution pour le peuple puisqu’on ne peut faire le peuple pour la constitution ; doit, à l’exemple de Solon, lui proposer, non pas les meilleurs lois possibles, mais les meilleures qu’il puisse supporter.

L’esprit de législation consiste donc à distinguer les coutumes, les abus, les préjugés que l’on peut attaquer à force ouverte, de ceux qu’il faut miner sourdement. Cet esprit ne suppose pas seulement la connaissance du cœur humain ; il suppose une étude profonde du peuple qui est à constituer.

Préparer des moyens de détruire ses préjugés, et le vices qui lui sont chers, en paraissant s’y accommoder, est la seule magie législative qui soit possible et permise. La conduite et les principes des citoyens, sur lesquels tous les yeux sont fixés, développe bien vite le germe de la sagesse que contient une loi prévoyante."




mardi 15 décembre 2020

16 Décembre 1789 : Publication d'un rapport anonyme défendant l'idéologie raciste des Colons des Antilles.

 

"Les Mortels sont Egaux. Ce N'est pas la Naissance
C'est La Seule Vertu qui Fait La Différence"

Une lâche réponse à l'abbé Grégoire

    En réponse au plaidoyer contre l'esclavage publié en octobre par l’abbé Grégoire, parait ce 16 décembre 1789 un mémoire anonyme qui attaque les idées abolitionistes de l’Abbé Grégoire. Ce document de 68 pages porte en dernière page les initiales P.U.C.P.D.D.L.M. : signe de reconnaissance pour son ou ses auteurs et ceux qui partagent les idées défendues. Quant aux idées défendues dans ce document, elles constituent la compilation des préjugés racistes qui constituent l'idéologie coloniale.

L'abbé Grégoire

Un sujet de société qui fait débat.

    L'esclavage était un système odieux d'oppression et d'exploitation des hommes qui, déjà à l'époque, blessait la sensibilité de nombre de gens. Son abolition faisait même partie de certaines demandes faites au roi dans les cahiers de doléances rédigés pour les Etats GénérauxSon abolition faisant donc débat, aussi bien au travers de la publications de livres que d'articles dans les journaux. 

Article 29 du cahier de doléances du village de Champagney

    En octobre 1789, l’abbé Grégoire, curé d’Embermesnil, député aux Etats-Généraux, puis à l’Assemblée Nationale Constituante, avait publié le Mémoire en faveur des gens de couleur ou sang-mêlés de Saint-Domingue, et des autres iles françaises de l’Amérique, adressé à l’Assemblée nationale. C’était la première grande attaque de ce grand homme contre le préjugé de couleur et contre toute l’idéologie raciste développée par les Colons des Antilles. (Saint-Domingue est l'actuelle Haïti).

    L'esclavage était bien en effet une idéologie, car il constituait toute l'architecture de la société coloniale. La grande majorité des Colons ne pouvait concevoir la possibilité de son abolition. Faute de travailler leurs terres, les Colons travaillaient à justifier l'usage et la perpétuation de ce fléau aussi vieux que l'humanité.

    Certains ouvrages faisaient même montre d'une apparence de "compréhension", simulant même un semblant de pitié à l'égard du sort des esclaves et c'était presqu'à regret qu'ils défendaient malgré tout cette abomination. Comme il est difficile de remettre en question un système établi et encore plus difficile de penser contre ses propres préjugés ! Peu de gens en sont capables ! Les Révolutions sont propices à cela...

"Littérature" esclavagiste.

    J'ai trouvé un bon exemple de ce style de "littérature" avec le texte ci-dessous, extrait des pages 12 à 14 du Recueils de pièces imprimées concernant l'esclavage et la Traite des Noirs, l'île de Tobago, Saint Domingue, 1777-1789. Vous allez mieux comprendre la nature du problème.

    Il s'intitule : "Discours sur l’esclavage des Nègres, et sur l’Idée de leur Affranchissement dans les Colonies. Par un Colon de Saint Domingues."

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97892251

"Les Nègres sont esclaves, et vous demandez qu’on les affranchisse. Mais on ne peut le faire qu’en dépouillant les Colons de leurs propriétés. Je n’ai pas besoin de vous prouver, et vous savez déjà qu’elles doivent être sacrées comme toutes les autres (1). Vous croiriez-vous le droit d’enlever ses charrues à un fermier ? Eh bien, ce sont nos instruments de labourage. – Oh ! Des hommes ! Cela fait frémir ; c’est un abus révoltant qu’il faut extirper. – Citoyen indiscret ! Eh bien ! Je vous dis que la Nation assemblée pourrait seule les anéantir ces propriétés, dans le cas où il serait évident que le maintien de l’esclavage fût contraire à l’équité naturelle et aux intérêts de l’État, et que son extinction pût s’opérer sans une lésion manifeste, et sans danger pour les colons, ainsi que pour l’État lui-même.

(1) Le Dr Schwartz, dans son zèle évangélique, non seulement méconnait cette vérité, mais il prétend que l’on doit envisager les colons comme coupables d’un vrai vol, et à ce moyen étant déchus du droit de réclamer aucune indemnité. Pour être conséquent, il ne manquait plus que de demander qu’ils fussent punis comme voleurs.

Nota : Le Docteur Schwartz évoqué ici était le pseudonyme utilisé par Nicolas de Condorcet pour publier son ouvrage : « Réflexions sur l'Esclavage des Nègres » paru en 1781 (accessible en bas de page).

Quant au premier point, qui serait de satisfaire au vœu de l’humanité blessée par l’esclavage des Nègres, chacun sait, et M. l’abbé Raynal lui-même vous a appris que c’était leur état naturel en Afrique. Or maintenant, si mes lecteurs m’ont bien entendu, et s’ils veulent être conséquents, ils conviendront que les Colons ne sont ni causes, ni responsables de cette servitude qu’ils ont trouvée établie, et qui ne fait que se perpétuer dans leurs mains ; pas plus responsables, pas plus criminels qu’un Citoyen possesseur par héritage ou par acquisition d’une terre qui lui produit 40.000 livres de rente, tandis que le plus grand nombre des habitants de son village peut à peine subsister. A qui faut-il s’en prendre ? Ce serait tout au plus à l’Etat qui a permis, favorisé ou toléré ce commerce, et d’abord, dans cette supposition, à moins de renverser toute l’idée d’ordre et de justice, il faudrait qu’il commençât par rembourser la valeur des Nègres, ce qui ne serait qu’une partie du dédommagement exigible, puisque leurs bras seuls peuvent féconder nos terres. Il faudrait donc essuyer le double inconvénient de payer environ un milliard dont les intérêts seraient un accroissement énorme d’impôts pour la Nation, et d’être privé de tous les avantages que donnent les colonies."

La propriété est sacrée ! 

    Le côté sacré de la propriété, évoqué au premier paragraphe était un argument récurrent dans ce débat relatifs à l'esclavage. J’ai déjà évoqué dans un autre article comment le caractère sacré de la propriété avait empêché nombre de réformes envisagées par Louis XVI.     Selon l’abbé Véri, Louis XVI aurait un jour posé cette question à son ministre Turgot après que celui-ci lui ai fait part de la difficulté de réaliser les réformes indispensable au royaume, tout en restant dans le cadre stricte de la loi et du respect des contrats. (page 379 du journal de l'abbé Véri) :

« Parmi les différents qui arrêtent toute mutation, il y a celui de la probité qui doit respecter la foi publique des contrats. On ne peut pas nier que la résiliation d'un bail attaque cette fidélité des contrats. M. Turgot ne méconnaît pas ce cri de l'équité naturelle. Il ne désavoue pas non plus que résilier un bail sans rendre en écus sonnants les fonds que les fermiers généraux ont donnés en avance au Roi ne soit contraire au premier appel de l'équité. Il convient que remettre le remboursement de ces fonds à des termes éloignés en faisant cesser aujourd'hui leur bail, c'est une injustice très apparente. Mais, en faisant ces aveux, voici ses autres observations, que je ne crois pas inutile de mettre dans toute leur étendue.

« Faisons une supposition, m'a-t-il dit, sur un objet absolument étranger. Le Roi juge utile et juste de supprimer l'esclavage des nègres dans les colonies en remboursant leur valeur aux propriétaires. Il ne peut faire ce remboursement que dans dix ans. Faut-il attendre ces dix ans pour produire un bien si considérable que la justice réclame dès aujourd'hui et qui n'aura peut-être jamais lieu si on le laisse à l'incertitude des événements ?

Du risque à reconnaître une injustice dans une société injuste...

    Reconnaître l'injustice de l'esclavage, c'était aussi le risque de devoir reconnaître l'injustice d'autres modes d'exploitation des êtres humains, eux aussi traditionnels et anciens, découlant des injustices sociales. Quid des riches propriétaires bâtissant leurs fortunes sur la peine des pauvres gens ? Vous rendez-vous compte de l'enjeu ? 

    La propriété était si sacrée, qu'à l'instar de la soi-disant abolition des privilèges, accordée lors de la nuit du 4 août 1789 (sous l'effet de la Grande Peur) qui finalement obligeait les opprimés à racheter leur liberté afin de dédommager les privilégiés ; l'abolition de l'esclavage aurait demandé que les Colons propriétaires d'esclaves fussent eux aussi dédommagés !

Analyse du mémoire anonyme par l'historienne Florence Gauthier

    Je n'ai pu trouver ce mémoire anonyme sur le WEB. En revanche j'ai découvert cette brillante analyse sur le site Open Édition. Florence Gauthier est historienne, spécialiste du XVIIIe siècle, maître de conférences à Paris VII, auteur entre autres de "La voix paysanne dans la Révolution". Ce texte constitue le chapitre 3 de son livre :"L'aristocratie de l'épiderme - Le combat de la société des Citoyens de Couleur, 1789 - 1791."

Vous pouvez accéder à ce texte via la fenêtre ci-dessous :

Je vous conseille bien évidemment d'acheter et lire ce livre !


Une vidéo en noir et blanc sur l'esclavage.

    Au cours de mes recherches, j'ai découvert cette vidéo sur le site de la BNF. Elle dure 26 minutes. Je vous conseille vivement de la regarder. Elle est pour le moins édifiante. Vous allez probablement être choqué par ce que vous allez apprendre.


Sources :

Quelques-uns des livres évoqués :

Le journal de l'abbé Veri.


Le livre de l'abbé Grégoire.


Le livre de Condorcet.


Discours sur l'esclavage des Nègres (défense de l'esclavage)


Bibliothèque de Moreau de Saint Merry :


15 Décembre 1789 : Présentation d'une machine inventée par l'abbé de Mandres (sans vapeur)

 

Bateau à cage d'écureuil
Source

    Voici un article à ma façon, sur un abbé inconnu, mécanicien et inventeur de son état, avec une digression sur les machines à vapeur que j'ai jugée nécessaire... 😉

    Je vous ai déjà parlé des abbés révolutionnaires, distribuant des armes, brandissant le sabre devant la Bastille ou morigénant les riches dans des sermons incendiaires. Mais je ne vous ai pas encore parlé d’abbés mécaniciens inventeurs. C’est le cas de l’abbé Claude-Simon de Mandres, né à Amance en 1728, curé de Donneley, de l’Evêché de Metz. (Aujourd’hui Donnelay dans la Moselle).

    Cet abbé ingénieux consacra probablement plus de temps à la mécanique qu’à ses ouailles. Durant des années, en effet, il ne cessa jamais d’inventer, de perfectionner et de faire la publicité de ses machines. Il y consacra tant de son temps et de son argent qu’il se ruina presque et qu’il sollicita l’Assemblée nationale pour l’obtention d’une pension pour son ouvrier Joseph Girard et lui-même, eut égard à ses investissements durant tant d’années (pétition à l’Assemblée du 18 décembre 1791). Il dû aussi très souvent réclamer l’argent qui lui était dû pour les travaux accomplis par ses machines. Et il eut même à défendre la paternité de ses inventions ! Raison pour laquelle il fut l’un des membres fondateurs de la Société des inventions et découvertes, auprès de laquelle il déposa un brevet d'invention le 28 septembre 1791 pour un "levier-moteur à pédales, au moyen duquel les hommes agissaient à la fois avec le poids du corps et leur force musculaire" (une sorte de cric elliptique).

    Lors de la séance du 13 octobre 1789, six commissaires avaient été nommés pour examiner un mémoire de l’abbé de Mandres concernant une découverte « très intéressante pour les arts et très-utile pour les ports de mer et les villes de guerre. » Le président avait alors désigné Messieurs De Vialis, Bureau de Puzy, Malouët, De Phélines, De Bousmard et le marquis de Vaudreuil.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5169_t1_0415_0000_3


    Ce 15 décembre 1789, lesdits commissaires viennent rendre compte de leur mission devant l’Assemblée.

Présentation d'une machine inventée par l'abbé Demandre, lors de la séance du 15 décembre 1789

M. Bureaux de Puzy. L'Assemblée avait chargé des commissaires d'examiner une machine dont M. l'abbé Demandre est auteur. Il résulte de notre examen que ce mécanisme, très-simple et infiniment ingénieux, peut s'appliquer avec avantage aux pompes d'épuisement, aux sonnettes à battre des pieux, etc., et qu'il double les forces des hommes. M. l'abbé Demandre a aussi fait l'application de sa machine à la navigation. Des pièces très-authentiques et la notoriété publique prouvent que, dans un des endroits où le Rhin a le plus de rapidité, trente bateaux, attachés à la suite les uns des autres, et dont quatre étaient remplis de gravier, ont facilement remonté ce fleuve par le moyen de ce mécanisme, auquel huit hommes étaient employés.

M. Malouet. On a fait à Toulon l'essai de la machine de M. Demandre, et le succès a été complet.

L'Assemblée témoigne le désir de voir cette machine : M. le président annonce qu'elle sera exposée sur le bureau avant l'ouverture d'une des prochaines séances.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_4204_t1_0574_0000_4

Aimable avertissement 😊

    Vous trouverez en bas de cet article trois fenêtre donnant accès à des documents rédigés par l’abbé de Mandres. Mais auparavant, comme évoqué en introduction, je souhaiterais évoquer le développement des machines à vapeur au 18ème siècle. Vous comprendrez ainsi pourquoi les inventions de l'abbé étaient en passe de devenir anachroniques.

 

Projet de barge à curer les ports

La fin d’une époque.

    J’ai eu beaucoup de mal à trouver des informations sur l’abbé de Mandres (l’orthographe du PV de l’Assemblée m’ayant lancé de plus sur des fausses pistes). J’ai éprouvé encore plus de difficultés à comprendre en quoi consistait ses inventions. En 1785 Claude-Simon de Mandres avait effectivement obtenu un privilège du roi pour la construction d'un bateau de son invention, dit « levier-moteur » et deux ans plus tard (29 et 3 décembre 1787) il avait fait ses premières expériences officielles à Strasbourg. C'était un bateau constitué d’une plate-forme sur laquelle était placé un cabestan et une roue centrale mue par vingt hommes, qui mettaient en mouvement deux roues avec des pagaies placées de chaque côté du bateau.

    Mais ce que j’ai surtout compris, c’est que les inventions de l’abbé n’étaient que des améliorations d’antiques systèmes utilisant la force humaine. Celles-ci étaient probablement astucieuses, mais elles ne constituaient pas un réel progrès. C’était un peu comme si un brave gars s’évertuait à perfectionner la taille des silex, pendant que son voisin découvrait la fabrication des haches en bronze.

    Le temps n’était plus à perfectionner les sonnettes à battre des pieux par des moyens humains astucieux, mais à découvrir une nouvelle force motrice, autre qu’animale !

Fiche technique en pdf

Des roues et de la vapeur !

Roues à aubes

    Sans vouloir faire du tort à ce brave abbé De Mandres, son invention n’était probablement pas très originale. Beaucoup de tentatives avaient été faites depuis le début du 18ème siècle, pour mouvoir les bateaux "autrement", avec des roues à palmes, pagaies ou aubes, mais aussi avec des moteurs à vapeurs que l’on appelait des pompes à feu.

    L’application des roues à aubes à la navigation, était d’ailleurs loin de constituer une idée nouvelle. L’idée de réunir sur une roue un certain nombre de rames, afin d’obtenir un emploi plus commode de la force motrice, remontait à l’antiquité. Les roues à palettes étaient au nombre des machines très anciennes connues de l’architecte romain Vitruve mais dont il ne connaissait d’ailleurs pas les inventeurs. Il existe des médailles romaines qui représentent des navires de guerre (liburnes) armés de trois paires de roues, mues par des bœufs et ceux-ci sont également mentionné dans le De rebus bellicis, un traité de guerre romain. Des navires mus par des roues à aubes tournées par des bœufs, auraient transporté les Romains en Sicile, pendant la première guerre punique !

De rebus bellicis

    Un écrivain militaire du XVe siècle, Robert Valturius, fit aussi mention de la substitution des roues à aubes aux rames ordinaires. Il donna, dans son ouvrage, les dessins, grossièrement exécutés, de deux bateaux munis de petites roues en forme d’étoiles, et composées de l’assemblage de quatre rayons placés en croix, réunis à un centre commun. Voir ci-dessous :

Lien vers le livre joliment illustré

    Un mécanicien, nommé Duquet, avait fait à Marseille et au Havre, de 1687 à 1693, un grand nombre d’essais avec des rames tournantes, composées chacune de quatre rames courtes et larges, opposées deux à deux et placées en croix. Ces expériences avaient produit en France beaucoup d’impression, et cette idée ne tarda pas à y être poursuivie.

    En 1732, le comte de Saxe présenta à l’Académie des sciences de Paris, le plan très-bien conçu, d’un bateau remorqueur ayant de chaque côté une roue à aubes, que faisait tourner un manège de quatre chevaux. « Ces roues, dit le comte de Saxe, faisant le même effet que les rames perpendiculaires, il s’ensuivra que la machine remontera contre un courant, et tirera après elle le bateau proposé. »

Et vive la vapeur !

    La vapeur non plus, ce n’était pas une technique nouvelle, puisqu'au premier siècle après Jésus Christ, le génial Héron d'Alexandrie avait inventé l'éolipyle, une chaudière hermétiquement close d'où partaient verticalement deux tubes en coude. L'extrémité de ceux-ci portait une sphère creuse, munie de deux tuyères recourbées et qui pouvait pivoter librement sur son axe horizontal. Cette ingénieuse turbine pouvait tourner sur elle-même à une vitesse de 1500 tours par minutes. Il aurait suffi de relier tout cela à une courroie et à un arbre d'entraînement puis d’inventer le piston, pour débuter une ère industrielle ! Mais à quoi bon dans cette époque où la main d’œuvre fournie par les esclaves coûtait si peu ?!

l'éolipyle d'Héron

Le siècle de la vapeur !

    Il fallut donc attendre le 18ème siècle, le siècle des inventions, pour que la vapeur puisse entrer en action ! Les premières applications importantes furent celles des pompes à vapeur destinées au relevage des eaux, comme la pompe à feu de Chaillot à Paris, construite par les frères Périer (Jacques-Constantin Périer et Auguste-Charles Périer), qui fonderont plus tard la Compagnie des eaux de Paris (qui perdure sous le nom actuel de Véolia).

Pompe à feu de Chaillot en 1781

Navires à vapeur

    Concernant la navigation, le petit bateau que Denis Papin avait construit en 1707, pour gagner par la Weser le port de Brême puis l’Angleterre, était déjà propulsé à l’aide de rames tournantes. Mais les historiens ne sont pas certains que son bateau ait déjà été équipé d’une machine à vapeur. Peut-être ne faisait-il simplement qu’emporter les plans et les pièces détachées d’une invention qu’il se proposait de mettre au point à la Royal Society de Londres. De toute façon, les bateliers de la Weser détruisirent son bateau et cela mis fin à ses recherches sur la propulsion par la force expansive de la vapeur d’eau.

Les bateliers détruisant le bateau de Denis Papin

    C’est à la suite du travail du comte de Saxe évoqué plus haut, que l’Académie des sciences avait été amenée à mettre au concours en 1753 la question "des moyens de suppléer à l’action du vent pour la marche des vaisseaux". C’était le physicien suisse Daniel Bernoulli qui avait remporté le prix en démontrant, hélas pour la vapeur, que la seule machine à vapeur connue à l’époque, celle de Newcomen, était incapable de faire avancer un navire. Mais tout n'allait pas s'arrêter là !

Daniel Bernoulli

    Ce fut le génial écossais James Watt, vers 1770, qui fit réellement progresser la technique de la machine à vapeur, avec sa machine à simple effet, qui eut pour résultat de diminuer de trois quarts la dépense du combustible, d’augmenter l’intensité de l’action motrice et de diminuer les dimensions de la machine.

James Watt
    
Machine à vapeur de Boulton et Watt en 1784


Jouffroy d'Abbans, le marquis précurseur.

Jouffroy d'Abbans

    
C’est le Français Claude François Dorothée, marquis de Jouffroy d’Abbans qui fit voguer les premiers vrais navires à vapeur !

    Il se rendit célèbre, une première fois en 1776 en faisant naviguer sur le Bassin de Gondé (Doubs) son bateau à vapeur "Le palmipède" qui actionnait des rames en formes de palmes (pas assez puissant cependant pour naviguer sur une rivière), puis une seconde fois le 15 juillet 1783 à Lyon, en faisant remonter la Saône par son "Pyroscaphe" de 46 mètres de long, durant 15 minutes, entre la cathédrale Saint-Jean et l’Ile-Barbe, en présence de dix mille spectateurs qui se pressaient sur les quais, et sous les yeux des membres de l’Académie de Lyon.

Le pyroscaphe remontant la Saône le 15 juillet 1783.

    Un procès-verbal de l’événement et un acte de notoriété, furent dressés par les soins de l’académie de Lyon. Mais pour obtenir un brevet, son bateau devait naviguer à Paris, devant les commissaires de l'Académie des sciences. Les Lyonnais continuent de dire qu’il fut victime de la jalousie des Parisiens, mais dans les faits, Jouffroy eut de nombreux déboires financiers et lorsqu’arriva la Révolution, il choisit d’interrompre ses travaux et de partir en exil. Il ne revint en France qu'en 1795, mais ne reprit ses travaux qu’en 1816.

Maquette du pyroscaphe, au musée de la Marine

    L’Histoire a surtout retenu le nom de l’ingénieur américain Robert Fulton qui fit voguer sur la Seine le 9 août 1803, le soi-disant premier bateau à vapeur, mais lui-même aurait déclaré : « Si la gloire ne devait revenir qu’à un seul homme, elle reviendrait à l’auteur des expériences menées sur la Saône à Lyon en 1783 »


Sources : J'ai trouvé nombre des infos ci-dessus dans le livre "Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes"

Revenons vers notre abbé de Mambres

    Ma digression sur les machines à vapeur nous a fait perdre de vue les initiatives de l’abbé de Mambres. Voici comme promis quelques-uns de ses écrits. Dommage cependant qu’il n’y ait pas de plans de ses inventions !

1789 Mémoire à Nosseigneurs,

Nos seigneurs de l'Assemblée nationale, à Versailles :

1790, Précis des pièces de l'abbé de Mandres, relativement à sa découverte, et aux avantages qui en résultent :

18 Décembre 1791, Pétition à l’Assemblée nationale par Claude-Simon de Mandres :