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jeudi 22 octobre 2020

22 Octobre 1789 : Une délégation d’hommes de couleur (propriétaires) vient réclamer à l’Assemblée l’égalité des droits (trop tard)

Société des amis des Noirs

Quelques rappels utiles

    Souvenons-nous, le 20 août 1789 dernier, une association de colons esclavagistes avait fondé le club Massiac à Paris. Ces propriétaires d’exploitations situées dans les Caraïbes, s’inquiétaient des travaux de l’Assemblée et plus particulièrement de ceux portant sur la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et ils entendaient bien peser sur les décisions de l’Assemblée.

    Quelques jours plus tard, le 29 août, avait été créée l'Assemblée des citoyens de couleur des îles et colonies françaises, qui était devenue le 12 septembre, la Société des colons américains. Je vous renvoie aux articles de ces dates.

Adresse du 18 Octobre 1789

Et quelques précisions encore plus utiles...

    Ne nous méprenons pas malgré tout sur la situation de ces citoyens de couleur. Il s’agissait de propriétaires, possédant eux aussi des esclaves !

    Même s’ils étaient placés dans une situation juridique inférieure à celle des "blancs", ils appartenaient à une classe sociale très dynamique économiquement en cette fin du XVIIIème siècle à Saint-Domingue, en Martinique et dans une moindre mesure en Guadeloupe et en Guyane. Il y avait un transfert croissant de propriétés de terres et d’esclaves des "blancs" vers les gens de couleur.

    Dans trois quartiers du Sud de Saint-Domingue, dans les années 1780, les libres de couleur participaient à 44 % des transactions foncières à la campagne. Les libres de couleur possédaient environ 20 % des esclaves de Saint-Domingue et 5 % en Guadeloupe, à la fin du XVIIIe siècle. Ceux de la Martinique étaient dans une situation intermédiaire entre la Guadeloupe et Saint-Domingue. A Saint-Denis de la Réunion, 61 % des chefs de familles libres de couleur recensés possédaient des esclaves.

Source : https://journals.openedition.org/lrf/1403

    C’était d’ailleurs pour ces raisons que le 26 août 1789, Julien Raymond, un quarteron (individu ayant trois grands parents blancs et un noir) libre de Saint Domingue, avait été est reçu au Club Massiac, pour leur proposer un accord qui préserverait la traite et l’esclavage en accordant l’égalité des droits civiques aux libres de couleur.

    Les libres de couleurs demandaient qu’il n’existât plus que deux classes d’individus, les citoyens quelle que soit leur couleur et les esclaves. Ils réclamaient également l’affranchissement de tous les métissés. Il fut reçu froidement. Le président lui demanda s’il avait des pouvoirs réguliers ; Raymond dut reconnaître que non et se retira.

    A noter que le club Massiac reçu le lendemain l’abbé de Paroy qui proposa à son tour que l’on concède certains droits aux libres de couleur arguant : il est bon de leur témoigner une espèce de considération, de les ménager. Le moment d’en avoir besoin est peut-être plus proche qu’on ne croit… »

Lire également l'article du 28 Novembre 1789.


Revenons à ce 22 octobre.

         Etienne de Joly         

    
Ce 22 octobre 1789, les libres de couleur de Paris présentent pour la première fois leurs doléances devant l’Assemblée nationale.

    Ce sera Monsieur Dejoly qui parlera en leur nom. Dejoly était un avocat connu aux Conseils, secrétaire de la Commune depuis le 27 juillet 1789. Né dans l’Hérault, sa famille était originaire de l’Aveyron (il était "blanc", vous l'avez compris). Il avait également des relations d’affaire et de famille avec Saint-Domingue. Dans ses mémoires, Dejoly écrira qu’il s’était occupé à partir d’octobre 1789 des « citoyens de couleurs », laissant à la Société des Amis des Noirs (dont il était également membre depuis janvier 1789), le soin d’obtenir l’amélioration de la condition des esclaves, voire la suppression de la traite, puis de l’esclavage. Dejoly croyait possible de tourner les nombreuses difficultés que soulèverait le problème de l’émancipation des noirs en s’attaquant à celui, beaucoup plus simple, en apparence, de l’égalité des gens de couleurs libres.

    Pour en apprendre plus, je vous conseille de lire les quelques pages de ce cahier des Annales historiques de la Révolution française (23e Année, n° 121 (Janvier-Mars 1951), pp. 48-61). Il vous suffit de cliquer sur l'image ci-dessous. La consultation des archives de ce site est libre, si vous vous connecter avec une adresse Gmail, ou si vous créez un compte. C'est une vraie mine d'or !


    Mais, c’est aussi ce 22 octobre 1789, que le suffrage censitaire a été instauré et les libres de couleur vont être écartés de la représentation nationale au motif qu’ils sont déjà représentés par les planteurs blancs. Le manque de sympathie pour la cause de ces libres de couleurs peu peut-être s’expliquer par le fait que 15 % des députés ont des propriétés dans les colonies et qu’un nombre encore plus grand a des intérêts dans le commerce colonial...

Sources : 


Voici le procès-verbal de cette séance de l'Assemblée :

Une députation des citoyens, gens de couleur, propriétaires dans les colonies françaises, a été introduite à la barre, et a demandé à jouir de tous les avantages des citoyens.

M. de Joly, an nom de la députation, a donné lecture de l'adresse suivante :

« Nosseigneurs, les citoyens libres et propriétaires, de couleur, des îles "et colonies françaises, ont l'honneur de vous représenter :

« Qu'il existe encore, dans une des contrées de cet empire, une espèce d'hommes avilis et dégradés, une classe de citoyens voués au mépris, à toutes les humiliations de l'esclavage, en un mot, des Français qui gémissent sous le joug de l'oppression.

« Tel est le sort des infortunés colons américains, connus dans les îles sous le nom de mulâtres, quarterons, etc.

« Nés citoyens et libres, ils vivent étrangers dans leur propre patrie. Exclus de toutes les places, de toutes les dignités, de toutes les professions, on leur interdit jusqu'à l'exercice d'une partie des arts mécaniques ; soumis aux distinctions les plus avilissantes, ils trouvent l'esclavage au sein même de la liberté.

« Les Etats généraux ont été convoqués.

« Dans toute la France on s'est empressé de seconder les vues bienfaisantes du monarque : les citoyens de toutes les classes ont été appelés au grand œuvre de la régénération publique ; tous ont concouru à la formation des cahiers, et à la nomination des députés chargés de défendre leurs droits et de stipuler leurs intérêts.

« Le cri de la liberté a retenti dans l'autre hémisphère.

« Il aurait dû, sans doute, étouffer jusqu'au souvenir de ces distinctions outrageantes entre les citoyens d'une même contrée ; il n'a fait qu'en développer de plus odieuses encore.

« Pour l'ambitieuse aristocratie, la liberté n'est que le droit de dominer, sans partage, sur les autres hommes.

« Les colons blancs ont agi conformément à ce principe, et tel est encore aujourd'hui le mobile constant de leur conduite.

« Ils se sont arrogé le droit de s'assembler et d'élire des représentants pour les colonies.

« Exclus de ces assemblées, les citoyens de couleur ont été privés de la faculté de s'occuper de leurs intérêts personnels, de délibérer sur les choses qui leur sont communes, et de porter à l'Assemblée nationale leurs vœux, leurs plaintes et leurs réclamations.

« Dans cet étrange système, les citoyens de couleur se trouveraient représentés par les députés des colons blancs, quand il est constant, d'un côté, qu'ils n'ont point été appelés à leurs assemblées partielles, et qu'ils n'ont confié aucun pouvoir à ces députés, et que d'un autre côté, l'opposition d'intérêts malheureusement trop évidente rendrait une pareille représentation absurde et contradictoire.

« C'est à vous, Nosseigneurs, à peser ces considérations ; c'est à vous à rendre à des citoyens opprimés les droits dont on les a injustement dépouillés ; c'est à vous d'achever glorieusement votre ouvrage, en assurant la liberté des citoyens français dans l'un et l'autre hémisphère.

« Instruits par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les colons de couleur ont senti ce qu'ils étaient ; ils se sont élevés à la dignité que vous leur aviez assignée ; ils ont connu leurs droits, et ils en ont usé.

« Ils se sont réunis ; ils ont rédigé un cahier qui contient toutes leurs demandes ; ils y ont consigné des réclamations dont les bases sont établies dans le code que vous avez donné à l'univers ; ils en ont chargé leurs députés ; et ils se bornent, en ce moment, à solliciter, dans cette auguste Assemblée, une représentation nécessaire pour être en état d'y faire valoir leurs droits, et surtout d'y défendre leurs intérêts contre les prétentions tyranniques des blancs.

« Pour demander cette représentation, les citoyens de couleur ont évidemment les mêmes titres que les blancs.

« Comme eux, ils sont tous citoyens, libres et français ; l'édit du mois de mars 1685 leur en accorde tous les droits, il leur en assure tous les privilèges ; il veut «que les affranchis (et à plus forte raison leurs descendants) méritent une liberté acquise ; que cette liberté produise en eux, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, les mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle à tous les Français. » Gomme eux, ils sont propriétaires et cultivateurs ; comme eux, ils contribuent au soulagement de l'Etat, en payant les subsides, en supportant toutes les charges qui leur sont communes avec les blancs ; comme eux, ils ont déjà versé et ils sont prêts à verser leur sang pour la défense de la patrie ; comme eux enfin, et toujours avec moins d'encouragement et de moyens, ils ont multiplié les preuves de leur patriotisme.

« Tout récemment encore, malgré l'oppression sous laquelle ils gémissent, malgré les efforts combinés de leurs adversaires, les citoyens de couleur ont eu la générosité de députer auprès des blancs, de leur proposer le pacte qu'ils viennent soumettre à votre justice, et ils ont eu la douleur de se voir repousser avec le mépris dont on les a toujours accablés.

« Par un dernier effort, et nous devons le publier, c'est de tous ceux qu'ils ont faits celui qui coûte le moins à leur cœur, parce qu'ils brûlent du désir de travailler pour la cause commune ; les citoyens de couleur ont voté, et ils déposent ici, par nos mains, la soumission solennelle de subvenir aux charges de l'Etat pour le quart de leurs revenus ; ils déclarent avec vérité que ce quart forme un objet de 6 millions. Ils ont encore voté un cautionne¬ ment de la cinquantième partie de leurs biens pour l'acquit des dettes de l'Etat ; ils vous supplient d'en agréer l'hommage, et de leur indiquer incessamment les moyens de le réaliser.

« Loin de nous cependant toute idée, tout esprit d'intérêt personnel ; les citoyens de couleur n'entendent point faire ces offres pour entraîner votre jugement.

« Ils vous supplient, Nosseigneurs, de les oublier, pour ne vous attacher qu'à la rigueur des principes.

« Ils ne demandent aucune faveur.

« Ils réclament les droits de l'homme et du citoyen ; ces droits imprescriptibles, fondés sur la nature et le contrat social ; ces droits que vous avez si solennellement reconnus et si authentiquement consacrés, lorsque vous avez établi pour base de la Constitution : « que tous « les hommes naissent et demeurent libres et « égaux en droits ;

« Que la loi est l'expression de la volonté générale ; que tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ;

« Que chaque citoyen a le droit, par lui ou ses « représentants, de constater la nécessité de la « contribution publique, et de la consentir librement. »

« Prétendrait-on repousser ces maximes fondamentales, en opposant l'intérêt des blancs et celui des colonies ? Serait-ce donc par les calculs d'un intérêt sordide, qu'on voudrait étouffer la voix de la nature ?

« N'y reconnaît-on pas le langage de l'ambition et de la cupidité, qui n'estiment la prospérité de l'Etat qu'à raison de leurs jouissances personnelles ?

« Mais ce n'est pas encore ici le lieu de se livrer à des discussions sérieuses sur le fond des droits des citoyens de couleur.

« Lorsque vous aurez admis leurs réclamations préliminaires, lorsqu'ils seront descendus dans l'arène pour combattre leurs adversaires, ils démontreront facilement que l'intérêt légitime des blancs eux-mêmes se réunit à celui des colonies, pour assurer l'état et la liberté des citoyens de couleur, parce que le bonheur d'un Etat consiste dans la paix et l'harmonie des membres qui le composent, et qu'il ne peut y avoir de véritable paix et de bonne union entre la force qui opprime et la faiblesse qui cède, entre le maître qui commande et l'esclave qui obéit.

« Encore une fois, Nosseigneurs, les citoyens de couleur se bornent, dans ce moment, à réclamer un droit de représentation ; ils le tiennent également de la nature et de la loi ; ils espèrent, avec une entière confiance, recevoir, dans votre décision, la confirmation de titres aussi inviolables.

Signé : De Joly, président ; Fleury de Saint-Albert, Régnier, Dusouchet, de Saint-Rëal, Ogé jeune, Hellot, Raimond, Porzat, secrétaires. »

M. le Président a répondu : Aucune partie de la nation ne réclamera vainement ses droits auprès de l'Assemblée de ses représentants : ceux que l'intervalle des mers, ou les préjugés relatifs à la différence d'origine semblent placer plus loin de ses regards, en seront rapprochés par ces sentiments d'humanité qui caractérisent toutes ses délibérations, et qui animent tous ses efforts.

Laissez sur le bureau vos pièces et votre requête : il en sera rendu compte à l'Assemblée nationale.

La séance est accordée à la députation des gens de couleur.


Il faudra attendre la République et le 4 février 1794 pour que l’esclavage soit aboli dans toutes les colonies. La qualité de citoyen français sera alors attribuée à tous les hommes, domiciliés dans les colonies, sans distinction de couleur. Ils jouiront tous des droits assurés par la Constitution et implicitement, la traite sera abolie.

Libres aussi, mais en 1794.





samedi 29 août 2020

29 Août 1789 : Fondation d'une "Assemblée des citoyens de couleur des îles et colonies françaises"

     

Femmes libres de couleur avec leurs enfants et leurs serviteurs dans un paysage
Tableau du peintre Agostino Brunias

    Souvenez-vous du 20 Août dernier, lorsque des esclavagistes ont fondé le Club Massiac à Paris.

    Aujourd'hui 29 Août 1789, est fondée "L'Assemblée des citoyens de couleur des îles et colonies françaises". Elle deviendra le 12 septembre suivant "la Société des colons américains".

    Une trentaine de libres de couleur résidant à Paris se sont réunis ce jour pour la première fois, dans le cabinet de l’avocat Joly. Ils sont alors plusieurs centaines à résider dans la capitale.

    Lors de la rédaction du Cahier de Plaintes, Doléances et Réclamations, le groupe est formé de 59 libres originaires de Saint-Domingue, de 14 de la Martinique et de 4 de la Guadeloupe. Ce cahier demande qu’il n’existe plus que deux classes d’individus, les citoyens quelle que soit leur couleur et les esclaves. Ils réclament l’affranchissement de tous les métissés pour que le soupçon d’esclavage disparaisse complètement de cette catégorie de la population. (Source : https://journals.openedition.org/lrf/1403#tocto1n2)

    Ces hommes et femmes de couleur d’outre-mer, ont élu six députés, dont cinq de couleur, qui porteront leurs revendications à l’Assemblée nationale. Le but de cette association basée à Paris sera de tenter de faire contre-poids au fort pouvoir dont disposent les colons blancs au sein de l’Assemblée nationale.

Quelques précisions utiles...

    Ne nous méprenons pas sur la situation de ces citoyens de couleur. Il s’agissait de propriétaires, possédant eux aussi des esclaves !

    Même s’ils étaient placés dans une situation juridique inférieure à celle des "blancs", ils appartenaient à une classe sociale très dynamique économiquement en cette fin du XVIIIème siècle à Saint-Domingue, en Martinique et dans une moindre mesure en Guadeloupe et en Guyane. Il y avait un transfert croissant de propriétés de terres et d’esclaves des "blancs" vers les gens de couleur.

    Dans trois quartiers du Sud de Saint-Domingue, dans les années 1780, les libres de couleur participaient à 44 % des transactions foncières à la campagne. Les libres de couleur possédaient environ 20 % des esclaves de Saint-Domingue et 5 % en Guadeloupe, à la fin du XVIIIe siècle. Ceux de la Martinique étaient dans une situation intermédiaire entre la Guadeloupe et Saint-Domingue. A Saint-Denis de la Réunion, 61 % des chefs de familles libres de couleur recensés possédaient des esclaves.

Source : https://journals.openedition.org/lrf/1403

    C’était d’ailleurs pour ces raisons que le 26 août 1789, Julien Raymond, un quarteron (individu ayant trois grands parents blancs et un noir) libre de Saint Domingue, avait été est reçu au Club Massiac, pour leur proposer un accord qui préserverait la traite et l’esclavage en accordant l’égalité des droits civiques aux libres de couleur.

    Les libres de couleurs demandaient qu’il n’existât plus que deux classes d’individus, les citoyens quelle que soit leur couleur et les esclaves. Ils réclamaient également l’affranchissement de tous les métissés.

Quelques portraits

    Je ne manquerai pas de vous parler de nouveau, en temps voulu, de ces honorables citoyens, dont je vous propose ce jour quelques portraits.

    Le premier est celui de Narcisse. Il était serviteur de de la Duchesse de Chartres, qui n'était autre que l'épouse du révolutionnaire Duc d'Orléans.

    Narcisse fut l'un des signataires de la pétition pour les droits des gens de couleurs. Sur ce portrait gravé par Glairon Mondet d'après Delorme (Eau forte et burin, vers 1775), on le voit porter un collier d'esclave en or. La page Facebook sur laquelle je l'ai trouvé, rappelle qu'il n'y avait pas d'esclaves en France et que cet ornement n'est là que pour faire joli. Certains commentaires précisent qu'il est habillé comme un Prince et qu'il a dû recevoir une bonne éducation qu'il n'aurait pu recevoir autrement (on s'en doute).

J'éprouve beaucoup de respect pour ce malheureux garçon.

Narcisse


Portrait d'un Gentilhomme, par Joseph Ducreux


Vincent Ogé, mourra roué vif en 1791 pour avoir mené une révolte de mulâtres




jeudi 20 août 2020

20 Août 1789 : Les esclavagistes fondent le club Massiac à Paris

    Dans un autre article pour ce même jour du 20 août 1789, je vous ai parlé de l’histoire, disons "pittoresque", en évoquant l’exposition du tableau de David.

    Je dois prendre garde à ne pas tomber dans ce travers, raison pour laquelle j’ajoute cet article qui traite du côté sombre de l’histoire. Car le 20 août 1789, c’est aussi le jour de la création du club Massiac, celui des colons esclavagistes, qui entendent bien peser à l’Assemblée, surtout à présent que celle-ci travaille sur la Déclaration des Droits de l’Homme.

    Sachez que 15 % des députés de l’Assemblée nationale ont des propriétés dans les colonies et qu’un nombre encore plus grand a des intérêts dans le commerce colonial.

Louis Marthe de Gouy d'Arsy
    Ce club Massiac aura pour principaux chefs Gouy d’Arsy et Moreau de Saint-Méry. Ses membres se constitueront en groupe de pression et répandront leurs idées au moyen de pamphlets, mémoires, lettres jusqu’en 1791. Ils s’opposeront violemment à la Société des Amis des Noirs créée le 19 février 1788 (Condorcet, La Fayette, Brissot…) qui milite pour l’abolition de la traite. Nous serons amenés à reparler d’eux.


    J’ai trouvé nombre d'infos sur les colonies et l’esclavage dans un document passionnant découvert sur une page de l’Institut d’Histoire de la Révolution Française.

Cliquez sur l’image ci-dessous pour y accéder :


Voici un extrait de ce document qui évoque la création du club Massiac :


    « Ce 20 août 1789, à l’initiative du marquis Mordant de Massiac, la société de correspondance des colons français est créée. Elle sera plus connue sous le nom de Club de Massiac. Les membres de ce club sont davantage des propriétaires résidant en France, dont le patrimoine repose à la fois sur des plantations coloniales et sur des seigneuries métropolitaines. Ils sont souvent impliqués dans le négoce. Ils sont par conséquent favorables au maintien de l’esclavage.

Hostiles à la représentation des colonies à l’Assemblée, ils craignent que les débats publics ne fassent la lumière sur les réalités coloniales et ne provoquent une législation remettant en cause le système esclavagiste. Afin d’échapper aux effets de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, alors en discussion à la fin du mois d’août 1789, le Club de Massiac avance l’idée d’une constitution spécifique des colonies.

L’arrêté fondateur du club du 23 août 1789, précisera que l’Assemblée constituante ne devrait sous aucun prétexte pouvoir influer sur les affaires de Saint-Domingue.

Le Club de Massiac souhaite la mise en place d’assemblées coloniales dotées d’attributions fortes. Les grands planteurs redoutent les « hésitations » ou de l’autoritarisme des administrateurs nommés par le pouvoir central qu’ils qualifient d’agents du « despotisme ministériel. »

Dès le 27 août 1789, le Club de Massiac fera connaître son existence aux différentes chambres de commerce des grands ports du royaume. Le club encouragera alors les négociants et propriétaires de plantation à se grouper en association dans le but de réclamer au secrétaire d’état à la Marine et aux Colonies, la création d’une assemblée coloniale et de plusieurs assemblées provinciales visant à rendre Saint-Domingue plus autonome. »

Toujours extrait du même document, voici ce texte qui décrit avec détail, la situation des colonies françaises en 1789 :

 « En 1789, le roi de France exerce son autorité sur des établissements coloniaux qui se caractérisent par une production de denrées essentiellement assurées par des esclaves. Par ordre d’importance de la population, ces colonies esclavagistes sont : la partie française de Saint-Domingue (actuel Haïti), la Martinique, la Guadeloupe et ses dépendances (Marie-Galante, partie française de Saint-Martin, Île de la Désirade, les Saintes), l’Île Bourbon (Île de la Réunion), l’Île de France (Île Maurice) et ses dépendances (Île Rodrigue et Seychelles), la Guyane, Sainte-Lucie, Tobago.

Tous ces établissements coloniaux se caractérisent par l’exportation vers l’Europe de denrées (sucre, café, indigo, coton, cacao) produites par des esclaves d’ascendance africaine. Ce commerce doit se faire exclusivement sur des navires français par des négociants du royaume de France : c’est l’Exclusif. L’espace colonial français est également formé par des comptoirs de pêche (Saint-Pierre et Miquelon), de traite négrière (îles de Gorée et de Saint-Louis du Sénégal), de commerce avec l’Inde (Pondichéry, Chandernagor, Mahé, Yanaon, Karikal).

Le commerce colonial français est à son apogée au début de la Révolution. La traite négrière française atteint alors son paroxysme avec plus de 54 000 captifs embarqués sur des négriers français en 1790. Dans la période 1786-1790, les négociants français contribuent à environ 40 % de la traite européenne, dépassant les armateurs négriers portugais et britanniques. Les denrées coloniales et produits du commerce colonial (textiles d’Inde, épices, porcelaine...) représentent en valeur 38 % des importations du royaume de France en 1787. Ces denrées sont pour une bonne part, réexportées et forment 33 % des exportations du royaume de France, soit autant que les produits manufacturés. »

Source : https://journals.openedition.org/lrf/1403

 

Afin de ne pas rester sur une note trop sinistre, je vous offre l'estampe ci-dessous probablement éditée par la société des amis des noirs.

Tout est dit dans sa légende : 

"Les mortels sont égaux, ce n'est pas la naissance,
c'est la vertu qui fait la différence"

 Les mortels sont égaux, ce n'est pas la naissance, c'est la vertu qui fait la différence



jeudi 25 juillet 2019

25 Juillet 1788, la traite des nègres vue du Dauphiné

 


    J'ai jugé utile de vous donner à lire cet extrait d'un article traitant de la traite des nègres, c'est-à-dire de l'esclavage : article publié dans un petit journal de province, intitulé AFFICHES DE DAUPHINE, ANNONCES, &c.

Thomas Clarkson

    Le combat contre la traite négrière est né en Angleterre. L'un de ses premiers acteurs fut Thomas Clarkson. C'est la raison pour laquelle nombre des premiers articles publiés sur ce sujet dans des journaux français étaient des textes traduits de l'Anglais.

    Celui-ci "Suites des extraites de diverses lettres adressées à la Société de Manchester sur la Traite des Nègres." fut publié dans de nombreux journaux en 1788.

    Voici la version publiée le 25 juillet 1788 dans ce petit périodique de la province du Dauphiné. Curieusement, ce journal n'évoque pas l'Assemblée des états généraux de Vizille, qui s'était déroulée 4 jours plus tôt.

Cliquez sur les images pour les agrandir.





Source : https://www.retronews.fr/journal/affiches-annonces-et-avis-divers-du-dauphine/25-juillet-1788/1435/3223343/3


    Comme évoqué plus haut, cet article a été publié dans d'autres journaux en 1788. Vous pouvez le découvrir à nouveau dans "L'esprit des journaux, français et étrangers", publié en Septembre 1788 (à partir de la page 234) :




dimanche 7 avril 2019

7 Avril 1788, L'abolition de l'esclavage fait la une du Journal de Paris


    Ce numéro du Journal de Paris est particulièrement intéressant, puisque les deux tiers de son contenu, sont des articles concernant l'abolition de la traite négrière, c'est-à-dire de l'abolition de l'esclavage.

    Ces articles sont des traductions de textes anglais, venant plus particulièrement de Manchester, la ville où fut créée "La Société établie pour travailler à l'abolition du commerce des esclaves".

Thomas Clarkson

    Les premiers hommes à s'ériger contre ce trafic infame furent effectivement des Anglais, comme Thomas Clarkson, qui travaillèrent âprement à diffuser leurs idées. Raison pour laquelle, nombre de ces textes venus d'Angleterre furent publiés dans les journaux français tout le long de l'année 1788. Voir cet article du 25 juillet 1788.

    Nous reparlerons plus tard de l'influence des idées anglaises sur celles de la Révolution française, dans cet article sur Rutledge.