Affichage des articles dont le libellé est Juillet. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Juillet. Afficher tous les articles

vendredi 17 juillet 2020

17 Juillet 1789 : Le jour de la cocarde !

 Cocarde


La journée à jamais mémorable aux Français !

    C’est à dix heures ce vendredi matin du 17 juillet 1789, que Louis XVI, accompagné d’une centaine de membres de l'Assemblée nationale constituante, arrive à Paris afin de recevoir l'hommage de ses turbulents sujets. 

Arrivée de Louis XVI à la barrière de la Conférence,
aussi appelée barrière de Passy,
constituant l'entrée Ouest de Paris
de la route venant de Versailles.

    Le roi est reçu à l'hôtel de ville par le colon Martiniquais Moreau de Saint-Méry, ancien membre du Conseil supérieur du Cap-Français, devenu président de l'Assemblée des électeurs de Paris (du Tiers Etat), et par le premier maire de Paris, Jean Sylvain Bailly.

 


    Bailly a été "élu" maire de Paris le lendemain de l’assassinat de Jacques de Flesselles (le prévôt des marchands), par l’acclamation d’une assemblée improvisée d’électeurs des soixante districts parisiens et de quelques députés de l’Assemblée Nationale. Vous comprenez pourquoi j'ai écrit "élu" entre guillemets, car il s'agit là d'une élection improvisée.

    Du fait de cette nouvelle fonction de maire, il est devenu le chef de la première Commune de Paris. Celle-ci a mis à sa disposition un hôtel particulier, sis aux numéros 8 à 12 de la rue Neuve des Capucines.

    Bailly a donc accueilli le Roi et lui a remis une cocarde tricolore, bleu, blanc et rouge (rose, disent certains), que sa majesté a accepté.

Bailly accueillant Louis XVI
Bailly et La Fayette accueillant Louis XVI à l'Hôtel de Ville

    Le même jour, Lafayette fera adopter cette cocarde tricolore par la Garde Nationale créée le 15 juillet.
Gilbert de Motier de La Fayette

Extrait du film "La Révolution française" de 1989



La cocarde !

    On a dit beaucoup de choses sur cette cocarde, comme sur ses variantes des précédents jours. Souvenez-vous du témoignage d'Adrien Colson (avocat au parlement de Paris et intendant de la famille de Longaunay) lorsqu'il racontait les événements de la journée du 13 Juillet 1789 dans la lettre qu’il écrivait à son ami de province :

"Tout le monde est obligé de porter des cocardes, et l'on quitte, dit-on, les vertes qu'on avait prises par la remarque que c'est la couleur de monsieur le comte d'Artois et l'on va prendre le blanc, couleur de la nation, et le rouge, couleur de monsieur le duc d'Orléans."

    La version retenue par l’histoire est que le bleu et le rouge font référence aux couleurs de la ville de Paris et que le blanc est la couleur du roi, ou plutôt celui de la royauté. 

    Concernant le blanc, il faut savoir que c'était la couleur des Protestants durant les guerres de religions et que c'est Henri IV, le Protestant devenu Roi catholique, qui en fit le symbole du pouvoir royal.
Plus d'infos dans cet article : Vêture et Pouvoir

    Mais comme toujours, lorsqu’on lit des documents d’époque on finit toujours par trouver des versions différentes.

    Dans le numéro de la Gazette de Leyde, datée du 24 Juillet, on peut lire le passage suivant : « M. Bailly a présenté à Sa Majesté la cocarde royale et bourgeoise, réunissant les couleurs bleu, blanche et rose : le Roi a permis qu'on la mît sur son chapeau et l'a montrée au peuple. »

    Selon cette version, Louis XVI ne risquait donc pas de refuser cette fameuse cocarde, puisqu'il s’agissait d’une cocarde aux couleurs du roi !

    Rien ne vaut donc un document d'époque pour apprendre ce qu'il en fut vraiment, ... Et se rendre compte que les interprétations ci-dessus étaient peut-être fausses. Lisez plutôt l'affiche ci-dessous :


Source de cette affiche : Musée Carnavalet

Je cite :

"Significations mystérieuses des trois rubans de couleurs différentes, arborées pour Cocarde par la Nation, sous le règne de Louis XVI, Père des Français, Roi d'un Peuple libre.

Le Ruban bleu azuré, nommé par quelques-uns couleur Saphyrique et céleste, signifie justice, loyauté, beauté et bonne réputation.

Le Ruban rouge, désigne vaillance, hardiesse et générosité.

Le Ruban blanc, dénote l'Étendard et le Pavillon de la Monarchie Française, qui de tous les temps a été sous la protection de Marie, mère du Sauveur du monde.

Ce ruban marque particulièrement espérance, pureté, innocence et charité."


Je pense que vous devez être quelque peu étonnés (et Henri IV aussi)



Trois couleurs changeantes

    Ne sommes-nous pas en droit de nous demander comment de nos jours ce bleu d'azur a fini par devenir un bleu marine presque noir et ce rouge presque rose, devenir un rouge terne.
    Patine du temps ? Vieillissement des couleurs sur les tissus ? Coûts des colorants ? Ou petits caprices de présidents ? 😉

    Vous en apprendrez encore bien plus sur ces fameuses couleurs, dans cet article évoquant les mystères de la cocarde sur ce site : https://www.1789-1815.com/mystere_cocarde.htm

Cocarde de 1793 conservée pieusement par un soldat
Cocardes de Saint-Just, Robespierre et Lebas, exposées au musée Carnavalet


La journée à jamais mémorable aux Français
(Gravure de Jean-Baptiste Crépy)

Louis XVI sera vu à Versailles le soir vers 23h.

Post Scriptum :

    Plus tard, le port de la cocarde deviendra obligatoire, pour les hommes le 8 juillet 1792 et pour les femmes le 21 septembre 1793.

Lire cet article : "Bonnet phrygien, cocarde, drapeau, ce qu'il faut savoir !"


Bertrand Tièche


jeudi 16 juillet 2020

16 Juillet 1789 : Le retour de Necker (et de la dette)

Tout ça pour ça ?

    Vous l’avez compris à la lecture des dernières publications, tous les événements qui se sont produits depuis le 12 juillet ont résulté du renvoi par sa majesté le roi Louis XVI de son ministre Jacques Necker, le banquier suisse et protestant. 

    Souvenez-vous de la panique qui avait saisi les agents de change à Paris le 12 juillet 1789, quand ils avaient appris le renvoi de Necker. A l’idée d’une banqueroute, ils avaient même fermé la Bourse et l’agitation révolutionnaire à Paris était alors montée d’un degré, le dernier avant l’explosion.

    Necker avait la confiance du Tiers Etat, c’était un homme intelligent, empreint des idées nouvelles du siècle des Lumières et il avait su jusqu’à présent éviter la faillite financière du royaume. Sa méthode pour éviter la banqueroute, avait été une politique d’emprunts, plutôt qu’une augmentation des impôts.

    On peut aisément comprendre que cette politique fut populaire. Le peuple était reconnaissant envers Necker de ses réformes et les banquiers étaient ravis de prêter à l’Etat français. Necker était d’ailleurs si confiant dans sa politique que sa propre banque prêtait de l’argent à la France, avec de réjouissants taux d’intérêts à 14% !...

La dette...

Necker présenté comme un joueur de bonneteau
Necker présenté comme
un joueur de bonneteau

    Le souci, avec cette politique d’emprunts, c’était vous l’aurez compris, que la dette de la France augmentait chaque année de plus en plus. En 1788 le budget de l’état présentait un déficit de 162 millions de livres (471.6 millions de revenus, contre 633.1 millions de dépenses). 

    Le 16 août 1788, la monarchie avait même dû suspendre ses paiements et le roi avait dû se résoudre à convoquer les états généraux, puisqu’aucune réforme n’avait pu aboutir lors des Assemblées des Notables de 1787 et 1788. À cette date, le déficit budgétaire était évalué à 2 milliards !

    Ce déficit venait de la somme des emprunts contractés par l’État depuis les années 1760. De plus, le royaume de France payait des taux d’intérêt presque deux fois supérieurs à ceux de sa rivale, l’Angleterre.

    Aucun ministre n’avait jamais réussi à réformer le système de financement de l’état, tant les structures de l’ancien régime étaient figées. Les parlements, aux mains de la noblesse et du haut clergé, s’y étaient toujours opposés. Quoi de plus normal puisque la noblesse et le clergé, à savoir les 2% les plus riches du pays, ne payaient pas d’impôts.

Dette de 1788 en millions de Livres

    Ne voyez pas malice à ce que je dis (du moins pas totalement). Cette situation correspondait à ce que l’on pourrait appeler « le contrat social de l’ancien régime ». Celui-ci faisait que les nobles ne payaient d’impôts parce qu’ils donnaient leur sang à la guerre et que le clergé n’en payait pas non plus parce qu’il avait la charge de s’occuper des faibles et des malheureux. Mais hélas, aussi bien la noblesse que le clergé, avaient un peu oublié ce qu’ils devaient au royaume.


    La dette de la France était colossale, mais n’en déduisez pas que le pays était pauvre, même si la majorité de sa population l’était. La France était l’un des plus riches royaumes d’Europe. La richesse était bien là, mais inégalement répartie et surtout mal gérée. (Toute comparaison avec la situation présente de notre pays n’a pas lieu d’être évoquée ici)....

    Le jeudi 16 Juillet 1789, Louis XVI doit donc se résoudre à rappeler Monsieur Necker. Celui-ci prend alors le titre de Premier ministre des finances. Dans le lien ci-dessous, je vous donne à lire cet échange entre les députés Barnave et Mirabeau à l’Assemblée Nationale, à propos de la légitimité pour celle-ci de refuser ou rappeler un ministre du roi.

Monsieur Necker redemandé par le Tiers Etat
Monsieur Necker redemandé par le Tiers Etat

    Le mariage d’amour entre Monsieur Necker et l’Assemblée Nationale Constituante ne durera pas longtemps. Très rapidement Necker s’opposera à l’Assemblée et tout particulièrement en bouillant Mirabeau. Les députés refusèrent les propositions financières de Necker. Celles-ci reposaient sur ses méthodes traditionnelles d’anticipations et d’emprunts, qui étaient causes de la dette grandissante. Les temps avaient changé. L’irréformable ancien régime agonisait de sa belle mort. Le nouveau pouvoir montant, celui issu du Tiers Etat, était plus ouvert aux réformes et il savait combien le pays était riche et surtout où trouver l’argent.

    La bourgeoisie était progressiste, mais pas au point d’augmenter les impôts qu’elle devait elle-même payer ! Raison pour laquelle, ces esprits éclairés, tous un peu voltairiens, voire même pour certains, athées, commencèrent peu à peu à se tourner vers le richissime clergé...

    L’Eglise possédait un quart de Paris et un dixième à peu près du territoire national, ce qui représentait 3 à 3,5 milliards de l’époque. Elle percevait de plus, 150 millions de rentes annuelles !

    Bien que Protestant, Necker s’opposera à la confiscation des biens du clergé et au financement du déficit par l’émission d’assignats.

    Les constituants n’avaient rien inventé. Ils s’inspiraient grandement des réformes réalisées dans son Empire, par Joseph II, le propre frère de la reine Marie Antoinette. Ce despote éclairé dont le mot d’ordre était « Tout pour le peuple ; rien par le peuple », avait soumis totalement l’Eglise à son autorité, fait prêter au évêques un serment qui les soumettaient à l’Etat, ordonné la fermeture de monastères jugés inutiles dont les biens avaient été transférés aux paroisses et tout plein d’autres réformes qui auraient fait défaillir un Chouan portant le Sacré Cœur...

    Je sens que j’en ai étonné quelques-uns. Vérifiez, je n’invente rien, cela s’appelle le Joséphisme.

    Je vous étonnerai encore bien plus, mais un peu plus tard, on vous parlant du très réformateur Louis XVI...

    Vous vous doutez bien que ceux qui pensaient que la Révolution allait s’arrêter le lendemain du 14 Juillet, étaient peut-être quelque peu optimistes. Le propre frère du roi, le comte d'Artois, ainsi que le prince de Condé, l’avaient bien compris, puisqu’ils décidèrent de prendre le chemin de l’exil.

Les premiers fuyards de la Révolution française

Source :Barnave et Mirabeau - Débat sur la responsabilité ministérielle :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/barnave-et-mirabeau-16-juillet-1789

Post Scriptum :

La dette ? Une invention géniale !

    Il faut savoir que cette idée des emprunts entraînant une dette colossale est toujours de mode, puisque les impôts des riches sont sans cesse diminués et que l'Etat finance sa politique par l'intermédiaire d'emprunts sur les marchés financiers ; Marchés financiers qui en retour imposent leurs doctrines économiques aux états par l'intermédiaire d'agences de cotations qui punissent les états récalcitrants en abaissant leurs notes, ce qui a pour effet d'élever les taux d'emprunts des malheureux états qui voudraient faire du social. (Les prélèvements imposés aux revenus les plus modestes n'ont pas vraiment un gros effet sur le financement de la politique publique). Plus d'infos sur mon article : "Quel pouvoir avons-nous ?".

   




16 juillet 1789 : Fuite du comte d’Artois, prince contre-révolutionnaire et futur Charles X

Les premiers fuyards de la Cour : 1 Mme de Polignac, 2 le comte d'Artois,
3 le prince de Condé, 4 le Baron de Breteuil, 5 le prince de Lambesc

Le premier à fuir la France

Charles-Philippe comte d'Artois

    Ce jeudi 16 juillet 1789, Charles-Philippe de France, comte d’Artois (futur Charles X), prend la fuite. Frère cadet de Louis XVI et du comte de Provence (futur Louis XVIII), il est l’un des tout premiers grands nobles à émigrer hors de France. Il sera suivi le lendemain par le Prince de Condé.

    Le comte d’Artois représente la faction réactionnaire de la cour. Lors de l’Assemblée des Notables il s’était opposé au projet fiscal de réduction des privilèges sociaux de l’Église et de la Noblesse. Lors des États Généraux, il s’est opposé au Tiers État en s’opposant à toute initiative d’accroitre son droit de vote. En liaison avec le très réactionnaire baron de Breteuil, il a œuvré pour le renvoi de Necker.

    Les idées du comte d’Artois sont plus facile à définir que celles de son obscure grand frère Louis XVI. C’est un royaliste « ultra », un personnage à l’image de la noblesse de l’ancien régime. Le comte d’Artois coûte très cher au budget de l’État : ses menus plaisirs (2 400 000 francs), ses achats de domaines et de propriétés (7 231 372 livres), ses écuries (1 million de livres), ses vêtements et ses dettes représentent un important coût dans le trésor de cette France dont le déficit abyssal la fait courir à sa perte.


    D’Artois est un ardent défenseur de la monarchie et toute sa vie il agira de sorte à la rétablir. Il ne cessera de solliciter toutes les cours d’Europe pour organiser la contre-révolution. Il conduira avec son frère Provence l’armée des Princes qui envahira la France en 1792, qui se signalera par ses ravages et ses massacres. Mais celle-ci sera stoppée à Valmy et devra reculer. D’Artois fera également partie de flotte de 60 navires engagée par l’Angleterre pour envahir la Vendée en 1793 ; L’Angleterre ayant demandé en contrepartie de son aide les cinq comptoirs français aux Indes, ainsi que Saint-Domingue. Arrêtée par l’intense canonnade de la petite garnison républicaine du général Cambray, la flotte anglaise renoncera à aborder à Noirmoutier, se rabattra  sur l’Ile d’Yeu, sera la proie des marées et tempêtes, puis de la faim sur ses navires, jusqu’à ce que le gouvernement anglais ordonne son retour. Il restera en exile en Angleterre jusqu’à la première Restauration. Il se signalera alors en signant avec un empressement critiqué la convention d’armistice du 23 avril 1814, condamnée par son frère Louis XVIII parce qu’elle faisait perdre à la France toutes les places conquises depuis 1792. Figure de proue des « ultras », c’est-à-dire, les royalistes les plus ardents, D’Artois s’opposera à la politique de pardon et d’oubli prônée par son frère Louis XVII. Lors du retour de Napoléon pendant les 100 jours, il tentera en vain d’organiser une résistance à l’Empereur. Mais ses troupes envoyées contre Napoléon préférèrent fraterniser avec l’ennemi, contraignant ainsi D’Artois à fuir. Lors de la Seconde Restauration, D’Artois agira de nouveau contre son frère Louis XVIII en devenant le meneur de l’opposition ultraroyaliste à la politique modérée de celui-ci.

Enfin roi !

Charles X

    D’Artois deviendra finalement le roi Charles X à l’âge de 67 ans, suite à la mort de son frère Louis XVIII alors âgé de 69 ans. Son règne sera marqué par sa volonté d’un retour à l’ancien régime. Il s’aliénera une partie de l'opinion par la loi sur le sacrilège, l'octroi d'indemnités aux émigrés spoliés par la vente des biens nationaux (loi dite du « milliard des émigrés »), le licenciement de la garde nationale, perçue comme hostile au régime de la Restauration, le rétablissement de la censure (1825-1827) et le projet de rétablissement du droit d'aînesse, resté sans suite. Il promulguera finalement les « ordonnances de Saint-Cloud » pour dissoudre les chambres, convoquer les collèges électoraux en changeant de mode d'élection, et suspendre la liberté de la presse (25 juillet 1830). Cette dernière action provoquera le soulèvement des Trois Glorieuses (27 au 29 juillet), a Révolution de 1830 qui mettra fin à son règne.

Les Trois Glorieuses

"La Liberté guidant le Peuple" œuvre d'Eugène Delacroix
peinte pour célébrer la Révolution de 1830
.

Post Scriptum : 
    Le règne de Charles X sera également marqué par sa décision de conquérir l'Algérie. Je vous parlerai des raisons de cette décision dans un article en date du 7 août 1789 et je pense que vous serez très très étonnés !





mercredi 15 juillet 2020

15 Juillet 1789 : Discours de l’impétueux Mirabeau puis du mystérieux Louis XVI

L'un est malin, l'autre pas, devinez lequel...

Le réveil de Louis XVI

    Ce matin du 15 juillet, averti des événements de la veille durant la nuit par son ami le Duc de Liancourt, (Une révolte ? Non, Sire, une révolution !), Louis XVI décide de suivre le conseil de son ami et de se rendre à l’Assemblée.

Liancourt avertissant Louis XVI

    Concernant le conseil donné au roi durant la nuit, on peut lire dans CourcellesHistoire généalogique et héraldique des pairs de France, tome VIII, p.  64-66 :

« Ce conseil, dont les suites étaient au-dessus de toutes prévisions, fut adopté par le roi. L'enthousiasme que la présence de ce prince infortuné excita dans la capitale, acquit au duc de Liancourt une popularité à laquelle il était loin d'aspirer, et qui nécessairement devait motiver l'éloignement de ceux des conseillers du prince qui s'étaient opposés à ce voyage. Désormais désigné dans l'opinion comme l'un des appuis des prétentions populaires, le duc de Liancourt, dont le zèle et l'attachement pour le roi ne s'étaient jamais démentis, donna l'exemple d'un rare dévouement en servant la monarchie dans les rangs de ceux mêmes qui se proposaient de la renverser. »

Louis XVI

Les députés de l'Assemblée nationale sont inquiets.

    L’Assemblée, de son côté, avait repris séance et on ignorait tout des nouvelles dispositions inspirées au roi, aussi, voulait-on lui envoyer une dernière députation de vingt-quatre personnes, pour lui porter les vœux de l’Assemblée. Dans cette députation, figurait d’ailleurs le Duc de Liancourt, ami fidèle du Roi et occasionnellement président de ladite Assemblée.

François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld, duc de Liancourt

Mirabeau au meilleur de sa forme.

Avant que ces députés ne quittent l’Assemblée, Mirabeau les arrêtent et s’écrie :

« Eh bien ! Dites au Roi que les hordes étrangères dont nous sommes investis ont reçu hier la visite des princes, des princesses, des favoris, des favorites, et leurs caresses, et leurs exhortation, et leurs présents ; dites-lui que toutes cette nuit ces satellites étrangers, gorgés d’or et de vin, ont prédit dans leurs chants impies l’asservissement de la France, et que leurs vœux brutaux invoquaient la destruction de l’Assemblée nationale ; dites-lui que, dans son palais même, des courtisans ont même leurs danses au son de cette musique barbare, et que telle fut l’avant-scène de la Saint-Barthélemy.

Dites-lui que ce Henri dont l’univers bénit la mémoire, celui de ses aïeux qu’il voulait prendre pour modèle, faisait passer des vivres dans Paris révolté qu’il assiégeait en personne, et que ses conseillers féroces font rebrousser les farines que le commerce apporte dans Paris fidèle et affamé. »

Mirabeau

    Monsieur le Marquis de Lafayette, vice-président, est chargé de présider la députation. L’Assemblée déclare qu’elle se repose entièrement sur lui du soin d’exprimer à Sa Majesté tous les sentiments de douleur et d’inquiétude dont tous ses membres sont pénétrés.

    Les membres de la députation se disposaient à sortir, lorsque Monsieur de Liancourt demande la parole. Il dit qu’il est autorisé à annoncer à l’Assemblée que le roi, de son propre mouvement, s’est déterminé à venir au milieu des représentants de la nation, et que Monsieur le Grand Maître des cérémonies va paraitre pour l’annoncer officiellement. A ces paroles de Monsieur de Liancourt, la majeure partie de l’Assemblée fait retentir la salle d’applaudissements réitérés.

Mirabeau s’exclame :

"Attendez que le Roi nous ai fait connaître les bonnes dispositions qu’on nous annonce de sa part ; qu’un morne respect soit le premier accueil fait au monarque dans ce moment de douleur… Le silence du peuple est la leçon des rois."

On suspend toute délibération. La députation reste dans la salle.

    Quelques minutes plus tard, parait le roi à l’entrée de la salle, sans gardes, accompagné de ses deux frères. Il fait quelques pas dans la salle ; debout, en face de l’Assemblée, il prononce d’une voix ferme et assurée, le discours suivant :

« Messieurs, je vous ai assemblés pour vous consulter sur les affaires les plus importantes de l’Etat. Il n’en est pas de plus instante, et qui affecte plus sensiblement mon cœur, que les désordres affreux qui règnent dans la capitale. Le chef de la nation vient avec confiance au milieu de ses représentants leur témoigner sa peine, et les inviter à trouver les moyens de ramener l’ordre et le calme. Je sais qu’on a osé publier que vos personnes n’étaient pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des bruits aussi coupables, démentis d’avance par mon caractère connu ? Eh bien ! C’est moi, qui ne suis qu’un avec ma maison, c’est moi qui me fie à vous ! Aidez-moi, dans cette circonstance, à assurer le salut de l’Etat ; je l’attends de l’Assemblée nationale ; le zèle des représentants de mon peuple, réunis pour le salut commun, m’en est un sûr garant, et comptant sur la fidélité de mes sujets, j’ai donné l’ordre aux troupes de s’éloigner de Paris et de Versailles. Je vous autorise, et je vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale. »

    Bien sûr, le discours du Roi fut interrompu à diverses reprises par les applaudissements les plus vifs.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4674_t2_0236_0000_10


Le mystérieux Louis XVI

    Louis XVI ne cesse d’être un mystère pour moi. Certains ont voulu le faire passer pour un benêt seulement préoccupé de chasse et de messes et manipulé par son entourage. Mais est-ce bien le même homme, qui la veille au soir, dans son journal, a écrit « Rien » et qui ce soir du 15 juillet, écrira juste « séance à la Salle des Etats et retour à pied » ? 

Extraits du journal de Louis XVI

    Ce discours, qui sonne ma foi fort juste et qui sait charmer les députés, est-il de lui, ou de son ami Liancourt ?

« On a osé publier que vos personnes n’étaient pas en sûreté », dit-il, mais qui est ce "on" ? Et quel est ce roi qui ignore qui est ce "on" ?

    En toute modestie, l'avantage de ne pas être totalement de parti-pris (même si je suis de sensibilité républicaine), me permet d'être sensible à certains détails concernant Louis XVI, qui me le font considérer sous un nouvel angle. Je vous en parlerai un peu plus tard... 😉

(Si vous êtes pressés d'en savoir plus, lisez mon article du 12 octobre 1789. Vous serez surpris.)


    


15 Juillet 1789 : Lafayette est nommé commandant de la Garde Nationale, Bailly est élu Maire et Louis XVI joue double jeu...

Article mis à jour le 25/07/2023. 

Louis le faux...

    Louis XVI s'est rendu en personne à l'Assemblée nationale pour annoncer aux députés le renvoi des troupes stationnant autour de Paris (Lire l'article). 
    Mais son ralliement n'est qu'apparent ; il a rédigé secrètement une protestation déclarant nuls et non avenus tous les actes auxquels il pourra sembler consentir désormais. Voir dans l'article du 12 Octobre 1789, la lettre qu'il rédigera secrètement à l'attention de son cousin le roi d’Espagne Charles IV dans laquelle il tiendra le même propos. 
    Il faudra encore beaucoup de "maladresses" de ce genre avant que les Français ne comprennent la véritable nature de ce roi bien aimé en 1789, amis qu'ils surnommeront Louis le faux en 1791.

Estampe de 1791, après la fuite du roi.

Bailly est "élu" maire de Paris

    Jean-Sylvain Bailly, mathématicien et astronome, est élu maire de Paris par l’acclamation d’une assemblée improvisée d’électeurs des soixante districts parisiens et de quelques députés de l’Assemblée nationale. Il remplace Jacques de Flesselles, le prévôt des marchands qui a été assassiné la veille. Du fait de cette nouvelle fonction de maire, il devient le chef de la première Commune de Paris. Celle-ci met à sa disposition un hôtel particulier, sis aux numéros 8 à 12 de la rue Neuve des Capucines.
"Election" de Bailly

Dédicace "A un peuple libre", Bailly et Louis XVI


La Fayette devient commandant.

    La Fayette est nommé commandant de la milice bourgeoise constituée le 13 juillet par le Comité permanent de l'Hôtel de Ville composé des 307 grands électeurs. Cette milice prend le nom de Garde Nationale parisienne.

    En réaction aux émeutes de la faim qui ont lieu partout dans le royaume, des comités permanents vont se former peu à peu dans d'autres villes (Lyon et Rennes, le 16 juillet), qui créeront de semblables milices bourgeoises pour rétablir l'ordre et préserver les biens.

    Ces milices sont dites bourgeoises car leurs membres sont issus de la bourgeoisie. Ce ne sera que lorsque les armées étrangères seront aux portes de Paris en 1792, que le Garde Nationale s'ouvrira au peuple. 

    Seul un bourgeois pouvait d'ailleurs se payer la tenue nécessaire pour entrer dans la Garde nationale. Un uniforme coûtait 117 Livres, auxquelles il fallait ajouter 66 Livres pour l'équipement suivant :

  • 1 chemise de toile,
  • 2 cols en basin blanc
  • 1 col noir
  • 1 mouchoir en coton
  • 1 paire de bas
  • 3 paires de guêtres
  • 1 cocarde
  • 2 paires de souliers de cuir à boucles
  • 1 tire-bouton
  • 1 épinglette
  • 1 havresac en peau de veau
  • 1 boucle de col
  • 1 tournevis
  • 1 sac de toile.

    Pour mémoire, 1 Livre valait 20 sous (ou sols) et 20 sous était le montant du salaire journalier d'un ouvrier parisien (un artisan pouvait gagner jusqu'à 50 sous).

    L'uniforme et son équipement valait donc 243 Livres, soit 243 journées de travail d'un ouvrier.

    En cliquant sur l'image ci-dessous, vous accéderez à un article intéressant sur la Garde nationale. Mais bien sûr nous serons amenés bien souvent à évoquer la Garde Nationale.


Le duumvirat "Bailly - La Fayette"

    Bailly et La Fayette vont constituer un duumvirat tout puissant à Paris durant les deux années qui suivront. Ils feront l'objet de nombreuses critiques dont nous parlerons bientôt.

Bailly La Fayette, l'homme à deux têtes.


          




15 Juillet 1789 : Les patriotes parisiens regroupent les canons sur la butte Montmartre

Montmartre, 15 juillet 1789.

    La Bastille est tombée, mais pas l’effervescence révolutionnaire ! L’incertitude règne. Souvenons-nous que de nombreux régiments campent autour de Paris et que la rumeur court toujours, de leur possible intervention contre les Parisiens. Raison pour laquelle lesdits Parisiens regroupent tous les canons positionnés à Paris, sur la butte Montmartre. Le graveur Jean-Louis Prieur a représenté cet événement important.

Source image : Musée Carnavalet

    Les Communards auront le même réflexe en mars 1871, afin de protéger la Commune de la république versaillaise de Thiers. Mais il s'agit là d'une autre Révolution...

Montmartre, mars 1871.
Source photo : Commune 1871.