mercredi 1 janvier 2020

Janvier 1789 : Sieyès publie sa brochure "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"


    En ce premier mois de l'année 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès, connu également sous le nom de l'abbé Sieyès, publie sa brochure qui deviendra célèbre "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?". Il va en vendre plus de 30.000 en un mois, ce qui est énorme à l'époque !

Découvrons ensemble cet homme d'exception avant de lire son pamphlet.

Emmanuel-Joseph Sieyès.
Penseur de l'idée de la Nation
(Source image)

Adversaire déclaré de la noblesse

    L'abbé Sieyès s'était déjà fait connaître en 1788 avec son pamphlet "Essai sur les privilèges", qui constituait une véritable charge contre la noblesse et ses privilèges héréditaires. Benjamin Constant dira de lui : « Personne jamais n'a plus profondément détesté la noblesse ».

    Penseur libéral s'inscrivant dans la tradition de Locke, Sieyès, partant de la théorie politique, montrait dans son essai l'inutilité fonctionnelle de cette classe de privilégiés que représentait la noblesse. Il concevait celle-ci comme un corps intermédiaire faisant écran entre l'autorité commune et le citoyen ; une sorte de nation dans la nation s'excluant volontairement du corps social par son mode de vie dont le château de campagne était la manifestation géographique et symbolique.

    La noblesse constituait celui lui, un fardeau pour l'économie française ; celle-ci cultivant un mépris du travail et par la même des métiers seuls capables d'enrichir la nation. Les aristocrates ne produisant rien par eux-mêmes, ces privilégiés dépensaient toute leur énergie dans une « mendicité » devenue mendicité d’État.

    Sieyès considérait même les nobles comme des étrangers à la nation, les aristocrates étant selon lui les descendants des envahisseurs germaniques (les Francs) qui avaient envahi, puis occupé la France gallo-romaine (je vous rappelle que Charlemagne parlait allemand). Sieyès proposait de « renvoyer dans les forêts de la Franconie toutes ces familles nobles qui conservaient la folle prétention d'être issues de la race des conquérants et de succéder à leurs droits ».

(Pour info, sous une monarchie, être "sujet" signifie que l'on est assujetti au roi, sous-entendu par droit de conquête.)

    A noter que Sieyès parlait de la noblesse en tant que corps social constitué. Rappelons en effet que la noblesse désigne également une qualité du cœur, que l'on peut retrouver aussi bien chez des hommes du commun (ou Tiers-Etat) que chez des aristocrates. Raison pour laquelle certains aristocrates, nobles de cœurs se rallieront aux idéaux de la Révolution.

    Sieyes demande que la représentation nationale de la population française soit proportionnelle à son poids démographique. Le Tiers état représente alors environ 97% de la population française...


Le premier sociologue

    Sieyès fut l'un des pionniers de la sociologie. Une cinquantaine d'année avant Auguste Comte, il forgea dans un manuscrit le néologisme « sociologie » ! Sieyès ne s'attarda pas à conceptualiser plus avant ce terme nouveau. Mais il eut à cœur de développer un « art social » : la connaissance positive de la société devant servir à la gouverner.

"L’objet du physicien (celui qui étudie la nature qui se dit physis en Grec), déclarait Sieyès, c’est d’expliquer les phénomènes de l’univers physique. Puisque cet univers existe indépendamment de lui, le physicien doit se contenter d’observer les faits et d’en démontrer les rapports nécessaires. Mais la politique n’est pas la physique, et le modèle de la nature ne s’applique pas aux affaires humaines." 

    Pour Sieyès, la société est une construction artificielle, un édifice ; la science de la société devrait donc être, à proprement parler, une architecture sociale. 

Petit aparté :

    Tout cela est parfaitement exact. Darwin nous aidera plus tard à comprendre que nos comportements humains sont hérités de notre évolution "naturelle" et que l'art social ne peut pas ignorer les déterminismes naturels dont nous avons hérités et qui régissent hélas nos comportements sociaux.

    Trop de penseurs avant Sieyès (et après lui aussi hélas) ont conçus des systèmes sociaux pour des êtres humains tels qu'ils voulaient qu'ils soient et non-pas tels qu'ils étaient. Tout cela parce qu'ils ignoraient, volontairement ou non, les règles à la fois biologiques et culturelles qui régissent les comportements humains. Comment bâtir une société nouvelle si l'on fait fi des propriétés des matériaux qui la constitueront ? Certains despotes iront même jusqu'à vouloir fabriquer de nouveaux hommes pour les adapter à leur modèle de société utopique, ce qui à chaque fois, constitua le premier pas vers l'enfer.

Un des penseurs de la Révolution

    Indiscutablement, l'abbé Sieyès fut l'un de ces brillants esprits qui forgèrent de précieux outils conceptuels pour penser la Révolution. Cette compréhension de la société constituée de corps sociaux, ou plutôt de classes sociales aux intérêts divergents, permit de mieux comprendre l'origine de nombre de problèmes.

    La représentation symbolique du paysan accablé, portant sur son dos la noblesse et le clergé, qui eut tant de succès dans les mois qui précédèrent les Etats généraux de mai 1789, doit surement beaucoup à la diffusion de la pensée de Sieyès dans la société.

Médaille éditée pour les Etats généraux
(Ma collection personnelle)


Un mot sur le clergé

    Ne nous y trompons pas, si parmi les fardeaux que doit supporter le malheureux paysan, figure également le clergé. Il s'agit là du haut-clergé, dont les postes sont exclusivement réservés à la noblesse et donc d'une simple extension de celle-ci. Raison pour laquelle, de très nombreux représentant du bas clergé prendront une part très active à la Révolution.

    Ce sont des curés du bas clergé qui, à l'appel de Sieyès, rejoindront ceux du tiers état à partir du 12 juin 1789. C'est un abbé qui distribuera de la poudre à fusil au peuple dans les rues de Paris le 13 juillet. C'est un abbé qui conduira sable au clair l'attaque de la Bastille le lendemain. C'est un abbé qui prononcera un discours incendiaire contre les riches le 27 septembre lors de la bénédiction des drapeaux de la garde nationale au sein de Notre Dame ! Mais de tout cela nous reparlerons quand le moment sera venu.

Sieyès sera l'un des acteurs principaux lors des Etats Généraux.

    Ce sera lui qui après avoir défendu le 16 juin 1789 sa motion sous le titre d'Assemblée nationale (proposée par Legrand), obtiendra 491 voix contre 90 pour celle-ci. Ce qui fera naître cette Assemblée nationale toute puissante qui décidera par un premier décret, qu'elle aura la responsabilité de la perception des impôts et le service de la dette. C'est-à-dire, le premier acte révolutionnaire de grande importance.

    Nous retrouverons régulièrement Sieyès durant toute la Révolution et à chaque fois, ses agissements seront empreints de son intelligence brillante.

Filons la métaphore...

    On dit chez les motards, qu'un bon motard est un vieux motard (excusez l'image). Je pourrais filer la métaphore en disant qu'un révolutionnaire intelligent est un vieux révolutionnaire. Sieyès était probablement très intelligent et surtout très compétent dans cette science sociale nouvelle dont il avait établi les prémisses ; car en excellent connaisseur de la mécanique humaine et de ses comportements sociaux, il survécut à tous les courants dangereux de la Révolution et mourut à 88 ans en 1836 ! Il connut une éclipse sous la Convention, se fit discret sous la période dite de la Terreur, puis il réapparu après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II. En tant que spécialiste en droit public, il anima alors les débats sur la Constitution de l'an III puis poursuivit sa carrière politique sous le Directoire avant d'être l'un des principaux instigateurs du coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire an VIII. Il rédigera à cette occasion sa dernière constitution qui, sous une forme remaniée, devient celle du Consulat.

Coup d'état du 18 Brumaire (9 Novembre 1799)

Revenons-en à la fameuse brochure ! "Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?"

Ce petit ouvrage est connu pour son introduction :

« Qu'est-ce que le Tiers-État ? Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous faire.

1º Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.

2º Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.

3º Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »

    Dans cet ouvrage, Sieyès poursuit sa réflexion entamée dans son ouvrage de 1788 évoqué ci-dessus. Mais il dépeint la situation présente et apporte des solutions, c'est-à-dire les réformes à réaliser.

    Dans la perspective des Etats Généraux, il préconise que le vote de chaque ordre se fasse proportionnellement à sa représentativité réelle dans la nation. Cela donnera évidemment l'avantage au Tiers-Etat qui représente près de 98 % des Français ! Mais cela montre également que le corps social que constitue la noblesse, non seulement ne représente rien, mais aussi et surtout est totalement inutile à la Nation. Raison pour laquelle il poursuit ainsi :

« Qui donc oserait dire que le Tiers-état n’a pas en lui tout ce qu’il faut pour former une nation complète ? Il est l’homme fort et robuste dont un bras est enchainé. Si l’on ôtait l’ordre privilégié, la Nation ne serait pas quelque chose de moins, mais quelque chose de plus. Ainsi qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout, mais un tout entravé et opprimé. Que serait-il sans l’ordre privilégié ? Tout. Mais un tout libre et florissant. Rien ne peut aller sans lui, tout irait infiniment mieux sans les autres.

On verra si les réponses sont justes. Nous examinerons ensuite les moyens que l’on a essayés, et ceux que l’on doit prendre, afin que le Tiers-État devienne, en effet, quelque chose. Ainsi nous dirons :

4º Ce que les Ministres ont tenté, et ce que les Privilégiés eux-mêmes proposent en sa faveur.

5º Ce qu’on aurait dû faire.

6º Enfin, ce qui reste à faire au Tiers pour prendre la place qui lui est due. »

    On retrouve dans ce pamphlet l'idée forte défendue dans l'essai de 1788, à savoir que la noblesse, avec ses privilèges, est à exclure du pouvoir, car elle ne défend que ses intérêts particuliers. Les privilégiés, bien que minoritaires, constituent un fardeau pour la Nation.

Naissance de l'idée de Nation.

    Selon Sieyès, la nation est le seul principe constituant possible dans l'État, et cette nation ne s'exprime que lorsqu'elle est dotée d'une Constitution. Raison pour laquelle la première tâche à laquelle se consacre l'Assemblée nationale dite constituante sera la rédaction d'une constitution.

"La Nation française"
Cachet des Procès-Verbaux de l'Assemblée nationale.

    L'unité du pouvoir se dégageant de la diversité sociale, il est impossible dans ce contexte de conserver des ordres imperméables entre eux, et la représentation doit être individualiste, souveraine et générale. L'idée de Nation constitue un nouvel outil conceptuel pour penser une société nouvelle. C'est le nom du nouveau contrat social devant unir les Français.

    Sieyès postule que la nation existe avant tout, qu'elle est l'origine de tout, que sa volonté est toujours légale et qu'elle est la loi elle-même. La nation est un donné, et non un construit, il sera nécessaire de donner des institutions à celle-ci, afin qu'elle puisse organiser le bonheur du peuple. Tout ce que nous allons découvrir ensemble tout le long de cette année 1789 résulte de cette idée nouvelle de Nation.

Assiettes "Vive la Nation"



Mais de quel Tiers-état parle-t-on ?

Confusion

    Le Tiers-état est communément considéré comme un corps homogène que l'on assimile au Peuple. C'est une source de confusion et même d'incompréhension de nombre d'événements de la Révolution française.

Un nouveau corps est apparu au sein de la société.

    Bien évidemment, la noblesse couvre de son mépris l'ensemble des roturiers de la société. Mais c'est oublier qu'un nouveau corps social a émergé au sein du Tiers-état, c'est celui que constitue la bourgeoisie ! Cette nouvelle classe sociale, riche par son travail (industrie, commerce, banque), influente et éduquée, n’a pas cessé de s’accroître, donnant naissance à une nouvelle élite. Mais cette nouvelle élite, qui paie des impôts, n'a aucun pouvoir politique. Vous voyez le problème ?

Ce nouveau corps social rest constitué d'environ 14% de la population française, le reste du peuple inclus dans le Tiers-état constitue près de 84% de la population. La noblesse ? Seulement 1%...

Deux formules pour mieux comprendre.

    En décembre 1788, le ministre des Finances Jacques Necker avait présenté ainsi ce nouveau paradigme dans un discours :

"Il y a une multitude d'affaires dont elle seule (La nouvelle classe bourgeoise) a instruction", c'est-à-dire connaissance. Quelles affaires ? Les transactions commerciales, les manufactures, le crédit public, l'intérêt et la circulation de l'argent. C'est-à-dire qu'un état bien ordonné doit admettre la participation des plus éminents citoyens."

Barnave dans sa prison

    En 1793, Antoine Barnave, l’avocat du Dauphiné devenu député puis chef des Feuillants, écrira dans le livre qu'il rédigera en prison, "De la Révolution et de la Constitution", cette formule qui a elle seule résume la Révolution de 1789 :

« Une nouvelle répartition des richesses implique une nouvelle répartition des pouvoirs ».



Vous comprendrez très vite en lisant les articles sur cette année 1789, que le Tiers état était en vérité constitué de deux parties distinctes, dont les intérêts divergeaient...


Un peu de lecture ?

Vous pouvez aisément lire "Qu'est-ce que le Tiers-Etat" en clichant sur ce lien :
https://fr.wikisource.org/wiki/Qu%E2%80%99est-ce_que_le_tiers_%C3%A9tat_%3F

Et voici dans la fenêtre ci-dessous, la copie du texte original, scannée sur le site de la BNF :


                      




Je suis citoyen, j'en appelle aux Etats Généraux

 

   J’ai découvert cet ouvrage dans la bibliothèque numérique de l’université de la Colombie Britannique du Canada à Vancouver.

    Il est anonyme, mais on l’attribue à Charles François Delespine (ou Delépine) d'Andilly, Ecuyer, gendarme de la garde ordinaire du Roi, fils de Charles Jean Baptiste de Lépine, imprimeur-libraire du roi à Paris, décédé en 1787.

  Sa lecture est intéressante car il traite de nombre de préoccupations des Français à la veille des États Généraux.



Vous pouvez le lire en ligne via la fenêtre ci-dessous et vous pouvez même le télécharger via ce lien :


1er Janvier 1789 : Les Etats-Généraux de Cythère ? Vraiment ?

 

Bienvenue en 1789 !

Cliquez sur l'image pour lire la 1ère page.
Les autres pages sont en bas de l'article.
    Le numéro du 1er janvier 1789 du Journal de Paris, après ses indications relatives à la météo ( -17.3° dans la nuit du 30 au 31), commence par des extraits relatifs aux Belles Lettres.

    L’auteur de l’article s’étonne que la plupart des esprits, pendant l’année 1788, se sont tournés vers des objets fort étrangers à la Poésie. Raison pour laquelle, la Notice des ouvrages de poésie qui termine l’Almanach des Muses est-elle beaucoup moins considérable qu’à l’ordinaire.

    Cependant, précise-t-il, le Recueil lui-même se ressent moins de cette stérilité. Il contient un grand nombre de Pièces importantes par leur étendue & par le talent qui les a produites, telles que les "Etats-Généraux de Cythère", Imitation très élégante du Congrès de Cythère du Comte Algarotti, par Monsieur le Chevalier de Cubière ; (…)

L’ouvrage du Chevalier Barbier Michel Cubières de Palmeseaux est accessible en ligne en cliquant sur l’image ci-dessous !

    Après une "courte" présentation de 11 pages, le texte poétique couvre une petite trentaine de pages. Amusez-vous à le lire. C’est comment dire ? Frais et pittoresque ? Poétique ? Bienvenu au 18ème siècle !

Vignette extraite du bel ouvrage "Etats-Généraux de Cythère"

Etats-généraux de Cythère, et de France

    Michel de Cubière, né en 1752, a laissé de lui dans l’histoire de la littérature, le souvenir d’un poète « léger » et surtout celui d’une véritable girouette politique (ce qui lui permettra de s’éteindre paisiblement en 1820). Il a néanmoins été parfaitement en phase, avec la principale préoccupation du moment, en versifiant sur ses « Etats généraux de Cythère ».

    En effet, tout le monde le sait, les Etats généraux qui vont avoir lieu à Paris en Mai prochain, vont être l’événement de l’année 1789 ! Aucun autre événement ne pourrait surpasser celui-là en importance !...

Pourquoi cette convocation des Etats Généraux par le roi Louis XVI ?

Louis XVI

    Ce 1er janvier 1789, la dette de la France s’élève à 4 milliards et demi. Elle a triplé durant les quinze années passées du règne de Louis XVI. Il faut savoir que les dépenses occasionnées par le soutien de la France aux colons insurgés américains, ont été évaluées à plus de 2 milliards. La guerre d’indépendance américaine a été l’une des causes principales qui ont provoqué la Révolution française.

Budget de l'Etat en 1788

    Le royaume est au bord de la faillite. Ces dernières années, les ministres successifs de Louis XVI ont tenté, en vain, de réformer le royaume. En vain, parce que l’Ancien régime est devenu irréformable, du fait des privilèges anachroniques que détiennent deux corps minoritaires de la société (2%), la noblesse et le clergé (l’Eglise).

Répartition proportionnelle des Français
au sein des trois corps de la société, en 1789.

    Louis XVI a bien essayé de réunir ces deux corps privilégiés à l’occasion de deux Assemblées des Notables, qui ont eu lieu en 1787 et 1788. Mais ces "grands du royaume" n’ont rien cédé. Louis XVI et ses ministres successifs ont également été confrontés à l’hostilité des Parlements. Ces derniers instrumentalisant souvent le peuple en fomentant des émeutes pour les soutenir, quand ils refusaient les réformes du roi.

    Les premiers à bafouer l’autorité royale et à semer les graines de la révolte à venir, furent ces privilégiés de la noblesse et du haut clergé.

Lire mon article : "Les Parlements contre le Roi, 30 ans d'une lutte de l'aristocratie contre l'absolutisme royal"

    Nous serons amenés à reparler des Etats Généraux, leur préparation, leur déroulement, ainsi que leur aboutissement totalement imprévu. Des articles évoqueront plus précisément, au cours de cette chronique de 1789, les problèmes de l’Ancien régime. Néanmoins, le survol de la petite chronologie ci-dessous, vous donnera une meilleure idée de la situation. Elle n'est pas exhaustive et certains des événements qui y sont mentionnés, seront repris et développés dans de prochains articles.

De 1786 à 1788, les nuages s’amoncèlent.

20 Août 1786

    Charles Alexandre de Calonne, contrôleur général des finances et de fait premier ministre, remet à Louis XVI un mémoire sur le déficit financier du royaume ; il préconise comme indispensable une réforme de l'Etat suivant un plan en trois points plan :

  • Plan fiscal : tendance à l'égalité devant l'impôt et à l'unification ;
  • Plan économique : liberté du commerce des grains, suppression des douanes intérieures ;
  • Plan administratif : création d'assemblées municipales (élues par tous les propriétaires ayant au moins 600 livres de revenu), qui éliraient des assemblées de district, lesquelles éliraient à leur tour des assemblées provinciales ; toutes ces assemblées demeurant d'ailleurs purement consultatives.

    Au lieu de soutenir Calonne et d'imposer son plan de réformes, Louis XVI tergiverse et cherche, pour vaincre la résistance prévisible des parlements, à obtenir le soutien de la Noblesse.

    Calonne dira au roi : 

« Ce qui est nécessaire pour le salut de l’État serait impossible par des opérations partielles, il est indispensable de reprendre en sous-œuvre l’édifice entier pour en prévenir la ruine… Il est impossible d’imposer plus, ruineux d’emprunter toujours ; non suffisant de se borner aux réformes économiques. Le seul parti qu’il reste à prendre, le seul moyen de parvenir enfin à mettre véritablement de l’ordre dans les finances doit consister à vivifier l’État tout entier par la refonte de tout ce qu’il y a de vicieux dans sa constitution. »

Calonne ajoutera en trois ans 653 nouveaux millions aux emprunts précédents. (Source : Mathiez p43).

22 Février 1787

Première Assemblée des Notables

29 Janvier 1787 Convocation
à l'Assemblée des notables

Cette réunion des grands du royaume réunis, durera jusqu'au 25 mai. Elle sera composée de 114 membres désignés par le roi, dont 7 princes de sang, 36 ducs et pairs ou maréchaux de France, 33 présidents ou procureurs généraux de parlements, 11 prélats, 12 conseillers d'Etat, 12 députés des "pays d'Etat", 25 maires ou échevins des principales villes, etc.

Les grands rejetteront toutes les réformes de Calonne (un programme calqué sur celui de Turgot) qui remettent en question leurs prérogatives fiscales. Ils se considèrent comme inaptes à décider la levée d'un nouvel impôt (la subvention territoriale, un impôt foncier qui s'appliquerait à tous les propriétaires, y compris les privilégiés).


31 Mars 1787

    Calonne dénonce l’opposition des Notables aux réformes dans un manifeste qu’il rend public. Ce document expose le contenu de ses réformes jusqu’alors tenues secrètes, pour en appeler à l’opinion publique.

Avril 1787, un certain La Fayette

    Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, dit « La Fayette », le héros de la guerre en Amérique, participe à cette première assemblée des notables. Il appartient au bureau présidé par le comte d'Artois, frère du roi. Lafayette saisit l’opportunité qui se présente à lui de produire quelques-unes des réformes qu'il a méditées, (voter la suppression de la gabelle et la mise en liberté des personnes détenues à l'occasion de cet impôt, abolition des lettres de cachet et des prisons d'État, révision des lois criminelles. Il est de ceux qui demandent et obtiennent le renvoi du ministre Calonne.

Eventail - Assemblée des Notables - 1787

Assemblée des Notables, suite et fin.

    La Fayette formule le vœu d'une convocation des États généraux, comme le seul remède efficace aux maux de la situation ; mais ce vœu demeure sans écho. Il fait la motion expresse (mot prononcé pour la première fois) de la convocation de la nation représentée par ses mandataires. Cette idée n’aura pas de suites immédiates mais fera son chemin malgré tout.

L’Assemblée des Notables se termine sur un échec.

Assemblée des Notables

16 Juillet 1787

    Le Parlement de Paris déclare que seule la Nation réunie dans ses Etats Généraux peut consentir un impôt perpétuel.

15 au 18 Août 1787

    Des émeutes populaires éclatent à Paris pour soutenir les Parlements. La négociation entre Loménie de Brienne qui a remplacé Turgot, et les parlements, aboutit à un compromis : le gouvernement envisage de convoquer les États Généraux, mais demande du temps et des moyens financiers pour présenter en 1792 un bilan satisfaisant…

    Au même moment, on commence à traiter la reine Marie Antoinette de "Madame Déficit" et d'"Autrichienne" ; des mannequins de ses favorites sont traînés au ruisseau. L’affaire dite, du collier de la reine, en 1785, a contribué à un retournement de l'opinion publique contre la reine.

19 Septembre 1787

    Une séance royale a lieu au Parlement pour l'enregistrement de l'édit (prorogation de l’impôt des deux vingtièmes) et du lancement d'un emprunt. Le Parlement réclame les Etats Généraux pour 1789. Le roi répond par l'ordre pur et simple d'enregistrer. Le Duc d'Orléans proteste ; Louis XVI lui répond : "C'est légal parce que je le veux". Le Parlement annule l'enregistrement comme illégal. Le ministre Loménie de Brienne fait arrêter deux conseillers (Fréteau et Sabatier) par lettre de cachet. Le duc d'Orléans que la foule avait porté en triomphe, est exilé à Villers-Cotterêts.

3 Mai 1788

    Avec la subvention territoriale, qui ne serait pas seulement payé par le Tiers-Etat mais aussi par les autres Ordres, Louis XVI entend instaurer l'égalité de tous devant l'impôt. Le Parlement de Paris refuse catégoriquement d'enregistrer la loi, la rendant donc inapplicable. Dans ce cas, le roi est obligé de faire un lit de justice afin de les forcer à obéir.

    Le Parlement publie une « déclaration des droits de la Nation » et réclame à nouveau la convocation des états généraux en espérant qu'ils contraindront le roi à respecter les exemptions fiscales des privilégiés.

6 mai 1788

Le capitaine des gardes arrête en pleine séance les conseillers d’Epremesnil et Montsabert.

Arrestation de d'Eprémesnil, Goislard de Veny et Girardet.
Jean Jacques Duval d'Eprémesnil et Anne Louis Goislard de Montsabert
étaient 2 conseillers au Parlement de Paris.


8 mai 1788

    Par un lit de justice tenu à Versailles, Louis XVI impose les réformes judiciaires et politiques, tandis que les gouverneurs de province tiennent des lits de justice dans toutes les cours souveraines. 47 tribunaux de grand bailliage, remplacent les Parlements. Ils doivent appliquer un nouveau code d’instruction criminelle qui supprime la « question préalable », torture précédant l'exécution afin d'obtenir le nom des complices du condamné. L’enregistrement des lois passe à une cour plénière dont les membres sont choisis par le roi. Elle se réunit le 9 mai, mais de nombreuses personnalités refusent d’y siéger. Les Parlements résistent à leur mise en vacance et sont soutenus par des émeutes populaires à Paris (19 juin), Toulouse et Rennes.

    L’assemblée du clergé, réunie en mai, refuse d’entériner les réformes du 8 mai et condamne l’octroi de droits civils aux non-catholiques.

7 Juin 1788

    Le duc de Clermont-Tonnerre, Lieutenant général du Dauphiné, confie à des patrouilles de soldats des lettres de cachet à remettre aux parlementaires dauphinois pour leur signifier un exil sur leurs terres ; Le tocsin sonne. La population est rameutée par les auxiliaires de justice, fâchés de perdre le Parlement, qui représente une grande partie de leurs ressources. Des Grenoblois s'emparent des portes de la ville, d'autres, montés sur les toits, jettent des tuiles et divers objets sur les soldats. L'hôtel du gouvernement est pillé et vers la fin de l'après-midi, les émeutiers, maîtres de la ville, réinstallent les parlementaires à l'intérieur du palais du parlement. Il y aura eu trois morts. Cet événement s’inscrira dans les mémoires sous le nom de « Journée des Tuiles ».

14 Juin 1788

    Les notables grenoblois des trois ordres se réunissent à l'Hôtel de Lesdiguières et demandent le rappel des magistrats et la convocation des États de la province et des États généraux du Dauphiné.

5 Juillet 1788

    Loménie de Brienne promulgue un arrêté du Conseil d’État annonçant la convocation des États Généraux. Il institue en pratique la liberté d'expression.

15 Juillet 1788

    La Fayette est démis de son grade pour ses protestations contre la politique royale.

À l'initiative de Gouy d'Arsy et de Moreau de Saint-Méry, neuf grands propriétaires de Saint-Domingue résidant en France et souhaitant représenter la colonie aux États Généraux se forment en Comité des colons de Saint-Domingue ou Comité colonial. Ces commissaires demandent aux Domingois de ratifier leur nomination à la représentation de l'île aux États Généraux. Source : Les traites négrières.

21 Juillet 1788

    Réunion des états généraux du Dauphiné au château de Vizille, propriété de grands industriels, les Périer. Les Dauphinois, qui réclament le rétablissement de leurs États provinciaux, envoient leurs délégués au château de Vizille. L’assemblée que le commandant militaire n’ose dissoudre, décide sous les conseils des avocats Mounier et Barnave que désormais le tiers état aura une représentation double et qu’on votera aux états non plus par ordre mais par tête. Elle se déclare représentative et réclame la convocation des États du Dauphiné. De nouveaux États se réuniront en septembre.

5 Août 1788

Loménie de Brienne annonce la convocation des états généraux.

8 Août 1788

    Un arrêt du 8 août 1788 fixe la tenue des Etats Généraux au premier mai 1789 (à l’exception des colonies). A cette occasion, des cahiers de doléances doivent être présentés au roi, conformément à une tradition héritée du XVIe siècle. Selon l’article 24 du règlement du 24 janvier 1789, « tous les habitants composant le Tiers-Etat des villes ainsi que ceux des bourgs, paroisses et communautés de campagne seront tenus de s’assembler à l’effet de rédiger le cahier de leurs plaintes et doléances ».

    À la demande de Gouy d'Arsy et du Comité colonial, un Comité provincial du Nord de Saint-Domingue se constitue officieusement. Il se réunit officiellement le 27 janvier 1789, tandis que ceux de l'ouest et du sud le font les 25 janvier et 9 mars 1789. Ces assemblées provinciales élisent, pendant le premier trimestre de 1789, une députation de 37 membres où figurent 8 des 9 membres du Comité colonial de France. Ces comités prendront l'appellation d'Assemblées provinciales, d'où les gens de couleur libres sont exclus. Source : Les traites négrières

16 Août 1788

Proclamation de la banqueroute financière de l'État. Suspension des paiements de l’état pour 6 semaines.

25 Septembre 1788

    Le Parlement de Paris prend un arrêt aux termes duquel les états généraux doivent être « régulièrement convoqués et composés suivant la forme observée en 1614 » (vote par ordre) autrement dit avec trois ordres très inégalitairement représentés.

6 Novembre 1788

    Début à Versailles d'une seconde assemblée des notables de France convoqués par le roi, pour traiter les questions préliminaires relatives à l’organisation des Etats Généraux. L’Assemblée recommande le vote par ordre et refuse le doublement du Tiers Etat. Elle sera congédiée le 12 décembre, sans avoir rien fait d'important.

26 Décembre 1788

    À l'occasion de la convocation des États Généraux, les chefs de Saint-Domingue invitent les colons à leur exposer leurs requêtes par lettres à la condition de ne pas porter plus de cinq signatures, mais interdisent la réunion de toute assemblée illicite. Les Blancs ne tiendront pas compte de cette dernière prohibition et désigneront trois Assemblées provinciales (nord, ouest, sud) et une Assemblée coloniale. Source : Les traites négrières.

27 Décembre 1788

    Louis XVI arrête, dans son conseil privé, que le Tiers-Etat aura autant de représentants aux états-généraux que la noblesse et le clergé réunis

    Cela ne peut que plaire au clairvoyant Necker qui déclare : "Il y a une multitude d'affaires dont elle seule (elle, la nouvelle classe bourgeoise) a instruction", c'est-à-dire connaissance. Quelles affaires ? Les transactions commerciales, les manufactures, le crédit public, l'intérêt et la circulation de l'argent. C'est-à-dire qu'un état bien ordonné doit admettre la participation des plus éminents citoyens." Source : Les 2 Révolutions françaises, Henri Guillemin, p15.

29 Décembre 1788

Réunion des États provinciaux d’Artois.

Marseille réclame l’augmentation du nombre des élus du tiers état et le vote par tête aux États généraux.

A Rennes, la cinquantaine de députés du Tiers État breton fait savoir qu’elle refuse de délibérer avec les députés des deux autres ordres, la noblesse et le clergé, tant que leurs revendications ne sont pas entendues. Ces députés demandent notamment à avoir autant de représentants que les deux autres ordres, qui détiennent tout le pouvoir. La noblesse refuse, le ton monte, l’agitation est telle que le roi va suspendre les États de Bretagne. Source : FranceTV info (eh oui!)


Retour au premier premier Janvier 1789

En parcourant les 4 pages de ce numéro du "Journal de Paris", vous constaterez l'étonnante place laissée à la culture, chronique littéraire, poésie, programmes des théâtres. Le XVIIIe siècle...

Cliquez sur les images pour pouvoir lire les pages.






Alors d'après-vous, les Etats-Généraux, l'évènement de l'année 89 ? Vraiment ? 😉


                




jeudi 25 juillet 2019

25 Juillet 1788, la traite des nègres vue du Dauphiné

 


    J'ai jugé utile de vous donner à lire cet extrait d'un article traitant de la traite des nègres, c'est-à-dire de l'esclavage : article publié dans un petit journal de province, intitulé AFFICHES DE DAUPHINE, ANNONCES, &c.

Thomas Clarkson

    Le combat contre la traite négrière est né en Angleterre. L'un de ses premiers acteurs fut Thomas Clarkson. C'est la raison pour laquelle nombre des premiers articles publiés sur ce sujet dans des journaux français étaient des textes traduits de l'Anglais.

    Celui-ci "Suites des extraites de diverses lettres adressées à la Société de Manchester sur la Traite des Nègres." fut publié dans de nombreux journaux en 1788.

    Voici la version publiée le 25 juillet 1788 dans ce petit périodique de la province du Dauphiné. Curieusement, ce journal n'évoque pas l'Assemblée des états généraux de Vizille, qui s'était déroulée 4 jours plus tôt.

Cliquez sur les images pour les agrandir.





Source : https://www.retronews.fr/journal/affiches-annonces-et-avis-divers-du-dauphine/25-juillet-1788/1435/3223343/3


    Comme évoqué plus haut, cet article a été publié dans d'autres journaux en 1788. Vous pouvez le découvrir à nouveau dans "L'esprit des journaux, français et étrangers", publié en Septembre 1788 (à partir de la page 234) :




dimanche 21 juillet 2019

21 Juillet 1788, l'Assemblée de Vizille

 

Le château de Vizille, avant l'incendie du 17 février 1865
qui détruisit la salle du jeu de paume et la grande galerie.

Assemblée illégale...

    C'est à la suite de l'émeute qui s'était déroulée le 7 juin 1788 à Grenoble, (la fameuse journée des tuiles), que les états généraux du Dauphiné se réunissent (illégalement) au Château de Vizille ce 21 juillet 1789. "Illégalement", car le lieutenant-général du Dauphiné, le maréchal de Vaux en a interdit la tenue à Grenoble.

Noël de Jourda de Vaux


"La  journée des tuiles"
Tableau d'Alexandre Debelle

    Certains historiens nous disent que l'Assemblée de Vizille est à l'origine de la convocation des Etats généraux du Royaume par Louis XVI. Mais c'est faux, car Louis XVI avait déjà fait annoncer par un arrêt du conseil, le 5 juillet précédent, la prochaine tenue des états généraux du royaume…

    Ce qui est certain, c'est que cette assemblée constitua pour le moins un aperçu de ce qu'allaient être les Etats généraux qui se dérouleraient dix mois plus tard. En effet, c'est lors de cette Assemblée de Vizille qu'Il fut décidé pour la première fois, d'accorder au Tiers État, (présent majoritairement ce jour-là), le vote par tête, et non par ordre comme dans les précédents états généraux du royaume ; une décision qui allait susciter d'âpres débats lors des états généraux de 1789.

    De plus, ces députés du Dauphiné votèrent que « les trois ordres de la province n'octroieraient les impôts, par dons gratuits ou autrement, que lorsque leurs représentants en auraient délibéré dans les états généraux du royaume. ». Ce qui fait dire à certains qu'ils furent à l'origine de la convocation des Etats généraux du royaume, ce qui nous l'avons vu plus haut, est totalement faux. 

Encore une révolte de notables.

    En agissant ainsi, les députés du Dauphiné s'opposaient une fois de plus au roi et à son ministre Étienne-Charles de Loménie de Brienne, qui depuis la première Assemblée des Notables de 1787, tentaient de promulguer des réformes fiscales pour sauver le royaume de la faillite, réformes que refusaient de valider lesdits Parlements. (Lire mon article sur les Parlements en révolte contre le roi).

    A noter que ces réformes, un droit de timbre et un nouvel impôt foncier général, ne pénalisaient pas le peuple mais bien les privilégiés. Ce qui n'empêchait pas les parlementaires récalcitrants d'instrumentaliser le peuple en attisant la colère latente chez celui-ci. Il suffisait pour cela aux parlementaires, d'évoquer les mesures de libre échange qui avaient déjà provoqué la terrible guerre des farines.

Le château de Vizille

Un hôte promis à un brillant avenir.

    Le château de Vizille où eu lieu (dans sa salle de jeu de paume), l’assemblée des trois ordres de la province, c'est-à-dire la réunion des états généraux du Dauphiné appartenait depuis 1780 à Claude Nicolas Perier, un bourgeois industriel, créateur de sa propre banque, devenu noble en 1778 quand il avait été nommé conseiller-secrétaire du roi à la Chambre des comptes du Dauphiné. Celui-ci avait fait installer dans une aile de son château, une manufacture d’impression sur tissu (cotonnades imprimées et d'indiennes).

L'Assemblée de Vizille, dans la salle de jeu de paume du château.

    Claude Nicolas Perier était un fervent défenseur des idées nouvelles, comme tous des membres de la haute bourgeoisie, cette nouvelle classe sociale née au sein du Tiers état, ainsi que chez certains membres de la noblesse et du bas-clergé.

Claude Nicolas Perier

Une classe montante...

    Comme le dira plus tard Barnave, cet avocat du Dauphiné devenu député : "Une nouvelle distribution de la richesse entraîne une nouvelle distribution du pouvoir ".

Telle fut en fait la raison première de la Révolution de 1789...

    Lors de la journée des Tuiles, Barnave avait d'ailleurs rédigé un libelle "L'Esprit des Édits", appelant à soutenir le Parlement de Grenoble suspendu par le pouvoir royal. Barnave et son ami Mounier deviendront députés du Dauphiné en 1789 et Mounier sera même durant un temps, président de l'Assemblée nationale avant de s'enfuir de Paris le 10 octobre 1789 quand les femmes parisiennes feront prendre un nouveau tournant à la Révolution


Conclusion ?

    Effectivement, on devine la lueur de la Révolution dans ces journées des 7 juin et 21 juillet 1788. Les principaux acteurs sont là, les grands rôles comme les petits rôles, les grands qui gagneront et les petits qui perdront. Mais il s'agit plutôt d'un prologue que d'un épilogue ou une conclusion...


             





vendredi 7 juin 2019

7 Juin 1788 : La journée des tuiles.

 

Tableau d'Alexandre Debelle

Les historiens adorent les dates...

    Les historiens adorent les dates liées à des événements bien précis. Cela leur permet de les utiliser comme des repères marquant des débuts ou des fins. L'esprit humain affectionne ce genre de commodités qui satisfont son besoin de comprendre et de donner du sens. Raison pour laquelle, la date du 7 juin 1788 correspondant à l'événement désigné sous le nom de "journée des tuiles", est unanimement considérée comme l'une des prémisses de la Révolution française.

    En effet, à la suite de cette émeute qui se déroula à Grenoble, les états généraux du Dauphiné se réunirent (illégalement) au Château de Vizille le 21 juillet 1789 ("Illégalement" parce que le lieutenant-général du Dauphiné, le maréchal de Vaux en avait interdit la tenue à Grenoble) et certains historiens affirment que l'Assemblée de Vizille fut à l'origine de la convocation des Etats généraux du Royaume par Louis XVI ; ce qui est faux puisque Louis XVI avait déjà fait annoncer par un arrêt du conseil, le 5 juillet précédent, la prochaine tenue des états généraux…

   Comme vous devez le savoir, ces Etats généraux allaient prendre une tournure inattendue en aboutissant à la création de l'Assemblée nationale dans un premier temps, puis à la prise de la Bastille dans un second temps…

La rue Raoul Blanchard à Grenoble, et ses fantômes de 1788.

L'émeute grenobloise du 7 juin 1788, "la journée des Tuiles".

    Comment ne pas reconnaître quelques-uns des curieux ingrédients de la prise de la Bastille, dans cette insurrection qui eut lieu à Grenoble le 7 juin 1788 ? La bourgeoisie est irritée par les mesures impopulaires prises par le roi et fort commodément des émeutiers s'insurgent dans les beaux quartiers de Grenoble en lançant des tuiles sur la troupe depuis les toits.

    Dans les faits, le lieutenant général de la province confia à des patrouilles de soldats des lettres de cachet à remettre aux parlementaires pour leur signifier un exil sur leurs terres. Mais le tocsin se mit à sonner. La population fut rameutée par les auxiliaires de justice, (particulièrement fâchés de perdre le Parlement, qui était leur gagne-pain). Des Grenoblois s'emparèrent des portes de la ville. D'autres, montés sur les toits, jetèrent des tuiles et divers objets sur les soldats. Vers la fin de l'après-midi, les émeutiers, maîtres de la ville, réinstallèrent les parlementaires dans le palais de justice.

    En tout, 6 foyers d'émeutes seront recensés dans la ville lors de cette fameuse journée. Deux dans le nord de la ville, au palais du Parlement du Dauphiné et sur la place des Herbes. Quatre autres plus au sud, l'un devant le couvent des Jacobins appelés aussi Dominicain (actuel magasin des Galeries Lafayette), un second à l'hôtel de la première présidence (actuelle rue Voltaire), un troisième à l'hôtel du Lieutenant général et le quatrième au collège des Jésuites (actuel Lycée Stendhal, rue Raoul Blanchard. Ce dernier affrontement sera immortalisé par le peintre Alexandre Debelle, dans un tableau exposé au Château de Vizille, devenu musée de la Révolution française. Ces émeutes feront trois morts et vingt blessés dans la population et un assez grand nombre de blessés parmi les soldats du régiment de Royal-Marine.

Uniforme et drapeaux du Royal Marine


    Etonnant, non ? Lisez plutôt la suite. 😉