lundi 6 juillet 2020

6 Juillet 1789, A l’assemblée Nationale, un député curé s’inquiète de la famine qui menace les pauvres.


Constitution de l'Assemblée Nationale le 17 Juin 1789.
    La séance à l’Assemblée nationale est ouverte à 10h du matin, sous la présidence de M. Le Franc de Pompignan archevêque de Vienne. La discussion s’ouvre sur le projet du comité des subsistances.
    M. Blandin, curé de l’Orléanais, prend le premier la parole pour exposer le sentiment général de son bureau.

"Les moyens," dit-il, "qui vous sont offerts par le comité des subsistances, ne nous présentent que des secours pour l’avenir, mais non pas pour le présent. Les besoins actuels sont urgents ; ils nous pressent de tous côtés ; les provinces éprouvent déjà les horreurs de la famine.

Nous devons nous attacher aux deux grands malheurs qui nous désolent, la disette de blé et la disette d’argent. Les productions de notre sol, un numéraire immense, produit de nos richesses, se sont répandus dans des contrées étrangères, et y répandent, à nos dépens, un superflu que la nature de nos travaux nous avait prodigué.

Cependant, sans nous livrer ici à des craintes incertaines, nous pouvons sans danger croire que le blé ne manque pas en France. Les provinces frontières n’en sont pas dépourvues ; mais c’est vraiment en se rapprochant du centre du royaume que le fléau de la disette s’appesanti davantage.

A Orléans et dans les environs, les troubles et les émeutes réitérés semblent être les avant-coureurs d’une famine prochaine ; dans d’autres provinces on a donné la mort à des malheureuses victimes auxquelles on ne pouvait donner du pain. Plus on avance, plus les obstacles se multiplient, et chaque jour présente un accroissement douloureux de nouveaux malheurs.

Il était temps, il y a un mois, de prévoir ces calamités : on pouvait ordonner la libre circulation des grains ; je l’ai même proposé dans la chambre du clergé ; mais à peine ma proposition a-t-elle été faite, qu’un membre s’est élevé contre elle ; il m’a accusé de peu respecter nos lois et l’autorité des cours. Sans doute personne ne respecte plus que moi les lois et la majesté du trône ; mais la religion des princes est souvent séduite, et le premier devoir d’un bon citoyen est de faire briller devant eux le flambeau de la vérité.

Je pense que nous devons encore songer au moyen que j’avais soumis au clergé. Le comité vous l’a présenté, et je le remets sous vos yeux.

Mais ce secours ne serait pas suffisant. Le mal est immense : chacun doit chercher, autant qu’il est en lui, à le diminuer ; et c’est ce qui me porte à croire qu’une souscription volontaire en faveur des pauvres contribuera beaucoup à soulager leur misère."


    Le Président de l’Assemblée annonce en complément de cette intervention qu’il vient de recevoir une lettre des boulangers de Paris adressée au comité, sur laquelle il y a "pressée". 

    L’assemblée demande le renvoi au comité des subsistances, qui est invité à s’assembler sur-le-champ.

    La proposition de ce brave curé soucieux des pauvres n’était pas nouvelle. La libre circulation des grains avait été l’objet d’un débat passionné durant tout le 18ème siècle. Sous l’ancien régime, il était pratiquement impossible de transporter des céréales d’une province à l’autre. Selon un rapport de la fin du siècle, sur 32 provinces, 10 produisaient plus qu'elles ne consommaient, 10 suffisaient à peu près à leur subsistance, et 12 ne récoltaient presque pas de céréales.

    Le ministre Turgot, empreint de l'esprit des lumières mais aussi libéral convaincu, avait essayé avec son édit du 13 septembre 1774, d’instaurer ce nouveau système économique de libre circulation des grains. Hélas, l’inquiétude que cela avait provoqué dans le peuple (peur de manquer en partageant), ainsi que de passables récoltes, avaient été causes de ce que l’on appela la guerre des farines qui donna lieu à de violentes émeutes et à une aussi violente répression durant les 2 années qui suivirent.
Dessin de Girard extrait de Histoire de France de G. Gautherot, paru en 1934.

    Le général de la Tour du Pin, envoyé pour réprimer la révolte, s’était rendu célèbre, en proclamant après avoir fait tirer sur la foule : « Vous avez faim ? Eh bien nous sommes en avril ; l’herbe commence à pousser : vous n’avez qu’à brouter comme des vaches ! ».

    Par suite de cet échec, Louis XVI avait congédié Turgot le 12 mai 1776 et l’avait remplacé par le prudent Necker.

    Necker, ce banquier genevois et protestant, était lui aussi acquis aux idées nouvelles, mais il pensait qu’il fallait tenir compte de ce que l’on appellerait de nos jours, l’opinion public. Il s’en préoccupait d’ailleurs beaucoup en publiant des ouvrages à l’intention des plus éclairés et faisant imprimer de nombreuses estampes à son honneur. Rien ne servait selon lui de tenter d’appliquer un système que l’on pense meilleur, si l’on ne s’est pas assuré au préalable que ce système sera peu ou prou compris par le peuple et par la même, appliqué.

    Les révoltes frumentaires (du latin frumentarius, « qui concerne le blé »), n’avaient pas cessé d’éclater sporadiquement depuis et en 1789, la situation de crise des années 1775 et 1776 se reproduisait.

Emeutes des subsistances de 1761 à 1789
Source graphique : https://manuelnumeriquemax.belin.education/histoire-seconde/topics/simple/hist2-ch08-290-01

    L’une des causes évoquées, à propos de cette rareté du blé, est celle du terrible orage, dit "du siècle", qui avait ravagé nombre de régions céréalières le 13 juillet 1788. De surcroît, un hiver particulièrement rude (-22°c à Paris), avait accru la faiblesse des plus démunis. Il y avait d'autres causes, dont je vous parlerai plus tard...

https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article14932
Carte du grand orage qui balaya le nord de la France le 13 juillet 1788.


    A la veille de la Révolution, sur une population de parisiens estimée à environ 600.000 habitants, plus de 70.000 étaient des indigents survivant dans des conditions précaires.

    Le pain, principal aliment du petit peuple, commençait à manquer et son prix augmentait. En ce début de juillet, la miche de pain pouvant nourrir une petite famille coûtait 14 sous, alors que le salaire d’un journalier à Paris était de 15 sous !

Le spectre de la famine hantait les Parisiens.

L'atroce misère est rarement représentée, car elle fait peur à tous. Voici une gravure de la famine de 1697, sous Louis XIV.

 Merci de votre lecture.

                


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"Les estampes révolutionnaires du citoyen Basset"


dimanche 5 juillet 2020

5 Juillet 1789, les troupes "allemandes" du Prince de Lambesc arrivent sur Paris

Les Allemands du Roi aux portes de Paris.
Charles-Eugène de Lorraine, prince de Lambesc et comte de Brionne, duc d'Elbeuf, grand écuyer de France et maréchal de camp.
Charles-Eugène de Lorraine, prince de Lambesc .


    Les parisiens apprennent que des troupes de mercenaires allemands approchent de Paris. Il s’agit, entre autres, du régiment royal-allemand, celui que Charles-Eugène de Lorraine, prince de Lambesc et comte de Brionne, duc d'Elbeuf, grand écuyer de France et maréchal de camp a acheté au prince de Nassau-Siegen, en 1785.

(Ne vous étonnez pas de voir un régiment d'étrangers constituer un régiment français. C'était chose courante à l'époque.)

    Le prince de Lambesc avait reçu le 28 Juin dernier, l’ordre du Roi de quitter Valenciennes.

    En effet, Le 26 Juin, Louis XVI inquiet de la tournure qu’avaient pris les Etats Généraux et probablement poussé par Marie Antoinette et son entourage, avait donné l’ordre à trois régiments de cavalerie et trois régiments d’infanterie du Nord et de l’Est (environ 20 000 hommes) de rallier Paris. Le prudent Necker avait en vain tenté de l’en dissuader, mais le Roi n’avait pas cédé.

    Louis XVI jouait donc double-jeu, puisque rappelons-le, le 27 Juin il avait enthousiasmé les députés de l’Assemblée Nationale en demandant à la noblesse et au clergé de rejoindre ceux-ci au sein de ladite assemblée.

    Plus par faiblesse semble-t-il que par esprit de duperie, Louis XVI agira toujours ainsi, ses initiatives privées voire secrètes, allant à l’encontre de ses initiatives publiques. Il faudra beaucoup de temps et beaucoup de preuves pour que ce roi si aimé de son peuple finisse par être méprisé puis haï par de plus en plus de Français.

    Le Prince de Lambesc appartenait à la très haute noblesse française. De par ses parents, il était issu de Maisons dites "à l'instar de l'étranger", c'est-à-dire de familles ayant régné sur des pays étrangers. Ces dernières étaient traitées avec tous les égards dus à leur rang.

    Nous reparlerons de lui dans les prochains jours. Sachons qu’il quittera la France avant la fin de 1789 et qu’on le retrouvera dès 1792 combattant l’armée française dans l’armée autrichienne. Il y sera nommé Feldmarschallieutnant en 1796...


https://www.ader-paris.fr/lot/83830/7722804?npp&fbclid=IwAR31gk34NP3ClzfQSj8WR1gmhqWtkc980OGql2qUYLeDTdcWhGgEzvrtQDI
Dragon du régiment du Prince de Lambesc
    Un dernier mot encore. Il était courant à cette époque que des troupes étrangères fassent parties de l’armée royale. De même, il arrivait que des généraux vendent leurs services à l’étranger, voire à l’ennemi. Pour ces derniers, tous nobles, les liens du sang prévalaient probablement sur la fidélité à leur pays. Le fameux général Dumouriez, par exemple, le vainqueur de Valmy avec Kellermann, le héros des premières victoires de l’armée française républicaine, abandonnera l’armée française le 18 Mars 1793 et rejoindra les forces du Saint-Empire.

A suivre…

Merci de votre lecture




  

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samedi 4 juillet 2020

4 Juillet 1789 : La Révolution est terminée ! (Ou pas ?)


La Révolution française est terminée ! (LOL)

    Le croirez-vous ? Presque tout le monde pensait depuis le 27 juin dernier que la Révolution était enfin terminée ! Ce jour-là, en effet, le roi Louis XVI avait convié le Clergé et la Noblesse à se joindre au Tiers Etat et tout le monde croyait dur comme fer que le moment pénible des Etats généraux était terminé !
Une du Journal de Paris du 1er Juillet 1789


    "La révolution est finie", "Elle n'aura pas coûté une goutte de sang", avait-on écrit dans les journaux ! Les députés du Tiers s’étaient réjouis de constater que le Roi revenait enfin à de meilleurs sentiments. Ces turbulents Etats Généraux semblaient avoir une fin heureuse !...

Oui, cela aurait pu se passer ainsi, mais...

    Néanmoins, de nombreux régiments campaient tout autour de Paris, à Saint-Denis, Saint-Cloud, Sèvres et jusque sur le champ de Mars tout proche. Les Parisiens protestaient contre ces milliers de bouches à nourrir qui risquaient d’aggraver la disette et qui présentaient un danger pour l'Assemblée nationale nouvellement créée. On craignait que la soldatesque ne chasse les députés par la force. Inquiets, les électeurs parisiens du Tiers Etat avaient donc esquissé le 29 juin les bases d’un projet de garde bourgeoise qui comprendrait les principaux habitants de chaque quartier.

    Le 30 Juin, environ 4000 habitués du Palais-Royal, (le quartier de plaisir que Louis Philippe d'Orléans avait fait construire en 1780), avaient délivré une dizaine de soldats des gardes-françaises, emprisonnés à l’Abbaye pour désobéissance, et les avaient promenés en triomphe. Les hussards et les dragons envoyés pour établir l’ordre s’étaient écrié : « Vive la Nation ! » Et avaient refusé de charger la foule. J'attire votre attention sur ce refus d'obéir aux ordres qui expliquera bien des événements à venir.

Libération de 11 soldats des Gardes Françaises par les Parisiens

    Le 1er juillet, une délégation importante de Parisiens s'était présentée devant l'Assemblée nationale pour demander à celle-ci qu'elle fasse œuvre de médiation auprès du Roi pour obtenir la grâce des quelques soldats emprisonnés.

Une du Journal de Paris du 3 Juillet 1789

    Le jeudi 2, des pétitionnaires du Palais Royal avaient même proposé de détrôner Louis XVI et de la remplacer par le duc d’Orléans !


    Le mois de juillet commence donc plutôt mal...

    Louis XVI s'en inquiète. Raison pour laquelle il donne au vieux maréchal de Broglie, le commandement des troupes que l’on est en train de concentrer sur Versailles. Lui et son lieutenant suisse, Besenval, reçoivent l'ordre de rassembler ces troupes autour de Paris pour le 13 juillet...

Victor François de Broglie

    Nommé secrétaire d’état à la guerre le 11 juillet suivant, Le vieux Maréchal de France émigrera lors du rappel de Jacques Necker le 16 juillet. Plus tard, en 1792, il commandera l'armée contre-révolutionnaire de Condé qui opérera en Champagne pendant l'invasion austro-prussienne qui sera arrêtée à Valmy. Ce grand homme issu d’une vieille famille, avait aussi été fait prince du Saint-Empire romain germanique en 1759 et il avait reçu le titre de Feld-Maréchal de Russie en 1797. L’orage révolutionnaire passé, il refusera de revenir en France et mourra en 1804 dans la ville allemande de Münster.

Victor François de Broglie

La République est bonne fille...

    La République n’est pas rancunière, du moins celle qui est en « marche » actuellement, puisque cet ennemi juré de la 1ère République de 1792, a reçu le 16 Juin 2018, les honneurs d’un ministre, d’un préfet, des anciens combattants, des gendarmes et j’en passe, à l’occasion du transfert de ses cendres depuis le caveau familial de son château, dans le cœur de l’église du village de Broglie dans l’Eure.

Pour information cette inhumation contrevenait à la Loi. L’art. L2223-10 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) stipule en effet qu’aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l’enceinte des villes et des bourgs. Des dérogations aux dispositions de l’art. L. 2223-10 ne sont accordées par le ministre de l’Intérieur (via le préfet) qu'en faveur des évêques qui souhaitent être inhumés dans leur cathédrale et des prêtres ayant participé activement aux travaux de construction, de réhabilitation et de sauvetage d’une église.

Vous avez dit République laïque ? Non, rien…


Post scriptum : Je ne juge pas l'homme. Il était de son milieu et de son époque et il n'a fait que ce qu'il pensait être de son devoir. En revanche je m'autorise à juger l'usage étonnant qui est fait de sa mémoire.


Merci de votre lecture.

Bertrand Tièche

 


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4 Juillet 1776 Les 13 colonies font sécession

Article mis à jour le 4 JUILLET 2023

Independance day aux USA !

"Yippee !" Aujourd’hui 4 juillet, c’est la fête nationale aux USA. Nos amis américains fêtent la déclaration d’indépendance des 13 colonies britanniques vis-à-vis de la Grande Bretagne, votée le 4 juillet 1776. Bonne fêtes les amis !
    Mais bon, connaissez-vous vraiment la raison de cette déclaration d’indépendance américaine ?

La proclamation du roi fou...
    Peu de gens ont entendu parler de la proclamation de 1763 par le roi de Grande Bretagne George III d'Angleterre, surnommé le roi fou. Pourtant, celle-ci fut lourde de conséquences…
Portrait de George III en 1762.
    Cette proclamation royale fut délivrée le 7 octobre 1763 par le roi George III à la suite de l'acquisition par la Grande-Bretagne de territoires français, après la fin de la Guerre de Sept Ans (1756-1763)
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e4/Declaration_of_Independence_%28USA%29.jpg
    Cette guerre de Sept Ans fut le premier conflit européen qui puisse être qualifié de guerre mondiale. Connue pour ses combats en Amérique du Nord sous le nom de French and Indian War, elle avait opposé la Grande-Bretagne à la France et à l'Espagne et elle avait vidé les caisses de la Couronne britannique. À l'issue du conflit, la dette britannique liée à la guerre s'élevait à 317 000 000 £. Lord Jeffery Amherst, Commandant en chef des forces royales en Amérique du Nord, estimait à 10 000 le nombre de soldats nécessaire au maintien de la paix dans les territoires nouvellement acquis. Le gouvernement décida donc de garder dans les colonies une armée de plusieurs milliers d'hommes, dont le coût de maintien avoisinait les 300.000 £ annuels. Alors que les treize colonies étaient prospères, la Grande-Bretagne subissait une crise économique. Londres décida qu'une partie des frais de guerre et du maintien des troupes serait supportée par les colons américains.
    La proclamation royale de 1763 avait trois principaux objectifs : organiser l’empire colonial britannique en Amérique du Nord et pacifier les relations avec les Amérindiens surtout après la révolte de Pontiac afin d'éviter la spéculation foncière. 

27 avril 1763, Pontiac, le chef des Indiens outaouais
appelle ses compatriotes à se soulever contre les Britanniques.

    La Proclamation visait également à apaiser les craintes indiennes vis-à-vis d’une arrivée massive de paysans blancs sur leurs territoires. « La Frontière » attirait les migrants en quête de terres comme les Écossais suivis par les Allemands. L'épuisement des sols à l'est des Appalaches et la pression démographique accentuèrent la faim de terre des colons.
  Cette proclamation avait donc pour but d'organiser les vastes et nouvelles terres britanniques de l'Amérique du Nord, et de stabiliser les relations avec les Amérindiens en réglementant la traite des fourrures, la colonisation et l'achat des terres à la frontière occidentale. La proclamation royale de 1763 avait aussi pour but d'assimiler les colons francophones, pour faire du Québec une vraie colonie britannique. Elle est également connue sous les appellations anglaises « Indian Bill of Rights » ou « Magna Carta for Indian affairs ».

Coup d'arrêt à la conquête de l'Ouest !
    La Proclamation de George III interdisait aux habitants des treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest des Appalaches. La Couronne se réservait une partie du bois américain ainsi que le monopole dans l’acquisition des terres indiennes ; elle garantissait la protection des peuples indiens. Londres avait prévu la construction de forts britanniques le long de la limite de colonisation ; ce dispositif devait permettre le respect de la Proclamation mais aussi favoriser le commerce des fourrures avec les Indiens. Le gouvernement britannique estimait que ces avant-postes assuraient la défense des treize colonies et que leur financement revenait donc aux colons.

    La Proclamation royale de 1763 souleva le mécontentement des colons américains qui s’étaient déjà implantés dans ces territoires indiens. Ils devaient rendre la terre et revenir dans les treize colonies.
Vous comprenez pourquoi on appela George III le roi fou ?...

Caricature du londonien Matthew Darly
"Pauvre vieille Angleterre s'efforçant de récupérer ses méchants enfants américains"

Révolte fiscale
    Alors oui, bien sûr, on vous raconte que les colons américains se sont révoltés contre les méchants anglais qui imposaient, entre autres, une insupportable taxe sur le thé ou les journaux. Vous avez tous entendu parler du Boston Tea Party de décembre 1773, lorsque des colons (déguisés en indiens !?) se révoltèrent et jetèrent à la mer la cargaison de thé de trois navires anglais venus des Indes. Ces contraintes fiscales étaient effectivement en violation avec la loi anglaise qui stipulait qu'aucun citoyen britannique de devait payer un impôt qui n'ait été consenti par lui-même ou ses mandataires, et les colons n'avaient effectivement pas de représentants au parlement anglais.
    En 1774, les représentants des colonies, réunis en congrès, affirmèrent dans une déclaration solennelle le droit de tous les peuples de participer à l'élaboration des lois les concernant (à l'exception bien sûr des Amérindiens et des Afro-Américains.)

Quelle liberté ?
    On nous présente la révolte de ces colons en 1775 comme un combat pour la liberté. Mais de quelle liberté s’agissait-il selon vous ? La liberté des esclaves dans les plantations ? La liberté des Indiens qui allaient ensuite subir un vrai génocide ? Pas vraiment. La liberté dont il était question, c’était juste la liberté de commercer, celle que réclameront les révolutionnaires Girondins, ceux qui souhaitaient que la devise de la France soit « Liberté égalité propriété ». Ah bon ? Vous êtes déçus ? Désolé.

Si on parlait du Canada ?

    Beaucoup l'ignorent, mais en 1775, deux armées américaines, voulant affaiblir la position des Britanniques en Amérique du Nord, envahirent le Canada. L'une avança le long du lac Champlain, prit Montréal et marcha sur Québec. Elle y rejoint une seconde armée arrivée difficilement par voie terrestre à travers le Maine. Le 31 décembre 1775, une force de soldats réguliers britanniques et de miliciens francophones et anglophones infligèrent une cuisante défaite aux assaillants. Les Américains demeurèrent à l'extérieur de Québec, souffrant du froid, de la faim et de maladies. En mai 1776, des troupes régulières britanniques et des troupes engagées dans les provinces allemandes de Brunswick et de Hess-Hanau arrivèrent en renfort par mer, et les Américains se retirèrent. (Source Musée canadien de la guerre. et History Map)

    Mais ils n’en avaient pour autant pas fini avec les Canada puisque les USA tentèrent de l’envahir de nouveau en 1812. Ils échouèrent mais ils eurent plus de succès en 1848 contre le Mexique dont ils annexèrent la moitié du territoire, du Texas à la Californie.


Washington et La Fayette à Valley Forge


Et la France dans tout cela ?
    Ah oui, j’oublie de vous dire qu'à partir de 1777 la France aida, en hommes, en argent, en fusils et canons, lesdits américains durant toute cette guerre qui ne se termina qu'en 1783. Comment pouvait-il en être autrement, après la défaite de la France face à l'Angleterre à la fin de la terrible guerre de sept ans ?
    L’aide de la France fut tellement considérable qu’elle causa la ruine de nos finances. Face à l’opposition des nobles et du clergé qui refusèrent toutes les propositions de réformes fiscales lors des « Assemblées des notables » organisées en 1787 et 1788, le roi Louis XVI accepta la proposition du Tiers Etat d’organiser des Etats Généraux. La suite, vous la connaissez...

Dette de guerre...
    Encore un petit détail. Il faut savoir que les Américains refusèrent de payer leur dette à la France (24 millions) et qu’ils se réconcilièrent rapidement avec les Anglais, sur notre dos, évidemment. Lisez cet article : "27 octobre 1789, Necker invite Morris pour lui suggérer que les Etas-Unis remboursent leur dette à la France"
    Mais ne soyons pas ingrats, ils nous ont quand même sacrément aidés lors des deux précédentes guerres mondiales. De nombreux cimetières sont là pour un témoigner.
    

Liberté, terreur, légendes dorées ou noires...
    Ne faisons pas trop de mauvais esprit à l'encontre du discours de liberté de nos amis américains. Nous savons trop bien comment s'éteindront les rêves de liberté de la Révolution française. L'Histoire sert aussi, quoi qu'on en dise, à raconter de belles histoires qui font rêver les gens. Des mythes fondateurs et autres légendes dorées, qui lorsqu'ils sont partagés par un même peuple, constituent le ciment du contrat social.
    Les Américains sont particulièrement doués pour la glorification de leur histoire, comme de leur culture en générale. Ils appellent cela le soft power. Contrairement à notre Révolution, leur Révolution a été écrite par les vainqueurs. Raison pour laquelle leur révolution, largement aussi sanglante que la nôtre n'est pas entachée d'une légende noire. Leurs historiens sont horrifiés par notre Terreur qui ne dura que 17 mois. Mais comment appeler le génocide des Indiens, l'esclavages des africains et la ségrégation raciale dont les lois ne furent abolies qu'en 1964 ? Sinon une forme de Terreur qui dura près de deux siècles ?

    Regardez cet extrait du magnifique film Barry Lyndon de Stanley Kubrick qui représente une bataille durant cette guerre en Amérique.




Alors bonne fête amis Américains !
    Je ne me moquais donc pas lorsque je souhaitais une bonne fête à nos amis américains. L'histoire n'a jamais été une discipline simple. Elle fait partie des sciences humaines. Elle est donc souvent sujette à interprétations.

Et tout ce qui est prétexte à se rassembler et faire la fête est une bonne chose !


Merci de votre lecture.

Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset.


Post Scriptum :
    Tous les Américains n'ont pas la même vision de cette guerre d'indépendance. Je vous conseille le lire cet article sur ce site au nom bien surprenant "JACOBIN" : Défense de la Révolution américaine.

Emeutes du Stamp Act à Boston en 1765

    Si vous souhaitez une lecture plus traditionnelle, avec des Anglais méchants et des Indiens cruels, je vous propose cet excellent article, très détaillé du site HistoryMaps.





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mardi 30 juin 2020

30 Juin 1789 : Libération par le peuple des soldats des Gardes françaises emprisonnés


Du jamais vu !

    Du jamais vu à Paris (ni ailleurs), ce 30 Juin 1789, entre 7 et 8 heure du soir, Onze soldats appartenant au régiment des Gardes Françaises, prisonniers dans l'Abbaye Saint Germain, pour faits d'insubordination, sont délivrés par une foule "d'honnêtes particuliers", comme les appelle le Journal des Révolutions de Paris dans l'illustration figurant dans son N°28. Bientôt certains désigneront ces "honnêtes particuliers", par des qualificatifs moins bienveillants, tels que bandits ou populace.

    Ces soldats avaient été emprisonnés car ils avaient refusé d'obéir à l'ordre de tirer sur la foule à Versailles. Les hussards et les dragons envoyés pour rétablir l’ordre refusèrent eux aussi de charger la foule et ils s'écrièrent : « Vive la Nation ! ». Une autre version affirme qu'ils se sont plaints de l'excessive sévérité de leur colonel.

    Ces refus par les soldats de différents régiments d'obéir aux ordres, nous permettent de mieux comprendre certains événements majeurs du mois de juillet 1789.

    Les Grades françaises constituaient un corps d’élite très populaire. Ils étaient disséminés partout dans la capitale et avaient progressivement créé des liens amicaux avec la population. Soldats, sous-officiers, petits artisans, commerçants et journaliers se rendaient compte qu’ils partageaient les mêmes opinions. Peu à peu ces militaires s’étaient laissé gagner par les idées révolutionnaires qui courraient dans Paris.

Nous les verrons en effet bientôt agir dans ce sens…

Les Gardes françaises.

Un évènement qui a étonné.

    L'événement a beaucoup marqué, puisque j'ai retrouvé 4 gravures différentes, dont une imprimée aux Pays-Bas.

 


 






mercredi 24 juin 2020

24 Juin 1789 : Une fessée donnée en public au Palais-Royal (réflexions sur la fessée patriotique)

Article mis à jour le 31 juillet 2023.

    Ce 24 juin 1789 un événement a marqué les esprits au point de d'être à l'origine de nombreuses estampes. Une fessée aurait été donnée en public dans les jardins du Palais-Royal. Mais qui a-t-on fessé réellement ? Selon certaines estampes, une dame de qualité qui aurait craché sur le portrait de Necker et selon d'autres estampes, un abbé insolent. Mystère.


La colère du Peuple.

    Ces événement que l'on peut trouver à première vue, cocasses mais insignifiants, révèlent en fait la colère du peuple envers certaines catégories sociales. La plupart du temps, ce sont des femmes qui ont été les actrices de ces expéditions punitives.

La semaine fouettarde d'avril 1791.

    Il y aura d'autres fessées célèbres durant la Révolution. Les plus connues sont celles administrées entre les 10 et 17 avril 1791, à Paris principalement, mais en province aussi.

    Le Docteur Robinet, dans son ouvrage intitulé « Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution (1789-1801) » évoque en page 464 les fustigations infligées à des religieuses et des prêtres :

« Au nombre des premières violences contre les personnes, doivent prendre place d'ignobles excès qui se produisirent non seulement à Paris, mais dans un certain nombre de villes.

Nous transcrivons la notice du Dr Robinet.

« Toutes les chapelles des couvents et des hôpitaux restaient le lieu d'élection des intrigues et des conspirations catholiques et royalistes.

C'est ainsi que le comprit la partie de la population de Paris (et d'ailleurs) qui était attachée à la Révolution ; aussi y eut-il sur plusieurs points de la capitale des religieuses que des femmes patriotes ne craignirent pas de fouetter publiquement.

« Ces exécutions populaires, sorte de châtiment civique, eurent lieu du 10 au 17 avril, quoique les ordres monastiques qui en furent atteints se trouvassent assez nombreux : les sœurs de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine ; les Miramionnes, sur le quai du même nota (aujourd'hui quai de la Tournelle) ; les Récollettes, de la rue du Bac ; les Filles du Précieux Sang ; les Filles du Calvaire et surtout les sœurs Grises, dont les maisons étaient situées dans les paroisses de Saint-Sulpice, Saint-Laurent, Sainte-Marguerite, la Magdeleine et Saint-Germain-L'auxerrois.

« S'il faut en croire les brochures et journaux du temps, trois cents religieuses, y compris quelques prêtres et quelques dévotes laïques, auraient subi cette correction de la part des marchandes de la Halle, du marché de la place Maubert, etc., auxquelles s'étaient jointes, dans les différents quartiers, mais surtout au faubourg Saint-Antoine, des femmes du peuple, voire des héroïnes (1) des 5 et 6 octobre.

« Partout le motif de cette répression extra légale était, nous l'avons dit, que ces maisons devenaient ostensiblement le refuge des prêtres non-jureurs et des nobles qui conspiraient contre le nouvel état de choses ; les couvents leur étaient ouverts, les premiers y étaient logés et nourris, et y recevaient, sous prétexte de conférences religieuses, les aristocrates des deux sexes et leurs agents, ainsi que la foule demeurée fidèle à l'ancienne Église et à l'ancien régime. On y prêchait la résistance aux nouvelles lois, la haine et le mépris des prêtres constitutionnels et de l'Assemblée nationale. On y recevait les mots d'ordre de Rome et de Coblentz, que les élèves mêmes des religieuses colportaient dans leurs familles.

« La verve gouailleuse et brutale avec laquelle sont rapportées ces violences dans les brochures du temps nous interdit malheureusement d'en donner des extraits.»

    Ce livre du Dr. Robinet est entièrement consultable sur le site Internet Archives :
 
https://archive.org/details/lemouvementreli00euggoog 

    La gravure ci-dessous illustre une fustigation infligée le 6 avril 1794 aux sœurs grises, après la messe par des "ennemis des servantes de dieu".


    Voici d'autres estampes illustrant ces fessées de la semaine Pascale de 1791. Plus d'info dans cet article du site Sciences Humaines.

 
 
 

    A noter que cet événement tragicomique choqua profondément nos amis Britanniques, au point qu'ils en firent une illustration à leur façon, l'année suivante, en 1792.

Plus d'infos sur les fessées révolutionnaires.

    Si vous souhaitez en apprendre plus sur ce sujet brûlant, je vous propose de lire ces deux articles :

    Celui, d’Annie Duprat qui parle de fesses et de fessées sous la Révolution : « La trésorière des Miramionnes n’avait qu’une fesse… »

    Et cet autre, lui aussi fort intéressant : "Tu la veux ta bonne fessée ?"

    Ce document à télécharger est également très bien ! : "Entre scatologie et fantasmes sexuels, le cul et son imaginaire".

D'autres fessées ?

    Voici trois autres estampes représentant la célèbre fessée infligée à Théroigne de Méricourt le 16 mai 1793.

  

L'art de la fessée, ou de l'utilité de celle-ci...

    Si votre soif d'érudition vous incite à en apprendre toujours plus, vous pouvez éventuellement lire cet ouvrage publié en 1788, intitulé :"Traité du fouet, ou Aphrodisiaque externe".

  


Une conclusion ?

    Là encore, de même que pour la violence, la fessée ne fut pas l'apanage de la Révolution. Cette pratique était déjà fort appréciée sous l'Ancien régime, comme le démontre si brillamment l'ouvrage que je vous ai proposé ci-dessus, ainsi que ces trois dernières illustrations :

 

    La gravure ci-dessous (une préparation à la fessée) fait partie des nombreuses images illustrant le livre du Marquis de Sade "Justine ou les malheurs de la vertu". C'est aussi une des moins choquantes, je vous assure. Car certaines des illustrations sont très "difficiles".

Désolé... 😉