dimanche 17 juillet 2022

17 Juillet 1791 : La fusillade du Champs de Mars (Vidéo)

 


Dimanche 17 juillet 1789

    Pour évoquer cette terrible journée du 17 juillet 1791, je vous propose un article court, quelques estampes et surtout une vidéo.

Une conséquence de la fuite du roi

    Le 13 juillet 1791, François Muguet de Nanthou, rapporteur de l'enquête ouverte sur l'affaire de Varennes, avait conclu que le "voyage" du roi n'avait rien de coupable et que le roi était protégé par son inviolabilité constitutionnelle. On prétendit même que le roi avait été enlevé ! Et mieux encore, la pension attribuée au roi fut augmentée ! Cette conclusion qui rétablissait Louis XVI de plein droit sur le trône, fit l’objet d’un décret de l'Assemblée qui suscita de vives protestations.

    Selon les versions, vous lirez que le club des Jacobins décida d’une pétition ayant pour objet le report de ce décret, qui serait portée le dimanche suivant au Champ de Mars, où chaque citoyen pourrait la signer sur l'autel de la patrie ; ou alors vous lirez que cette pétition rédigée par des membres des sections des clubs des Cordeliers et des Jacobins avait pour objet de demander la déchéance du roi.

22 juin 1791, arrestation de la famille royale à Varenne.

 

25 juin 1791, retour à Paris de la famille royale

 

L'autel de la Patrie

    Ce dimanche 17 juin 1791, un grand nombre de Parisiens se rendent donc pacifiquement au Champs de Mars pour signer cette pétition sur l'autel de la Patrie. Il s'agit précisément de l'autel sur lequel avait été donnée la grande messe, le 14 juillet 1790, en présence du roi et de milliers de Français venus de tout le royaume, lors de la mémorable grande fête de la Fédération des Français. Le Champs de Mars avait d'ailleurs été aménagé spécialement pour cette occasion grâce au travail de milliers de Parisiens.

    Voici une représentation de l'autel extraite de l'estampe représentant le plan du Champs de Mars, que vous trouverez ci-dessous également.


Plan du Champs de Mars

Parisiens participants à l'aménagement du Champs de Mars en 1790

La loi martiale est proclamée.

    Mandaté par l'Assemblée nationale pour réprimer de tels "désordres", Jean-Sylvain Bailly se rend au Champ-de-Mars, accompagné de plusieurs officiers municipaux et d'un détachement important de la Garde nationale commandée par La Fayette.

    Bailly fait déployer le drapeau rouge, signe que la loi martiale est proclamée et les trois sommations d'usage sont adressées aux manifestants. Ceux-ci répondent par des jets de pierres ; un coup de feu est tiré, sur le maire de Paris ou sur La Fayette.


Solidaires depuis 1789, La Fayette et Bailly.

Le massacre du Champs de Mars

    La Fayette fait tirer quelques coups en l'air "Au-dessus des têtes". Mais cette sommation indigne les manifestants et fait redoubler leur colère. La Garde nationale ouvre alors le feu. Une centaine de manifestants, hommes, femmes et enfants tombent à terre, morts ou blessés. Quelques officiers voudraient même employer l'artillerie. La Fayette s'y oppose avec force. Il aurait même poussé résolument son cheval devant la bouche des canons.

La panique saisit la foule et les manifestants s'enfuient affolés dans les rues de Paris. 


 


    Cet événement tragique constituera un pas de plus vers l’idée de la République, les gens prenant peu à peu conscience de l'inutilité du roi, de ses trahisons et de la complicité du pouvoir en place

Rappelons que les manifestants ne faisaient que signer une pétition...


La vidéo !

    Il est de souvent de bon ton de critiquer les reconstitutions cinématographiques d'événements historiques. Mais j'espère que vous reconnaîtrez avec moi, après avoir lu l'article ci-dessus et regardé cet extrait du film « La Révolution française » de Robert Enrico et Richard T. Heffron, (sorti pour le bicentenaire en 1989), que la restitution est plutôt fidèle aussi bien aux estampes de l'époque, qu'au récit.



Post Scriptum :

    Vous avez vu plus haut une estampe comparant la famille royale à des cochons fuyards ramenés à l'étables. Comprenez que de plus en plus de gens commençaient à se demander à quoi leur servait ce roi qu'ils continuaient d'engraisser comme un cochon et qui les avait trahis déjà plusieurs fois.
    Souvenez-vous de la lettre de Louis XVI à son cousin le roi d'Espagne, le 12 octobre 1789. Dès le début de la Révolution, Louis XVI a joué un double jeu.

    L'estampe ci-dessous donne une bonne idée du constat de l'inutilité du roi et de la question de son avenir...

"Je me suis ruiné pour l'engraisser. La fin du compte, je ne sais plus qu'en faire."


Cadeau bonus !

    J'ai trouvé les deux belles illustrations ci-dessous sur la page Facebook du groupe "French Revolution Enthusiasts". Ce groupe enthousiastes est une vraie mine d'or !



vendredi 15 juillet 2022

Bonnet phrygien, cocarde, drapeau, ce qu'il faut savoir !

    Un ami Facebook a partagé le 14 juillet 2022 l'image ci-dessous. J'ai loué son enthousiasme et je l'ai remercié pour ce partage. Mais cette image comporte au moins trois très très grosses erreurs, plus précisément des anachronismes.

Vous les voyez ?



Le drapeau bleu blanc rouge n'existait pas encore le 14 Juillet 1789 !

  • C'est le 15 février 1794, ou plutôt le 27 pluviôse An II, que la Convention décrètera le drapeau tricolore, emblème national pour les vaisseaux de la Marine, afin d'uniformiser les étendards de ses vaisseaux. Le peintre David prendra en charge son dessin « bleu au mât, blanc au centre, et rouge flottant ». 
  • Il y avait déjà des drapeaux tricolores, ceux-ci se sont répandus à partir de la période républicaine de la Révolution (1792). Mais ils n'étaient pas officiels et l'ordre et le sens des couleurs pouvait varier, comme on peut le voir sur les photos ci-dessous. Celle-ci ont été prises le 21 septembre 2014 au pieds du Moulin de Valmy, lors d'une reconstitution historique. Ces drapeaux sont de très fidèles répliques. Notez le bonnet phrygien sur le dernier.
 

 

Ne manquez pas d'aller admirer sur mon article les 60 drapeaux de la Garde nationale parisienne !


La cocarde bleu blanc rouge n'existait pas non-plus le 14 juillet 1789.
  • Même si les trois couleurs deviennent populaires ce 14 juillet, le port de la cocarde tricolore ne se généralisera que plus tard, jusqu'à même devenir obligatoire (pour les hommes le 8 juillet 1792, pour les femmes le 21 septembre 1793). Une des raisons de la popularité de ces trois couleurs en juillet 1789, serait que c'étaient celles des uniformes des Gardes Françaises qui prirent rapidement parti pour le Peuple. Nous verrons le Roi porter cette cocarde tricolore pour la première fois, le 17 juillet 1789. Lisez absolument l'article. Je gage que vous serez surpris par la signification de ces 3 couleurs.
Cocarde de 1793 conservée pieusement par un soldat
b
Cocardes de Saint-Just, Robespierre et Lebas, exposées au musée Carnavalet


Gouache de Lesueur représentant, au milieu, une petite vendeuse de cocardes.



Le bonnet phrygien rouge n'était pas porté par les révolutionnaires de juillet 89.
  • Je précise "rouge", car le bonnet était couramment porté par les gens du peuple et celui-ci avait différentes couleurs. Il ressemblait à un simple bonnet de marin. A noter qu'il n'avait pas ces sortes de caches-oreilles pendants, que l'on voit sur une multitude de représentations, dont celle du dessin que nous étudions, ainsi que sur le personnage à droite de l'arbre de la liberté de l'estampe ci-dessous :

    Refrain patriotique (1793)
  • Même les Phrygiens de l'antiquité n'étaient pas affublés de ces oreilles pendantes ! Ces artifices ont été ajoutés par la suite sur quelques bonnets, probablement pour faire références aux casques antiques équipés de paragnathides (protèges-joues).
  • La majorité des bonnets portés étaient vraiment de simples bonnets, comme on peut le voir ci-dessous. Le port du bonnet rouge avec une cocarde ne deviendra à la mode qu'à partir de 1791.
  • A noter que la grande majorité des bonnets phrygiens en circulation (ventes aux enchères, etc.), dits bonnets rouges, sont des reconstitutions postérieures souvent réalisées pour les dates anniversaire commémoratives de la Révolution française. Beaucoup ont été réalisés au 19ème siècle pour le centenaire de la Révolution (1889).

Vrais bonnets d'époque (Le dernier est au musée Carnavalet, à Paris) :
 

 

On trouve tout de même des bonnets un peu excentriques comme ceux-ci ci-dessous, mais le premier (à gauche) date du 19ème siècle. Le second a été mis en vente à Drouot comme datant de la Révolution, mais j'en doute, au vu de son parfait état :

  

Représentations de bonnets phrygiens :
  • Les 4 premières datent de 1794
 
 

 


 

Un bouton avec un bonnet phrygien sur un simple baton

Deux sans-culottes coiffant un buste de Voltaire d'un bonnet phrygien, dit "bonnet rouge".
Je doute que le grand Voltaire aurait apprécié.


N'oublions pas cette représentation de Louis XVI portant le bonnet...

Phrygien et son bonnet :

Le Citoyen Basset portant bonnet 😉


Le Citoyen Basset fête le 14 juillet !

vendredi 1 avril 2022

Le château de Versailles, un magnifique monument aux morts…

 

Construction du château de Versailles, par Adam François Van der Meulen
.

    Vous trouvez mon titre choquant, voire incompréhensible ? Alors je vous invite amicalement à lire mon article (légèrement iconoclaste) sur le célébrissime château de Versailles.

Oublié durant la Révolution

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y eut pas de destructions à Versailles durant la Révolution, si ce n'est la grande grille qui fut menée à mal lors des journées des 5 et 6 octobres 1789.

    Après le retour de Louis XVI et de sa famille à Paris au château des Tuileries, Versailles fut tout simplement vidé de ses occupants (plus de 10.000 personnes y travaillaient), puis de ses meubles qui furent en grande partie vendus (pour payer la dette abyssale du royaume) et finalement le château fut oublié durant le reste de la Révolution.

Arrivée du roi et de sa famille, le 6 octobre 1789 dans la soirée.

    C'est après la Révolution que Versailles subit de nouvelles modifications, entrainant parfois des destructions, comme vous le découvrirez dans l'une des 3 magnifiques vidéos que je vous propose à la fin de cet article.

Reconstruction de l'aile gauche, demandée par Napoléon en 1814.
Source : Versailles 3D

Un chantier pharaonique !

    Il est de bon ton de s'émerveiller devant ce palais, si impressionnant par sa démesure. Même si c'était un château des courants d'air, glacé en hiver et sans aucune commodité. Jamais un riche romain habitué au chauffage des planchers et murs par hypocauste et aux bains chauds, n'aurait voulu y vivre ! Mais qu'importait, c'était avant tout un monument, un symbole, une représentation du pouvoir absolu.

    Je souris toujours lorsque j'entends quelqu'un dire que "Louis XIV a construit Versailles". Ce raccourci employé également pour d'autres monuments, fait oublier les milliers d'artisans et ouvriers qui ont construit ce château.

On admire bien sûr et à juste raison, les architectes, Le Vau, Mansart, Gabriel, ou le jardinier Le Nôtre.

  

Louis Le Vau, Pierre Hardouin Mansart, Ange Jacques Gabriel et André le Nôtre.
(Notez sur le tableau représentant Mansart qu'il est écrit Mansard avec un d)

Podcast sur France Culture

    On évoque éventuellement les savants et ingénieurs de l'époque, qui durent déployer des trésors d'inventions pour répondre aux attentes et aux caprices du roi Louis XIV, lequel, avec son château, ses jardins, ses fontaines, sa ménagerie et son potager, voulait impressionner la terre entière.

Podcast sur France Inter

    Mais bien sûr on ne dit rien des milliers d'anonymes qui périrent lors de la construction du Château de Versailles. Périrent ? Oui, "périrent", car la construction de ce château fut mortelle pour nombre de malheureux (autrement que par le paiement d'impôts exorbitants pour financer sa construction).

La machine de Marly avec l'aqueduc de Louveciennes en arrière-plan
(1729, Pierre-Denis Martin)


Un chantier mortel...

    Pour construire ce palais, à partir de 1620, il fallut commencer par assécher les étangs et marais qui entouraient à l'origine le pavillon de chasse de Louis XIII. Ensuite pour y apporter de l’eau, il fut nécessaire de canaliser celle puisée dans la Seine. La machine de Marly fut construite dans ce but à partir de 1681. C'était un ouvrage gigantesque qui demanda après sa construction d'incessants (et coûteux) travaux d'entretien et de réparations. Le pire, c'est que son débit était insuffisant pour alimenter toutes les fontaines de Versailles ! (Voir la vidéo ci-dessous)


    Les travaux de ce pharaonique chantier mobilisèrent 36.000 hommes dont environ 30.000 soldats, (soit environ 10 % de l’armée). Les ouvriers, le plus souvent réquisitionnés dans les villages, travaillaient 11 heures par jour, 220 jours par an.

    Les accidents mortels étaient si nombreux que chaque matin de nombreuses charrettes partaient du chantier emportant les morts. En 1685, une fièvre paludéenne tua en très peu de temps 6.000 ouvriers. Puis ce fut la fièvre typhoïde. Aussi fallut-il sans cesse réapprovisionner ce fatal chantier en main-d’œuvre. Selon certaines estimations, ce chantier aurait fait mourir au total un peu plus de 10 000 ouvriers, sans que soient ici comptés les charpentiers, les maçons ou encore les miroitiers et installateurs.

    Je ne pense pas que la construction des pyramides ait fait autant de victimes (pour le cas où vous l’ignoreriez, celles-ci n’ont pas été construites par des esclaves, comme dans les films américains, mais principalement par les paysans égyptiens, hors périodes de travaux aux champs).

Un lieu de pouvoir devenu temple du luxe

    A l'exception de quelques congrès (réformes de la constitution) et d'occasionnelles réceptions diplomatiques, ce château n'est plus un lieu de pouvoir. Au fil du temps, Versailles est devenu une sorte de temple dédié à la consécration du luxe français.

    L'industrie du luxe, dont beaucoup de Français s'enorgueillissent, est en fait une survivance de l’ancien régime.

Paul Thiry d'Holbach

    A propos du luxe, voici ce qu'écrivait Le baron d’Holbach, décédé le 21 Janvier 1789 dans son ouvrage intitulé : Éthocratie ou Le gouvernement fondé sur la morale :

"Le luxe est une forme d'imposture, par laquelle les hommes sont convenus de se tromper les uns les autres, et parviennent souvent à se tromper eux-mêmes »

"Les Souverains commettent une très grande faute lorsqu'ils montrent beaucoup d'estime pour les richesses ; ils excitent dans les esprits un embrasement général qui ne pourra s'éteindre que par l'anéantissement de la Société."

"le commerçant & l'artisan des marchandises de luxe sont des empoisonneurs publics, dont les denrées séduisantes portent partout la contagion & la folie. On peut les comparer à ces navigateurs qui, voulant dompter sans peine des nations sauvages, portent aux hommes des armes, des couteaux, de l'eau de vie, & aux femmes des colliers, des miroirs, des jouets de nulle valeur."

" Les partisans du Luxe ne manqueront pas de nous dire, que les folles dépenses des riches font travailler le pauvre & le mettent à portée de subsister ; mais on leur répondra que le vrai pauvre qu'il faudrait encourager, c'est le cultivateur"…

    En résumé, le luxe est inutile à la société. Il semble qu'il faille une crise majeure pour que nous comprenions qu'un cultivateur ou un boulanger, sont plus nécessaires à la société qu'un bijoutier ou un maroquinier de luxe.

    Avec le ridicule sac Vuitton à 6700 Euros que vous pouvez contempler ci-dessous (Notez sa sculpture de banane peinte à la main, suspendue par une chaine plaquée or), vous pouvez acheter 6700 baguettes de pains...

Source Vuitton

Monuments aux morts

    Voilà pourquoi je considère Versailles comme un magnifique monument aux morts, morts pour le luxe, morts pour le pouvoir absolu. Les dorures de Versailles sont faites du sang et de la sueur des malheureux.

    Bah oui, désolé, je gâche un peu l'ambiance. Mais rappelons-nous que le Citoyen Basset est tout de même un révolutionnaire dans l'âme. 😉

Magnifiques vidéos !

    Pour vous faire rêver un peu (pas au point d'oublier ce que je viens de vous apprendre, j'espère), je vous propose de regarder ces trois magnifiques vidéos racontant l'histoire de ce si beau monument (aux morts).

De Louis XIII à la Révolution.

 

Après la Révolution


Versailles, des jardins aux châteaux de Trianon