samedi 30 mai 2020

30 Mai 1789, 18 heures, Hôtel de la Chancellerie, Versailles : Joute verbale.

Hôtel de la Chancellerie, Versailles.

    Je vous invite à écouter ce podcast diffusé par Radio France le 23 décembre 2016 ou à lire le texte correspondant retranscrit ci-dessous. Il raconte la confrontation qui a eu lieu lors de la Conférence organisée le 30 Mai 1789 à l'Hôtel de la Chancellerie de Versailles et en expose brillamment les enjeux. 

Cliquer sur l'image ci-dessous pour accéder au podcast,


Ou lisez le texte suivant :

"Une nouvelle histoire de vote ce matin avec l'historien Guillaume Mazeau".

Avec Guillaume Mazeau Historien

Le 30 mai 1789, à 6 heures du soir, ceux qui entrent à l’hôtel de la Chancellerie, à Versailles, savent qu’ils s’apprêtent à jouer une partie de l’avenir du royaume. Envoyés par le Tiers État, le clergé et la noblesse, qui sont alors réunis séparément à l’hôtel des Menus Plaisirs, ces commissaires sont censés débloquer une situation lourde de menaces.

Et pourtant, malgré la gravité du moment, le comte d’Antraigues, se lance dans un extravagant point d’histoire : les États Généraux de « 1560, 1576, 1588 et 1614 portent le témoignage que la vérification des pouvoirs y fut faite par ordre », affirme-il. Remontant jusqu’à ceux de 1356, il rappelle que, je le cite encore, « dans les deux procès-verbaux de ces États, les principales séances furent tenues en trois lieux divers, pour chacun des trois ordres ». Chargé de documents, le représentant du Tiers État lui répond point par point, arguant que les habitudes ne valent rien face à la raison qui, par l’examen des faits historiques, ne permet pas de prouver que la séparation des trois ordres dans des salles différentes tient davantage de la loi que des simples habitudes.

Sans vainqueur, les champions se séparent.

Pour mieux comprendre ce qui se noue autour de cette querelle, il faut replonger dans une histoire qui nous semble bien connue et qui, pourtant, se révèle bien plus exotique que l’on croit généralement : celle des débuts de la Révolution française.

Depuis le 6 mai, les 1177 députés convoqués par le roi s’opposent frontalement. Trois semaines après le discours d’ouverture de Louis XVI les sommant de résoudre le plus vite possible la grave crise financière, ceux-ci n’ont en réalité même pas commencé à donner le moindre avis, occupés à une bataille en apparence des plus étranges, portant sur des questions de procédures électorales.

Le Tiers État réunit 663 députés. 663, c’est deux fois plus que ceux de la noblesse et du clergé. Et pourtant, ces hommes vêtus de noir demeurent sous-représentés par rapport à leur importance réelle dans la société française, dont ils rassemblent, en réalité, plus de 98%. En outre, ce n’est qu’après une longue bataille qu’ils ont obtenu, cinq mois plus tôt, leur doublement.

Malgré cette victoire, certains députés du Tiers affichent leur volonté d’aller plus loin. Pour le moment, le doublement du Tiers ne lui assure aucun poids supplémentaire dans les décisions qui seront prises à l’issue des États Généraux : les votes sont en effet comptés par ordre et non par individu, ce qui, compte tenu de l’alliance des privilégiés, réduit le Tiers État, même plus nombreux, à l’impuissance. Le vote par tête devient dès lors l’enjeu politique principal.

D’autre part, les interminables discours de Barentin, le Garde des Sceaux, et de Necker, le ministre d’État, ont indigné les plus patriotes. Alors qu’ils étaient arrivés chargés de nombreuses doléances, appelant à d’amples changements, les voilà sommés de ne discuter, et le plus promptement possible, que de la question des finances publiques. Investis de puissantes attentes, ils réalisent, médusés, qu’ils ne sont là que pour faire ce que l’on attend d’eux : acquiescer à la réforme de l’impôt. Contrairement à leurs espérances, le roi leur ordonne en outre de se réunir en trois chambres séparées, afin de respecter la hiérarchie des ordres du royaume.

Le piège politique s’est ainsi refermé : en insistant sur l’imminence de la banqueroute de l’État, les ministres ont su imposer le discours de la nécessité et faire croire qu’il pas d’autre choix que de se plier à l’agenda pressé des créanciers du Trésor Public et de reporter, voire de laisser là les projets de profonde régénération de la nation.

En séparant les trois ordres dans des chambres distinctes, le message est limpide : ces États Généraux ne sont rien d’autre que ce qu’ils ont été dans l’histoire du royaume : une assemblée consultative, destinée à se séparer après avoir « consenti » à l’impôt, euphémisme signifiant, dans le langage de la monarchie absolue, « obéir ».

Indignée, la partie la plus radicale des députés du Tiers choisit alors une stratégie décisive, dans laquelle les grands discours ne leur sont, dans l’immédiat, d’aucune utilité. C’est, contrairement à l’impression que le grand roman de la Révolution nous a souvent laissée, par une lutte acharnée sur les questions les plus arides et tatillonnes de procédures électorales, que ces députés vont, en quelques semaines, réussir à faire exploser un des États les plus autoritaires d’Europe.

À peine réunis, assumant le risque de désobéir, ces députés entrent dans une résistance inattendue : alors qu’ils sont censés au plus vite commencer à vérifier la légalité des procédures électorales, ils décident de ne pas le faire, faisant du vote par tête et de la vérification en commun une condition préalable au début des débats. Délibérer en commun, réunir ensemble les députés des trois ordres dans un même lieu, c’est, en effet, transformer les États Généraux en Assemblée représentative de toute la nation, c’est-à-dire, en Assemblée nationale. C’est, en somme, par une simple question de procédure, amorcer une révolution politique.

Cela, les députés des ordres privilégiés le savent parfaitement. C’est pourquoi dès le début, s’appuyant sur l’autorité de « traditions » non écrites et à interprétation variable, ils acceptent, parce qu’ils y ont intérêt, l’agenda de l’urgence installé par le roi et ses ministres, afin de pousser le Tiers à la faute.

Pétris de courage, taraudés par la peur, les députés du Tiers tentent, quant à eux, de ralentir le tempo imposé. C’est grâce à ce refus d’obéir aux nécessités d’une histoire déjà en marche, c’est grâce cette volonté de se saisir du temps et à imposer leur propre rythme que les députés du Tiers réussissent à, littéralement, « prendre le temps » de la monarchie.

Un mois plus tard, au début du mois de juin, les États Généraux qui avaient été présentés comme la dernière chance d’éviter la crise, n’ont toujours pas commencé et pourtant la catastrophe annoncée n’est pas arrivée. En revanche, ce temps interminable a permis à ceux qui occupent de fait la salle commune des États Généraux, de parler, de débattre, de s’affronter, de s’organiser : c’est en somme dans ce temps volé à l’histoire jusqu’ici écrite par le pouvoir et les élites privilégiées que s’est inventée la parole politique moderne, révélant enfin combien les obscures controverses sur l’histoire des procédures électorales était, en vérité, un combat fondamental pour la souveraineté.


mardi 5 mai 2020

5 Mai 1789, Discours du Roi lors de l'ouverture des Etats Généraux (Vidéo)

Plus grande que nature, cette vue représente l'ouverture
des Etats Généraux dessinée par Charles Monnet.

Un évènement exceptionnel.

    Ce 5 Mai 1789, se déroule la séance solennelle d’ouverture des États Généraux. Rappelons que les trois États du Royaume ont été convoqués par le Roi le 5 juillet 1788 et que les États Généraux n’ont pas été réunis depuis 1614.

    Une salle provisoire à colonnes a été érigée derrière les Menus-Plaisirs de l’avenue de Paris, à Versailles. Contrairement à la célèbre gravure illustrant l’événement (et cet article), la salle est minuscule. Le roi, entouré de la reine et des princes du sang, trône au fond de la salle sous un dais majestueux. Les députés siègent autour, sur plusieurs rangs.

Gravure de Philippe-Joseph Maillart

    Louis XVI ouvre la séance par un discours dans lequel il rappelle les circonstances qui l’ont conduit à cette convocation et ce qu’il attend des États Généraux. Il se déclare « le premier ami de ses peuples ». Suivent les discours de Barentin (hostile à cette convocation), le Garde des sceaux, qui incitera les députés à refuser les innovations dangereuses ; Puis de Necker, ministre des Finances, sur la situation économique du royaume (qui est déplorable). Selon Necker, de nouveaux impôts suffiront à combler le déficit budgétaire de 56 millions.

Discours du roi (daté du 4 Mai)

    Le Roi a convoqué les États Généraux car il se trouve depuis déjà plusieurs années dans l’impossibilité de faire réaliser des réformes fiscales par ses différents ministres des finances. Deux Assemblées des Notables ont déjà eu lieu pour tenter de résoudre le problème, en 1787 et en 1788. Les deux ont échoué. Les Parlements refusent également de voter toutes les tentatives de réformes fiscales. Le but de ces États Généraux est d’amener les différents participants à consentir à un nouvel impôt. Mais bien rien ne va se passer comme prévu…

    Je vous propose de regarder cette vidéo extraite du célèbre film réalisé par Robert Enrico et Richard T. Heffron, sorti en octobre 1989, à l’occasion de l’anniversaire du bicentenaire de la Révolution Française. On y voit un Louis XVI parlant d’amour et de paix, une Marie Antoinette qui s’endort, le 1er Dauphin, Louis Joseph, très malade qui mourra le 4 juin suivant, un Camille Desmoulins faisant un coucou à son ami Robespierre député du Tiers Etat de la ville d’Arras, un Necker soucieux et ennuyeux, et l'Assemblée du Tiers Etat aussi ennuyée que mécontente...

Voici la vidéo !


Et voici un plan des salles de réunion des Etats Généraux à l'hôtel des Menus Plaisirs, à Versailles  :

Source : IMAGES D'ART





5 Mai 1789 : Un député inconnu commence son étonnant journal des Etats Généraux


    Ce passionnant "Journal des États-Généraux" a été rédigé par un député de la Picardie envoyé aux dits états. Rédigé au jour le jour, ce député resté inconnu envoya sa chronique à Laon jusqu’au 18 février 1790, afin de tenir informés les électeurs de sa province.

    Le document est manuscrit, mais l’écriture est belle et assez facile à lire. Le document est particulièrement intéressant parce que non seulement son auteur a scrupuleusement rapporté tous les événements petits et grands qui ont émaillé le déroulement des États Généraux, mais son récit est parsemé de savoureuses observations concernant des personnages encore inconnus qui deviendront des grandes figures de la Révolution. On se régale de chacune de ses citations, toujours moqueuses.

    Comme le dit le texte de présentation de ce document sur le site de la BNF, « nous croyons que la publication de ce manuscrit offrirait un certain intérêt, tant au point de vue historique et politique qu’au point de vue anecdotique. »

Vous pouvez le consulter sur le site de la BNF via la fenêtre ci-dessous :

lundi 4 mai 2020

4 Mai 1789, Ouverture des Etats Généraux

4 Mai 1789, Procession des députés des Etats Généraux au sortir de Notre Dame.

La dernière grande cérémonie de l'Ancien Régime...

    J'ai trouvé le texte suivant sur le site du Château de Versailles. Il convient parfaitement pour commenter les illustrations relatives à cet événement, que je vous propose.

    "Le 4 mai 1789, a lieu à Versailles la dernière grande cérémonie d’Ancien Régime : la procession des États Généraux. 1 200 députés, venus de toute la France, sont assemblés pour cette première journée. Vêtus de noir et couverts d’un manteau noir et or, les députés du tiers état sont les plus nombreux. Tous tiennent un cierge à la main, sauf les porteurs de bannières et les Fauconniers du Roi. Le roi est, lui, en habit et manteau de drap d’or, entouré des Grands officiers de la Couronne. Il porte sur son chapeau le Régent, le plus gros diamant d’alors. La reine porte une robe d’or et d’argent. Le roi est acclamé, pas elle. La procession, partie de Notre-Dame, traverse la place d’Armes et arrive à l’église Saint-Louis. Monseigneur de La Fare, évêque de Nancy, y prononce en chaire un célèbre discours fustigeant le luxe de la Cour. Pour la première fois, un évêque est applaudi dans une église."

Source du texte : chateauversailles.fr

Vue de la procession des Etats Généraux à Versailles le 4 Mai 1789.

Louis XVI accompagné de la Justice et de l'Economie
consulte les Etats du Royaume sur les moyens de réaliser ses généreuses intentions.

 Comment ont été élus les députés. 

    Les députés des ordres privilégiés sont généralement élus au suffrage direct ; ceux du tiers état par un scrutin indirect, à deux degrés. Pour participer à l'élection des délégués, qui élisent ensuite les députés du tiers, il fallait avoir plus de 25 ans et payer l'impôt, sans qu'aucun montant minimum soit exigé. En tout, les trois ordres comptent 1196 députés, dont 598 issus du tiers état, 308 députés du clergé et 290 députés de la noblesse.

Source : https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/histoire-de-l-assemblee-nationale/le-temps-de-l-invention-1789-1799



De la convocation à l'ouverture des Etats Généraux (Vidéos)

Vue de la procession des Etats Généraux à Versailles, le 4 Mai 1789

    J'ai découvert ces trois excellentes vidéos, réalisées par la Société des Etudes Robespierristes, que je juge utile de vous faire découvrir.

    La première porte de la convocation des Etats généraux, la seconde traite de la rédaction des cahiers de doléances à travers tout le pays et la troisième décrit l'ouverture des Etats Généraux.

La convocation des Etats Généraux

Par Madame Gaïd Andro, maîtresse de conférences à l'Université de Nantes.



Les cahiers de doléances de 1789
Par Monsieur Pierre Serna, professeur d'histoire moderne à l'Université Paris 1-Panthéon Sorbonne.


L'ouverture des Etats Généraux

Par Madame Solenn Mabo, Maitresse de conférences en histoire moderne à l'université Rennes 2.