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vendredi 16 février 2024

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Bienvenue sur ce site consacré à la Révolution française.

Mode d'emploi

    Vous trouverez sur la droite, le Menu qui vous mènera vers les archives du site et vers les différentes rubriques dans lesquelles se trouvent classés les articles

    A noter que dans lesdites archives, l'année 1789 se trouve dans celle de 2020. Mais vous comprendrez vite le principe. Il y a aussi une fonction "recherche", mais celle-ci vous conduit d'abord aux articles les plus récents. Il ne faut donc pas hésiter à poursuivre la recherche en cliquant sur "Articles plus anciens".

    Sinon, vous pouvez aussi cliquer sur le bouton ci-dessous pour commencer par le mois de juillet 1789 ! En bas de chaque article, des flèches vous conduiront à l'article suivant (ainsi qu'au précédent).

Philosophie du site

    Ce site ne fait l'apologie d'aucun courant particulier de la Révolution et n'idolâtre aucun de ses personnages. Je suis de sensibilité républicaine, mais ce qui me préoccupe le plus dans la vie, c'est ce qui rassemble et non-pas ce qui divise, et pour rassembler, il faut comprendre.

    J'ai fait mienne depuis longtemps cette citation de Spinoza :"Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre." Avec d'autres disciplines, comme la philosophie et la psychologie (qui me passionnent également), l'histoire constitue un bon moyen de comprendre les hommes et leurs sociétés.

    C’est précisément ma passion pour la philosophie qui m’a conduit à m'intéresser plus particulièrement au XVIIIe siècle, jusqu'à progressivement me retrouver face à ce monument incontournable que représente la Révolution française. Ayant reçu une éducation laïque et républicaine, j’étais également sensible aux valeurs politiques qui naquirent durant cette très courte période de l’histoire. Cet événement extraordinaire n’a pas duré longtemps, mais j'ai été surpris de constater comment lors de ce bref moment de l'histoire, si peu de gens, avec si peu de moyens ont pu inventer tant de concepts nouveaux qui ont profité ensuite à toute l’humanité.

    Le philosophe Emmanuel Kant fut l’un des premiers à comprendre ce phénomène historique, lorsqu’il écrivit en 1798 :

"Même si le but visé par cet événement n’était pas encore aujourd’hui atteint, quand bien même la révolution ou la réforme de la constitution d’un peuple aurait finalement échoué, ou bien si, passé un certain laps de temps, tout retombait dans l’ornière précédente (comme le prédisent maintenant certains politiques), cette prophétie philosophique n’en perd pourtant rien de sa force. Car cet événement est trop important, trop mêlé aux intérêts de l’humanité, et d’une influence trop vaste sur toutes les parties du monde pour ne pas devoir être remis en mémoire aux peuples à l’occasion de certaines circonstances favorables et rappelé lors de la reprise de nouvelles tentatives de ce genre. " (…) "Dès le début, la Révolution française ne fut pas l’affaire des seuls Français."

(Emmanuel Kant - Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution)

Mon travail

    Il y a quelques années, j’eu l’occasion d’entrer dans une association de reconstitution historique, qui avait pour but de mieux faire connaître aux gens la Révolution française. Je partageais l’inquiétude des fondateurs de cette association, qui étaient consternés d’entendre le discours calomniateur et révisionniste concernant la Révolution, qui prenait de plus en plus d’ampleur dans les médias et ailleurs. Ce fut pour moi une expérience enrichissante.

    A l’occasion d’une émission de télé pour laquelle nous devions faire de la figuration, j’eu l’idée d’incarner un artisan parisien de l’époque, un graveur et fabriquant d’estampes qui avait réellement existé, le citoyen Basset. (Un article lui est consacré)

Basset à droit sur la photo

    Par la suite, au cours de nos sorties, ce personnage me servit pour raconter toute la Révolution en n'utilisant que des copies des estampes de l’époque, que j’exposais dans une échoppe. La sortie la plus mémorable que nous eûmes, eu lieu lorsque la ville de Moscou nous invita à un grand festival de reconstitution historique à l’occasion de la fête nationale de la Fédération de Russie, en juin 2017. (Désolé, à l'époque nous n'étions pas en guerre contre les Russes et ceux-ci adoraient la France).

Basset sur la Place Rouge de Moscou
(Info : Les Russes adorent vraiment la France et les Français)

    Cette association n’existe plus. Mais j’ai continué seul de mon côté, avec mon personnage du citoyen Basset. Un de mes meilleurs souvenirs fut lorsque je fus invité deux fois dans un collège de Créteil par une professeure d’histoire, pour raconter aux élèves, en costume et avec mes estampes, la Révolution française. (Je suis toujours disponible pour ce genre de prestation, si cela vous intéresse).

Basset raconte la Révolution aux collégiens de Créteil

    La retraite venue, l’isolement qui va avec (renforcé par celui de la pandémie), j’ai eu l’idée de créer ce site, dans lequel je projetais de réaliser une chronique au jour le jour de la Révolution. Je disposais de "suffisamment" de livres chez moi pour cela et j’avais créé quelques années auparavant sur un tableur, au fil de mes lectures, une chronologie de tous les événements qui allait me servir de trame et mon ordi stockait des centaines d'estampes et de documents précieux.

    Ne voulant pas faire du simple copier-coller, je me suis retrouvé à consacrer plusieurs jours de travail pour la rédaction de certains articles ! De plus, j'écrivais souvent plusieurs articles pour une même journée de 1789 (tant il se passait de choses en une journée !). C’est la raison pour laquelle, en novembre 2020, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus continuer au même rythme. J'ai donc décidé de compléter entièrement l’année 1789 et de ne passer à 1790 qu’un peu plus tard...

A ce jour, il y a 319 articles publiés sur le site, et plus de 20 en cours de rédaction.

Basset au travail !

    Certains articles traitent de thèmes généraux tels que le pain, la misère ou la mode, etc. Il y en a même un sur l'incontournable Marie-Antoinette

    L'un des articles entrant dans cette catégorie spéciale, vous permettra de comprendre pourquoi j'aime tant ladevise de Spinoza déjà citée plus haut "Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre". Le titre de cet article est un peu farfelu : "L'histoire, la vérité, le bien, le mal, et toutes ces sortes de choses très relatives".

    Ma principale préoccupation est de comprendre et non-pas de juger. Raison pour laquelle, je peux comprendre aussi bien un royaliste qu'un républicain.

    Rien de ce qui est humain ne m'est étranger. Je suis un humaniste universaliste convaincu. Le hasard de ma naissance a fait de moi un citoyen français, mais le monde est ma patrie.

J'espère que vous prendrez plaisir à lire mes articles, et d'avance, je vous en remercie.

Salut et Fraternité, comme on disait en 1792.

Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset.


jeudi 17 décembre 2020

Basset devrait lire Charles-François Lhomond #orthographe

 

"Bertrand, alias le citoyen Basset, défaillant de honte,
alors que des lecteurs  lui signalent des fautes d'orthographe dans ses articles"
(Détournement d'une estampe de 1770 représentant la mort d'Hercule (un opéra))

    Si le citoyen Basset de 1789 se souciait bien peu de l’orthographe, comme le prouve l’enseigne de sa boutique, celui de 2020 est obsédé par celle-ci, en raison du respect qu’il doit à ses lecteurs !

Enseigne de la boutique de Basset représentée sur une estampe.
Lire l'article "Basset, graveur et marchand d'estampes, religieuses puis révolutionnaires"
Hélas !

    Hélas, mille fois hélas, il me faut souvent un délai de plusieurs semaines, avant que je puisse enfin déceler, horrifié, une hideuse faute d’orthographe dans l'un de mes articles ! 

    C’est pour moi une fatalité et un drame. Les fautes des autres me sautent immédiatement aux yeux, mais les miennes se rient de mon aveuglement ! Pas plus tard qu’aujourd’hui, quelqu’un a eu la bonté de me signaler l’une d’entre-elles, qui déshonorait la page d’accueil du site !

    Accablé de honte, je me suis renversé des cendres sur la tête, j’ai lacéré de mes ongles mon visage ravagé de larmes, et j’ai entrepris de rédiger ce bref article, en guise d’expiation.

    Quel meilleur moyen d’expier ma faute, que de rendre hommage aux mânes de Charles-François Lhomond, le grand maître de l’orthographe au 18ème siècle !

(Ne trouvez-vous pas que j’en fait parfois un peu trop ?) 😉

L’abbé Lhomond

    Charles François Lhomond naquit en 1727 à Chaulnes, dans la Somme et rendit l’âme à Paris le 31 décembre 1794 (Aucun lien n’a été établi entre son décès et le réveillon du 31). C’était vraiment un homme du 18ème siècle, à la fois humaniste, historien (de l’Eglise et de la religion chrétienne), pédagogue, mais aussi et surtout un grammairien.

    Parmi les sept ouvrages publiés par cet érudit, celui publié en 1780, intitulé « Elémens de la grammaire françoise » (l’orthographe est d’époque), fit l’objet de sept rééditions du vivant de son auteur, preuves d’un grand succès. De plus il fut continuellement réédité et adapté tout au long du 19ème siècle.

Statue de l'abbé
à Chaulnes

    Vous avez déjà dû constater, si vous avez lu par exemple certains des ouvrages que j’ai partagés sur ce site, que l’orthographe, durant le siècle des Lumières, était souvent très libre. 

    Lhomond a réussi à faire une synthèse de différentes approches de la grammaire déjà esquissées par de précédents auteurs, en tenant compte également de la langue telle qu’elle était parlée. Ce faisant, il a eu le mérite de clarifier la fonction de chaque mot au sein des phrases, selon une logique qui a peu ou prou perduré jusqu’à nos jours. La grammaire n’est pas qu’une invention destinée à faire souffrir les élèves en classe ou les scribouilleurs de mon genre, c’est avant tout une sorte de solfège permettant de jouer harmonieusement des mots et de se faire bien entendre. 

Quid de L'Esclache ?

    J'ai choisi d'évoquer Lhomond, un homme du 18ème siècle. Mais j'aurais pu vous proposer "Les véritables règles de l'ortografe francèze, ou L'art d'aprandre an peu de tams à écrire côrectement" publié par Louis de Lesclache en 1668 ! 

    Je suis certain que si vous parcourez l'ouvrage de ce grammairien réputé (en son temps), vous allez pleurer ! 😆

De l'utilité d'une langue commune...

    Ecrire correctement pour se faire comprendre, c’est bien. Mais parler la même langue, c’est encore mieux ! J’avais déjà évoqué ce problème le 30 Octobre dernier, à l’occasion de la présentation de la motion de Monsieur Target devant l'Assemblée, concernant l'instruction publique et l'éducation nationale. Celui-ci avait posé la question suivante : « A quoi bon faire d’aussi belles lois, si elles ne sont pas comprises ?».

    En effet, très peu de citoyens parlaient et comprenaient le français sous la Révolution !   

    Nous verrons un peu plus tard, qu’après avoir fait enquêter sur l’ensemble du territoire national, l’abbé Grégoire constatera que la langue française n’était parlée que dans une quinzaine de départements sur les 83 ! Il écrira dans son rapport présenté à la Convention le 4 Juin 1794 :

« On peut assurer sans exagération qu'au moins six millions de Français, surtout dans les campagnes, ignorent la langue nationale ; qu'un nombre égal est à peu près incapable de soutenir une conversation suivie ; qu'en dernier résultat, le nombre de ceux qui la parlent n'excède pas trois millions, et probablement le nombre de ceux qui l'écrivent correctement encore moindre.

Ainsi, avec trente patois différents, nous sommes encore, pour le langage, à la tour de Babel, tandis que, pour la liberté, nous formons l'avant-garde des nations. »

    Comment constituer une nation unie par des liens fraternels si ses citoyens ne parlent pas une langue commune ? Comment éduquer lesdits citoyens, si chaque livre scolaire ou chaque méthode d’agriculture doit être traduite en une infinité de patois, parlers et langues ? A quoi bon publier des lois si celles-ci ne sont pas comprises ? Contrairement à ce que ne cessent de soutenir les ennemis de la République ou les bonnes âmes naïves qui ont cru leurs dires, une langue nationale commune n’a pas pour but d’écraser ou humilier des cultures locales, c’est aussi un ciment indispensable pour construire une nation unie. 

Il est temps de lire Lhomond !

    Comme il en est d’usage sur le site, à chaque fois que je le peux, je partage ci-dessous avec vous l’ouvrage de Charles François Lhomond, disponible sur le site Gallica de la BNF :


Conclusion

    Un dernier mot, ne croyez pas ceux qui disent que les grands lecteurs ne font pas de fautes d’orthographe. Mes bibliothèques surchargées de livres sont là pour témoigner du contraire ! J’ai lu une fois dans un livre, qu’il était pratiquement impossible de repérer soi-même ses fautes (surtout dans un bref délai), car on ne ferait jamais que lire chaque fois ce que l’on a voulu écrire et non ce qui avait été réellement écrit.

    Je termine cet article un peu spécial avec cette photo de street art. L’artiste a eu l’idée amusante de représenter un écolier qui a été "mis au coin" (comme on disait autrefois), sous la plaque de la rue Lhomond, à Paris, dans le 5ème arrondissement.

Source : Les rues de Paris




dimanche 29 novembre 2020

Basset, graveur et marchand d’estampes, religieuses puis révolutionnaires !

Paul-André Basset, représenté en haut, à gauche

La Révolution en images !

Introduction très personnelle 😉

    Je me demande toujours si mon site est visité et si mes articles sont lus, car j'ai bien peu de retours. Malgré mes 759 abonnés, j'ai très peu de "likes" sur ma page Facebook (régulièrement censurée par Facebook qui refuse même que je lui paye des publicités pour ma page, sous prétexte que celle-ci est politique !)

    Imaginez donc, quelle ne fut pas ma joie, quand un lecteur m'a contacté en janvier 2023 pour me dire qu'il s'intéressait depuis longtemps au petit monde des marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques et plus particulièrement à Paul-André Basset. C'est lui qui m'a gentiment signalé l'existence de l'estampe ci-dessus, sur laquelle sont représentés tous les marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques, dont Paul-André Basset qui figure en haut à gauche. Je l'en remercie chaleureusement !

Paul-André Basset,
représenté à la droite de Le Clerc.

Comment j'ai rencontré Basset.

    J’avais choisi d'interpréter le rôle du marchand d'estampe Paul André Basset à l’occasion du tournage d’une émission de Mac Lesggy sur la chaîne de télévision M6, « L’histoire au quotidien », pour laquelle l’association de reconstitution historique dont j’étais membre avait été sollicitée afin d'y faire de la figuration. Vous trouverez en bas de l'article la vidéo de l'émission.

    J’ai conservé ensuite ce rôle, parce qu’il me permettait de raconter la Révolution française d’une façon originale et amusante lors de nos prestations publiques, rien qu’avec des estampes ! 

    Des estampes, il y en a eu beaucoup durant la Révolution ! On a répertorié plus de 600 modèles différents, rien que sur la période s’étalant entre le printemps 1789 (les états généraux et les débuts de la Révolution) et l’été 1792 (chute de la monarchie et guerres révolutionnaires) et cela continua ensuite, bien sûr !

    Le citoyen Basset était l'un de ces marchands d'estampes, et celle qui illustre cet article nous prouve qu'il a réussi à traverser la Révolution sans trop de soucis, puisqu'elle date de 1806.

    Cet article va non seulement vous le présenter, lui et sa famille, mais il va également évoquer le petit milieu des imagiers de la rue Saint-Jacques, leurs liens avec l’ordre religieux des Trinitaires et plein d'autres choses encore, comme la fabrication des estampes !

Vous avez dit Basset ?

    Paul André Basset était graveur ; fabricant et marchand de papiers peints et d'estampes. Il tenait une boutique rue Saint Jacques à Paris, dont il avait hérité de son père André. Celle-ci se situait en plein cœur du quartier Latin, à l’angle de la rue des Mathurins, juste en face du couvent des Mathurins. Basset avait de l’humour puisqu’il avait choisi de représenter un chien Basset sur l’enseigne à sa boutique.

Détail d'une estampe
(Orthographe d'époque !)

Où trouver sa boutique ?

    La boutique se situait à l'angle de la rue Saint-Jacques et de la rue des Mathurins. Ne cherchez plus cette rue des Mathurins de nos jours, car elle a disparu. Voyez ci-dessous, une planche extraite du plan de Paris que le prévôt des marchands Michel-Etienne Turgot avait fait réaliser entre 1734 et 1739 par Louis Bretez professeur de perspective. Sur cette représentation du quartier Latin, on voit très bien le couvent des Mathurins (en rose), ainsi que l’immeuble de la maison Basset (en vert), juste en face. J’ai même ajouté un agrandissement !

Source BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530111615/f15.item


    Je profite de l'occasion pour vous présenter également cette autre jolie vue de Paris de l'époque, sur laquelle j'ai également signalé l'emplacement du couvent et de la maison Basset.

Estampes représentant la boutique de Basset !

    Les trois estampes que je vous présente ci-dessous ont été datées de 1790. Elles évoquent la sécularisation des moines, c’est-à-dire le retour au monde profane de ces pieux citoyens ! 
    Elles présentent l’intérêt de nous donner deux représentations (inversées) de la boutique de la maison Basset, depuis lesquelles nous voyons chaque fois un colporteur franchissant le pas de porte, chargé d’estampes à vendre. Le sujet a dû avoir du succès puisque visiblement il a été copié et que la troisième comporte une légende en anglais.

Le joli moine, profitant de l'occasion.

Le moine qui se fait séculariser.

Le joli moine - The pretty monk.
    
Un mot sur la rue Saint-Jacques.

    Saviez-vous que la rue Saint Jacques était le cardo maximus, c'est-à-dire la rue centrale et principale de la Lutèce Gallo-romaine ?

Le couvent des Mathurins.

    Depuis le 13ème siècle, le couvent des Mathurins accueillait dans son cloître les assemblées de l'université toute proche (jusqu'en 1764, date à laquelle, après l'expulsion des jésuites, elles furent transférées dans le collège Louis-le-Grand). Il abritait aussi au Moyen Âge la halle aux parchemins, où ceux-ci étaient entreposés avant d'être vendus. La bibliothèque des Mathurins détenait au 18ème siècle entre cinq à six mille ouvrages, parmi lesquels quelques manuscrits précieux.

Couvent des Mathurins au XVIIe siècle
Source : La Dormeuse

Les confréries.

    Cinq confréries du quartier Saint-Jacques étaient hébergées dans le couvent : celle de saint Jean l'Évangéliste pour les libraires, imprimeurs et papetiers (dits « suppôts de l'Université ») ; celle de saint Charlemagne pour les messagers-jurés de l'université ; celle de sainte Barbe pour les paumiers (fabricants de balles pour le jeu de Paume) et tripotiers (tenanciers des « tripots », qui étaient à l'origine les salles de jeu de paume) ; celle de saint Nicolas pour les huiliers et chandeliers ; et celle de la sainte Trinité et Rédemption des Captifs. 

    Cette dernière dépendait de l'ordre religieux des Trinitaires, qui avait été créée en 1198 par Jean de Matha et Félix de Valois, avec pour objectif de réunir d’importantes sommes d’argent afin de racheter dans les états barbaresques d’Afrique du Nord les chrétiens qui y étaient maintenus en esclavage. 

    Cette mise en esclavage des chrétiens par les musulmans, qui dura plusieurs siècles, s’est quelque peu perdue dans les mémoires semble-t-il. Mais ne polémiquons pas, ce n’est que de l’histoire et n’étaient-ce pas les chrétiens qui avaient commencé à chapouiller les musulmans avec les croisades ? Et ne parlons surtout pas non-plus des treize siècles de traite négrière par les Musulmans, c'est hors sujet et politiquement très incorrect. Mais de grâce, ne vous méprenez pas sur mon propos, toutes les cultures sans exception, ont de semblables dossiers dans leurs archives ! 😈

Rachat d'esclaves chrétiens
Source : La Dormeuse.
Les Trinitaires.

    L’ordre religieux des Trinitaires est aussi remarquable pour l’intérêt qu’il portait précisément aux estampes. C’est ce que j’ai découvert en lisant une soutenance d’Emmanuelle Bermès, une docteure en histoire travaillant à présent à la BNF, intitulée « Le couvent des Mathurins de Paris et l’estampe au XVIIIe siècle ». Je vous en conseille bien sûr la passionnante lecture.

    Emmanuelle Bermès explique que cet intérêt des Trinitaires pour les images « correspondait à une préoccupation caractéristique du temps : depuis le concile de Trente, les estampes faisaient l’objet d’une attention toute particulière de la part de la hiérarchie ecclésiastique. L’utilisation de l’estampe pour établir le contact entre les religieux et les fidèles pouvait prendre une telle ampleur qu’il n’est pas excessif de parler de propagande. » Les religieux avaient en effet compris avant bien d’autres, le formidables pouvoir des images sur les fidèles. On prêtait même des guérisons miraculeuses à des estampes appliquées sur le corps de malades ! (Sans commentaire).

    Le couvent Saint-Mathurin, la maison parisienne de cet ordre, se trouvait, explique-t-elle « rue Saint-Jacques, dans un quartier où, au XVII e siècle, les graveurs et les marchands d’estampes rejoignaient les libraires et imprimeurs qui y étaient déjà installés en raison du voisinage de l’Université. »

    Les religieux possédaient également plusieurs maisons tout autour de leur couvent et dans le quartier environnant : en 1634, ils avaient seize maisons dans leur censive, et possédaient vingt-deux autres maisons et boutiques qu'ils louaient à des particuliers, notamment des artisans. Les derniers religieux de l'ordre quittèrent les lieux en août 1792. Les bâtiments conventuels furent vendus à des particuliers en 1799. Quant à l'église elle-même, elle fut démolie en 1863 en même temps que les bâtiments claustraux situés contre l'Hôtel de Cluny au moment de l'aménagement de la rue de Cluny.

Graveur d'estampe en 1643

La période pieuse des Basset. 😇

    On peut imaginer que les Basset aient fait partie à une époque de la confrérie de saint Jean l'Évangéliste, celles des « suppôts de l'Université ». Il est même fort probable que leur boutique ait appartenu aux Trinitaires. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les Basset, père et fils, ont bien gravé et vendu des estampes religieuses. Une exposition leur a même été consacrée par le musée de l’Image de la ville d’Epinal ! Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder. En revanche je ne sais pas si certaines de leurs estampes ont permis des guérisons miraculeuses. 😉


La période révolutionnaire des Basset ! 😈

    Les Basset ont donc su s’adapter à l’esprit du temps, puisqu’ils ont laissé de côté les estampes religieuses dès 1789, pour "coller au plus près de l’actualité" et illustrer la Révolution ! La maison Basset fut en effet très active durant la période révolutionnaire. Malgré une perquisition qui eut lieu dans son magasin le 16 janvier 1794, pour y chercher des "signes de féodalité", Paul André Basset traversa la Révolution sans trop d’encombres, puisqu’il prit sa retraite en 1819. La petite entreprise des Basset fut reprise successivement par divers membres de la famille, toujours à la même adresse, rue Saint Jacques avant de disparaître après 1865.

Parlons des estampes.

Estampes, eaux fortes ou aquatinte ?

Ces trois mots désignent des techniques d'impressions légèrement différentes.

Estampes ?

    
Les estampes sont la plupart du temps directement gravées sur une plaque de cuivre par le graveur. Celui-ci utilise un outil à graver en métal trempé appelé burin, avec lequel il creuse des rainures dans la planche habituellement de cuivre. Cette méthode dite « à la pointe sèche » exige souvent des efforts considérables de la part du graveur et permet de réaliser des traits fins.

Eaux fortes ?

Eau-forte coloriée
    
Pour réaliser une eau-forte, le graveur prépare la planche de métal en la recouvrant d’un produit cireux de réserve. À l’aide d’un outil ressemblant à une aiguille, il gratte un motif sur la surface cireuse, exposant ainsi le métal en dessous. Le graveur immerge ensuite la planche dans un bain d’acide qui mord doucement le métal exposé, créant les creux et les rainures désirés. Plus le temps d’immersion est long, plus les creux seront profonds et plus les traits seront foncés à l’impression. Le produit cireux de réserve est ensuite enlevé, la planche est encrée et la gravure est réalisée au moyen d’une presse. A noter que les textes et légendes devaient être gravés à l’envers sur les plaques, ce qui donnait lieu parfois à quelques oublis sur certaines estampes qui étaient néanmoins tirées (avec des mots à l’envers). Les couleurs étaient ensuite appliquées avec des pochoirs.

Aquatintes ?

Aquatinte, 1785.
    L’aquatinte ou aquateinte est un dérivé de l’eau-forte où l’on utilise également des acides pour mordre la planche de métal. Au lieu de se servir d’un outil ressemblant à une aiguille pour gratter un produit cireux de réserve, le graveur vaporise, verse, saupoudre ou brosse une réserve antiacide en poudre ou en liquide directement sur la planche. En variant l’épaisseur et l’intensité de la teinte de la résine, le graveur peut obtenir des zones avec des variations de ton subtiles ou spectaculaires. Après le bain d’acide, la planche de métal est encrée et le papier est imprimé comme dans le cas d’une eau-forte ou d’une estampe normale. Les aquatintes permettent d’obtenir des variations de tons très subtiles.

Source utilisée pour ces 3 paragraphes : Musée canadien de l'histoire.

Comment s'y retrouver ?

    Beaucoup des images que je montre sur ce site sont des eaux fortes bien qu'on les appelle communément des estampes. Mais on y trouve aussi des aquatintes, des lithographies, des gravures au pointillé, des manières noires...

    Dans un autre article que je vous conseille, je vous parle des "vues d'optiques", ces images que l'on regardait au travers d'un zograscope...

    En résumé, le terme « estampe », venant de l'italien « stampa » qui signifie « presse », on désigne en fait sous ce nom toute impression réalisée à l'encre sur un support souple à partir d'une matrice qu'on grave ou sur laquelle on dessine.

Graveurs en taille-douce, au burin et à l'eau forte.
Abraham Bosse, 1643
La valeur et le prix.

    Les estampes de chez Basset n’étaient pas vraiment des œuvres d’art, comme celles de Joseph Longueuil dont j’ai parlé le 16 novembre. Longueil était un véritable artiste, spécialisé dans la reproduction d’œuvres de peintres et dessinateurs célèbres. La gravure de Longueil imprimée en noir et blanc que je vous avais présentée, étaient vendue 3 livres, c’est-à-dire 60 sols (ou sous).

    Les estampes gravées chez Basset étaient plus modestes et même parfois proches de la caricature que de l’œuvre d’art, du moins à l’époque révolutionnaire. Les graveurs d’estampes étaient rétribués de 5 à 10 sous la plaque gravée.

Une presse à estampes et un graveur à droite

    Chaque exemplaire imprimé était ensuite vendu entre 9 et 15 sous, soit dans la boutique, soit par des colporteurs comme celui que nous voyons sur ces trois estampes.

    Même si les estampes de chez Basset étaient moins chères que celle des maîtres graveurs, tout le monde ne pouvait pas se les offrir. En 1789, le salaire d’un travailleur journalier parisien variait entre 12 et 20 sous (plus souvent 15), et celui d’un artisan variait entre 20 et 50 sous.

    Pour vous donner une meilleure idée, sachez que le 14 juillet 1789, une miche de pain coûtait 14 sous (de 1 à 3 sous la livre selon la qualité du pain). Entre janvier 1787 et juillet 1789, le prix du pain avait augmenté de 75%...

    Vous apprendrez dans la vidéo que je vous propose ci-dessous, que comparés au revenu actuel d'un travailleur, ces 14 sous équivalaient à plus de 56 de nos euros actuels !

La vidéo !

    Voici la vidéo de l'émission qui avait été diffusé sur la chaîne de télévision M6 en octobre 2015. La qualité est médiocre, mais le contenu est plutôt bien, si on le compare à celui d'autres émissions abordant le thème devenu si délicat de la Révolution française.


Quelques photos de la "réincarnation" de Basset ! 😉

Le bonhomme à droite, c'est Basset !

Au fond, l'échoppe de Basset
et Basset dansant la Carmagnole 😂

La "start-up" de Basset, sur le tournage.

Liens utiles vers quelques articles intéressants sur le sujet :

vendredi 16 octobre 2020

16 Octobre 1789 : La sénéchaussée de Toulouse refuse les décrets de l'assemblée nationale

Cet article est également une occasion d'expliquer, à ma façon (républicaine), ce qu'a signifié la constitution d'une nation républicaine, en opposition à ce qu'était la France morcelée et inégalitaire de l'Ancien Régime (en bas de page).😉  


    Ce 16 octobre 1789, la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, réunie en assemblée, publie un arrêté dans lequel elle proteste contre les décrets de l’Assemblée. Sous l’ancien régime, une sénéchaussée, aussi appelée un baillage, était une entité territoriale correspondant à une circonscription administrative, financière et judiciaire.

    Cet arrêté sera lu à l’Assemblée nationale lors de la séance du 3 Novembre. Je vous donne à lire sa retranscription, ci-dessous.

    Vous trouverez à sa suite, l’analyse qui en a été faite par Bertrand Barère dans le numéro CXXI du samedi 31 Octobre 1789 de son journal, Le Point du Jour (Fondé le 19 Juin 1789), et puis la mienne, en toute fin.

Arrêté de la noblesse de Toulouse du 16 octobre 1789

La ville de Pézenas en Languedoc, dénonce à l'Assemblée, comme tendant à semer le trouble dans le royaume, une délibération du soi-disant ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, ainsi conçue :

« L'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse, assemblée en vertu des ordres du Roi et de la délibération du 25 septembre dernier ; profondément touché des malheurs de l'Etat et de la nouvelle funeste des attentats commis contre la personne du Roi, n'a pas cru dans ce moment qu'il lui fût permis de s'occuper d'aucun autre objet, avant d’avoir de nouveau cherché à se réunir avec les autres ordres, pour prendre ensemble un parti ferme et prudent, qui tende à rétablir à la fois le calme dans la monarchie et le respect dû au monarque le plus chéri et le plus malheureux.

«Mais comme il est certain que toute espèce de division ou de méfiance entre les ordres nuirait à ce grand ensemble qui seul peut ramener la paix ; et que l'ordre de la noblesse calomnié dans ses démarches et ses intentions ne peut douter que des émissaires soudoyés n'emploient journellement les moyens les plus insidieux pour le rendre suspect à tous les citoyens, l'Assemblée désirant, préalablement à toute discussion, démentir publiquement ces imputations offensantes a unanimement arrêté de rendre publique une déclaration de ses sentiments et de ses principes, dictée par l'équité et confirmée par l'honneur, elle doit éloigner pour jamais jusqu'à l'ombre de la méfiance.

«L'ordre de la noblesse déclare donc sur son honneur qu'il renouvelle à tous les citoyens sa renonciation expresse à tout privilège pécuniaire.

«Qu'il consent à soumettre tous ses biens à l'égale répartition de l'impôt et des charges publiques.

«Qu'il verra avec la plus grande satisfaction les citoyens de toutes les classes admis aux emplois ecclésiastiques, civils et militaires.

«Réunis sur des points que l'on supposait faussement être le motif caché des démarches de la noblesse, les autres ne peuvent présenter même le prétexte de la division.

«L'objet le plus important sans doute, est de mettre tout en usage pour rendre à la religion son utile influence, aux lois leur force et leur activité, au monarque enfin son autorité légitime et osons le dire sa liberté. Pour cet objet sacré, il n'existe point de distinction d'état ; c'est notre père commun et tous les bons Français sont pères.

«Dans le nombre des points à traiter de concert, il faut compter l'opposition la plus formelle à la division géométrique du royaume en général et de la province de Languedoc en particulier.

«En persistant à demanderai au Roi une nouvelle organisation pour les Etats de cette province, il est important d'éviter le piège tendu par les ennemis du bien public.

«En conservant le Languedoc dans son intégrité, il faut aussi s'opposer fortement à l'abolition des droits et franchises de cette province et des villes qu'elle renferme.

«Tels sont en partie les motifs qui doivent hâter la réunion désirée d'une grande famille, dont tous les membres, trop longtemps divisés, pour s'aimer n'ont qu'à se voir, pour s'unir n'ont qu'à s'entendre.

Arrêté de la noblesse de la sénéchaussée de Toulouse , du même jour 16 octobre 1789.

«L'Assemblée a nommé quatre commissaires, à l'effet de communiquer à l'ordre du clergé la déclaration ci-dessus.

«Elle a envoyé un pareil nombre de députés à MM. les officiers municipaux, pour leur faire part de la même déclaration et leur demander une assemblée de l'ordre du tiers-état dans la forme qu'ils jugeront la plus convenable.

«Collationné sur le procès-verbal et certifié véritable.

«Signé : DE Latresne, secrétaire. »

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5272_t1_0653_0000_4

    Pour information, la noblesse de Toulouse sera imitée les jours suivants par les noblesses du Béarn, du Cambrésis et de la Bretagne…


L'analyse de Barère.

    Dans son numéro CXXI du samedi 31 Octobre 1789, Bertrand Barère rendra compte de cette déclaration de la noblesse de Toulouse, qu’il considérera « étonnante » en ce qui concerne les points suivants :

1° En ce que la noblesse y prend la qualification d’ordre, quoique la distinction des ordres ait cessé au moment où l’Assemblée nationale s’est constituée sous ce titre, & que cette distinction ait été ensuite expressément abolie ;

2° en ce qu’elle affecte de désigner les communes de l’ancien mot proscrit de tiers-état ;

3° en ce qu’elle se dit assemblée en vertu des ordres du roi, en partant sans doute, d’ordres antérieurs à l’ouverture de l’Assemblée nationale ;

4° en ce que les termes d’attentats commis contre la personne du roi, prouvent que la noblesse de Toulouse, égarée par des faux bruits, n’a pas connu à cette époque l’histoire exacte de la translation volontaire du roi dans la ville de Paris ;

5° en ce que cette noblesse a omis dans le nombre de ses sacrifices, celui des droits féodaux, quoique formellement décrété dans la nuit du 4 août ;

6° en ce qu’elle parait résolue à s’opposer fortement à l’abolition des droits et franchises de Languedoc & des villes qu’il renferme, comme si elle ignorait le décret solennel qui a détruit tous les privilèges locaux ;

7° enfin, en ce qu’elle annonce l’opposition la plus formelle à la division du royaume général, & de la province du Languedoc en particulier, quoique rien ne soit plus indifférent qu’une nouvelle division du royaume après l’abolition des privilèges des provinces.

Source : numéro CXXI du samedi 31 Octobre 1789

Cette carte est réductrice, puisqu'elle masque
les milliers de patois et de variantes d'une même langue
.

Autres généralités (Celles de l'ancien régime)

    La carte ci-dessous représente La France divisée en ses généralités ou intendances et pays d’Etats avec les chefs-lieux des élections, bailliages, territoires, prévôtés, subdélégations etc. Elle avait été réalisée afin d'être insérée dans la lettre du roi pour la convocation des Etats généraux, du 24 janvier 1789. Vous aurez remarqué l'inévitable Necker !

La France divisée en ses généralités ou intendances et pays d’Etats
 avec les chefs-lieux des élections, bailliages, territoires, prévôtés,
 subdélégations etc. Pour être insérée dans la lettre du roi
 pour la convocation des Etats généraux, du 24 janvier 1789


Le petit mot (républicain) du Citoyen Basset !

    Cet article est une occasion de vous expliquer la philosophie de ce projet de constitution d’une Nation, que ces députés de la constituante avaient en tête, et qui sera bien sûr repris par la République, sans oublier l’Empire.

    En abolissant les droits seigneuriaux lors de la fameuse nuit du 4 août 1789, les députés avaient également la volonté de supprimer toutes les formes d’impositions et autres taxes locales, définies arbitrairement par les Seigneurs. Sous l’ancien régime, la plus complète anarchie fiscale régnait dans le royaume. Chaque province, baillage ou sénéchaussée avaient ses lois, ses taxes, ses péages à l’entrée des villes et des ponts ! Et même ses propres poids et mesures ! Comment constituer une nation équitable et solidaire, sans des lois qui soient les mêmes pour tous ? Et des lois discutées et votées par des représentants élus du peuple, et non pas des notables cultivant l’entre-soi et l’arbitraire !

    Le projet de constituer une Nation peuplée de citoyens libres, et non plus de sujets soumis, passait donc par une uniformisation des lois sur tout le territoire. Mais aussi, nous le verrons bientôt, par un système de poids et mesures unique, ainsi que par une langue communément parlée, lue et écrite. Sur ce dernier point, le but n’était pas d’écraser ou humilier des cultures locales en leur interdisant de parler les milliers de dialectes, patois et langues, pratiqués dans le royaume, mais de faciliter l’apprentissage de la lecture et par là-même l’instruction publique. 

    Dans le projet républicain, (appelons-le ainsi pour faire simple), les citoyens ont le droit à la même instruction ; ils payent les mêmes impôts (en fonction de leurs revenus) ; le prix du pain est le même partout ; les marchandises circulent librement sans être arrêtées et taxées pour traverser un pont, une ville ou une région ; la route est la même partout et ne devient pas un chemin de terre en traversant telle ou telle localité ; la même quantité de blé pèse le même poids d’une région à l’autre, et les distances mesurées sont les mêmes, etc. Je pense que vous avez compris.

    Les privilégiés de l’ancien régime s’opposeront bien sûr à la construction de cette Nation qui mettait à bas toutes leurs petites excentricités locales, qu’elles soient administratives ou fiscales. Mais ce ne sera pas de cela qu’ils parleront pour convaincre leurs administrés, bien évidemment. Ils joueront plutôt de la corde sentimentale du particularisme culturel, en mettant en avant la beauté de leurs us et coutumes ancestraux, sans oublier bien sûr la langue parlée, et qu’importe pour cette dernière qu’elle fut elle aussi une langue imposée sur les patois locaux !

    Le projet républicain a eu de belles heures, mais ses adversaires ont progressivement eu gain de cause. Je me souviens encore du temps où le prix de l’eau, de l’électricité ou du kilomètre SNCF était le même partout sur l’ensemble du territoire ! Hélas, les nostalgiques de l’ancien régime n’ont jamais cédé. De son côté, pour tenter de les séduire, la République, elle, a beaucoup cédé. Raison pour laquelle, même si on ne les appelle plus ainsi, les Sénéchaussées de Toulouse, de Bretagne ou du Cambrésis existent toujours et qu'une petite caste de nobliaux à fait son retour... 😉

Le Citoyen Basset dans une école de la République en novembre 2018
Collège Albert Schweizer de Créteil


La langue unique est un facteur d'unification.

Le sociologue néerlandais Abram de Swaan (écouter ce podcast sur France Culture), évoque l'adoption d'une langue commune en Europe, pour "faire enfin société". Il propose, en précisant que ce sera plus facile à présent que les Anglais ont quitté l'Europe, d'adopter la langue anglaise, déjà parlée en majorité en Europe, et même de "l'européaniser". Il donne comme exemple l'Inde, vaste pays aux multiples langues, qui a adopté l'anglais comme langue officielle, en "l'indianisant". Rien n'empêche bien évidemment d'apprendre une autre langue, ni même de parler sa langue maternelle !



Merci pour votre lecture.