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dimanche 14 septembre 2025

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Bienvenue sur ce site consacré à la Révolution française.

Mode d'emploi

    Vous trouverez sur la droite, le Menu qui vous mènera vers les archives du site et vers les différentes rubriques dans lesquelles se trouvent classés les articles

    A noter que dans lesdites archives, les articles concernant l'année 1789 se trouvent dans les archives de 2020. Mais vous comprendrez vite le principe! 😉 Il y a aussi une fonction "recherche", mais celle-ci vous conduit d'abord aux articles les plus récents. Il ne faut donc pas hésiter à poursuivre la recherche en cliquant sur "Articles plus anciens".

    Sinon, vous pouvez aussi cliquer sur le bouton ci-dessous pour commencer par le mois de juillet 1789 ! En bas de chaque article, des flèches vous conduiront à l'article suivant (ainsi qu'au précédent).

Philosophie du site

    Ce site ne fait l'apologie d'aucun courant particulier de la Révolution et n'idolâtre aucun de ses personnages. Je suis de sensibilité républicaine, mais ce qui me préoccupe le plus dans la vie, c'est ce qui rassemble et non-pas ce qui divise, et pour rassembler, il faut comprendre.

    J'ai fait mienne depuis longtemps cette citation de Spinoza :"Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre." J'avoue que c'est parfois difficile de ne pas se laisser emporter par les passions ; surtout en cette époque de grande crise que nous traversons ! Néanmoins, avec d'autres disciplines comme la philosophie et la psychologie (qui me passionnent également), je considère que l'histoire constitue un bon moyen de comprendre les événements; en tout cas bien meilleur que ne l'est la presse qui semble ne devenir peu à peu qu'un simple rouage de l'ingénierie sociale (Fabrication du consentement, propagande, réécriture de l'histoire, etc.). Un exemple ? Cliquez ici.

    C’est ma passion pour la philosophie qui m’a conduit à m'intéresser plus particulièrement au XVIIIe siècle, jusqu'à progressivement me retrouver face à ce monument incontournable que représente la Révolution française. Ayant reçu une éducation laïque et républicaine, j’étais également sensible aux valeurs politiques qui naquirent durant cette très courte période de l’histoire. Cet événement extraordinaire n’a pas duré longtemps, mais j'ai été surpris de constater comment lors de ce bref moment de l'histoire, si peu de gens, avec si peu de moyens ont pu inventer tant de concepts nouveaux qui ont profité ensuite à toute l’humanité.

    Le philosophe Emmanuel Kant fut l’un des premiers à comprendre ce phénomène historique, lorsqu’il écrivit en 1798 :

"Même si le but visé par cet événement n’était pas encore aujourd’hui atteint, quand bien même la révolution ou la réforme de la constitution d’un peuple aurait finalement échoué, ou bien si, passé un certain laps de temps, tout retombait dans l’ornière précédente (comme le prédisent maintenant certains politiques), cette prophétie philosophique n’en perd pourtant rien de sa force. Car cet événement est trop important, trop mêlé aux intérêts de l’humanité, et d’une influence trop vaste sur toutes les parties du monde pour ne pas devoir être remis en mémoire aux peuples à l’occasion de certaines circonstances favorables et rappelé lors de la reprise de nouvelles tentatives de ce genre. " (…) "Dès le début, la Révolution française ne fut pas l’affaire des seuls Français."

(Emmanuel Kant - Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution)

Mon travail

    Il y a quelques années, j’eus l’occasion d’entrer dans une association de reconstitution historique, qui avait pour but de mieux faire connaître aux gens la Révolution française. Je partageais l’inquiétude des fondateurs de cette association, qui étaient consternés d’entendre le discours calomniateur et révisionniste concernant la Révolution, qui prenait de plus en plus d’ampleur dans les médias et ailleurs. Ce fut pour moi une expérience enrichissante.

    A l’occasion d’une émission de télé pour laquelle nous devions faire de la figuration, j’eus l’idée d’incarner un artisan parisien de l’époque, un graveur et fabriquant d’estampes qui avait réellement existé, le citoyen Basset. (Un article lui est consacré)

Basset à droit sur la photo

    Par la suite, au cours de nos sorties, ce personnage me servit pour raconter toute la Révolution en n'utilisant que des copies des estampes de l’époque, que j’exposais dans une échoppe. Notre sortie la plus mémorable eut lieu lorsque la ville de Moscou nous invita à un grand festival de reconstitution historique à l’occasion de la fête nationale de la Fédération de Russie, en juin 2017. (Désolé, mais à l'époque nous n'étions pas en guerre contre les Russes et ceux-ci adoraient la France).

Basset sur la Place Rouge de Moscou
(Info : Les Russes adoraient vraiment la France et les Français)

    Cette association n’existe plus. Mais j’ai continué seul de mon côté, avec mon personnage du citoyen Basset. Un de mes meilleurs souvenirs est celui où je fus invité deux fois dans un collège de Créteil par une professeure d’histoire, pour raconter aux élèves, en costume et avec mes estampes, la Révolution française. (Je suis toujours disponible pour ce genre de prestation, si cela vous intéresse).

Basset raconte la Révolution aux collégiens de Créteil

    La retraite venue, l’isolement qui va avec (renforcé par celui de la pandémie), j’ai eu l’idée de créer ce site, dans lequel je projetais de réaliser une chronique au jour le jour de la Révolution. Je disposais de "suffisamment" de livres chez moi pour cela et j’avais créé quelques années auparavant sur un tableur, au fil de mes lectures, une chronologie de tous les événements qui allait me servir de trame, de plus mon ordi stockait des centaines d'estampes et de documents précieux.

    Ne voulant pas faire du simple copier-coller, je me suis retrouvé à consacrer plusieurs jours de travail pour la rédaction de certains articles ! De plus, j'écrivais souvent plusieurs articles pour une même journée de 1789 (tant il se passait de choses en une journée !). C’est la raison pour laquelle, en novembre 2020, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus continuer au même rythme. J'ai donc décidé de compléter entièrement l’année 1789 et de ne passer à 1790 qu’un peu plus tard...

    A ce jour, il y a plus de 350 articles publiés sur le site, et plus de 20 en cours de rédaction.

Basset au travail !

    Certains articles traitent de thèmes généraux tels que le pain, la misère, la violence ou la mode ! Il y en a même un sur l'incontournable Marie-Antoinette

    L'un des articles entrant dans cette catégorie spéciale, vous permettra de comprendre pourquoi j'aime tant la devise de Spinoza déjà citée plus haut "Ne pas se moquer, ne pas déplorer, ne pas détester, mais comprendre". Le titre de cet article est un peu farfelu : "L'histoire, la vérité, le bien, le mal, et toutes ces sortes de choses très relatives".

    L'historiographie dominante considère que la Révolution de 1789 fut une révolution bourgeoise. Vous découvrirez très vite en lisant ma chronique de 1789 qu'il n'en fut rien. Ce ne sont pas des bourgeois qui incendièrent des centaines de châteaux partout en France durant la Grande peur de l'été 1789 ! (Lire également cet article). 

    Vous verrez également que bien souvent je m'efface devant le texte d'époque, dont je donne toujours la source. Je m'efforce même de mettre à votre disposition les documents originaux via des fenêtres dans mes articles.

Conclusion.

    Ma principale préoccupation est de comprendre et non-pas de juger. Raison pour laquelle, je peux comprendre aussi bien un royaliste qu'un républicain. Lorsque l'on prend la peine de s'intéresser à quelqu'un (sa vie, son milieu socio-culturel, etc.), on réalise la plupart du temps qu'il ne pourrait pas penser autre chose que ce qu'il pense...

    Rien de ce qui est humain ne m'est étranger. Je suis un humaniste et un universaliste convaincu. Le hasard de ma naissance a fait de moi un citoyen français, mais le monde est ma patrie.

    Et surtout, sachez que je ne vous dit pas quoi penser. Je me contente seulement de vous donner de quoi penser. 

    J'espère que vous prendrez plaisir à lire mes articles, et d'avance, je vous en remercie.

    Salut et Fraternité, comme on disait en 1792 ! (Vivement que ma chronologie atteigne cette année, celle de la seconde Révolution.)

 

Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset.


dimanche 24 août 2025

A propos de la violence de la tempête révolutionnaire (et de la Terreur)

Article mis à jour le 17 septembre 2025
 

L'allégorie de la tempête... 

    La Révolution française ressemble par bien des côtés à une terrible tempête en mer. Difficile d’y voir clair au milieu de toutes ces évènements déferlant de tous côtés comme autant de bourrasques déchaînant les flots.

    Chose étonnante, de nos jours tout le monde ne semble retenir de la Révolution que sa violence, qui selon certains serait hors normes, extraordinaire, voire la mère de toutes les violences totalitaires ! (on va reparler de cela plus lois) Se focaliser sur la violence est un biais bien commode permettant d'oublier tout le bien que la Révolution nous a apporté. L'objet de cet article est donc d'étudier de plus près cette violence. Je vais même probablement vous étonner un peu en vous expliquant, entre autres, que cette violence de la Révolution n'était autre que celle de l'ancien régime...

Représentation de la pire tempête ayant jamais frappé l'Angleterre, celle de 1703.

La difficulté de comprendre les événements.

    Il peut être tentant de se laisser entraîner par un seul courant et de tout juger du même point de vue, mais ça serait trop simple et un peu malhonnête. Plus on s’intéresse à la Révolution, plus on lit de documents, de mémoires, de comptes-rendus, et plus on se rend compte que la plupart des acteurs étaient entraînés dans une suite d’actions et de décisions qu’ils étaient bien loin de maîtriser.

    Louis XVI et son entourage n’ont pas su voir, ce en quoi cette énième révolte qui secouait le royaume différait des précédentes. Celle-ci ne résultait pas simplement d’un ras-le-bol des impôts pour les uns, ni d’une nouvelle famine pour les autres.

    La tournure inattendue qu’avaient pris les États Généraux se proclamant Assemblée Nationale, n’avait rien à voir avec les précédentes révoltes des parlements refusant les lois et tentatives de réformes du roi. C'était une révolte de la bourgeoisie et non une réaction des privilégiés de la noblesse et du haut clergé défendant leurs acquis.

    Les révoltes frumentaires qui éclataient un peu partout dans le pays à cause du manque de pain n’allaient pas se régler aussi facilement qu’en 1775 et 1776 en faisant intervenir la troupe qui tirerait dans la foule et pendrait quelques émeutiers.

Émeutes des subsistances de 1761 à 1789

    Le malaise était plus profond. Mais le roi et les siens, incapables d’en prendre la mesure, ne savaient qu’appliquer les vieilles méthodes qui avaient toujours réussi jusqu’alors. Ce "malaise", appelons-le ainsi, était d’autant plus difficile à circonscrire qu’il avait également gagné la noblesse. Une partie de celle-ci, acquise aux idées du siècle, c’est-à-dire celles des philosophes des lumières, se rendait bien compte que la société devait évoluer et de nombreux nobles devinrent des acteurs de cette révolution qui allait changer l’ordre du monde.

    Du côté du Tiers État, il en était de même. La grande majorité de ses représentants élus, ne s’imaginaient pas, lorsqu’ils se présentèrent à Versailles le 4 mai 1789 à l'ouverture des États Généraux, qu’ils allaient provoquer un tel bouleversement. (Même si l'on ne peut s'empêcher de penser que quelques-uns faisaient plus qu'y penser...)

    La plupart ne souhaitait dans le meilleur des cas qu’une évolution de la monarchie absolue vers une monarchie constitutionnelle, avec un parlement à l’anglaise et une constitution à l’américaine.

Quel Tiers-État ?

    Ne nous méprenons pas sur la nature de ce Tiers État présent aux États Généraux. Si le Tiers État représentait environ 95 ou 98% de la population française. Ses représentants élus étaient issus d’une nouvelle classe sociale, celle des grands commerçants, des industriels et des banquiers, c’est-à-dire la bourgeoisie, qui elle, représentait environ 5% des français. Notons également que nombre de ces grands bourgeois étaient des banquiers qui avaient prêté beaucoup d'argent à l'État...

Lire cet article sur le Tiers-Etat.

    Cette nouvelle élite, que certains ont appelé le "4ème ordre", était constituée de personnages, instruits, industrieux et riches, qui dans la société de l’ancien régime, payaient de lourds impôts mais n’avaient aucun pouvoir politique. L’un de ses représentants, Barnave, un avocat originaire du Dauphiné, résumera parfaitement la situation dans cette formule : "Une nouvelle répartition des richesses, impose une nouvelle répartition des pouvoirs."

Quel Peuple ?

    Quant au peuple, il est bien évident qu’il ne comprenait pas grand-chose à la situation. Même plongé dans la plus indicible misère, il n’avait jamais cessé d’aimer son "bon roi Louis", et il rendait responsables de son malheur les mauvais intendants et fermiers généraux du roi, ses ministres mauvais conseillers et plus tard la Reine Marie Antoinette, dont les excès étaient parvenus à ses oreilles.

    La grande majorité du peuple ne savait pas lire et je pense que je vais vous étonner en vous disant qu’une grande majorité dudit peuple ne parlait pas le français, du moins celui parlé en Île de France, comme s’en rendra compte l’abbé Grégoire lorsqu’on lui remettra en 1790 le rapport qu’il avait demandé sur l’état du pays et des langues et patois parlés. Des centaines de parlers différents existaient en France, voire des milliers si l’on tenait compte des patois qui pouvaient changer d’un village à l’autre.

    Beaucoup de ces braves gens ignoraient même qu’ils étaient français ! 

Diffusion des idées 

    Malgré la complexité de cette France mosaïque, les idées nouvelles s’étaient peu à peu diffusées au sein de ce peuple bigarré. Les colporteurs vendaient des petits livrets ou libelles que ceux qui savaient lire achetaient et lisaient aux autres en public. Beaucoup connaissaient Voltaire et Rousseau sans les avoir jamais lus. Les estampes se vendaient bien aussi, elles qui disaient tout ou presque en un dessin. Le peuple, lui aussi, changeait peu à peu.

   Colporteurs
                  
Libraire ambulant et liseurs de journaux

Instrumentalisation de la violence

    Au début des événements révolutionnaires, ce peuple sera d’abord manipulé. On le voit bien, quand les élus du Tiers État se rendent compte que le versatile Louis XVI revient à une politique, disons réactionnaire, voire brutale. Certains ont l’idée (dangereuse) d’instrumentaliser le peuple, pas seulement en diffusant des rumeurs qui occasionnent des émeutes, mais aussi, ce qui est plus grave, en l’armant. Une émeute coûte 25 Louis dira le ministre Saint-Priest.

    Selon l'usage que l'on fait alors du peuple, il est parfois appelé "populace" plutôt que "peuple". Lisez cet article "Peuple ou populace ?"

    Cette vague de violence a d'ailleurs déconcerté les révolutionnaires bien policés de l’Assemblée nationale. Ils avaient sous-estimé la colère et le désespoir du peuple, accumulés depuis des siècles. On les verra plusieurs fois tenter de canaliser ce torrent destructeur. Danton inventera la politique, dite de la Terreur, après avoir proclamé : "Soyons terrible avant que le peuple ne le devienne".

« Peut-on faire une révolution sans révolution ? », demandera plus tard Robespierre...

Violence "révolutionnaire" ? Vraiment ?

    On doit à Gracchus Babeuf l'explication la plus intelligente de cette violence révolutionnaire. Il écrira dans un courrier adressé à son épouse le 22 juillet 1789, après avoir assisté, horrifié, à la pendaison aux lanternes de l’Hôtel de Ville du conseiller d’état Foulon chargé du ravitaillement de l’armée et de son gendre l’intendant Berthier :

« Les supplices de tout genre, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, les gibets, les bourreaux multipliés partout nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé. »

Cette violence, c’était tout simplement celle de l’ancien régime...

Qui sème le vent, récolte la tempête.

Quelques exemples ?

    Le général commandant les colonnes infernales en Vendée, Louis-MarieTurreau de Lignières, était un enfant de l’ancien régime, éduqué et formé par les institutions de celui-ci. Il s’est comporté en Vendée comme Turenne et Louvois lors du ravage du Palatinat ordonné par Louis XIV !  

La guerre totale n'est pas une invention de la Révolution !

    Le tristement célèbre accusateur public du tribunal révolutionnaire, Antoine de Fouquier de Tinville, avait été formé à son métier sous l’ancien régime, au collège de Noyon. Devenu clerc, c’est grâce à l’aide de sa famille et d’un emprunt, qu’il put racheter sa charge à son employeur en 1774. Et c’est bien sous l’ancien régime qu’il débuta sa carrière de procureur au Châtelet le 21 janvier 1774 !

Une vidéo vaut souvent mieux qu'un (trop) long texte...

    En cliquant sur l'image ci-dessous, vous accéderez à une vidéo publiée sur Facebook, extraite d'une émission de 2016 d'Arrêt sur image, qui démonte brillamment toute l’intox que nous subissons ede nos jours à propos de la violence révolutionnaire :


La violence, et surtout la Terreur !

    Je me suis toujours demandé, compte tenu de la violence continue que l'on observe au fil des siècles en histoire, pourquoi la violence révolutionnaire était-elle traitée différemment ? Pourquoi les bonnes âmes qui ferment les yeux sur les fleuves de sang versés avant et après les 17 mois de la Terreur, n'ont-ils pas de mots assez durs pour condamner la Révolution ?

    J’ai trouvé les chiffres que vous allez découvrir ci-dessous dans l’Almanach révolutionnaire publié par l’historien Jean Massin en 1963.

    A noter que l'on peut toujours acheter l'excellent ouvrage de Jean Massin sur le web, en occasion mais aussi en ebook ou même au format Kindle, ce qui, ce me semble, est un gage de sa qualité.

    Attention ! Loin de moi l'idée de justifier ou excuser la violence ! J'espère seulement que les chiffres ci-dessous pourront vous faire réfléchir, ou même vous servir la prochaine fois que l’on vous parlera de la terreur révolutionnaire !

Les chiffres...

Pour Paris : Sentences capitales prononcées par le Tribunal Révolutionnaire en 17 mois :

  • 1.251 du 6 avril 1793 au 22 Prairial An 2
  • 1.376 du 23 Prairial au 9 Thermidor

Soit en tout 2.627.

Pour toute la France : Sentences capitales prononcées par le Tribunal Révolutionnaire et les diverses juridictions exceptionnelles dans le même laps de temps : 16.594 morts,

Dont :

  • 71 % pour les principales régions où la guerre civile fait rage (52 % dans l’Ouest « vendéen » + 19 % dans le Sud-Est).
  • 16 % pour Paris (cf supra)
  • 13 % pour tout le reste de la France.

Pour toute la France et toujours dans le même laps de temps :

Approximation du nombre total de morts, enjoignant aux sentences capitale mentionnées ci-dessus les exécutions sommaires auxquelles il a été procédé en répression des rébellions (Nantes, Toulon, etc.) : entre 35 et 40.000.

"Les fusillades de Nantes"

A noter que Carrier, l'ordonnateur de ces massacres à Nantes, fut rappelé à Paris par Robespierre dont il était l'ennemi et qui le fit enfermer. Carrier sera jugé pour ses crimes, condamné à mort et exécuté le 16 décembre 1794.

 

Comparaison avec d'autres terreurs...

    Pour apprécier à leur juste portée les chiffres ci-dessus, on peut les comparer avec ceux d’autres répressions à travers l’histoire de France. Ainsi, entre autres :

Pour l’Alsace seule :

Répression des « rustauds » par le duc Antoine de Lorraine en mai 1525 (Cf. Pianzola, « Thomas Münzer », pp.177-194)

  • 40.000 paysans égorgés.

Pour Paris seul : 

Répression des Huguenots à la Saint-Bathélémy en une seule nuit (Cf. « Clio – XVIe siècle ». p.377) :

  • 3.000 protestants égorgés.

(A noter que certaines villes, comme la Charité sur Loire par exemple, ont perdu jusqu’au souvenir des massacres de la Saint-Barthélémy dans leurs murs.)

Pour Paris seul : 

Répression de la Commune durant la « semaine sanglante » de mai 1871 : le rapport du général Appert, chef de la justice militaire admet :

  • 17.000 prolétaires parisiens passés par les armes. 
  • Tous les historiens s’accordent cependant à estimer que le nombre réel des victimes se situe bien au-delà ; ils avancent des chiffres variant entre 20.000 et 35.000.

Nota : Dans un autre ordre, qui a aussi son éloquence comparative, on pourra se souvenir que, de l’accord de tous les historiens actuels sur les recherches de Meynier et G. Lefèvre, les Guerres napoléoniennes de 1804 à 1815 ont fait pour la France seule un total approximatif de 500.000 morts.

 

Un mot sur la terreur sous l'ancien régime.

    Certains évoquent à loisir les massacres de la guerre civile en Vendée (Massacres qui furent condamnés par le Comite de Salut Public révolutionnaire). Un politicien vendéen en a même fait le cœur de son parc à thème d’histoire révisionniste. Mais qui vous parlera des massacres perpétrés sous Louis XIV ? Je ne parle même pas des « dragonnades » contre les protestants, ni même des persécutions contre les Jansénistes ! Je pense au terrible ravage du Palatinat qui nous fit haïr de toute l'Europe et plus particulièrement des Allemands...

    Mais il est difficile d’évoquer les tueries de l’Ancien régime. En effet, celles-ci n’ont pas fait l’objet d’un décompte des victimes. Comme l’a écrit l’historien Jules Michelet : 

« Je sais bien que la meilleure partie de ces grandes destructions ne peut plus être racontée. Ils ont brûlé les livres, brûlé les hommes, rebrûlé les os calcinés, jeté la cendre... Quand retrouverai-je l'histoire des Vaudois, des Albigeois, par exemple ? »

Et plus loin il poursuit « Tout au moins le désert raconte, et le désert du Languedoc, et les solitudes des Alpes, et les montagnes dépeuplées la Bohême, tant d'autres lieux, où l'homme a disparu, où la terre est devenue à jamais stérile, où la Nature, après l'homme, semble exterminée elle-même. »

     J'ai écrit un article sur ce sujet en reprenant la formule de l'historien Jules Michelet : "Les six siècles de terreur de l'ancien régime."

 

 
Mieux comprendre ce qui se cache derrière le concept de Terreur

    Je reparlerai de ladite terreur ultérieurement lorsque la chronologie de ce site nous y mènera. Mais je ne veux pas vous donner l'impression de fuir le sujet, aussi je vous conseille de mettre à jour vos connaissance, comme je l'ai fait moi-même en lisant les ouvrages d'historiens contemporains, tels que par exemple Jean-Clément Martin (professeur émérite de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien directeur de l'institut d'Histoire de la Révolution française).

    Tous les livres de Jean-Clément Martin sont excellents, ainsi que toutes ses interventions, comme vous pourrez le constater en cliquant sur ce lien vers une page de France Culture : https://www.franceculture.fr/personne/jean-clement-martin
 

    Je vous propose de lire cet extrait de l'ouvrage de Jean-Clément Martin :"Violence et Révolution. Essai sur la naissance d'un mythe national" Paru au Seuil en 2006. Cliquez sur l'image ci-dessous.


    Cet autre ouvrage traite intelligemment de la terreur : « Les échos de la Terreur - Vérités d’un mensonge d’État 1794-2001 ». Jean-Clément Martin y démontre comment ladite terreur a été fabriquée a posteriori. Cette idée vous choque ? Alors regardez et écoutez attentivement la vidéo ci-dessous qui présente cet ouvrage :



La Terreur, mère de tous les totalitarismes, vraiment ?

    Cette affirmation a eu un grand succès politique et a aussitôt rempli les rayons du prêt-à-penser. Elle a pour origine le livre de la célèbre philosophe Hannah Arendt intitulé "Essai sur la Révolution". Je vous propose d'en lire une analyse intéressante dans cet article de Stéphanie Rossa que l'on trouve sur l'indispensable site Cairn.info :"Le social et le politique : un bilan de l'Essai sur la Révolution d'Hannah Arendt". Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder :

Quid de la terreur américaine ?

    J'ai beaucoup d'admiration pour Hannah Arendt et je comprends son américanisme qui s'explique par son vécu. Il me semble malgré tout que dans sa comparaison entre la révolution américaine et la Révolution française, elle a étayé tout son raisonnement sur une vision partisane de la terreur "française", tout en faisant l'impasse sur la terreur de la révolution américaine ! 
    La terreur de la révolution américaine n'a pas de nom mais elle a bien existé. Comment appeler les combats sanglants qui eurent lieu pendant la guerre d'indépendance ? Comment appeler le génocide des amérindiens, l'esclavage, les guerres d'annexions contre la Canada et le Mexique et toutes celles qui suivirent ? Comment appeler la politique ségrégationniste qui dura jusqu'en 1964

Pendaison de 38 indiens Sioux le 26 décembre 1862

    La différence entre leur terreur et la nôtre, c'est qu'elle n'a pas été nommée et surtout que ses auteurs ont été les vainqueurs au contraire des nôtres qui ont perdu et dont les vainqueurs ont très rapidement écrit une histoire à leur convenance.
 
    Vous trouvez que j'exagère ? Étudiez l'histoire de nos amis américains ! Vous apprendrez par exemple qu'en remerciement de notre aide durant leur guerre d'indépendance, ils préférèrent nous faire la guerre en 1798 plutôt que de rembourser leur dette. Lisez mon article de la journée du 27 octobre 1789. Peut-être découvrirez-vous également les vraies raisons de la guerre d'indépendance contre l'Angleterre ? J'en parle dans cet autre article :"4 juillet 1776, les 13 colonies font sécession".


Conclusion 

Des poternes aux pneus...

    Il faudra encore beaucoup de pain dans les ventres, beaucoup d’éducation et de justice sociale, c’est-à-dire beaucoup de république et de démocratie, pour que le torrent de violence se retire dans le gouffre des siècles d’où il avait jailli et que les citoyens en colère se contentent de brûler des pneus sur les ronds-points au lieu de pendre les banquiers à des réverbères.

    Pour terminer ce long article sur la violence révolutionnaire, je vous propose cette belle citation d'un curé brésilien, Dom Hélder Câmara, qui a combattu toute sa vie la pauvreté : 

« Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’Hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »

 

Post Scriptum :

La violence populaire n'est pas spécifique à la Révolution.

Les émeutes populaires du passé.

    On veut nous faire croire de nos jours que la violence populaire est un phénomène exceptionnel. Affirmer cela, sous-entend avoir la mémoire courte, ou alors effacée. La violence populaire est omniprésente en histoire, même si celle-ci tant à diminuer progressivement au fil du temps comme le démontre l’historien Robert Muchembled dans son ouvrage publié en 2015 « Une histoire de la violence, de la fin du Moyen Âge à nos jours ».

Jeunesse masculine turbulente.

    L'historien explique comment à la fin du Moyen Age, à la campagne, les “abbayes de jeunesse” ou "bachelleries", étaient à l’origine des batailles entre villages voisins, des rixes viriles entre leurs membres à l’occasion des fêtes ou des jours chômés. Ces violences avaient lieu surtout à la taverne, par l’emploi d'armes blanches, de bâtons ou des poings. Les coups et blessures n’entraînant qu’accidentellement la mort, la justice ne punissait que par des amendes ou des bannissements. Cet esprit de courage et d’agressivité était même entretenu dans l’éventualité d’une guerre. Des compagnies d’archers étaient même créées à cette fin, compagnies que l’on retrouve à la Révolution dans diverses villes et villages et qui pour certaines, constitueront les noyaux des premières gardes nationales.

Grandes jacqueries

N’oublions surtout pas les "jacqueries", ces révoltes paysanne ou urbaines qui parsemèrent également la fin du Moyen-âge ! C’est ainsi que Paris fut secoué par l'insurrection parisienne menée par Étienne Marcel en 1358 tandis que la grande Jacquerie se répandait depuis le Bassin parisien jusqu'à la Normandie à l'ouest et l'Auxerrois à l'est. La grande jacquerie de 1356-1358 ressembla très fortement à une révolution affirme l’historienne Claude Gauvard (professeure émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste d'histoire politique, sociale et judiciaire du Moyen Âge).

Ecoutez ce podcast sur France Culture :


Des émeutes populaires ultra-violentes, du temps de nos grands parents !

    Tout cela est bien loin, me direz-vous ! Si bien sûr, vous faites abstraction des révoltes des Gilets jaunes et des émeutes de banlieues...

    Dans son livre "Bourlinguer", publié en 1948, l'écrivain Blaise Cendrars décrit une émeute incroyable à laquelle il assista (et participa), à Rotterdam. Les faits rapportés sont d’une violence inouïe et parait-il "coutumière à l’époque", comme il l’explique au début du récit. L’écrivain en donne l’explication suivante : 

"On n’y peut rien. C’est la misère des hommes qui veut ça et qui les pousse avec mégalomanie. C’est irrésistible et irréfrénable. Les individus n’y sont pour rien. C’est tout ce que l’on peut en dire."

 Quelques explications ?

    Cendrars nous dit que la cause de la violence populaire est la violence ; la misère étant elle-même une forme de violence contre le peuple (Pensez à la citation de Dom Hélder Câmara)

    On pourra également évoquer la pression démographique et le manque de femmes. Ne vous étonnez pas de cette remarque à propos des femmes. Elle est mentionnée dans certains ouvrages. La frustration masculine due à la pression du patriarcat sur les jeunes hommes, est une explication raisonnable à la violence. La célèbre écrivaine américaine Ursula K. Le Guin traite de ce sujet dans l’un de ces livres de Science-Fiction « La main gauche de la nuit », arguant du fait que la masculinité exacerbée est la cause principale de toutes les guerres...


Je vous laisse réfléchir à tout cela...


Bertrand Tièche


Gravure d'une violente tempête, datée de 1750



dimanche 9 février 2025

Apprentissage de la liberté de la presse sous la Révolution (Vidéos)

Carte à jouer représentant
La Liberté de la Presse.
 

   En complément des articles traitant le sujet de la Presse sous la Révolution, je vous propose de regarder cette petite sélection de vidéos très intéressantes.

  

Comment la Révolution a libéré la Presse.

    Le 26 août 1789, la nouvelle Assemblée nationale adopte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un texte révolutionnaire qui bouleverse la société française en instaurant la liberté d'expression. 

 

L'ère de la Presse, commentaire d'une estampe.

    À partir de 1789, les événements suscitent une insatiable soif de nouvelles. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en instituant la liberté d’expression, déclenche une exceptionnelle floraison de journaux qui est immédiatement perçue comme l’une des grandes nouveautés de la période. 

 

  

La presse de l'ère révolutionnaire (1789-1799)

Conférence du mercredi 13 mai 2009 : La presse de l'ère révolutionnaire (1789-1799)

Intervenant : Jeremy Popkin, Professeur à l’Université du Kentucky (Lexington, USA) 

 


 

 

mardi 6 juin 2023

La Révolution a échoué, Kant explique pourquoi, Condorcet réconforte, Marc-Aurèle relativise et Tolstoï...

Avertissement : 😒

    L'historien Jean-Clément Martin, grand spécialiste de la Révolution française, a publié l'an dernier un ouvrage intitulé : "Penser les échecs de la Révolution française". Je trouve le titre optimiste car il sous-entend qu'il y a eu des succès. Je vous en recommande donc la lecture.

    Je vais bien sûr aborder le thème de l'échec un peu différemment, puisque je trouve absolument normal que la Révolution ait échoué. Ah bon ? Vous ne saviez pas qu'elle avait échoué ? Je spoile ou je "divulgâche" ? (Comme on dit sur Radio France). Que cela ne vous empêche pas de lire tous les autres articles de mon site, ni celui-ci d'ailleurs ! Je suis sûr que vous y apprendrez deux ou trois trucs. 😊

Hélas oui, nous devons le reconnaitre, la Révolution française a échoué...

    Soyons réalistes, l'aristocratie de l'ancien régime a été remplacée par une nouvelle, qui est encore plus riche et plus puissante que ne l'avait jamais été l'ancienne. La Loi n'est plus la même pour tous et les impôts non-plus. On rétablit les péages ou les octrois sur les routes et bientôt à l'entrée des villes. Afin de mieux diviser pour régnier, on valorise les moindres différences et l'on fait fi des points communs qui cimentaient le contrat social. Toutes les minorités les plus diverses et variées se méprisent les unes les autres avec fierté. Le peuple abêti par une école qui ne remplit plus sa mission républicaine est muselé grâce à l'ingénierie sociale et tremble en attendant l'apocalypse climatique qu'on lui promet à chaque journal d'informations. Les services publics sont sabordés avant d'être bradés à de nouveaux fermiers généraux. Quant aux droits sociaux durement acquis par plusieurs révolutions, ils disparaissent peu à peu sous prétexte d'une dette impossible à rembourser, compte tenu du fait que, faute de ressources illimitées dans un monde limité, la croissance ne reviendra plus.

Le peuple écrasé par une dette impossible à rembourser.
Ça vous dit quelque chose ?
On en était là en 1789, jusqu'à ce que l'on
 se rende compte, quelques mois plus tard
 que l'argent était bien là...

    Il n'y a pas d'alternative, comme le clamait Margaret Thatcher ! Quand bien-même un président voudrait-il rétablir la justice sociale en France, que les agences de cotations réduiraient la note de la France, ce qui augmenterait les taux d'emprunts sur les marchés financiers et ne ferait qu'aggraver la dette nationale. Quel pouvoir avons-nous ?

    Nous pouvons bien disserter, gloser, sur la chose publique, rien ne changera. C’est ce qu’affirmait cyniquement Karl Rove, le sinistre conseiller de Bush, au journaliste américain Ron Suskind durant l’été 2002, lorsqu’il lui disait ceci :

"Nous sommes désormais un empire, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudierez cette réalité – de manière judicieuse, sans aucun doute – nous agirons à nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pouvez étudier également, et c’est comme ça que les choses se régleront. Nous sommes les acteurs de l’Histoire… et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à tout simplement étudier ce que nous faisons."

Mais pourquoi la Révolution française a-t-elle bien sûr échoué ?

    Oui, il faut bien l'avouer, la Révolution française a échoué, et ce, tout simplement parce qu’il ne pouvait pas en être autrement. Aucun changement de société d’une telle ampleur ne peut se réaliser en si peu d’années, pas même en une génération. 

Marianne en pleurs
Dessin de Benjamin Régnier réalisé après les attentats de 2015

Le temps de la transition.

    Nous le voyons bien actuellement avec la transition énergétique et la lutte contre le CO2. (Visitez mon site Transitio qui traite depuis plus de 20 ans ces sujets). Cela fait déjà plusieurs années que les scientifiques tirent la sonnette d'alarme à propos du réchauffement de l'atmosphère et l'épuisement des matières premières, et les politiques n'ont pour seul souci que de préserver les intérêts des compagnies énergétiques au nom de la sacrosainte croissance et de faire croire aux gens que rien ne va changer vraiment. Il faudra que nous soyons le dos au mur et que notre société soit au bord de l'effondrement pour qu'enfin les choses changent...

Le temps des changements civilisationnels n'est pas celui des vies humaines. Il faut du temps au temps.

Trop grand, trop beau...

    Les hommes et les femmes de 1789 voyaient trop grand, trop beau. Ils avaient trop de projets, trop d’idées ; Bien plus que n’en pouvaient accepter les enfants malades de l’Ancien régime qu’ils étaient. Car n’oublions pas que tous, ils étaient les enfants de l’ancien régime. Ils en portaient donc tous les défauts et les tares, l’avidité chez les uns, l’ignorance chez les autres et la violence en commun.

    Les révolutionnaires de 1789 ne pouvaient qu’ouvrir avec colère ou espoir, et ce au péril de leurs vies, la lourde porte d’airain de la nouvelle ère qui s’annonçait ; Rien de plus, sinon darder çà et là quelques phares dans la nuit de l’avenir pour entrevoir quelques pistes et lancer quelques graines qui peut-être germeraient à l'aube d'un jour éloigné.

Allégorie révolutionnaire :
La Liberté, l'Egalité et la Civilisation repoussant le despotisme.

La lucidité de Kant

Emmanuel Kant
Gravure de J.Chapman

    Emmanuel Kant, le philosophe des Lumières, celui de la raison, de l'universel et de la liberté, avait compris totalement l’événement, aussi bien l’importance civilisationnelle de la Révolution française que sa fragilité, lorsqu’il écrivit ceci : 

"Même si le but visé par cet événement n’était pas encore aujourd’hui atteint, quand bien même la révolution ou la réforme de la constitution d’un peuple aurait finalement échoué, ou bien si, passé un certain laps de temps, tout retombait dans l’ornière précédente (comme le prédisent maintenant certains politiques), cette prophétie philosophique n’en perd pourtant rien de sa force. Car cet événement est trop important, trop mêlé aux intérêts de l’humanité, et d’une influence trop vaste sur toutes les parties du monde pour ne pas devoir être remis en mémoire aux peuples à l’occasion de certaines circonstances favorables et rappelé lors de la reprise de nouvelles tentatives de ce genre. " (…) "Dès le début, la Révolution française ne fut pas l’affaire des seuls Français."

(Emmanuel Kant - Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution)

    Kant, le solitaire de Königsberg, (petite enclave prussienne rebaptisé Kaliningrad par les Russes en 1946), avait hélas vu juste. Oui, la Révolution allait échouer. Oui, tout allait retomber dans l’ornière précédente. Et oui, la Révolution française reviendrait plusieurs fois en mémoire, « à l’occasion de certaines circonstances favorables », çà et là dans le futur, aussi bien en France que dans le monde.

Comment bâtir l’avenir lorsque l’on est fait du passé ?

    Les révolutionnaires ont lancé quelques graines vers l’avenir, quelques idées : l’école gratuite pour tous, l’assistance aux démunis (au lieu de la charité ou de l'emprisonnement), la liberté de la presse comme celle des théâtres, l’abolition de l’esclavage, l’abolition de la torture, la même justice pour tous, le même système d’impôts partout, et les mêmes unités de poids et mesures partout, jusqu’à Robespierre qui voulut abroger la peine de mort ! (Discours de Robespierre du 30 mai 1791). Autant d’idées qui, si elles finissaient par être appliquées, changeraient incroyablement la société. 

Abolition de l'esclavage par la Convention, le 4 février 1794 (16 pluviôse an II)
Rétablissement en 1801, après la Révolution, par Bonaparte.

    Les partisans du suffrage universel, par exemple, n’étaient pas tous naïfs. Ces démocrates savaient bien que la plupart des citoyens voteraient encore longtemps comme le leur ordonneraient, leurs curés, leurs seigneurs ou leurs patrons. Il faut du temps pour devenir un vrai citoyen, du temps et surtout de l’instruction. Ce fut même l’une des raisons pour lesquelles le droit de vote fut longtemps refusées aux femmes, suspectées d'être trop sous l’influence de l’Église, une institution en lutte perpétuelle contre la République. Robespierre pensait que d’années en années, tout de même, il finirait par y avoir de moins en moins d'analphabètes, et qu’avec le suffrage universel, les gens ouvriraient leurs yeux sur leur condition, puis comprenant les causes de leur misère, arriveraient peut‐être à faire une république d'équité (Lire son discours de Robespierre du 11 août 1791).

    La lutte était donc perdue d’avance. Les révolutionnaires combattaient ce qu’ils étaient eux-mêmes en grande partie, et la plupart se comportaient comme ceux qu’ils combattaient ! Il allait falloir encore beaucoup de révolutions, de républiques, d’écoles et de pain pour que les hommes et les femmes commencent à changer et qu’ils se contentent de brûler des pneus sur des ronds-points plutôt que de pendre des banquiers aux réverbères. Et il faudra encore beaucoup plus de temps pour qu’ils cessent d’élire des banquiers…

Ces enfants, malades de l'Ancien régime...

    Je dois vous avouer que ma sympathie envers certains grands noms de la Révolution a commencé de faiblir lorsque j’ai commencé à les étudier de plus près. Mais n'est-ce pas là le lot de beaucoup de grands hommes lorsque l'on s'intéresse de plus près à leurs vies ? De grand, il n'y a souvent chez eux que leurs actes ou leurs idées. Mais il n'y a rien à redire à cela, c'est humain.

    Je ne vais d'ailleurs pas les passer tous en revue ici car j'ai déjà parlé de certains dans quelques articles. Je vais juste évoquer ici quelques cas que je trouve "révélateurs".

Illustration de la fable de Jean de la Fontaine :
"Les animaux malades de la peste"
Celle-ci se termine par les vers suivants :
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau, le lion !

    Celui qui comprenait tout et plus vite que les autres à l’Assemblée nationale ! Comment ne pas s’attrister de voir un homme aussi brillant, essayer sans cesse de se vendre au plus offrant pour payer les dettes de sa vie de débauché ? Je vous ai déjà parler de lui au sujet de son plan secret qu’il avait voulu exposer au roi le 15 octobre 1789.
    Premier des grands hommes accueillis sous les voutes du Panthéon le 5 avril 1791, il sera le premier à en sortir le 21 septembre 1794, après que l'on eut découvert l'étendue de sa corruption dans les carnets secrets de l’armoire de fer que Louis XVI avait laissée derrière lui lors de sa fuite le 20 juin 1791. (L’existence de cette armoire sera dénoncée par le serrurier François Gamain qui l’avait réalisée pour Louis XVI, et révélée publiquement le 20 novembre 1792).

    La mort de Mirabeau le 2 avril 1791 fut d’ailleurs l’un des deux facteurs déclencheurs de la fuite du roi. Le second événement ayant été l’émeute du 18 avril 1791, qui avait empêché le roi de célébrer Pâques à Saint-Cloud. (La Fayette nous dira, dans ses mémoires, que l'émeute fut fomentée par Danton qui fut payé par le roi pour fournir à Louis XVI cette preuve manifeste qu'il n'était plus libre de ses mouvements, mais retenu prisonnier dans son palais.)

Emeute du 18 avril 1791

    Mirabeau avait, depuis son installation définitive à Paris, instauré des relations secrètes avec la Cour. À la suite de la mort de Mirabeau, le Baron Axel de Fersen « grand "ami" de la Reine » écrira : « C'est une grande perte car il travaillait pour eux [la famille royale] et commençait à leur être utile, et leur aurait été d'un secours pour l'exécution de leur projet. » (ledit projet étant la fuite).

    Mirabeau fut d'ailleurs probablement empoisonné par les aristocrates qu’il avait aidés. Il tomba mystérieusement malade le 1er avril, s'alita, fit son testament et mourut le lendemain.  Agonisant, il organisa une rencontre « fortuite » entre Lafayette et Danton. Il tenta en vain de les allier, pour sauver la monarchie. Mais Lafayette traita Danton de corrompu et Danton traita Lafayette de militariste...

    Mirabeau apparait dans nombre de mes articles de l’année 1789 et c’est normal car il fut omniprésent. J’en parle également dans le long article que je consacre à Danton : "Danton, ou l'étrange réhabilitation".

Antoine Barnave, le tigre des propriétaires !


    J’aime bien évoquer Barnave, ce brillant avocat de la Province du Dauphiné, parce qu’il a parfaitement résumé la raison de la Révolution dans une phrase de son livre écrit en prison en 1793 « De la Révolution et de la Constitution », qui paraîtra en 1843 sous le titre Introduction à la Révolution française ; la voici :« Une nouvelle répartition des richesses, impose une nouvelle répartition des pouvoirs ». 
    Une nouvelle classe sociale, riche, travailleuse et instruite, prenait le pouvoir à une classe sociale obsolète et décadente, la noblesse. 
    La Révolution ne fut ne fut donc que cela. Du moins celle que j’appelle la Révolution en dentelles. (L’autre Révolution, celle des miséreux et des affamés, n'a guère de place dans les livres d’histoire et curieusement tous ses défenseurs sont copieusement diffamés.)

    Barnave fut un des révolutionnaires parmi les plus enthousiastes dès les débuts de la Révolution. C'est lui qui lança à l'Assemblée, pour excuser les meurtres de Foulon et de Bertier, cette apostrophe fameuse : « Messieurs, on veut vous attendrir en faveur du sang versé hier à Paris. Ce sang était-il donc si pur, qu'on n'osât le répandre ? », phrase qui passa à la postérité, et à laquelle quelqu'un, dans l'assemblée, répliqua : « Oh ! le tigre ! », surnom féroce qui resta au fougueux Barnave, qui se fit pourtant chaton plus tard devant les beaux yeux de Marie-Antoinette.

    Barnave symbolisait à lui seul cette haute bourgeoisie qui venait de s’emparer enfin du pouvoir. Mais la liberté pour laquelle ces gens prétendaient se battre, c’était avant tout la liberté de commercer (comme la prétendue liberté de la jeune Amérique). Raison pour laquelle Barnave fut un partisan du suffrage censitaire, c’est-à-dire le vote réservé aux riches, et qu’il fut un ardent défenseur du droit sacré de propriété. Il s’opposa donc avec virulence à ce que l’on donne la citoyenneté aux gens de couleurs des colonies.

    Une grande question se posait en effet : « Fallait-il fixer une limite à la propriété ? ». Le 24 avril 1793, Robespierre (encore lui) avait présenté un projet de déclaration des droits subordonnant la propriété à l'utilité sociale. Robespierre pensait que « de même que la limite de la liberté, c’est la liberté d’autrui, la limite de la propriété, c’est la vie ou la dignité d’autrui ». Raison pour laquelle Robespierre se moqua de la prétendue déclaration des droits de l’homme de 1789 qui faisait abstraction des gens de couleurs réduits en esclavage.

    Mais pour ces gens-là, représentés plus tard en grande partie par les Girondins, la propriété était sacrée. Le Girondin Maximin Isnard déclarera même le 25 mai 1793 à la tribune : « Si la population de Paris se mêle du moindre attentat à l'égard de la propriété, Paris sera détruit par les forces provinciales. » Les Girondins souhaitaient d’ailleurs que la devise de la France soit : « Liberté, égalité, propriété »

    Vous aurez donc compris que le peuple n’était pas vraiment le souci de Barnave, De qui l’était-il d’ailleurs vraiment parmi tous ces révolutionnaires en dentelles ? Barnave lui aussi aimait l’argent ! Apprenez qu’il perdit en une seule journée 30 000 Livres à une table de jeu ! (Une livre équivalant à 24 sols, soit une journée de travail d’un artisan (bien payé)). 

    Concernant la vision du peuple de cette haute bourgeoisie, je dois reconnaitre que celle-ci sut reconnaitre en lui autre chose qu'un instrument facile à manipuler pour prendre le pouvoir. (Relisez mes articles des 11, 12,13 et 14 juillet 1789)

    En effet, jusqu'à la Révolution, la misère grandissante avait constitué un énorme problème pour le régime, famines à répétions, émeutes, brigandage, etc. Nous l'avons vu dans mon article consacré à ce sujet, les miséreux étaient pourchassés et enfermés. Mais la bourgeoisie eut l'idée géniale de considérer les pauvres comme une "ressource", tout comme le charbon où le fer, et de mettre ceux-ci au travail, grâce à la révolution industrielle qui commençait également. (il y a du cynisme bien évidemment dans ce que je viens d'écrire là)

    Mais revenons à notre "tigre" révolutionnaire. Barnave s'opposa à maintes reprises à La Fayette et à Mirabeau, surtout lorsque Mirabeau défendit les prérogatives royales. Barnave était même l’un des rares orateurs à pouvoir rivaliser avec Mirabeau.

    Toutefois, après la fuite manquée du roi et l'affaire du Champs de Mars (17 juillet 1791), il se rallia à La Fayette et aux monarchistes constitutionnels du Club des Feuillants et, se rapprochant de la cour, tenta de jouer le rôle de conseiller secret.

    Hélas pour lui, Barnave, tout comme Mirabeau, fut mis en cause par les papiers trouvés dans la fameuse armoire de fer. Le malheureux était tombé sous le charme de Marie-Antoinette, lorsqu’il avait voyagé avec la famille royale lors du retour de Varenne. Il avait eu ensuite des entrevues secrètes avec elle et lui avait adressé des lettres. Toutefois, après la fuite manquée du roi et l'affaire du Champs de Mars (17 juillet 1791), Barnave finit par se rallier à Lafayette et rejoignit alors les monarchistes constitutionnels du club des Feuillants, ce qui lui valut la haine du peuple parisien à qui le pouvoir en place s’acharnait à expliquer que le roi et la reine avait été enlevés ! (Dommage que je ne me sente plus le courage de vous raconter tout cela dans le détail sur mon modeste site).

Le livre d'Antoine Barnave est très difficile à trouver sur le WEB, mais je l'ai découvert tout de même, dans la bibliothèque numérique du Fabuleux site THE INTERNET ARCHIVE !

Le voici !

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Georges Danton, le mastodonte de la Révolution !


    Le tonitruant Danton est pour moi un vrai sujet d’étonnement. Au niveau de la corruption, jusqu’à présent je n’ai pas trouvé mieux (ou pire). Le personnage est tellement énorme par ses excès que je lui ai consacré un article spécial en m’appuyant sur deux historiens qui présentaient l’avantage d’apporter une multitude de preuves accablantes. L’article s’intitule « Danton, ou l'étrange réhabilitation ». Etrange, en effet, car le quidam est honoré de rues à son nom et même de statues à son effigie. Une légende dorée a fait de lui une sorte d’Obélix gouailleur et jouisseur, honorable défenseur de la République ; Danton à qui l’idée de République faisait horreur !

Je vous renvoie à l’article le concernant : "Georges Danton ou l'étrange réhabilitation".

 Jean-Frédéric Perrégaux, le banquier suisse...


    Pourquoi parler du banquier suisse Perrégaux ? Mais parce qu’il fait partie de ces révolutionnaires un peu « particuliers » qui reposent dans le Panthéon des grands hommes ! Perrégaux, celui-là même qui faisait distribuer des fusils aux parisiens le soir du 13 juillet 1789, mais qui s’avéra plus tard être un espion à la solde des Anglais qui, entre autres, finança ceux que l’on appelait « les enragés » en 1793, afin de créer des conditions de désordre et d'instabilité politique pour nuire au courant politique d'essence populaire, incarné par un certain Robespierre (le monstrueux Robespierre (excusez-moi, j’avais oublié de préciser)). Mirabeau a quitté le Panthéon, le banquier Perrégaux y est resté...

 Jean-Paul Marat, le colérique.


    
Marat vivait en-dessous du plafond de verre qui empêchait, et ce quelques-soient leurs talents, toute ascension sociale aux gens du peuple. Ce fut le cas également de Babeuf, qui malgré son instruction et son intelligence, sera toute sa vie condamnée à l’indigence.

    Marat vivait au milieu du peuple et il le connaissait bien. Un rapport de police lu par l’historien Henri Guillemin disait ceci : « La popularité de Marat tient à son intégrité et l’intégrité, c’est un des dieux du peuple. » Marat vivait à la frontière de sa classe sociale et de ce poste dangereux, il observait, analysait et comprenait les agissements et manœuvres diverses de la nouvelle classe dirigeante.

    Marat voyait bien que ces nouveaux riches faisaient très vite la paix avec les anciens riches et que déjà les affaires reprenaient. De véritables fortunes se sont en effet constituées pendant et grâce à la révolution. Marat dénonçait les "accapareurs", les affairistes, qui spéculaient sur le blé. Marat critiquait la politique de Necker, en mettant en évidence ses méfaits directs et indirects.

    Marat était lucide et il comprenait que la Révolution n’allait pas s’arrêter en octobre 1789, sous le simple effet de la loi martiale et des emprisonnements. Lisons-le : "La liberté a coûté aux Anglais, vingt-cinq batailles rangées, et soixante ans de malheurs ; et nous prétendons la conquérir en un jour, les bras croisés, en bavardant sur les affaires de la Ville !"

    Marat avait déjà vécu lorsque la révolution arriva. Il avait 46 ans en 1789, Antoine Barnave n'en avait que 28, Camille Desmoulins 29, Danton 30 et Robespierre 31. Marat avait eu une vie bien remplie. Il avait exercé la médecine, humaine et vétérinaire, à Newcastle de 1770 à 1773, puis à Londres dans un quartier aristocratique. De retour en France, il avait poursuivi cette vocation et il était même devenu le médecin du comte d’Artois, le propre frère du roi ! Marat, ce pourfendeur d'aristocrates, avait même prêté sa plume à ce grand prince du sang, en faisant parfois office de secrétaire ! Marat avait également été un savant qui avait effectué des recherches sur le feu, sur la lumière et même sur l’électricité qu’il avait utilisée pour soigner. Ce Marat savant avait même eu une querelle avec le physicien Charles en 1783, qui avait failli se terminer par un duel.

Oserai-je vous dire que Marat s’était même inventé des armoiries dont il timbrait ses lettres ?

Publié en 1862 dans la Revue nobiliaire, héraldique et biographique (p.84-85)

Marat avait lui aussi sa part d’ombre

    Comment ne pas être agacé en lisant ses articles dans l’ami du Peuple par son style si violent ? Marat était un exalté, souvent en colère, très violent et trop violent dans ses écrits. Robespierre lui en fera le reproche lors de sa première rencontre avec lui en janvier 1792. Il lui dira que les patriotes, même les plus ardents, pensaient qu'il avait mis lui-même un obstacle au bien que pouvaient produire les vérités utiles développées dans ses écrits, en s'obstinant à revenir sur des propositions extraordinaires et violentes (telles que celle de faire tomber cinq à six cents têtes coupables), qui révoltaient les amis de la liberté autant que les partisans de l'aristocratie". (Source : https://books.openedition.org/irhis/1283?lang=fr#tocfrom1n2 )

    Marat était accablé d’une terrible maladie qui le faisait horriblement souffrir. Peut-on attribuer ses accès de rage à sa propre souffrance ?

Robespierre…


    Que dire de Robespierre qui ne soit pas stupidement agressif, puisque son histoire a presque totalement été réécrite à charge. Il faut effectivement se donner beaucoup de peine pour étudier ce qu’il a dit et fait et commencer à y voir un peu plus clair. Quand j’ai découvert à 30 ans ses discours à la Convention, je les ai trouvés beaux comme les évangiles ! "Alors pourquoi tant de haine ?", me suis-je demandé à l'époque !

    Pourquoi mépriser un homme politique de son envergure ? Parce qu’il ne vivait que de ses appointements et qu'il se contenta de vivre dans une chambre louée par le menuisier Maurice Duplay qui l'accueillit chez lui au 366 rue Saint-Honoré (actuel 398), après la fusillade du Champs de Mars ? (Voir cet article sur la fusillade du Champs de Mars). Parce qu’il ne s'enrichit pas lors de son mandat et qu’il ne se consacra qu'à son travail, jusqu’à l’épuisement ? Malade et dépressif, il ne siégeait même plus au comité de salut publique, lorsque ses collègues multiplièrent les condamnations à mort pour lui en faire porter la responsabilité. Des rapports de police le décrivaient alors promenant son chien dénommé Brount dans la campagne environnante.

    Les bonnes âmes s'indignent en disant que le comité de salut publique auquel il participa fut un gouvernement d’exception ! Oui ! Bien sûr ! Tout autant que le fut celui de la 3ème République en 1914 ! Rappelons que lors de la séance historique du 4 août 1914 à la Chambre des députés, le Parlement français s'ajourna sine die laissant au Président du Sénat et au Président de la Chambre des députés le soin de le convoquer, le cas échéant.

    L’état d’exception de 1793, avec ses 11 armées étrangères qui envahissaient la France, valait bien celui d’août 1914 !

    Il apparait que ce qui lui valut tant de haine, ce fut principalement son souci obsessionnel du peuple que l’on peut constater dès ses premières interventions en 1789, avec son désir d’instaurer le suffrage universel, d’abroger la peine de mort, d'abolir l’esclavage, de limiter le prix du pain et tant d’autres choses en total décalage avec les motivations de nombre de révolutionnaires.

    Robespierre n’était pas un jouisseur. On ne lui connaissait pas de maitresses, pire, il respectait les femmes comme on put le constater lorsque le 3 février 1787, il soutint la candidature de Louise Félicité de Keralio à l'Académie des sciences, lettres et arts d'Arras. Il ne se saoulait pas à mort dans les jardins du Palais Royal et ne pelotait pas les fesses des femmes, ce qui ne pouvait pas le rendre aussi sympathique que Danton. Malgré tout, il avait des amis fidèles.

Robespierre, malade ?

    Des historiens ont déjà évoqué son été maladif, sa dépression, même une possible tuberculose. Mais ce n’est pas à cela que je pense. J’ai déjà évoqué mon hypothèse farfelue à propos de Robespierre dans mon article sur Danton. Peu m’importe de me ridiculiser une fois de plus en vous la soumettant de nouveau ici. Qui me lit ?

    Plus je me suis intéressé à Robespierre, plus il m’a fait penser à une sorte de Greta Thunberg. Je m’explique. Tout comme l'écologiste militante qui veut sincèrement sauver la planète et croit à tout ce qu'elle dit (ou ce qu'on lui a dit), Robespierre lui aussi croyait sincèrement tout ce qu'il disait (comme le fit remarquer Mirabeau).

    Il aimait vraiment le peuple et il voulait à tout point lui apporter le bien-être et la justice. Mais tout comme Greta qui veut sauver la planète à tout prix, il lui manquait l'empathie...

    Je ne suis pas loin de me demander si tout comme Greta, il n'était pas atteint du syndrome d'Asperger, une forme d'autisme plus répandue qu'on ne le pense en politique (Thomas Jefferson, Vladimir Poutineetc). Peut-être auriez-vous préféré d'ailleurs que je le compare à Poutine ?

Le Syndrome d’Asperger est un handicap que l’on ne peut pas distinguer à l’œil nu. Sa différence se traduit par une difficulté à prévoir les attitudes et les intentions des autres. Les autistes Asperger ne perçoivent pas instinctivement le "langage invisible" (postures, silences, regards, etc.) qui fait partie des interactions sociales, ce qui provoque en eux des comportements surprenants et inattendus, qui heurtent les conventions sociales. Les autistes Asperger sont réputés directs et intègres… Vous voyez ce que je veux dire ? Un historien sérieux serait-il volontaire pour étudier cette piste ?

Laissons là l'étude des personnages. Elle n'est pas suffisante pour comprendre. La plupart ne se sont distingués que parce qu'ils ont donné un sens a posteriori au chaos, s'en croyant même les instigateurs.

    C'est en effet une lubie bien commode des historiens que de croire que quelques grands hommes font l'histoire. L'histoire est comme un fleuve puissant parcouru de courants terribles qui vont parfois en s'accélérant. Une révolution, c'est un rapide sur ce fleuve, qui arrache tout sur son passage et qui ballotte de frêles esquifs désemparés ainsi que quelques canards qui, palmant à contre-courant, s'imaginent orienter le courant.

Le moment Tolstoï !

    Léon Tolstoï explique tout cela magistralement et avec une lucidité étonnante dans ses considérations sur l'histoire que l'on peut lire dans "Guerre et Paix"

Lisez cet extrait du Tome 3 de Guerre et Paix, chapitre 2 – 1.

"Les quinze premières années du dix-neuvième siècle présentent à l’observateur un mouvement inusité de millions d’hommes. Ils quittent leurs occupations, se portent d’un côté de l’Europe à l’autre, pillent, s’entretuent, triomphent, et sont battus tour à tour. Pendant cette période de temps la vie habituelle change de cours, et tout à coup cette effervescence, qui semblait devoir aller toujours en croissant, finit par s’affaiblir. Quelle est la cause de ce phénomène ? Quelles en sont les lois ? se demande l’esprit humain. Les historiens répondent à ces questions en nous racontant les actions et les discours de quelques dizaines d’hommes dans un des édifices de la ville de Paris, et ils donnent à ces actes et à ces discours le nom de Révolution ; puis ils nous font une biographie détaillée de Napoléon et de quelques personnages, qui lui sont bienveillants ou hostiles ; ils nous parlent de l’influence de ces mêmes personnages les uns sur les autres et nous disent : « Voilà la cause du mouvement ! Voilà ses lois ! » Mais l’esprit humain refuse d’accepter cette explication et il la déclare erronée, parce qu’évidemment la cause indiquée est trop faible pour l’effet produit. C’est la somme des volontés humaines qui a amené la Révolution et Napoléon, de même que c’est encore elle qui les a supportés et qui les a renversés. « Lorsqu’il y a des conquêtes, » nous dit l’historien, « il y a des conquérants, et à chaque bouleversement dans un empire il y a des grands hommes ! » C’est vrai, répond l’esprit humain, mais il ne m’est pas démontré que les conquérants soient la cause des guerres, et que l’on puisse prétendre que les lois de ces guerres résident dans l’action individuelle d’un seul homme. Chaque fois que je vois l’aiguille de ma montre indiquer le chiffre X, j’entends aussitôt le carillon de l’église voisine, et cependant je ne saurais conclure de là que la position de l’aiguille sur le cadran mette les cloches en branle."

Nota : C'est tellement important de lire Tolstoï pour comprendre sa vision géniale de l'histoire que j'ai recueilli toutes ses considérations dans un article sur mon blog-notes : "Léon  Tolstoï : Guerre et Paix (et l'histoire)".

Allégorie de la Révolution peinte en 1796 par Jacque Wilbaut

Source image : Musée Carnavalet.

Mais alors, comment ne pas céder au désespoir ?

    Comment ne pas céder au désespoir devant les errements de l’espèce humaine, avec ses échecs incessants dans sa marche vers le progrès ?

    De nos jours, on peut contempler l’héritage de 1789, comme on admire la beauté des ruines du forum de Rome. Les débris de 1789 enjolivent pauvrement le triste décor d’une république dirigée par des ploutocrates malades de l’argent. La devise républicaine inventée par Robespierre « Liberté, égalité, fraternité » n’a pas plus de sens à présent que le "SPQR" : Senatus PopulusQue Romanus", "(au nom du) sénat et du peuple romain", célèbre formule gravée sur les ruines romaines. 


    A présent, la liberté est sous contrôle. L’égalité des droits est redevenue un rêve. Quant à la fraternité…


    Les Lumières projetées par le 18ème siècle sont à présent trop éloignées pour pouvoir encore projeter une quelconque lueur sur notre époque ; Un peu comme ces étoiles que la dilatation de l’univers a trop éloigné de nous pour que nos télescopes puissent les apercevoir. Le ciel s’assombrit peu à peu, l’obscurantisme et la superstition font leur grand retour. Une population de plus en plus ignorante se détourne du progrès et de la science. Des maladies oubliées réapparaissent parce que des gens préfèrent se soigner avec des pierres magiques qu’avec des vaccins ! La nouvelle aristocratie régnante n’a plus rien à craindre du peuple. Les techniques de manipulation ont atteint des sommets de sophistication. L’ingénierie sociale sait fabriquer le consentement du troupeau sans avoir besoin comme autrefois de le malmener.

Fin de partie ou transition ?

    L’humanité a semble-t-il été victime de son succès. Notre espèce est parvenue en un siècle à peine, à saturer de sa présence son environnement, ne laissant plus de place pour les autres espèces, aussi bien animales que végétales. Nous n’avons pas fait cela par désire de nuire comme le prétendent ceux qui veulent nous manipuler en nous faisant culpabiliser. C’est plus simple et plus "naturel" que ça ! 

    Imaginez quelques couples de lapins abandonnés par une épave de navire sur une île déserte sans prédateurs. Au bout de quelques décennies, leurs descendants auront ravagé leur environnement et se seront même entredévorés vers la fin. C’est ce qui nous arrive actuellement. Entre 1900 et 2020, la population mondiale a augmenté de 370%, la consommation d’énergie a augmenté de 1160% et la production mondiale de CO2 a augmenté de 1755%. Nous avons saturé notre ile planétaire de notre présence.

    Alors la partie est-elle terminée, ou bien vivons-nous une période de prise de conscience amenant à une transition ? Sommes-nous le dos au mur, comme je l'évoquais plus haut ?

Source : Transitio

Marc-Aurèle relativise

    Dans son recueil "Pensées pour moi-même", l’empereur philosophe Marc-Aurèle a écrit cette pensée pleine de sagesse : "N’espère pas la République de Platon, mais soit content si une petite chose progresse, et réfléchis au fait que ce qui résulte de cette petite chose n’est précisément pas une petite chose ! ". Marc Aurèle, empereur du monde romain, était l’homme le plus sage, le plus instruit et le plus puissant de son époque. Malgré cela il dû se rendre à cette évidence qu’il ne pourrait jamais créer une société parfaite et que sa contribution au progrès de l’humanité se résumerait à bien peu de choses. Il dû en effet passer la plus grande partie de sa vie à défendre les frontières de son vaste empire. Je pense que ce qu’il a légué de plus beau à l’humanité, c’est précisément son recueil de pensées « pour lui-même ».

Kant revient pour expliquer une fois de plus

    "L'homme est un "animal", qui, lorsqu'il vit parmi d'autres membres de son espèce, "a besoin d'un maître". Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables, et quoique en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui pose les limites de la liberté de tous, son inclination animale égoïste l'entraîne cependant à faire exception pour lui-même quand il le peut. Il lui faut donc un "maître" pour briser sa volonté particulière, et le forcer à obéir à une volonté universellement valable; par-là, chacun peut être libre. Mais où prendra-t-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Or ce sera lui aussi un animal qui et besoin d'un maître. De quelque façon qu'il s'y prenne, on ne voit pas comment, pour établir la justice publique, il pourrait se trouver un chef qui soit lui-même juste, et cela qu'il le cherche dans une personne unique ou dans un groupe composé d'un certain nombre de personnes choisies à cet effet. Car chacune d'entre elles abusera toujours de sa liberté si elle n'a personne, au-dessus d'elle, qui exerce un pouvoir d'après les lois."

"Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique"

Pour télécharger le texte :
http://classiques.uqac.ca/classiques/kant_emmanuel/idee_histoire_univ/idee_histoire.html

    Merci Emmanuel pour l'explication. Tout à fait d'accord avec toi, j'ai même écrit un article qui parle de cela sur mon autre site : "En transition avec Darwin Nietzsche et Molière".

"Idée d'une histoire universelle" ? Cela me fait penser à Condorcet !

Condorcet, un message d’espoir ?


    
Jean de Salisbury
philosophe anglais du 12ème siècle, dans son ouvrage "le Metalogicon", prêtait la métaphore suivante à son maître Bernard de Chartres :

« Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. »

    Le seul moyen de ne pas désespérer de l’humanité, c’est donc de la voir de plus haut, en montant par exemple sur les épaules de géants. Raison pour laquelle je vous propose de monter sur les épaules de Marie Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, plus connu sous le nom de Condorcet

    Je ne vous ai pas parlé assez de Condorcet et je le regrette. Il me semble qu’il fut vraiment un des fils des Lumières parmi les plus illustres et surtout parmi les plus dignes d’estime.

    Lisez son dernier chef d'œuvre « Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain ». 

    Lorsqu’il écrivit de 1793 à 1794, ce petit livre magnifique d’intelligence et d'optimisme, il se savait pourtant condamné par la Révolution dont il avait été l’un des initiateurs. Vous serez éberlués par sa lucidité et par sa brillante description du long cheminement de l’humanité sur la laborieuse voie du progrès.

    Il faut se dire qu’à l’échelle de l’histoire d’une espèce, l’humanité est jeune et que nous sortons à peine des cavernes. Un jour lointain, je l’espère, nous parviendront à maturité. J’espère que nous perdrons alors cette capacité horrible de nous haïr nous-même, une tare que n’accable aucune autre espèce animale. J’espère que l’humanité parviendra, un jour lointain, à la Liberté, à l’Egalité et à la Fraternité.

Remontez-vous le moral en lisant Condorcet :

 

Conclusion

    J’arrête cet article ici avec Condorcet et son message d’espoir. Je ne pense pas poursuivre mon travail sur la Révolution française. Du moins sûrement pas au rythme que j’ai mené depuis 3 ans. Peut-être encore quelques articles de-ci de-là, ne serait-ce que pour boucler la chronologie de 1789. Mais je ne poursuivrai pas mon projet initial qui était d’aller jusqu’à 1794.

    De toute façon, si on lit la chronologie de 1789 que j’ai déjà réalisée, on comprend que tout est joué ou presque et que cela va mal finir comme je l’ai expliqué au début de cet article.

    Lisez quand même Condorcet, Kant, Marc-Aurèle et Tolstoï ! Sinon comme Papageno dans la flûte enchantée de Mozart, on peut aussi être heureux en se détournant des secrets de l'univers et en se contentant de manger et boire. C'est à vous de voir...

Post Scriptum :

    Il y a un autre point important qui constitue un frein à tout progrès social issu d'une révolution. Donnez du pain aux pauvres, instruisez-les, donnez leurs le droit de vote, mais rien n'empêchera qu'en majorité ils votent contre leurs propres intérêts, au profit de la classe sociale dirigeante. Des psychologues américains ont étudié ce curieux phénomène et ils ont publié une étude intéressante que j'évoque et partage sur cet article de mon site Transitio : "Pourquoi les pauvres votent-ils contre leurs intérêts ?".