mercredi 30 septembre 2020

30 Septembre 1789 : Babeuf publie son Cadastre Perpétuel et le dédie à l’Assemblée

 

    Fin septembre, début octobre 1789, est publié à Paris un curieux ouvrage dédié à L’Assemblée nationale, portant un nom étrange. Il s’agit du « Cadastre Perpétuel » de François Noël Babeuf, que celui-ci cosigne avec un mathématicien du nom d’Audiffred. 

Le projet déclaré de ce livre figure en introduction :

Cadastre Perpétuel, ou Démonstration des procédés convenables à la formation de cet important Ouvrage, pour assurer les principes de l’Assiette & de la Répartition justes & permanentes, & de la Perception facile d'une Contribution Unique, tant sur les Possessions Territoriales, que sur les Revenus Personnels.

Avec l’exposé de la Méthode d'Arpentage de M. Audiffred par son nouvel instrument, dit Graphomètre Trigonométrique : méthode infiniment plus accélérative & plus sûre que toutes celles qui ont paru jusqu’à présent, & laquelle, par cette considération serait plus propre à être suivie dans la grande opération du Cadastre.

Apparaît également en première page, cette citation de Necker, extraite de son discours lors de l’ouverture des Etats Généraux :

« On doit mettre au premier rang, parmi les améliorations qui intéressent tous les habitants du Royaume, l’établissement des principes qui doivent assurer une égale répartition des impôts »

Et page suivante, on peut lire cette dédicace adressée aux députés :

A l’Honorable Assemblée des Représentants de la Nation Française

Nosseigneurs

C’est à votre tribunal auguste que sans doute il convient de soumettre l’examen des Plans d’Administration qui peuvent intéresser tous les Citoyens de l’Etat. Sous ce point de vue, nous osons vous faire hommage du Cadastre Perpétuel. C’est l’offrande qu’il est en notre pouvoir de présenter à la Patrie : puissiez-vous la juger digne d’elle, & l’agréer au nom de tous les Français. C’est être ambitieux que d’avoir prétendu donner une production tendant à leur bonheur à tous ; mais nous nous attendons que ce motif sera trouvé louable ; et si notre haute entreprise était d’heureuse témérité, les seuls vœux que nous eussions conçus seraient à leur comble.

Nous sommes bien respectueusement,

Vos très humble & très obéissants Serviteurs,

F. N. Babeuf, Archiviste-Feudiste

J.P. Audiffred, Mathématicien

Citoyens Français

    Babeuf est arrivé à Paris à la fin du mois de juillet pour faire éditer son Cadastre Perpétuel. Au vu des événements, il y a ajouté ce « Discours préliminaire » dédié à l’Assemblée nationale. 

    Vous en conviendrez avec moi, au premier abord, l’objet de cet ouvrage correspond à merveille aux préoccupations des députés, et plus particulièrement à celles de Monsieur Thouret et de son comité qui ont présenté hier, 29 septembre, leur projet de redécoupe du territoire.

Au premier abord, oui…

Quelques mots sur Babeuf ?

    Babeuf avait ouvert en 1785, à Roye, en Picardie, un cabinet d’arpenteur-géomètre et de commissaire à terrier ou feudiste. C’est-à-dire qu’il était chargé d’établir pour les nobles, les listes des droits seigneuriaux sur leurs terres. Cela signifiait également que les nobles fondaient leurs exigences d’argent à payer par les paysans, sur la base de son travail. Ce fut en exerçant cette fonction ingrate que sa conscience politique s’éveilla progressivement. Il écrira plus tard : « Ce fut dans la poussière des archives seigneuriales que je découvris les mystères des usurpations de la caste noble »

    Sa conscience politique sera de tendance utopiste. Cela dit sans aucun jugement de valeur. Certaines utopies sont très belles. Néanmoins, un utopiste a tendance à ne pas trop s’embarrasser de la réalité des choses, et par ce fait il a tendance à élaborer des systèmes pour des hommes tels qu’ils devraient être (dans son idée), plutôt que tels qu’ils sont, ou éventuellement, pourraient être. Raison pour laquelle les solutions imaginées par Babeuf pour réformer la société seront assez radicales. Babeuf rêvait de ce que nous appellerions une réforme agraire, mais assez extrême. Celle-ci aurait consisté en un partage des terres strictement équitable entre tous les citoyens, qui serait revenu à créer « 6 millions de manoirs de 11 arpents » et qui aurait abouti à terme à une suppression de la propriété.

    Babeuf était néanmoins prudent (et intelligent). Raison pour laquelle, dans son ouvrage, il met plutôt en valeur la simplicité et la modération de son projet, évoquant les nombreux avantages qui en résulterait aussi bien pour les pauvres (justice sociale) que les riches (sécurité et paix). De plus, son discours s’appuie sur une démarche d’apparence scientifique puisqu’il met en avant l’utilisation d’une nouvelle invention, le graphomètre trigonométrique, qui permettra d’optimiser la réalisation du castre ; le cadastre étant la clé d’un calcul équitable des impôts fonciers. Ne doutons pas cependant que dans son idée, cet arpentage de l’ensemble du territoire permettra également plus tard le repartage de la grande propriété foncière. Sans vouloir tomber dans des généralités, on voit souvent des utopistes s’appuyer sur des discours scientifiques pour justifier les systèmes qu’ils imaginent.

Sur l'utopie et Babeuf, je vous conseille la lecture de cet article très intéressant :
"Comment la révolution a transformé l’utopie : le cas de Gracchus Babeuf"

    La propriété étant l'obsession de la grande majorité des députés, qui songent même à la sacraliser, on se doute bien que Babeuf se prépare beaucoup de soucis.

    Mais Babeuf est un vrai révolutionnaire et sa parole vaut tout aussi bien d'être écoutée que celle des révolutionnaires qui occupent le devant de la scène, depuis les Etats Généraux.

    Babeuf deviendra un acteur important du mouvement des sans-culottes. Toute sa vie il aura été pauvre et il se sera battu du côté des pauvres. Il perdra même sa fille qu’il adorait, morte de privations, pendant un de ses nombreux séjours en prison.

Babeuf mérite donc le respect.

 

Voici donc le fameux « Cadastre perpétuel » :


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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand