vendredi 11 septembre 2020

11 septembre 1789 : Vote du véto royal et naissance de la gauche et de la droite !


    C’est ce vendredi 11 septembre 1789, après une séance animée, voire même tumultueuse, que va être finalement voté le droit de véto pour le roi, par les députés de l'Assemblée nationale.

    Le début de la séance s’est engagé comme à l’accoutumé, par les nouvelles du jour. Monsieur le comte Lévis de Mirepoix a lu une lettre écrite au nom du régiment du maréchal de Turenne, qui offrait à la patrie, et à l'Assemblée nationale, un don de mille écus, à retenir sur la subsistance du mois courant. Il a été décrété qu'il serait écrit à ce régiment, par M. le président, une lettre d'acceptation et de remerciement.

    Le débat sur le droit de véto royal a repris lorsque le Président, Monsieur de Clermont-Tonnerre, a annoncé qu'il venait de recevoir une lettre de M. Necker, le premier ministre des finances, par laquelle celui-ci envoyait un rapport qu'il avait fait au conseil du Roi, sur la sanction royale et demandait que son rapport soit lu à l'Assemblée.

    L’intelligent et prudent Necker, a compris le risque d’une nouvelle "agitation" qui risquerait de résulter de ce débat et il redoute plus particulièrement l’usage imprudent de l’expression "véto absolu".

Voici le début de sa lettre :

«M. le président, les ministres du Roi ont cru devoir entretenir Sa Majesté de ce qui fait actuellement l'objet de vos délibérations. Le Roi, après avoir pris connaissance de la question, m'a autorisé à soumettre à l'Assemblée ce mémoire. En vous le présentant, je tiens le langage que je tenais dans mon dernier rapport, etc. »

    L’Assemblée va refuser que lecture soit faite de ce rapport, mais celui-ci sera joint aux pièces annexes du procès-verbal de la séance.

Vous pouvez le lire ici : https://www.persee.fr/.../arcpa_0000-0000_1875_num_8_1...

    Va s’en suivre un débat houleux, ponctué de moments de désordres (mentionnés dans le procès-verbal).

    Mirabeau va par exemple poser la question de savoir si le roi aura ou n'aura pas, le droit d'arrêter l'exécution et la promulgation de la loi.

    Un autre membre va évoquer une question qui déjà a été débattue : celle de la distinction entre le veto et la sanction. Selon lui, la sanction est le droit de défendre la promulgation. Il prie l'Assemblée nationale de décider ce qu'elle entend par le mot sanction. Ici s'élève alors une grande et importante question qui ne contribue pas peu à embarrasser l'Assemblée : c'est la signification du mot sanction.

    On demande alors au président M. de Clermont-Tonnerre ce qu'il entend en posant ainsi la question : La sanction royale aura-t-elle lieu ?

    Celui-ci répond qu’il contracte l'engagement de répondre aux questions qu'il pose ; mais, précise-t-il : « n'ayant pas posé celle-ci, je ne suis pas obligé de l'exprimer : tout ce que je puis faire, c'est de chercher à l'entendre. »

    On commence alors à interpréter le mot sanction. M Rabaud de Saint-Etienne répond que ce n'est que l'acte matériel par lequel le Roi scelle la loi ; ce n'est que la signature royale. Les uns, par sanction, entendent le veto ; les autres, au contraire, entendent le sceau donné à la loi.

    M. Prieur est de son avis et précise qu’il faut expliquer les mots avant d'expliquer les choses ; ainsi il y a une première question à décider : Qu'est-ce que la sanction ?

    M. Lanjuinais demande que l'on pose ainsi la question : Est-il nécessaire que le Roi ait sanctionné les actes du pouvoir législatif pour en commander l'exécution ?

M. Guillotin propose ces autres questions :

1° Le Roi peut-il refuser son consentement à la Constitution ?

2° Le Roi peut -il refuser son consentement au pouvoir législatif ?

3° Dans le cas où le Roi refusera son consentement, ce refus sera-t-il suspensif ou indéfini ?

4° Dans le cas où le refus du Roi serait suspensif, pendant combien de temps pourra-t-il durer ? Sera-ce pendant une ou plusieurs législatures ?

    M. Mounier répond que le Roi n'a pas de consentement à donner à la Constitution ; il est antérieur à la monarchie.

    M. Fréteau expose le danger d'examiner cette question, il craint qu'en demandant au Roi son consentement sur la Constitution, le Roi ne réponde qu'il ne peut la refuser, mais qu'il ne l'accordera que quand elle sera ratifiée par le peuple ; qu'alors les commettants deviendraient juges de la Constitution, et qu'il en pourrait résulter de grands maux.

    Nous retrouvons-là, cette crainte de nouvelles agitations évoquées par Necker dans son rapport, et bien sûr une certaine peur du peuple, qu’ils sont tous censés représenter.

    Vous retrouverez le détail de ces échanges dans le procès-verbal, accessible par ce lien : dont vous pourrez lire le détail ici :

https://www.persee.fr/.../arcpa_0000-0000_1875_num_8_1...


    A l’issue de ce débat passionné et agité, l’Assemblée nationale va procéder au vote.

    Pour faciliter le décompte des voix, les députés favorables à la mise en place d'un veto partiel ou « veto suspensif », vont se placer à gauche du président, et les députés préférant un veto absolu (redouté par Necker), en faveur du roi, vont se placer à sa droite.

    C’est le droit de véto suspensif qui l'emporte, à 673 voix contre 325. Le clivage droite-gauche vient de naître en politique française : du côté droit, les partisans de l’ordre ancien, les monarchistes, menés par l’avocat Jean Joseph Mounier et du côté gauche, le groupe dit des patriotes, mené par le bouillant Mirabeau.

    Lorsqu’en octobre, l’Assemblée nationale déménagera de Versailles au manège des Tuileries à Paris, les députés reprendront la même disposition selon leurs sensibilités politiques. Ceux qui seront favorables à la Révolution s'assiéront à gauche du président de l'Assemblée, appelé aussi le « côté du Palais Royal » ; ceux hostiles à la Révolution se placeront à droite du président, du « côté de la reine ».

    Cette répartition arbitraire, entre les réformistes et les conservateurs perdure encore de nos jours. Elle a d’ailleurs non seulement traversé les siècles, mais aussi les frontières françaises en devenant un outil conceptuel pour penser nos démocraties.


C’était un 11 septembre 1789…


    L’estampe figurant en haut de la page représente le poids du véto suspensif, plus lourd que celui du véto absolu.

L'estampe ci-dessous représente "Monsieur Véto" sous les traits d'un géant monstrueux.



Plus tard, Monsieur Véto sera le nom donné au roi, pour son plus grand malheur...

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Bertrand