lundi 21 septembre 2020

21 Septembre 1789 : Graves accusations contre les boulanger portées devant la Commune de Paris

 

Jeton de la Ville de Paris, aux armes de Sylvain Bailly.

    Le pain, le pain ! Le pain est vraiment le personnage principal de l’année 1789 ! Je pourrais chaque jour écrire un article à propos du blé ou du pain.

    La pénurie persiste, les rumeurs courent ; rumeurs qui ne sont pas toutes infondées. Il y a effectivement des spéculateurs, des accapareurs, des gens qui cachent des farines en attendant que les prix montent.

    J’ai trouvé le texte suivant dans les archives de la Commune de Paris. Ce compte rendu de séance mentionne un paragraphe accusateur publié le 21 septembre 1789 dans le numéro 51 du Journal de la Ville. Un certain Bonnard représentant les boulangers, prend la défense devant la Commune de Paris, des boulangers parisiens mis en accusation par cet article. Cette accusation est grave et lourdes de conséquences car de nombreuses boulangeries ont déjà été attaquées et des boulangers très sérieusement malmenés et menacés de mort.

Lisons le texte :

Source (page 62) :
https://ia903402.us.archive.org/10/items/actesdelacommune02lacruoft/actesdelacommune02lacruoft.pdf

Délibération de la communauté des Boulangers (4 p. in 4').

Du 21 septembre 1789.

Extrait du registre des délibérations de cette communauté, coté par M. de Crosne ancien lieutenant de police.

M. Bonnard, premier syndic, a dit : Des placards injurieux, affichés avec profusion à la porte de chacun des maîtres boulangers et à nombre d'autre endroits des plus apparents de cette ville, particulièrement à la Halle neuve, annoncent qu'on ne fournit que des farines de la meilleure qualité, et que si les boulangers de Paris fournissent du mauvais pain, c'est par leur faute. Indépendamment de ces placards, deux brochures aussi imprimées et qui se publient, savoir : la première, sous ce titre : Paris et Versailles (1), n°51, paraissant sortir de l'imprimerie de Valleyre jeune, porte que « les boulangers distribuent du pain à toute heure de nuit, ce qui favorise les accaparements » : et la seconde intitulée : Journal de la Ville, par J. Pierre Louis de Luchet (1), sous pareil n°51, qui parait sortir de chez Maradan, libraire, rue Saint-André des Arcs annonce que la difficulté momentanée d'avoir du pain est venue des boulangers ; le plus grand nombre, — ajoute l'auteur, — s'est approvisionné en secret, par la crainte de manquer. (Quelques-uns ont voulu spéculer, etc... Un boulanger a vendu à plusieurs personnes du pain mêlé de chaux. » La communauté étant ainsi calomniée publiquement et ses membres outragés par le peuple, malgré les sacrifices qu'ils ont faits la plupart en allant dans les provinces acheter des farines nouvelles que, malgré la taxe actuelle du pain, ils ont payé jusqu'à 68 et 70 livres le sac, il y a lieu d'éclairer le public sur ces calomnies. Convaincu de la pureté des sentiments de tous ses confrères, le sieur Bonnard croit inutile d'observer que, si aucun membre de la communauté venait à s'oublier et se noircir de quelques-uns des crimes vaguement imputés dans lesdits écrits, ces membres seraient sur le champ dénoncés et vivement poursuivis par la communauté elle-même.

Signé en cet endroit : Bonnard.

(1) Le titre exact du journal est : Versailles et Paris ou rapport des séances de l’Assemblée nationale et des Communes de Paris, paraissant depuis le 28 juillet 1789 sans autre nom que celui du libraire Cuchet. A partir du 1er octobre 1789, apparait le nom de C. F. Perlet. Le journal s’appela un peu plus tard : Assemblée nationale et Communes de Paris ou Rapport très exact des séances de l’Assemblée nationale et des Communes de Paris, et, après diverses transformations, devient le Journal de Perlet.

Le passage de Versailles et Paris auquel il est fait allusion se trouve dans le numéro du 21 septembre : 

« On a fait à la Ville un rapport qui avait été fait dans la plupart des districts, que MM. Les Boulangers distribuaient le pain à toute heure de la nuit : que cette vente pouvait favoriser les accaparements : que c’était une des causes pour lesquelles on avait plus de peine à se procurer du pain dans la matinée. D’après ce rapport, le Comité de Police a ordonné qu’ils ne pourraient point ouvrir leurs boutiques avant cinq heure du matin, ni les fermer avant onze du soir. »

Le numéro 51 du Journal de la Ville, du 18 septembre 1789, contenaient le paragraphe suivant :

"Jamais la Ville de Paris n'aura été aussi bien approvisionnée. Vingt-deux bâtiments de bleds (blés) sont arrivés dans les ports de Normandie. Ces sages précautions dégoûteront les accapareurs, qu'on dégoûtera bientôt de ce commerce eu défendant l'exportation et en fondant des magasins. La difficulté momentanée d'avoir du pain est venue des boulangers. Le plus grand nombre s'est approvisionné en secret par crainte de manquer ; quelques-uns ont voulu spéculer. On en a arrêté deux. Le premier se plaignait de ne pouvoir se procurer des farines. L'amertume de ses plaintes l'a rendu suspect. On a trouvé chez lui cent trois sacs de farine cachés. Le second a apporté au Comité une farine avariée. Visite chez le plaignant. Ou y a trouvé soixante sacs d'une excellente qualité. Il avait pris cette farine chez un colleur de papier. Il est encore des boulangers qui font entrer secrètement des farines dans la ville et les entreposent chez des particuliers complices. On ne peut douter que les aristocrates n'aient fait des accaparements immenses, mais leur manœuvre est connue, et dès lors n'est plus à craindre. Eux-mêmes ont éveillé l'administration, et la vigilance doit rassurer cette capitale."

Sac de blé

    Si la responsabilité ne porte plus sur les boulangers, c'est à présent la Commune de Paris, chargée de contrôler l'approvisionnement, qui est mise en défaut. Raison pour laquelle celle-ci prend les mesures suivantes : 

Sur quoi, la matière mise en délibération, l'assemblée, pressée de se justifier et de recouvrer la confiance du public, a arrêté unanimement :

Art. 1.— Les syndics et adjoints de la communauté sont et demeureront autorisés à se transporter, seuls ou avec telles personnes qu'ils jugeront à propos de requérir, à la Halle neuve de cette ville, pour y examiner les différentes farines qui pourront s'y trouver, déguster ces farines, en constater les qualités, et du tout dresser procès-verbaux qu'ils rapporteront, pour être par l'assemblée pris tel ou tel parti qu'elle jugera à propos, selon la diversité et l'exigence des cas.

Art. 2 et dernier. — L'assemblée a choisi et député MM. Huchon frères. Moreau, Soulâtre, Métais, Desfossés l'aîné, Arrera, Martre jeune, Boudier, Alliot, Fouquet, Locquin, Bouchot, Marcoult l'aîné, Landais, Pasquier, Hubert, Remy, Marcoult jeune, Legrand fils, Gaspard Mouchy, Garnier, Lemaitre, Pecquet, Buvry, Cortel, Poulain, Belorget, Garin l'aîné, Massonnier, Lucotte, Boulaud, Gresel l'aîné, Bissaull, Destor jeune, Riverard, Grassin, Hédé, Gérard, Lévéque, Leblanc et Morage, pour, concurremment avec MM. les syndics et adjoints, se retirer dans les assemblées des districts de Paris, y recueillir les enseignements et prendre tous les avis qui pourront être donnés pour faciliter les moyens les plus propres à l'approvisionnement de Paris, en présenter le rapport à l'Assemblée des Communes et au Bureau des subsistances à l'Hôtel de Ville, et y solliciter toutes les ordonnances qui seront jugées nécessaires.

Signé : Bonnard, syndic : Thomas, idem : Plicque, adjoint : Saulgeot, idem : Huchon, l'aîné et le jeune ; Moreau, et les députés susnommés.

Mais l'affaire n'est pas terminée pour autant !

A suivre...

 

Boulangère

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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand