lundi 28 septembre 2020

28 Septembre 1789 : Le très très dérangeant Jean-Paul Marat


Jean-Paul Marat
    Il est temps de s’intéresser de nouveau à Jean Paul Marat (encore un Suisse). Le numéro de son journal de ce lundi 28 septembre va nous en donner l’occasion.

    Jusqu’à présent, nous nous sommes peut-être un peu trop préoccupés de tous ces beaux messieurs de l’Assemblée, tous bien nés, tous fort polis, (Imaginez-vous que le conte de Virieu a provoqué un vrai scandale le 9 septembre dernier en laissant échapper un « foutre ! » devant l’Assemblée)

    Bourgeois ou aristocrates, ces enfants des lumières ne cessent d’évoquer la vertu et les plus beaux sentiments civiques, et ils pratiquent autant que faire se peut, une courtoise révolution de salons. Celle-ci consistant principalement à redistribuer entre eux, au sein de l’Assemblée les cartes du pouvoir. 

    Pour beaucoup de ces honnêtes gens, le peuple est une abstraction. Lorsqu’ils évoquent le peuple, il s’agit la plupart du temps d’un peuple idéalisé, imaginaire. Et quand ledit peuple s’agite un peu trop, il est aussitôt qualifié de brigands ou de bandits, voire de populace. (Lire cet article : Peuple ou Populace)

    S’il en est un qui sait voir clairement dans les intrigues de certains, c’est bien le très dérangeant Marat. 

    Marat est un homme d'expérience, il a 46 ans en 1789. Il a été médecin et il a exercé à Londres de 1765 à 1777. Il a dû beaucoup apprendre politiquement dans cette Angleterre qui avait déjà fait sa révolution presque cent ans auparavant, et où l’on se passionnait de politique et d’idées nouvelles. Marat est à présent un journaliste et son journal est beaucoup lu. Lu par ceux qui savent lire, et lu à voix haute dans les lieux publics à l’intention de ceux qui ne savent pas lire. Marat travail comme un forcené, il publie presque tous les jours et Marat est très bien informé.

    J’ai brièvement évoqué les intrigues et je serai obligé d’y revenir, probablement en vous parlant de nouveau de Marat. Marat ne supporte pas les corrompus ni ceux qui s’enrichissent abusivement à l’occasion des événements révolutionnaires. Nous le verrons s’emporter contre Necker et reprocher à celui-ci ses malversations. Marat sera le premier à s’attaquer au divin Necker, ce grand homme tellement adulé par les bourgeois du Tiers Etat et nombre d’aristocrates, dont certains lui doivent leur enrichissement. Marat ne porte d’ailleurs pas ses accusations à tort, car le grand Necker nous l’avons dit, est aussi un banquier, et un banquier qui s’est enrichi grâce à sa politique d’emprunts répétés, car sa banque, chaque fois a prêté à l’Etat en récoltant de faramineux intérêts. Il s’est aussi enrichi (encore au détriment de l’Etat) grâce à ce que nous appellerions aujourd’hui, ses délits d’initiés.

    Ce genre de pratiques étaient coutumières sous l’ancien régime et elles ne choquaient guère le beau monde. Il était normal qu’un ministre s’enrichisse. Toujours cette croyance étrange relative à l’enrichissement d’un seul profitant à tous. (Certains disent que ces pratiques existent toujours. Je leur laisse la responsabilité de cette assertion).

    Marat appellera ironiquement Necker le « grand faiseur » en rappelant que Necker est un ministre des Finances qui ne rend pas de comptes. En rendrait-il d’ailleurs, que probablement peu s’y intéresseraient. Souvenez-vous de son plan de redressement auquel les députés n’ont pas bien compris grand-chose, mais qu’ils ont voté le 26 septembre, « De confiance ».

    Mais Marat n’est pas de ce monde-là, celui de l’argent. Il vit au milieu du peuple, au contact de celui-ci. Pour lui le peuple n’est pas une abstraction. Il ne supporte pas de voir le peuple de Paris accablé de misère et souffrir de la faim, quand il sait que certains s’enrichissent honteusement. Le peuple lui rendra d’ailleurs bien cet amour. Un rapport de police lu par l’historien Henri Guillemin disait ceci : « La popularité de Marat tient à son intégrité et l’intégrité, c’est un des dieux du peuple. »

    Dans le numéro 18 de "l’Ami du Peuple, ou le Publiciste Parisien", de ce 28 septembre, Jean-Paul Marat, fait part à ses lecteurs de ses ennuis avec les représentants de la Commune qui siègent à l’Hôtel de Ville. Les accusations qu’il a lancées depuis le début du mois à l’encontre des représentants de la Commune et plus particulièrement contre le maire de Paris, Bailly, commencent à agacer fortement ces beaux messieurs.

Il écrit dans son journal cette lettre ouverte aux représentants de la Commune :

« Messieurs, Appelé à paraître aujourd’hui (sur les sept heures du soir) devant vous au sujet de ce journal, dont je me déclare l’auteur, je me suis rendu à l’Hôtel de Ville. J’ai sollicité plusieurs fois le moment d’être admis à l’audience et, n’ayant pu l’obtenir après cinq heures mortelles d’attente, j’ai été remis au lendemain. Le lendemain, même exactitude, mêmes instances inutiles de ma part. Vos occupations sont infinies, sans doute. Les miennes ne le sont pas moins et elles intéressent bien davantage le bonheur public : je suis l’œil du peuple, vous en êtes tout au plus le petit doigt. Ainsi trouvez bon qu’avare de mon temps, j’attende chez moi de nouveaux ordres. »

(Le numéro complet est accessible sur le site de la BNF par la fenêtre en bas de cet article.) 

        Les choses vont bien sûr s'envenimer. À la suite d'une dénonciation faite par la commune devant les instances judiciaires, Marat sera de nouveau convoqué à l’Hôtel de Ville le 3 octobre prochain pour répondre de ses accusations dans les numéros 15 à 23 de son journal. Dans ses numéros 20 et 21, Marat dénonçait ouvertement Bailly, le maire de Paris. Dès lors, la plainte suivra son cours. Le 4 octobre, le procureur du roi, Deflandre de Brunville, écrira au lieutenant criminel du Châtelet, et, les 8 et 9 octobre, des huissiers, envoyés par le Châtelet, se rendront au domicile de Marat.

    Les adversaires de Marat lui mèneront la vie dure. En quatre ans d’exercice de sa fonction, il ne sera libre que 397 jours, et sera sous le coup, de décret pendant 1064 jours. Ce qui signifie qu’il ne bénéficia que de 13 mois de liberté, et fut, 35 mois durant sous la menace d’un décret, ou dans la clandestinité. Ses ennemis n’hésiteront pas non plus à faire détruire ses presses ou à emprisonner son imprimeur. 

    Devenu député Montagnard à la Convention, il finira par payer de sa vie sa trop grande liberté de parole, puisqu’il sera assassiné par Charlotte Corday, une proche de ses ennemis politiques, les Girondins.

Un exalté.

    Pourquoi ai-j 'écris "trop grande liberté de parole" ? Mais parce que Marat était aussi un exalté, souvent très violent, trop violent dans ses écrits. Robespierre lui en fera le reproche lors de sa première rencontre avec lui en Janvier 1792, il lui dira que les patriotes, même les plus ardents, pensaient qu'il avait mis lui-même un obstacle au bien que pouvaient produire les vérités utiles développées dans ses écrits, en s'obstinant à revenir sur des propositions extraordinaires et violentes (telles que celle de faire tomber cinq à six cents têtes coupables), qui révoltaient les amis de la liberté autant que les partisans de l'aristocratie". 

Source : https://books.openedition.org/irhis/1283?lang=fr#tocfrom1n2

De tout cela nous reparlerons le temps venu.

    Si le très dérangeant Marat vous intéresse, je viens de découvrir cette étude de la Professeure Emilie Brémond-Poulle sur le très sérieux site https://revolution-francaise.net/

Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder à l'article de présentation et au PDF.


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Bien cordialement
Bertrand