Quittons un moment les débats
passionnés de l’Assemblée à propos du véto royal et inquiétons-nous un peu du
reste du pays. Le calme est loin d’être revenu dans le royaume de France. Des
châteaux brûlent encore et des révoltes continuent d’éclater çà et là.
Des châteaux continuent d'être incendiés |
Les révoltes ont
toujours le même motif, la faim. A Orléans par exemple, la colère gronde et va
finir par éclater. Le comité provisoire de sûreté et de subsistance
nouvellement créé (principalement composé de privilégiés), s’est rendu très
impopulaire durant tout l’été. La population lui reproche d’avoir réservé la
baisse du prix du pain à la ville seule sans inclure les campagnes. De plus, la
population souffrant de la disette voit passer les convois du blé acheté en
Algérie par les bons soins de Monsieur Necker, qui transitent par Orléans avant
d’arriver à Paris. Souvenez-vous, il s’agit de ce fameux blé de Barbarie,
évoqué par le président de l’Assemblée nationale le 23 juillet 1789, ainsi que
par Necker dans son discours du 7 août 1789. (voir mes articles à ces dates)
Salomon de la Saugerie |
"Les six cent muids de bleds venant d'Afrique sont pour la capitale. Les électeurs en ont la note, ils attendent cette provision. Mr Necker ne peut donc authoriser (1) personne à retenir ces grains soit en totalité soit en partie sans se compromettre lui-même vis-à-vis des parisiens."
(1) Orthographe d'époque, désolé
Ce qui risquait
d’arriver s’est finalement produit la veille, le samedi 12 septembre 1789 au
matin, jour de marché. Les habitants des Aydes, faubourg Bannier, situé au nord
d'Orléans, ont attaqué un convoi de blé. La troupe a dispersé rapidement les
émeutiers, mais dans l'après-midi, une partie des habitants d'Olivet et de
Saint-Marceau, principalement des ouvriers et des vignerons, se sont rassemblés
à la tête sud du pont (entre 700 ou 800 personnes), dont les grilles étaient gardées
par des volontaires de la milice bourgeoise. Après des pourparlers infructueux
entre les gardes et les émeutiers, ces derniers ont forcé le passage et se sont
rués en direction de la rue Royale, pendant que le tocsin sonnait à
Saint-Marceau. Leur objectif était de vider les boulangeries de la ville. La garde envoyée par le Comité de sûreté et de subsistance a ouvert le feu dans la rue
Royale et refoulé les révoltés jusque sur la rue Dauphine.
Environ quatre-vingt-dix personnes ont été tuées par la garde.
A ces victimes de la
fusillade va s'ajouter un habitant du quartier Saint Marceau, Michel Rimbert. Considéré
comme meneur, il sera jugé et pendu dans la nuit, place du Martroi. (A noter
que le nom Martroi de cette place vient du mot latin "Martyrium", qui
signifie lieu d'exécution des condamnés.)
Plan de la ville d'Orléans en 1777 |
En 1792 la veuve de
Rimbert obtiendra la révision du procès et un jugement cassant et annulant la
sentence qui avait amené son mari à la potence. Selon celui-ci, Rimbert en tant
que volontaire avait négocié avec les émeutiers, puis voyant que la calme revenait,
il était rentré chez lui. Malheureusement la situation s'étant de nouveau
dégradée, il fut considéré comme celui qui avait enflammé les faubouriens,
arrêté, jugé et condamné à mort, pour l’exemple.
Ce matin du dimanche 13 septembre 1789, les gens du peuple ont retiré leurs cocardes en signe de protestation.
Contre-révolution ?
Certains auteurs décrivent ce genre d’événements, comme une contre-révolution. C’est une erreur. Il s’agit plutôt d’une autre révolution. Il y a en fait deux révolutions. Celle menée par la bourgeoisie du Tiers état, cette nouvelle classe sociale riche et éduquée, alliée à une partie réformiste de l’aristocratie, et celle d’une partie toujours plus grandissante du peuple.
Les uns veulent le pouvoir politique équivalent à leur richesse et la liberté de commercer.
Les autres
veulent manger à leur faim et la liberté tout simplement...
Orléans en 1761 |
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Bien cordialement
Bertrand