dimanche 13 septembre 2020

13 Septembre 1789 : L’autre révolution fait 90 morts à Orléans.

 

    Quittons un moment les débats passionnés de l’Assemblée à propos du véto royal et inquiétons-nous un peu du reste du pays. Le calme est loin d’être revenu dans le royaume de France. Des châteaux brûlent encore et des révoltes continuent d’éclater çà et là.

Des châteaux continuent d'être incendiés

    Les révoltes ont toujours le même motif, la faim. A Orléans par exemple, la colère gronde et va finir par éclater. Le comité provisoire de sûreté et de subsistance nouvellement créé (principalement composé de privilégiés), s’est rendu très impopulaire durant tout l’été. La population lui reproche d’avoir réservé la baisse du prix du pain à la ville seule sans inclure les campagnes. De plus, la population souffrant de la disette voit passer les convois du blé acheté en Algérie par les bons soins de Monsieur Necker, qui transitent par Orléans avant d’arriver à Paris. Souvenez-vous, il s’agit de ce fameux blé de Barbarie, évoqué par le président de l’Assemblée nationale le 23 juillet 1789, ainsi que par Necker dans son discours du 7 août 1789. (voir mes billet à ces dates)

Salomon de la Saugerie

    Voici un extrait d’une lettre en date du 14 août 1789 de Monsieur Salomon de la Saugerie, membre de l’Assemblée Constituante, destinée à Mr Robert de Massy Président du Comité Permanent :

 "Les six cent muids de bleds venant d'Afrique sont pour la capitale. Les électeurs en ont la note, ils attendent cette provision. Mr Necker ne peut donc authoriser (1) personne à retenir ces grains soit en totalité soit en partie sans se compromettre lui-même vis-à-vis des parisiens."

(1) Orthographe d'époque, désolé  

    Ce qui risquait d’arriver s’est finalement produit la veille, le samedi 12 septembre 1789 au matin, jour de marché. Les habitants des Aydes, faubourg Bannier, situé au nord d'Orléans, ont attaqué un convoi de blé. La troupe a dispersé rapidement les émeutiers, mais dans l'après-midi, une partie des habitants d'Olivet et de Saint-Marceau, principalement des ouvriers et des vignerons, se sont rassemblés à la tête sud du pont (entre 700 ou 800 personnes), dont les grilles étaient gardées par des volontaires de la milice bourgeoise. Après des pourparlers infructueux entre les gardes et les émeutiers, ces derniers ont forcé le passage et se sont rués en direction de la rue Royale, pendant que le tocsin sonnait à Saint-Marceau. Leur objectif était de vider les boulangeries de la ville. La garde envoyée par le Comité de sûreté et de subsistance a ouvert le feu dans la rue Royale et refoulé les révoltés jusque sur la rue Dauphine.

Environ quatre-vingt-dix personnes ont été tuées par la garde.

    A ces victimes de la fusillade va s'ajouter un habitant du quartier Saint Marceau, Michel Rimbert. Considéré comme meneur, il sera jugé et pendu dans la nuit, place du Martroi. (A noter que le nom Martroi de cette place vient du mot latin "Martyrium", qui signifie lieu d'exécution des condamnés.)

Plan de la ville d'Orléans en 1777
Plan de la ville d'Orléans en 1777

    En 1792 la veuve de Rimbert obtiendra la révision du procès et un jugement cassant et annulant la sentence qui avait amené son mari à la potence. Selon celui-ci, Rimbert en tant que volontaire avait négocié avec les émeutiers, puis voyant que la calme revenait, il était rentré chez lui. Malheureusement la situation s'étant de nouveau dégradée, il fut considéré comme celui qui avait enflammé les faubouriens, arrêté, jugé et condamné à mort, pour l’exemple.

    Ce matin du dimanche 13 septembre 1789, les gens du peuple ont retiré leurs cocardes en signe de protestation.


Contre-révolution ?

    Certains auteurs décrivent ce genre d’événements, comme une contre-révolution. C’est une erreur. Il s’agit plutôt d’une autre révolution. Il y a en fait deux révolutions. Celle menée par la bourgeoisie du Tiers état, cette nouvelle classe sociale riche et éduquée, alliée à une partie réformiste de l’aristocratie, et celle d’une partie toujours plus grandissante du peuple.

    Les uns veulent le pouvoir politique équivalent à leur richesse et la liberté de commercer.


    Les autres veulent manger à leur faim et la liberté tout simplement...

Orléans en 1761
Orléans en 1761



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Bertrand