lundi 30 août 2021

18 Juin 1774 : Louis XVI, premier "vacciné" de France !

 

Le jeune Louis XVI

Avertissements :

1/ J'ai trouvé utile de rédiger cet article, à la suite des commentaires affligeants qui ont suivi la publication sur Facebook le 21 Août dernier, de mon article qui donnait la définition de la liberté retenue par les députés de l'Assemblée constituante. J'avais cru nécessaire de rappeler ce qu'impliquait la liberté dans le cadre d'un contrat social, c'est-à-dire lorsque l'on vit en société, et le devoir de chaque citoyen envers les autres.

2/ La variole ou petite vérole fut une maladie si horrible que je n'ai pas souhaité insérer dans cet article des exemples des ravages qu'elle faisait sur le visage et le corps de ses victimes. 

3/ Malgré la gravité du sujet et la véracité absolue des faits rapportés dans cet article, vous décèlerez peut-être quelques traces d'humour sarcastique vers la fin. Je n'y peux rien, je suis ainsi. Ardent défenseur des lumières, le retour de l'obscurantisme me terrifie.


L'inoculation eut lieu le 18 Juin 1774

    Louis XVI était roi de France depuis seulement un mois et demi. À la suite de la mort de son grand-père, Louis XV, le 10 mai 1774, après une longue agonie, de la variole, déclarée le 26 avril à Marly, la décision avait été prise d’inoculer au jeune roi la petite vérole, c’est-à-dire la variole. L'inoculation eu lieu le 18 juin 1774. Pour avoir une chance de protéger la famille royale, il fallait une couverture immunitaire large. L’inoculation concerna donc les deux frères du roi, Monsieur – le comte de Provence, futur Louis XVIII – et le comte d’Artois – futur Charles X –, ainsi que la comtesse d’Artois. Marie-Antoinette en fut exemptée puisqu'elle avait déjà été inoculée dès 1768 sur ordre de sa mère, l’impératrice-reine Marie-Thérèse.

Bulletin de santé du roi et de ses frères
et sœur en date du 24 Juin 1774
Source : Big Royal Pharma


Extrait de la correspondance entre Marie-Thérèse d'Autriche et sa fille Marie-Antoinette après l'inoculation.

De Marie-Thérèse à Marie-Antoinette

Schönbrunn, le 1er juillet. Madame ma chère fille, Vous pouvez vous imaginer mes inquiétudes sur la situation du roi. Autant que je suis pour l'inoculation, qui m'a conservé trois fils et six petits-enfants, autant je suis en peine que dans le plus fort des chaleurs et sur les trois frères en même temps on l'entreprend. Dieu en soit loué que vous n'ayez rien contribué à la décision, quoique la plupart des lettres vous l'attribuent ; que vous en étiez enchantée, c'est à sa place ; mais je crains bien que vos inquiétudes auront été des plus grandes. Autant que cette résolution fait honneur au caractère personnel du roi, autant elle fait trembler pour des jours si précieux, qui promettent à la France, à l'Europe un prince dont on attend le bonheur universel.

De Marie-Antoinette à Marie-Thérèse

Marly, le 10 juillet. Madame ma très-chère mère, L'inoculation est entièrement finie ; le roi n'a souffert véritablement que pendant la fièvre, qui l'a fatigué et un peu accablé deux jours. Il sera purgé demain ; je compte que les médecins feront un procès-verbal sur tout ce qui s'est passé. Je l'enverrai à ma chère maman aussitôt qu'il sera fait. Mes frères et ma sœur sont également hors de toute crainte.

Suivent quelques lignes de la main du roi : Je vous assure aussi avec ma femme, ma chère maman, que je suis très bien rétabli de mon inoculation et que j'ai très peu souffert. Je vous demanderais la permission de vous embrasser si mon visage était plus propre.

 

Une idée venue de la  Chine

    L'idée de l'inoculation, comme tant d'autres grandes découvertes, nous est venue de Chine. C'est probablement au IXe siècle, que des médecins chinois commencèrent à inoculer. Autrement dit à administrer le virus de la variole amoindri pour déclencher une réponse immunitaire et protéger de la maladie. La variole, appelée autrefois la petite vérole était une maladie terrible qui vous tuait le plus souvent ou vous laissait défiguré.

La Chine du Moyen-Age, un âge d'or.
Source Big Chinese Pharma

    Ayant remarqué qu’on n’attrapait jamais deux fois la variole, les médecins chinois prenaient une personne moins malade que les autres, prélevaient un peu de pus et le glissaient dans le nez du patient. Parvenue en Inde, la méthode des Chinois fit son entrée en Europe par l’empire Ottoman. C’est à Constantinople que Lady Montaigu, noble dame anglaise, découvrit la méthode et décida d’inoculer son fils et sa fille, qui survécurent. Les médecins s’y intéressèrent et se déchirent entre pour et contre (étonnant, non ?). 

Lady Mary Wortley Montagu et son fils Edward
Peints par Jean-Baptiste Vanmour


    Bien que passionné par les sciences, Louis XVI c'était longtemps refusé à l'idée d'être inoculé, mais la mort de son grand-père l'avait fait changer d'avis. Raison pour laquelle il avait décidé de se faire inoculer au plus vite. On choisit une jeune blanchisseuse parisienne, de mœurs irréprochables, pour prélever le pus nécessaire à la vaccination du roi mais aussi de ses frères. La France retient son souffle. Le risque paraissait immense puisque, si ces trois-là mouraient de la variole, la France se retrouverait sans autre hériter qu’un enfant de 3 ans, le fils du frère cadet du roi, puisque Louis XVI n’a pas encore d’enfants. Fort heureusement l'opération fut un succès. Elle fut fêtée, notamment par des coiffures extravagantes dites « à l’inoculation ». 

Peinture de Paul Manceau (19ème siècle)


    Les Français douteront encore longtemps des bienfaits de la vaccination. Notamment les religieux, considérant le vaccin comme contre nature. La vaccination contre la variole ne se répandra enfin à grande échelle qu’au XIXe siècle. De nos jours, grâce au vaccin, la variole n’existe plus.

 

Sources (Big Pharma) :

https://histoire-image.org/fr/etudes/louis-xvi-inoculation-variole-quatre-bulletins-sante-royaux-24-25-26-29-juin-1774

https://www.reddit.com/r/france/comments/obhqui/1774_marieantoinette_sa_m%C3%A8re_marieth%C3%A9r%C3%A8se/

https://www.francebleu.fr/emissions/ils-ont-fait-l-histoire/louis-xvi-se-fait-vacciner-et-ne-meurt-pas-a-la-grande-surprise-des-francais 

https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/35109-Variole-oui-photographie-choc-attestant-bienfaits-vaccin-vraie



Post Scriptum :

    Grâce à la rédaction de cet article de commande, les laboratoires m'ont offert, outre une valise pleine d'assignats, plusieurs caisses contenant des petites pilules bleues dont j'ignore la composition, mais dont les effets secondaires présentent un certain intérêt. (Humour).





dimanche 29 août 2021

Les cris de Paris, cris des vieux métiers, cris du petit peuple.

 Article mis à jour le 08/07/2023

    J'ai découvert un autre moyen de vous montrer le Peuple de Paris tel qu'il était au 18ème siècle ! Les estampes que j'ai coutume de vous présenter représentent souvent le peuple d'une façon quelque peu caricaturale ou alors dans des situations ou circonstances particulières. Les gravures que je vous propose à présent sont différentes.


François Guérard, Les Cris de Paris (1700)

    Mon souci est de vous montrer ceux que l'on ne voit pas, ceux qui n'étaient "rien". Celles-et ceux qui travaillaient durement pour gagner les quelques sous qui les feraient survivre. Celles et ceux que l'on reconnaissait de loin, par les cris qu'ils poussaient. Ces cris informaient les passants des produits et services que ces vendeurs de rues proposaient

Louis Sébastien Mercier

    Louis-Sébastien Mercier dans son ouvrage "le Tableau de Paris", avait bien évoqué les cris de ces gens, mais il manquait des illustrations. La chance a fait que j'ai découvert à la BNF le livre "Etudes prises dans le bas peuple ou les cris de Paris", recueillant les gravures réalisées par Edmé Bouchardon. Vous pourrez bien sûr consulter ce livre en entier, au bas de cet article dans une fenêtre donnant sur le merveilleux site de la BNF. Mais en plus des illustrations de ce livre, j'en ai déniché d'autres que je partage avec vous sur cette page.

Edmé Bouchardon

    A l'époque, comme de nos jours, Paris était une France miniature au sein de laquelle travaillaient des milliers de provinciaux.

    On y croisait des enfants ramoneurs venus à pieds de Savoie, ainsi que des Savoyardes et des Normandes réputées bonnes nourrices, des bonnes venues de Bretagne ou de Guyenne, des concierges et serruriers de Lyon, des chiffonniers alsaciens, des vitriers du Piémont, des cuisiniers de Montpellier, des montreurs d'ours et des rémouleurs des Pyrénées, des pelletiers venus de la Creuse, couverts de peaux de lapins et occasionnellement dépeceurs de chats, des maçons du Limousin, des chapeliers auvergnats, à noter que les Auvergnats que l'on appelait aussi des Bougnats, s'étaient fait la spécialité de tenir des commerces de vins et charbons ! (Je dois beaucoup au livre de Graham Robb, pour les informations sur ce paragraphe).

Découvrons ensemble ces personnages surgis un instant pour nous du passé.

    Je vais commencer par cette pauvre femme portant du bois sur son dos, dont la légende indique "cotterets". On la retrouve sur quelques sites, dont celui de la BNF, portant toujours cette légende étrange. Cherchez vous-même dans des dictionnaires et vous ne trouverez pas la signification de ce mot.

    Cependant, si vous faites la supposition que j'ai faite, c'est à dire de penser que le graveur avait fait une faute d'orthographe, ce qui était on ne peut plus courant à l'époque, et que vous lisez alors "colteret", vous aurez une chance de trouver la signification de ce mot qui a disparu. Les colterets étaient des ramilles ou branches d'arbres laissées au sol, qui n'étaient bonnes qu'à mettre dans les fagots.

Définition

La vendeuse de colterets

Pommes cuites au four

Cureur de puits

Piégeur de rats


"De la belle Fayance"
Je ne puis croire que cette petite fille puisse porter un tel fardeau.
J'espère qu'elle ne fait qu'attendre sa mère.

Marchand de Lanternes

Vendeur de "Caffé"

Tailleur de Pierres
(Remarquez le titre du livre, gravé sur la pierre)

Chaudronnier Auvergnat

Crocheteur
(En ce temps-là, il s'agissait d'un porteur de lourdes charges s'aidant de crochets)

Vendeur de Moulins.
Pour amuser les enfants où éloigner les oiseaux ?

Balayeuse

Vendeuse de Balais

Des couteaux des ciseaux et des peignes,
mais aussi des lunettes si vous regardez bien.

Garçon Boulanger

Lanterne en Hiver, l'Eau en Eté
(Vous avez une idée ?)

Montreuse de Lanterne Magique

Joueur de Vielle

Orgue de Barbarie devant et Lanterne Magique derrière

La Revendeuse (ou regrattière, voir plus bas)

Fille de la Charité, servant les Malades

Vendeur de livres ambulant

Amuseur publique du Pont Neuf

"Voici le portrait à l'éloge
De ce Chantre Fameux
Nommé Guillaume de Limoge
Surnommé le Gaillard Boiteux"
(Remarquez les graffitis sur le muret)

Marchand d'encre (Ancre à l'époque)

La Blanchisseuse

La Charbonnière

Le Barbier

Italien vendeur de coupes en verre.

Vendeur de vin

Malheureux unijambiste, vendeur de vieux souliers

Porteur de Pierres

Terrassier

Vendeur d'eau, fraiche ou chaude

Colleur d'Affiches

"La Vie, La Vie"
(Vendeuse d'eau de vie ?)

Marchand de Lacets

Marchand de Lanternes

Marchand de Caffé (café)

Savetier

Crieur d'eau de vie

Raccommodeur de soufflets et de vieux seaux

Ramoneur
(Je vous raconterai un jour l'incroyable histoire de ces enfants qui,
 dès l'âge de 5 à 6 ans, quittaient les Alpes pour monter exercer ce dur métier à Paris)

Savoyarde
(Probablement une nourrice)

Vendeur de peaux de lapins (et de chats ?)

Vendeuse d'œillets

Lecteur de Gazette

    Gageons que ces lecteurs de gazette exercèrent une sacrée influence sur nombre d'événements révolutionnaires !

    Pour le métier suivant, il ne s'agit pas d'un cri, mais d'un bruit, celui de la cliquette !

La cliquette était le nom du petit instrument à percussion composé de deux lattes de bois, que le maître de poste ou son commis agitait pour annoncer son arrivée.
Vous remarquerez que c'était le destinataire qui payait le port et non l'envoyeur.

La cliquette

    Voici encore un petit métier, que je trouve assez révélateur de la société de cette époque, celui de "regratier", s'écrivant aussi regratiér, regrattier ou regrettier, mot qui voulait dire "revendeur".

Les regratiers vendaient les restes des repas des riches


Celui-ci revendait aux pauvres les restes
 des repas des riches de Versailles,

Cette estampe date de 1845, mais ce métier de revendre
 les restes de nourriture des riches exista encore longtemps.
On les appelait aussi "Marchands d'Arlequins"


Il y avait encore des Marchands d'Arlequins à Paris en 1910 !

Ils vendaient les restes des tables bourgeoises et des restaurants


    N'y voyez pas malice de ma part, mais ce petit métier si particulier me fait penser à ce que les économistes appellent "la théorie du ruissellement". Très orientée politiquement, celle-ci explique que plus on laisse les riches s'enrichir (moins d'impôts, etc.) plus l'économie produit de biens consommables et plus les pauvres en profitent.
(Remarquez combien j'ai mis les formes pour vous expliquer cette théorie de plus en plus controversées)



    Veuillez me pardonner mon excessive sensibilité. Cette rubrique se termine en effet sur une note amère. Mais voici comme promis le beau livre d'Edmé Bouchardon entreposé parmi les trésors de la BNF.




Post Scriptum au 08/07/2023 : Je viens de découvrir cet article intéressant traitant des métiers sous la Révolution : "Histoires des métiers au XVIIIe siècle ou la lutte entre les corporations et la liberté du commerce."