Redécouvrez la Révolution française, avec cette étonnante chronologie commentée, illustrée de nombreuses gravures de l'époque.
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Au XVIIIème siècle certains airs de musique devenus très
populaires pouvaient servir à plusieurs chansons aux paroles fort différentes. C'est
le cas de cet air que je vous présente aujourd'hui pour inaugurer ma nouvelle
rubrique sur la Musique sous la Révolution.
Vous allez commencer par découvrir cette chanson "poissarde",
populaire sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. Poissarde parce que
probablement chantée du côté des Halles de Paris par des poissonnières réputées
pour leur langage cru, les "Poissardes".
Elle s'intitule :"Dans la rue Chiffonnière"
Attention, les paroles sont explicites, comme on dit aujourd'hui. Mais vous allez voir ensuite quel glorieux destin elle va avoir !
Je pense que vous avez bien mémorisé l'air. Ce genre de refrain se retient facilement !
Chanson révolutionnaire !
Les paroles changent mais l'air de musique reste le même ! La voici devenue une chanson guerrière ! "On va leur percer le flanc", elle sera chantée de bon cœur par les soldats des armées révolutionnaires. Attention, l'intro dure plus d'une minute !
Chanson guerrière sous l'Empire ! (Les paroles ont changé)
Cette chanson fut bien sûr
adoptée ensuite par les troupes de l'Empire, puisque la plupart était
issues des armées révolutionnaires. Elle fut très prisée entre autres par la
garde consulaire puis impériale.
Dans l'extrait suivant du film "Austerlitz" d'Abel Gance (1960) elle est entonnée
par la vieille garde qui se lance sans ordres dans la bataille (2 Décembre 1805). Les plus vieux d'entre nous reconnaîtrons le grand acteur Michel Simon.
Quelle étrange destinée pour une chanson de "poissarde" ne trouvez-vous pas ?
Voici les paroles de la version "Empire" :
On va leur percer le flanc !
ran tan plan tire lire lan plan
On va leur percer le flanc !
ran tan plan tire lire lan plan
ah c’que nous allons rire
ran plan tire lire
On va leur percer le flanc !
ran tan plan tire lire lan plan
On va leur percer le flanc !
ran tan plan tire lire lan plan
le p’tit tondu s’ra content ? (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
ça lui f’ra bien plaisir
ran plan tire lire
le p’tit tondu s’ra content ? (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
Et car c’est de c’la que dépend . (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
le salut de l’empire
ran tan tire lire
on va leur percer le flanc (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
couplet subversif
pour lui plaire il faut du sang (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
ah c’que nous allons rire
ran tan tire lire
pour lui plaire il faut du sang (bis)
ran tan plan tire lire lan plan
Comme je sais que des Napoléoniens me font l'honneur de suivre avec bienveillance ma chronique sur la Révolution. Je leur offre ci-dessous les minutes mémorables du chef d'œuvre d'Abel Ganse sur la bataille d'Austerlitz (en 2 parties).
"M.L.B.D.R.", l'auteur du livret, est Nicolas-François Guillard et "Ch.er Gluck" est Christoph Willibald Gluck le grand compositeur bavarois (Empire d'Autriche). Il peut
sembler étonnant que le véritable nom de l'auteur du livret soit ainsi masqué.
Peut-être cela vient-il qu'il y eu en 1776 une polémique concernant la création
de cet opéra. Un certain Alphonse du Congé Dubreuil avait en effet rédigé un livret sur ce sujet qu'il avait proposé en vain à
Gluck qui avait déjà reçu des propositions à ce sujet. Dubreuil proposa alors
son livret à Niccolo Piccini qui déclina la proposition du fait qu'il ne pourrait
produire son opéra avant Gluck.
Cette tragédie lyrique en quatre actes fut
représentée pour la première fois à l'Académie royale de musique de Paris le 18 mai 1779. Le jour de
la première, le 18 mai 1779, Marie-Antoinette vint en personne
à l'Opéra où elle fut reçue selon le cérémonial ancien, précédée jusqu'à sa
loge par les directeurs de l'Opéra porteurs de flambeaux. L'œuvre remporta un
très grand succès. À un spectateur qui y trouvait de beaux morceaux, l'abbé Arnaud répliqua :
« Il n'y a qu'un beau morceau, c'est l'opéra tout entier ! A la mort
de Gluck en 1787 l'Académie royale de Musique et en
était à sa quatre-vingt-dixième représentation parisienne.
Cette œuvre raconte la tragique histoire d'Iphigénie, fille
d'Agamemnon et
de Clytemnestre, sœur d'Oreste, d'Électre et
de Chrysothémis, donc soumise au destin fatal des Atrides. Devenue
en Tauride grande-prêtresse de Diane, Iphigénie s’apprête à immoler son frère
Oreste, lui-même meurtrier de leur mère ; elle n’a pas reconnu son frère. Seuls
les liens du sang et de l’amitié auront raison des spectres qui hantent Oreste
et Iphigénie.
Je vous propose de regarder et écouter cette magnifique captation (comme on dit maintenant) de cette grande œuvre jouée au théâtre d'Anger :
Aujourd'hui 1er Novembre 1789, on donnera un "Concert Spirituel" au Château des Tuileries, avec une symphonie de Haydn en première partie, et un autre concert au Cirque National à l'occasion d'une fête extraordinaire qui commencera à 6 heures par un concert de Haydn !
Le Cirque National était un théâtre situé au milieu du jardin, du Palais-Royal. Quant au concert spirituel, il a dû être joué dans la fameuse salle des Machines dont nous avons parlé dans l'article sur le théâtre du 31 Octobre 1789.
Vue du Cirque semi-enterré du Palais Royal en 1794
Haydn, le grand compositeur de l'époque
C'est à partir des années 1770, que le grand compositeur
autrichien Haydn, acquit une célébrité qui se répandit au-delà du milieu musical
viennois. Ses œuvres se diffusèrent notamment en France et en Angleterre et, à
un degré moindre, en Italie. Seule l'Allemagne du Nord demeura réticente au
nouveau style révélé par le compositeur. Les organisateurs de concerts à Paris et
à Londres lui adressaient des commandes. Des éditeurs sur toutes les places
européennes diffusaient ses partitions.
Aujourd'hui 31 octobre 1789, une nouvelle pièce intitulée "Sire de Créqui", est donnée au Théâtre italien ! C'est une
comédie mêlée d'ariettes, dans le "nouveau genre", c’est-à-dire "à grand spectacle
et à grand mouvement", comme le précisera le rédacteur de l'article publié
le 2 Novembre dans le Journal de Paris.
La pièce nous conte l'histoire d'un chevalier picard du XIIe siècle, Raoul de Créqui, tenu pour mort à la guerre en Palestine (Croisade), mais enfermé par son cruel neveu Baudoin, dans une tour, durant 10 ans (le temps de le déposséder de tous ses biens).
Vous remarquerez à la lecture de l'article paru le 2 novembre dans le journal de Paris, que le journaliste ne se gêne pas pour dévoiler toute l'intrigue ! Et vous conviendrez également qu'il ne s'agit nullement d'une comédie italienne, mais bien d'une mémorable page de notre histoire de France, la famille de Créqui ayant réellement existé.
Voici l'article du Journal de Paris en date du 2 Novembre 1789, qui m'a inspiré cet article :
(Cliquez pour agrandir)
Tout se perd...
De nos jour, Raoul de Créqui n'est plus que le nom d'un fromage fabriqué en Picardie. Cliquez sur le chevalier ci-dessous pour en apprendre plus sur la noble famille de Créqui.
Aparté 😊
J'aime bien vous écrire des articles comme celui-ci, car ils permettent de nous éloigner un peu des luttes politiques et de nous rapprocher des gens ordinaires. Nous allons donc découvrir ensemble par le biais de cette pièce, le petit monde du théâtre à Paris, en 1789 et même un peu avant.
Le livret de la pièce !
Les plus curieux parmi vous auront tout loisir de découvrir la pièce elle-même, grâce à son livret que je partage ci-dessous. Si vous savez lire la musique, votre plaisir en sera doublé, car il y a même les partitions musicales des airs chantés, et les paroles bien sûr !
Qu'est-ce que le théâtre "à l'italienne"(Histoire et architecture)
Bref historique
16ème siècle
1557 - L'arrivée des Italiens à Paris (Certaines sources donnent la date de 1577)
La première troupe de comédiens italiens des Gli Gélosi, arriva à Paris à la fin du XVIe siècle, appelée de Venise par Henri III. Elle s'installa à l'Hôtel du Petit-Bourdon, situé en face du Louvres. Ces spectacles destinés au public n'étaient pas chers, seulement 4 sols par personne. Elle remporta donc un succès certain.
Placée sous la protection du roi, elle présentait au public français des pièces
de commedia dell'arte en version originale. Ne
soyez pas étonnés par le fait que les acteurs se soient exprimés en Italien, il y a beaucoup de scènes mimées en commedia dell'arte et l'italien
peut être a peu près compris, s'il est parlé lentement
Les principaux personnages de la commedia dell'arte
Progressivement, le Théâtre italien
s'ouvrit au répertoire des grands dramaturges français de l'époque (dont très peu de noms ont été retenus par la postérité).
1697 - Départ des Italiens !
Les comédiens italiens se
produisirent avec succès à Paris jusqu'un 1697 ; date à laquelle ils commirent
l'erreur fatale de vouloir jouer une pièce intitulée "la fausse prude", qui
se moquait implicitement de Madame de Maintenon, l'ancienne maitresse de Louis
XIV, que celui-ci avait épousé secrètement en 1683 !
Mariage secret de Louis XIV et de Madame de Maintenon dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683.
Cette "erreur de programmation", valu aux comédien Italiens d'être chassés de Paris et de se contenter de tournées en Province.
1697 Départ des comédiens italiens
Si vous souhaitez découvrir le répertoire du théâtre italien
de cette époque, je vous conseille la lecture de l'ouvrage que les parisiens découvrirent
au début du mois d’octobre 1694 : "Le Théâtre italien ou le Recueil
de toutes les scènes françaises qui ont été jouées sur le Théâtre italien de
l’Hôtel de Bourgogne". Les recueils de théâtre étaient rares à cette
époque et ce livre eut un énorme succès.
Vous pouvez le parcourir dans la fenêtre ci-dessous :
Vous pouvez lire également cet article très intéressant sur Ghirardi,
l'auteur de cet ouvrage : "Figures de Ghirardi"
18ème siècle
1716 - Retour des Italiens !
Les comédiens italiens revinrent à Paris à l'hôtel de
Bourgogne sous la Régence en 1716 et qui plus est, sous la protection du Régent, le duc d'Orléans. Pourvus d'une rente
annuelle de 15 000 livres, ils enrichirent leur répertoire au fil des ans
en abordant peu à peu le répertoire lyrique.
Philippe d'Orléans
Leur troupe rivalisa avec celle de l'Opéra-Comique, jusqu'à ce que
les deux troupes finissent par fusionner en 1762 sous le nom
de Comédie-Italienne ou Opéra-Comique-Italien.
1779 - Départ des Italiens.
En 1779 un arrêté interdit les comédies en italien, et les derniers comédiens italiens de ce théâtre furent
renvoyés chez eux(sauf Carlo Bertinazzi qui mourut à Paris en 1783).
En effet, depuis la fondation de l'Académie française par Richelieu en 1635, l'Etat se préoccupait de normaliser la langue française (orthographe et non-pas ortograf) et de promouvoir son utilisation. Projet que les révolutionnaires eurent à cœur de poursuivre.
Le Cardinal de Richelieu
Petite précision quant à l'usage du Français
Il faut savoir qu'au XVIIIe siècle, une grande majorité du peuple de France ne parlait pas le français, du moins celui parlé en Île de France, car le parisien n'était qu'une des 25 langues d'oïl parlées sur le territoire ! L’abbé Grégoire en aura confirmation en 1790 lorsqu’on lui remettra le rapport qu’il avait demandé sur l’état du pays et des langues et patois parlés. Des centaines de parlers différents existaient alors à travers tout le pays, voire des milliers si l’on tenait compte des patois qui pouvaient changer d’un village à l’autre. Beaucoup de ces braves gens ignoraient même qu’ils étaient français ! « A quoi bon faire d’aussi belles lois, si elles ne sont pas comprises » dira le député Target devant l'Assemblée le 30 octobre 1789. Comment imprimer des livres d'écoles pour instruire les enfants s'il faut plusieurs centaines de versions du même livre ?
Le théâtre italien sans Italiens.
Le théâtre italien continua de fonctionner sans ses acteurs italiens. Il s'appela momentanément l'Opéra-Comique, puis
il devint le Théâtre Favart en 1783, lorsque la troupe des "Comédiens
italiens du roi" et celle de "La Foire Saint Germain"
fusionnèrent et s'installèrent dans la salle nouvellement construite sur
l'emplacement de l'hôtel du duc de Choiseul.
Cette troupe de la Salle Favart
choisi d’intégrer essentiellement dans son répertoire des pièces françaises
composées de dialogues, d’airs et de danses.
Foire Saint-Germain vers 1760
1789 - Nouveau retour des Italiens !
C'est en 1789, l'année qui nous préoccupe, que les comédiens
Italiens revinrent à Paris, grâce à l'entremise du coiffeur de la reine
Marie-Antoinette, Léonard-Alexis Autié et du violoniste Giovanni Battista Viotti. Ce dernier
arrivait de Turin à la tête d'une nouvelle compagnie italienne. Le roi Louis
XVI leur avait accordé en 1788 le privilège d'interpréter à nouveau le
répertoire des opéras comiques français et italiens. Cette nouvelle troupe fut
baptisée théâtre de Monsieur en raison de la protection qui lui était
offerte par Monsieur, frère du roi(futur Louis
XVIII). C'est le 26 janvier 1789 que le théâtre de Monsieur fit son
inauguration dans la salle des Machines du palais des Tuileries.
Plan de la Salle des Machines en 1783
L'expression "côté cour", "côté jardin" vient précisément de ce théâtre.
Le nouveau théâtre
joua : l'opéra italien, l'opéra-comique français, la comédie française et
le vaudeville. Le succès fut très grand ; mais la situation du théâtre de
Monsieur devint difficile lorsque, de retour de Versailles, la cour s'installa
au Palais des Tuileries le 7 Octobre 1789. Il dut alors déménager à la foire Saint-Germain, dans l'attente qu'un nouveau théâtre fut construit. Ce nouveau
théâtre, ce sera la salle du 19 de la rue Feydeau, construite par Legrand et
Molinos, qui sera inaugurée le 6 janvier 1791. Le théâtre de Monsieur deviendra
le théâtre Feydeau.
La Foire Saint-Germain
L'architecture !
Le théâtre italien ne désignait pas seulement l'origine du
répertoire qui y était joué, ni celle des comédiens, mais aussi la structure architecturale de
celui-ci. Le premier opéra public ayant adopté la forme en U de la salle, avec
des loges remplaçant les gradins avait été le teatro Olimpico de Vicence, en Italie du Nord, commencé en 1580 d'après les
plans d'Andrea Palladio.
Plan du teatro Olimpico en 1776
La scène était surélevée par rapport à la salle, avec un
plancher légèrement incliné vers le public. Elle était le centre d'un vaste
volume en grande partie invisible du public : la cage de scène, où étaient aménagés différents espaces techniques recevant une
machinerie complexe permettant de produire des effets spéciaux ou décoratifs pour la mise en scène.
La comédie française et ses décors au XVIIIe siècle, par Antoine Meunier. Source BNF
Les musiciens, autrefois dissimulés derrière la scène, puis
sur des balcons latéraux, prenaient place en contrebas de la scène.
Le parterre était laissé au peuple qui se tenait debout
derrière le parapet de l'orchestre, tandis que les loges, qui s'étageaient sur
le pourtour, étaient louées à l'année ou achetées à vie par les grandes
familles.
Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne en 1767.
La salle restait éclairée
durant tout le spectacle grâce à une multitude de girandoles et de lustres dont la cire chaude des chandelles parfois s'écoulait sur les gens du parterre.
Régulièrement, certes, mais pas autant que l'auraient souhaité
le directeur du théâtre et la plupart des acteurs. Vous allez comprendre bientôt pourquoi.
Le livret de la pièce nous indique que celle-ci fut interprétée
par les "Comédiens italiens ordinaires du roi". Il ne faut surtout pas
les confondre avec les "Comédiens ordinaires du roi", qui résidaient à "L’hôtel des Comédiens ordinaires du roi", dans le
quartier Latin ; Hôtel qui prit ensuite le nom de Théâtre Royal. (Il ne
reste plus aujourd'hui que sa façade au n° 14 de la rue de l’Ancienne Comédie
dans le 6ème arrondissement de Paris.)
Ces "comédiens italiens ordinaires du roi"
résidaient au "Théâtre Italien", également connu sous le nom de Salle Favart, nom de l'une des deux rues qui longeaient le bâtiment, la seconde étant
la rue Marivaux. Ces rues avaient été créées à l'occasion de la construction de
ce théâtre sur l'emplacement de l'ancien Hôtel de Choiseul (ou son jardin,
selon les sources).
Première salle Favart, vue depuis la rue Marivaux, au XVIIIe siècle
Rappelez-vous cependant que ces comédiens Italiens n'avaient
d'italien que leur désignation. En effet, les vrais Italiens étaient rentrés chez
eux, suite l'arrêté de 1779 évoqué plus haut.
Raison pour laquelle les rôles principaux de cette pièce furent tenus par
Mesdames Dugazon et de Saint-Aubin, Mesdemoiselles Carline et Renaut cadette,
ainsi que Messieurs Narbonne, Philippe et Chenard. Tachons d'en savoir en peu plus sur ces acteurs, à commencer par la plus célèbre à l'époque, Madame Dugazon !
Les acteurs de la pièce jouée ce 31 Octobre 1789 !
Madame Dugazon
Madame Dugazon, née Louise-Rosalie Lefèvre à Berlin en 1755,
d'un père maître de ballet et danseur (et d'une mère dont on ignore hélas tout),
avait pris le joli nom de Dugazon de son mari Jean-Henri Gourgaud, dont
c'était le nom de scène. Elle bénéficie d'une page Wikipédia sur laquelle on peut admirer 15 de ses portraits, à presque tous les âges de sa belle carrière. Le pauvre époux Jean-Henri n'a qu'une ridicule représentation de lui en costume de Sganarelle, mais tant pis pour lui, car on disait qu'il était jaloux et brutal. Rosalie dû même porter plainte contre lui parce qu'il l'avait menacée de mort et ils finirent par divorcer en 1794. (Source).
Vous noterez au passage, qu'au XVIIIe siècle, les femmes savaient porter plaintes contre leurs maris brutaux. (Il faudra que je vous écrive un article dédié à ce sujet, car j'ai trouvé d'autres exemples).
Quelques avis de ses contemporains.
Madame Vigée-Lebrun
Madame Vigée-Lebrun
Voici ce que la célèbre artiste-peintre et amie de Marie-Antoinette,
Madame Vigée-Lebrundisait de Louise-Rosalie :
"J'arrive enfin à celle dont j'ai pu suivre toute la
carrière dramatique, au talent le plus parfait que l'Opéra-Comique ait possédé,
à madame Dugazon. Jamais on n'a porté sur la scène autant de vérité. Madame
Dugazon avait un de ces talents de nature qui semblent ne rien devoir à
l'étude.
On n'apercevait plus l'actrice ; c'était Babet, c'était la comtesse d'Albert ou
Nicolette. Noble, naïve, gracieuse, piquante, elle avait vingt physionomies, de
même qu'elle faisait toujours entendre l'accent propre au personnage, et son
chant n'annonçait aucune autre prétention. Elle avait même la voix assez
faible, mais cette voix suffisait au rire, aux larmes, à toutes les situations,
à tous les rôles.
Grétry et Daleyrac, qui ont travaillé pour elle, en étaient fous, et j'en étais
folle."
On devine dans ce témoignage de l'enthousiasme, de l'émotion et plus encore.
Je tiens cette information de source sure, c'est-à-dire du
Comte d'Hézècques, membre du forum de Marie-Antoinette ! (Je suis sérieux) 😂
Madame Dugazon avait gravi rapidement les échelons de la
renommée grâce au célèbre compositeur André Grétry et à Mme Justine Favart,(Danseuse classique, artiste lyrique, auteure
dramatique, actrice, écrivaine), l'épouse de Charles Simon Favart(Dramaturge, librettiste, écrivain et acteur). Le nom de ce couple célèbre fût donné au Théâtre.
J'ai découvert une autre version beaucoup plus "piquante" (ou perfide) concernant
les "qualités" de Madame Dugazon que je vous invite à lire dans les
souvenirs du journaliste Georges Touchard-Lafosse, qui assista à
cette représentation du 31 octobre 1789.
Vous pourrez constater en lisant l'extrait ci-dessous, que ses souvenirs sont quelque peu différents des touchants émois de
Madame Vigée-Lebrun !
"L'administration du Théâtre Italien se félicitait
d'une réussite qui semblait devoir lui ouvrir un nouveau filon aurifère,
lorsque tout-à-coup une indisposition de Madame Dugazon vint arrêter le char de
triomphe du Sire de Créqui. C'est un grand abus au théâtre, que celui des indispositions ; surtout lorsqu'elles résultent, comme celle de madame Dugazon,
d'une grande opulence de santé…… On racontait, en 1789, des choses prodigieuses
touchant les galanteries de cette charmante actrice : si l'on comparait ce
genre d'exploits à ceux de la vaillance guerrière, il faudrait remonter
jusqu'aux preux de la table ronde pour trouver des prouesses comparables à
celles de l'amoureuse en chef du Théâtre Italien. On conçoit que lorsqu'une
dame se livre avec cette intrépidité au culte des amours, il est difficile
qu'elle soit bien fidèle à celui des beaux-arts : aussi madame Dugazon, aidée
des complaisances de son médecin, se disait-elle indisposées fort souvent, et
chaque fois que cela arrivait, ses camarades, qui savaient à quoi s'en tenir,
montraient un scepticisme rebelle à tous les certificats de la faculté
parisienne."
Les archives de l'Académie
Moins perfide et surtout plus professionnelle, on peut lire une autre biographie de Madame Dugazon dans cet ouvrage très pratique rédigé par l'archiviste Emile Campardon à partir des archives de l'académie. Il détaille toutes les actrices et acteurs du Théâtre italien durant deux siècles, en donnant leurs biographies professionnelles et nombre de détails les concernant :Les comédiens du roi de la troupe italienne pendant les deux derniers siècles.
Cliquez sur le texte ci-dessous pour accéder à la fiche de Madame Dugazon :
En lisant le détail de cette petite biographie, vous constaterez que c'était réellement une très grande actrice. Elle enthousiasma les parisiens lorsqu'elle interpréta le rôle de Nina, dans le drame en un acte "Nina, ou la folle par amour", présenté pour la première fois, le 15 mai 1786. "De mémoire d'homme, on n'avait pas souvenir d'un pareil succès".
Le compositeur Grétry la couvrit d'éloge dans ses mémoires. Je vous avoue que je préfère cette dernière description de Madame Dugazon, à celle de Touchard Lafosse.
Madame Dugazon dans le rôle de Nina
On entend parfois des gens dire qu'ils auraient aimé être à la prise de la Bastille, ou à tel ou tel autre grand événement. Je vous avoue pour ma part que j'aurais aimé assister à cette représentation du 31 octobre 1789.
N'aimeriez-vous pas, comme moi, écouter chanter Madame Dugazon ? Fermez les yeux et écoutez la vidéo si dessous. Il s'agit de la romance de Nina "Quand le bienaimé reviendra", celle que Louise Rosalie chanta pour la première fois sur scène le 15 Mai 1786 et qui bouleversa le "tout Paris".
Le "tout Paris"
Quand je dis le "Tout Paris", sachez qu'un assez grand nombre de Parisiens pouvait effectivement se rendre au théâtre italien, car les premiers prix étaient "relativement" abordables. Un travailleur journalier parisien ne gagnant qu'entre 12 et
20 sols par jour (plus souvent 15), il ne pouvait bien évidemment pas aller à ce théâtre lyrique (Le
pain coutait 14 sols et demi le 14 Juillet 1789). Mais un artisan gagnait déjà
entre 20 sols (1 livre) et 50 sols (2 Livres et 10 sols) par jour et il existait nombre de professions où les salaires étaient plus "confortables".
En 1783 lors de la soirée d'inauguration de la Salle Favart, en présence de la Reine Marie-Antoinette, les places du parterre coûtaient 1 Livre et 4 sols, soit 24 sols.
Le parterre était le moins cher, parce que l'on y était debout et que la cire chaude des lustres au plafond vous coulait dessus...
Un dernier détail concernant Madame Dugazon. Elle était royaliste...
Eh oui ! La belle Louise-Rosalie était royaliste et surtout fidèle à la Reine. Un soir de 1792, lors d'une représentation en présence de la
Reine, elle eut le courage de venir chanter sur le devant de la scène, en
s'adressant à Marie-Antoinette, l’air "Ah ! Combien j’aime ma maîtresse." de Lisette dans la pièce "Les événements imprévus". Elle n'alla cependant pas jusqu'à faire ce que disent les paroles qui suivent dans cette jolie chanson, à savoir " Mon sort suivra le sien". Car elle se fit ensuite très très discrète jusqu'en 1795.
Nous verrons plus tard que la Révolution sera à l'origine
d'un schisme au sein des troupes d'acteurs. Certains resteront fidèles à la
reine et au roi (à qui ils devaient tant) et d'autres prendront le parti de la
Révolution.
Le couple Dugazon sera lui-même frappé par le
séisme révolutionnaire, Louise-Rosalie prenant courageusement le parti de la
reine et Jean-Henri celui de la Révolution (A se demander quelles furent leurs
intimes motivations). Jean-Henri fera même partie des sans-culottes ramenant à
Paris la famille royale arrêtée à Varenne lors de sa fuite, en juin 1791.
ROYALISTE ? 😱
(Personne n'est parfait !) ((Scène finale du film "Certains l'aiment chaud"))
Voilà pour la vedette, mais n'oublions pas les autres acteurs !
Jeanne-Charlotte de Saint-Aubin en 1798
Madame de Saint-Aubin ?
De son vrai nom Jeanne-Charlotte Schroeder, née en 1764 dans une famille d'artistes, elle joua pour la première fois vers l'âge de 9 ans, devant le roi Louis XV, et à 11 ans elle faisait partie de la troupe de la Montansier !
Cette chanteuse soprano que l'on surnommait "la perle de la comédie italienne" interpréta avec talent pendant 22 ans plus de 200 rôles différents.
Il n'y a que des choses gentilles à son propos sur sa page Wikipédia. Il est même dit qu'elle partagea le produit de sa représentation de
retraite avec la veuve de l'acteur comique Dozainville.
Quant
à sa prestation de ce 31 octobre 1789, l'ami Georges Touchard-Lafosse, nous dit
qu'elle et Dugazon "inspirèrent un véritable délire".
Elle se prénommait semble-t-il Rose. Je ne n'en suis pas
certain, car il se peut qu'il y ait confusion avec sa sœur ainée. Cette soprano
débuta sa carrière à l'âge de 13 ans, le 22 octobre 1785, dans le rôle de Babet
dans "Les Trois Fermiers" (paroles de Montvel). Elle avait une sœur
ainée déjà chanteuse au théâtre italien, connue sous le nom de "Renaud
l'ainée", qui eut la délicatesse de l'accompagner sur scène lors de sa
première apparition publique, ainsi qu'une sœur cadette, Sophie, qui commença
sa carrière le 21 avril 1788.
Chose curieuse concernant Narbonne, s'il s'agit bien de lui, Campardon nous dit qu'il prit sa retraite en 1787. Faisait-il un extra en jouant ce soir-là ?
Voici également le début de l'article le concernant :
Georges Touchard dans ses souvenirs émet ces deux avis brefs
les concernant :
Philippe, excellent acteur et mauvais chanteur,
Narbonne, très bon chanteur et acteur médiocre,
Chenard !
Nous terminons par Simon Chenard, car il faut bien terminer cet
article avec une belle image de la Révolution !
Notre ami journaliste n'en dit que du bien :"Chenard,
homme d'un grand talent sous les deux rapports, réunit tous les suffrages dans
le rôle de geôlier, qui par la suite, devint type pour toutes les troupes
d'opéra-comique."
Campardon ne lui consacre qu'une note en bas de page, la voici :
Mais Chenard a laissé une plus belle trace dans l'histoire
de la Révolution que ses deux compères Philippe et Narbonne. Apprenez que c'est lui qui
est représenté en sans-culotte tenant drapeau et pipe au bec, dans le célèbre
tableau de Louis Léopold Boilly, dit La Bassée, peint en 1792 !
Conclusion
J'espère que ce long article vous aura intéressé. Vous aurez
pu constater que sous l'ancien régime, tout dépendait du Roi et de ses proches, et que le théâtre
était très contrôlé.
N’oublions pas que c’est la Révolution, qui par la loi du
13 Janvier 1791 sur la Liberté des Théâtres, autorisera tout citoyen à«
pouvoir élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tous les
genres, en faisant, préalablement à l’établissement de son théâtre, sa
déclaration à la municipalité des lieux ». Ce sera ainsi la fin du privilège
théâtral de l’ancien régime, détenu par la Comédie-Française.
Merci pour votre lecture,
Bertrand Tièche, alias le Citoyen Basset ! 😉
Post Scriptum :
J'espère que vous me pardonnerez le titre accrocheur de cet article, ainsi qu'une ou deux facéties. J'aimerais tbien qu'il soit lu par plus de 3 ou 4 personnes.