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(Sans commentaire) |
Petite précision utile : En 1789, le mot "empire"
désigne l’étendue territoriale d’un Etat et non-pas un régime politique.
Je vous donne à lire ci-dessous le procès-verbal de la
séance qui s'est tenue à l'Assemblée nationale. Mais comme seuls les
Corses sont autorisé à parler des Corses, vous pourrez accéder en bas de cette page à un article
intéressant sur "la relation ambiguë de la Corse avec la Révolution française",
rédigé par Monsieur Jean-Pierre Girolami et publié le 31 juillet 2019 dans honorable journal
Corse Matin.
Adresse
de la municipalité de Bastia sur les troubles de cette ville, lors de la séance
du 30 novembre 1789
M. de Volney, l’un des secrétaires, fait lecture d'une
lettre écrite par les membres de la commune de Bastia, dans l'île de Corse, par
laquelle ils exposent à leurs députés les événements survenus dans l'île et
l'adhésion du peuple corse à la constitution française. La voici :
« Messieurs, l'orage vient enfin d'éclater ; voici le récit
très-précis du fait tragique arrivé entre les bourgeois de Bastia et le
régiment du Maine.
« Le 5 du courant, après en avoir amplement prévenu M. le
vicomte de Bassin (plus probablement Charles de Barrin), commandant de Corse, toute la ville s'est assemblée dans
l'église paroissiale de Saint-Jean, afin de procéder à l'enregistrement de la
garde nationale. Le commandant lui-même a bien voulu venir parmi les citoyens
dans l'église. Dans le temps que les bourgeois étaient paisiblement entrés dans
la salle, on entend battre la générale et aussitôt on vient pour avertir que M.
de Rouilles, colonel du régiment du Maine, à la tête de sa compagnie de
grenadiers, marchait à droite, et M. de Tissonet, capitaine, à la tête des
chasseurs à gauche, pour s'emparer de notre salle, et pour nous en chasser. 25
à 30 de nos braves bourgeois, avec quelques fusils, se sont présentés pour nous
défendre ; mais à peine les chasseurs commandés par M. de Tissonet les ont-ils
aperçus qu'ils ont fait feu sur eux. Nos citoyens, en défendant leur vie,
lâchèrent à leur tour des coups sur la troupe et par ce moyen les obligèrent à
rétrograder.
« Il y a eu du sang répandu ; savoir : deux soldats tués,
deux blessés ; et M. de Tissonet ci-présent est lui-même blessé. Parmi les
citoyens, il n'y a eu de tués que deux petits enfants, qui ont été massacrés » dans les rues à coups de baïonnette. Cette action barbare de la part des
soldats a tellement révolté le peuple, qu'elle l'a porté à s'emparer de la
citadelle, des magasins à poudre, des armes et de tous les forts de la ville,
sans que cependant (grâce à Dieu) il s'en soit suivi d'autres accidents
funestes.
« Après quoi la garde nationale fut enregistrée et tout le
peuple a prêté un nouveau serment de fidélité à la loi, au Roi et à l'Assemblée
nationale, dans les mains de la municipalité. Le procès-verbal contenant tous
les faits va vous arriver par le premier courrier. Mais nous avons cru qu'il
n'y avait pas un instant à perdre pour vous prévenir que dans toute l'île, il y
a une fermentation terrible, dont la cause est l'incertitude dans laquelle nous
nous trouvons sur notre sort. L'on nous dit, tantôt que l'on veut nous garder
sous le régime militaire actuel ; tantôt que l'on va nous céder à la république
de Gênes, et notre inquiétude est d'autant plus fondée, que jusqu'à présent, de
tous les décrets de l'Assemblée, il n'y a eu d'enregistré et publié que la loi
martiale.
« Vous êtes, Messieurs, chargés par vos cahiers de demander
que l'île de Corse soit déclarée partie intégrante de la monarchie et nous ne
pouvons vous cacher que nous sommes très-étonnés de voir que vous ne présentez
jamais cette demande à l'Assemblée nationale.
« Vous avez beau nous dire que votre admission comme députés
nous déclare par le fait province de France, cela ne suffit pas. Le ministère
nous a conquis par la force, et d'après un traité passé avec la République de
Gênes, qui n'avait nullement le droit de nous céder. Pour notre sûreté et pour
que nous soyons Français à jamais, ce qui est notre unique vœu, il nous faut un
décret de la nation sur une demande faite par vous, Messieurs, qui êtes nos
représentants librement et légalement élus.
« Nous attendons votre réponse avec le plus grand
empressement et soyez sûrs qu'elle décidera de la tranquillité du pays.
« A présent tout va bien, la milice nationale monte la garde
à la porte du général, au port, à la citadelle, et partout où il y a besoin de
sentinelles. Veuillez bien, en attendant le procès-verbal, représenter à
l'auguste Assemblée nationale que nous avons pris les armes pour faire exécuter
ses décrets, et que nous ne les quitterons point qu'ils n'aient été exécutés.
« Signé : Galearini, Guâsco, Morati, membres de la commune de
Bastia. »
La lecture de cette lettre est suivie de celle d'une adresse
d'un grand nombre de citoyens de la ville d'Ajaccio, en date du 31 octobre, par
laquelle ces citoyens se plaignent que la commission intermédiaire, de concert
avec le régime militaire sous lequel l'île gémit, s'est opposée jusqu'à ce jour
à toute assemblée patriotique et formation de milice nationale. Ils
représentent d'une manière très-énergique les droits et le désir qu'ils ont de
participer à la régénération de l'empire français. Ils réclament contre les
vexations de toute espèce dont ils sont accablés. Ils protestent contre les
calomnies dont on noircit les prétentions du peuple corse. Ils assurent que son
vœu général, exprimé librement dans ses cahiers, est d'être réuni à la nation
française devenue libre, et que toute sa crainte est d'être remis sous le joug
des Génois, ou de continuer d'être gouverné militairement, comme il l'a été
jusqu'à ce jour. Ils désavouent toute expression des sentiments de la Corse qui
émanerait de la commission des douze et s'en réfèrent exclusivement à leurs
députés dans l'Assemblée nationale. Enfin ils supplient l'Assemblée d'une manière
pathétique de prendre en considération l'état dangereux et déplorable de l'île
de Corse.
Discussion
suite à l'adresse de la municipalité de Bastia sur les troubles de cette ville,
lors de la séance du 30 novembre 1789
M. Salicetti. Je demande qu'il soit rendu sur-le-champ un
décret par lequel il sera déclaré que la Corse fait partie de l'empire français
; que ses habitants doivent être régis par la même constitution que les autres
Français, et que dès à présent le Roi sera supplié d'y faire parvenir et
exécuter tous les décrets de l'Assemblée nationale.
M. d'Estourmel. Je propose de dire que le décret est rendu
sur la demande et le libre consentement des habitants de la Corse.
M. Target fait remarquer, à propos de l'envoi des décrets de
l'Assemblée nationale en Corse, qu'il faut dire que le pouvoir exécutif sera
requis et non pas sera chargé d'envoyer les décrets.
M. Brunet de Latuque. C'est honorer la nation que de rendre
hommage à son chef, et je propose de dire, comme par le passé, que le Roi sera
supplié d'envoyer les décrets.
Décret
du 30 novembre 1789 portant que la Corse fait partie de l'empire français
M. le Président prend le vœu de l'Assemblée et le décret
suivant est rendu :
« L'île de Corse est déclarée partie de l'empire français ;
ses habitants seront régis par la même constitution que les autres Français, et
dès ce moment le Roi est supplié d'y faire parvenir et publier tous les décrets
de l'Assemblée nationale. »
Motion
de M. le marquis de Sillery sur les pays attachés à l'empire français, lors de
la séance du 30 novembre 1789
M. le marquis de Sillery. Nous n'avons que trop d'exemples
de démembrements de la monarchie, et la Louisiane, un de nos plus beaux
établissements, a été cédée aux Espagnols sans le consentement de la nation. Je
fais donc la proposition de décréter que, dans aucun cas, le pouvoir exécutif
ne pourra céder aucun pays ou partie de pays attaché à l'empire français, ou y
appartenant,' sans avoir consulté la nation.
Motion
de M. le comte, de Mirabeau concernant les Corses expatriés, lors de la séance
du 30 novembre 1789
M. le comte de Mirabeau. Messieurs, après avoir rendu le
décret qui déclare la Corse partie de l'empire français, il s'en présente un
autre qui en est la suite nécessaire et que je propose en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que ceux des Corses qui,
après avoir combattu pour la liberté, se sont expatriés, par l'effet et la
suite de la conquête de leur île, et qui cependant ne sont coupables d'aucuns
délits légaux, auront dès ce moment la faculté de rentrer dans leur pays pour
y exercer tous les droits de citoyens français, et que le Roi sera supplié de
donner, sans délai, tous les ordres nécessaires pour cet objet. » Ce projet de
décret est vivement applaudi par la grande majorité de l'Assemblée.
Discussion
suite à la motion de M. le comte, de Mirabeau concernant les Corses expatriés,
lors de la séance du 30 novembre 1789
M. le prince de Poix. Si ce décret rendu, il pourrait
occasionner une révolte Pile, et ses anciens habitants, coupables la France,
rapporteraient dans leur patrie le venir de leur défaite, et seraient bientôt
d'abuser de l'indulgence de la nation. Je propose de consulter le pouvoir exécutif
avant de prendre un parti.
M. Salicetti. C'est la province de Corse même qui réclame
ceux de ses anciens qui ne sont pas chargés des crimes que la des lois doit
punir ; c'est elle qui redemande la France des citoyens français.
M. Gaultier de Biauzat. Je demande suppression des mots
délits légaux comme une expression obscure et incohérente.
M. le comte de Mirabeau. Toute est levée par ces mots : qui
ne sont d'aucuns délits légaux ; car je ne pense pas personne ici puisse
regarder comme envers la nation des citoyens dont le crime que serait d'avoir
défendu leurs foyers et liberté. J'ai dit des délits légaux, parce qu'il a que
les actes contraires aux lois protectrices l'homme qui méritent d'être punis.
Je ne pas comment la liberté, quand elle est de tous délits de ce genre,
pourrait n'être sous votre sauvegarde.
J'avoue, Messieurs, que ma première jeunesse a été souillée par une
participation à la conquête de la Corse ; mais je ne m'en crois que plus étroitement obligé à
réparer envers ce peuple généreux ce que ma raison me représente une injustice. Une
proclamation a prononcé la peine de mort contre les Corses qui ont défendu leurs foyers,
et que l'amour de la liberté a fait fuir. Je vous le demande, serait-il de votre
justice et de la bonté du Roi que cette proclamation les éloignât encore de leur pays, et
punît de leur retour dans leur patrie ?
M. le vicomte de Mirabeau. Vous prétendez que l'expression de délits
légaux est parfaitement claire : ce qui prouve qu'elle est obscure, c'est que vous êtes obligé
d'en donner l'explication.
M. de Bousmard. Je demande la de cette phrase : qui, après
avoir combattu la défense de leur liberté, comme injurieuse à nation et à la
mémoire du feu Roi. '
M. Salicetti. Je ferai remarquer à que la motion de M. le
comte de répond à un article exprès du cahier de l'île Corse.
M. Barrère de Vieuzac. Il faut se hâter décréter une motion
aussi honorable que qui est proposée ; il faut que Paoli lui-même apprenne à
devenir Français ; un tel défenseur de la liberté de son pays est digne d'une
nation qui a secoué si courageusement ses fers.
(L'Assemblée devient très-tumultueuse, une partie de la
salle réclame l'ajournement, la majeure partie veut passer au vote.)
M. Dupont (de Bigorre). Je demande que certains membres
soient nommés dans le procès-verbal comme perturbateurs des délibérations de
l'Assemblée.
M. le comte de Mirabeau. On dirait, Messieurs ; que le mot
de liberté fait ici sur quelques hommes la même impression que l'eau sur les hydrophobes
..... Je persiste à demander que mon projet de décret soit mis aux voix ; et,
pour lever les scrupules de quelques personnes, je substitue à ces mots :
délits légaux, ceux-ci : délits déterminés par la loi.
M. de Montlosier. Si l'on adopte la motion, il faut en même
temps ordonner la retraite des troupes qui sont en Corse, à moins qu'on ne
veuille qu'elles soient massacrées. Je demande l'ajournement.
M. le Président veut mettre la motion aux voix ; plusieurs
membres s'y opposent. Une grande partie de l'Assemblée se lève pour exprimer un
vœu contraire à cette opposition.
Les voix prises, il est décidé qu'on délibérera
sur-le-champ.
L'ajournement proposé est rejeté.
Plusieurs membres prétendent n'avoir pas entendu poser la
question de l'ajournement.
Le président conjure l'Assemblée de laisser recommencer
l'épreuve, par amour pour la paix. Cette seconde épreuve donne le même
résultat.
M. Lavie. Je demande que les Corses qui rentreront dans
l'île soient tenus de prêter serment de fidélité.
M. Salicetti. Leur retour seul prouvera leur fidélité et le
nom de Français que vous leur avez donné, suffira pour l'assurer.
La question préalable est demandée sur les amendements.
Il est décidé qu'il n'y a pas lieu à délibérer à leur égard.
M. de Montlosier. Je demande qu'il me soit au moins permis
de présenter un amendement relatif au général Paoli ; j'ai sur cet objet de
grandes instructions.
Décret
du 30 novembre 1789 sur les Corses expatriés
On délibère sur la motion principale, et est adoptée à une
grande majorité en ces termes :
L'Assemblée nationale décrète que les Corses qui , après
avoir combattu pour la défense de leur liberté, se sont expatriés par l'effet
et les suites de la conquête de l'île de Corse , et qui cependant ne sont
coupables d'aucuns délits déterminés par la loi, ne puissent être troublés dans
la faculté de rentrer dans leur pays, pour y exercer tous leurs droits de
citoyens français, et que M. le président soit chargé de supplier Sa Majesté de
donner, sans délai , tous les ordres convenables à ce sujet. »
Voici également pour agrémenter cet article, quelques estampes de héros corses du 18ème siècle. (Je risque gros si je vous dis où je les ai trouvées.)
(Sans commentaire)