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Fairfax tenant la tête du roi Charles 1er |
La première, de 1642 à 1651, appelée la grande rébellion avait renversé le roi Charles 1er et mise sur le trône Oliver Cromwell. Notons au passage qu'ils furent également les premiers à décapiter leur roi, puisque Charles 1er fut décapité à la hache le 30 Janvier 1649 !
La seconde, de 1688 à 1689, appelée la glorieuse révolution, avait renversé Jacques II et entraîné l’accession au trône de Mary II et Guillaume III.
On comprendra donc pourquoi les députés de l’Assemblée nationale s’inspiraient
très souvent des institutions anglaises dans leurs projets de réformes. Cet
intérêt de nos députés trouvait d'ailleurs sa réciproque chez quelques
gentlemen d’outre-manche, certaines organisations anglaises s’enthousiasmant
à propos de la révolution qui vient de commencer en France.
Un Duc anglophile.
Duc de la Rochefoucauld |
Les admirateurs étrangers.
Avant que tous les Princes d’Europe se décident à faire la
guerre à la France, la nouvelle de la Révolution française, comme le dit le Duc
de la Rochefoucauld au début de son intervention, avait effectivement suscité « l'admiration
des étrangers ».
D’Emmanuel Kant à Richard Price
Emmanuel Kant |
"Même si le but visé par cet événement n’était pas encore aujourd’hui atteint, quand bien même la révolution ou la réforme de la constitution d’un peuple aurait finalement échoué, ou bien si, passé un certain laps de temps, tout retombait dans l’ornière précédente (comme le prédisent maintenant certains politiques), cette prophétie philosophique n’en perd pourtant rien de sa force. Car cet événement est trop important, trop mêlé aux intérêts de l’humanité, et d’une influence trop vaste sur toutes les parties du monde pour ne pas devoir être remis en mémoire aux peuples à l’occasion de certaines circonstances favorables et rappelé lors de la reprise de nouvelles tentatives de ce genre. " (…) "Dès le début, la Révolution française ne fut pas l’affaire des seuls Français."
Emmanuel Kant - Le Conflit des Facultés et autres textes sur la révolution. (1798)
Richard Price |
D’autres de ces admirateurs sont moins connus, du moins en France, comme Richard Price. Le Gallois Richard Price était non seulement un philosophe de l’éthique plutôt anticonformiste, un prédicateur de la très radicale Newington Green Unitarian Church et un mathématicien statisticien (il a écrit sur des questions de démographie et de finance) ; c’était aussi un pamphlétaire politique, très actif dans des causes radicales, républicaines et libertariennes. Bien que sujet de l’empire britannique, il avait défendu la cause des colons insurgés en Amérique durant la guerre d’indépendance, appelée aussi « Révolution américaine ». Price n’était pas n’importe qui, il avait été visité par les pères fondateurs des États-Unis tels que Benjamin Franklin , Thomas Jefferson et Thomas Paine ; des politiciens britanniques tels que Lord Lyttleton , le comte de Shelburne , Earl Stanhope, le premier ministre William Pitt et même les philosophes David Hume et Adam Smith !
A l’occasion du 101ème anniversaire de la Glorieuse Révolution le 4 novembre 1789, Richard
Price avait prêché un sermon intitulé Un discours sur l'amour de notre
pays et avait ainsi déclenché une guerre des brochures connue sous le
nom de Controverse sur la Révolution. Price avait établi
un parallèle audacieux entre la Glorieuse Révolution de 1688 (celle célébrée
par le dîner de la London Revolution Society) et la Révolution française de
1789, affirmant que la première avait propagé des idées éclairées et ouvert la
voie à la seconde. Price avait exhorté le public à se débarrasser des
préjugés nationaux et à embrasser la « bienveillance universelle », un concept de
cosmopolitisme qui impliquait le soutien à la Révolution française et le
progrès des idées « éclairées ».
L’homme politique irlandais Edmund Burke attaquera
Price dans son célèbre pamphlet contre la Révolution française, publié en
novembre 1790. Cette polémique inspirera le caricaturiste James Gillray,
graveur de l’estampe ci-dessous, sur laquelle on voit le nez de Burke, renifler
le rat Price. On peut remarquer à terre, le texte du fameux discours prononcé
le 4 novembre 1789 par Price devant la London Revolution Society.
"L'athée républicain dérangé dans ses machinations de minuit" |
La London Revolution Society
Cette association s’était constituée en 1788, sous prétexte de commémorer le centenaire de la Glorieuse Révolution de 1688 et du débarquement de Guillaume III. Elle entretiendra par la suite une correspondance avec de nombreux clubs jacobins à Paris et ailleurs en France. Elle deviendra la London Corresponding Society avant de s’éteindre peu à peu. Certaines sources disent que ses membres désapprouvaient les méthodes devenues violentes des Jacobins français (Dans ce cas, ils ignoraient probablement toutes les actions engagées par leur Ministre William Pitt, pour créer le désordre en France, désordre générateur de violence : impression de faux assignats, financements de groupes révolutionnaires violents, soutient aux nobles émigrés, etc.). Mais d’autres sources affirment que cette société, comme d’autres à l’époque, devinrent peu à peu inactives sous l’effet de la réaction conservatrice du gouvernement anglais de 1792–1794. Elles furent en effet victimes de procès pour sédition. William Pitt le Jeune lança même en 1794 des procès pour trahison.
Retour à l’Assemblée nationale
Revenons au sein de l’auguste Assemblée nationale et écoutons
le duc de la Rochefoucauld lire le message adressé par nos amis anglais :
Présentation
par M. le duc de la Rochefoucauld d'une adresse de la société anglaise de la
Révolution, lors de la séance du 25 novembre 1789.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1878_num_10_1_3894_t1_0256_0000_3
M. le duc de la Rochefoucauld :
Les opérations de l'Assemblée
nationale ont excité la reconnaissance de tous les Français et l'admiration des
étrangers ; c'est un hommage étranger que j'ai l'honneur de vous présenter.
"La société qui se rassemble à Londres pour célébrer l'anniversaire de la révolution de 1688 a cru devoir offrir à l'Assemblée nationale de France un hommage pur, qu'aucune prévention de nation à nation n'a pu empêcher. Cette société est présidée par lord Stanhope ; elle a pour secrétaire le docteur Price ; tous les deux sont célèbres par leurs lumières dans les sciences, et par leur zèle pour les libertés publiques ; elle est composée de trois cents membres aussi distingués par leurs talents que par leur naissance.
Cette société, dégagée de toute prévention nationale et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent en France sur le pouvoir arbitraire, présente à l'Assemblée nationale ses félicitations et le plaisir qu'elle ressent en voyant que bientôt les deux premières nations participeront en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. Elle espère, et c'est l'objet de tous ses vœux, que l'influence du glorieux exemple donné par la France aux autres nations concourra puissamment à rendre le monde entier heureux et libre.
On avait déjà, selon l'usage, fait circuler plusieurs toasts patriotiques, lorsque le docteur Price, si avantageusement connu par des écrits aussi lumineux que pleins d'énergie en faveur de l'indépendance de l'Amérique, proposa une motion qui fut adoptée à l'unanimité.
Il a été résolu unanimement que copie de ladite résolution serait signée par le président au nom de la société, et envoyée à l'Assemblée nationale de France."
Copie d'une lettre de lord Stanhope à M. le duc de la
Rochefoucauld.
"Du 6 novembre 1789.
C'est avec une grande satisfaction que j'ai l'honneur de vous envoyer deux résolutions unanimes d'une assemblée très-nombreuse et très-respectable, de la société établie en Angleterre, pour célébrer la fameuse révolution de 1688. Ces motions ont été reçues avec l'approbation la plus marquée, et des acclamations réitérées. Oserai-je vous prier, de la part de l'assemblée, de présenter ces résolutions à l'Assemblée nationale de France ? Je vous prie de me croire avec le plus grand respect et sincère attachement,
Monsieur le duc,
Votre très-humble, etc.
Signé : Stanhope."
Extrait d'un billet du docteur Price à M. le duc de la
Rochefoucauld.
"Stackent, près Londres, le 9 novembre 1789.
L'adresse de félicitations à l'Assemblée nationale de France qui se trouve ci-jointe, ayant été proposée par le docteur Price , il espère que le duc de la Rochefoucauld ne trouvera pas mauvais qu'il l'accompagne de quelques lignes, pour l'informer qu'elle a été adoptée, avec une ardeur que l'on peut difficilement exprimer, par une assemblée composée du comte de Stanhope, du lord-maire de Londres, de plusieurs membres du parlement d'Angleterre, et de plus de 300 personnes de distinction réunies, à l'occasion de l'anniversaire de la révolution anglaise, pour célébrer cet événement. Si les expressions de leur admiration, si les souhaits de prospérité qu'ils prient le duc de la Rochefoucauld de présenter pouvaient paraître une témérité de leur part, ils espèrent que l'Assemblée nationale de France voudra bien excuser cette démarche, comme l'effet d'une effusion de zèle dans la cause générale de la liberté publique, qu'aucunes considérations d'inconvenance n'ont pu retenir. Les représentants de la France travaillent pour le monde autant que pour eux, et le monde entier est intéressé à leur succès."
"To the national Assembly of France.
The Society for commemorating the revolution in Great Britain, disdaining national partialities, and rejoicing in every triumph of liberty and justice over arbitrary power, offer to the national Assembly of France their congratulations on the revolution in that country, and on the prospect it gives, to the two first kingdoms in the world, of a common participation in the blessings of civil and religious liberty. They cannot help adding their ardent wishes for an happy settlement of so important a revolution, and at the same time expressing the particular satisfaction with which they reflect on the tendency of the glorious example given in France, to encourage other nations to assert the unalienable rights of man-kind, and thereby to introduce a général reformation in the governments of Europe, and to make the world free and happy.
Resolved that the said resolution be signed by the chairman in the name of this meeting, and that it be by him transmitted to the national Assembly in France.
The two foregoing resolutions passed unanimously.
By order of the meeting.
Signed : STANHOPE, chairman of the meeting . London, november 4 th. 1789."
Traduction de la lettre de lord Stanhope, écrite, au nom
d'une société de Londres, à l’Assemblée nationale.
"La société réunie pour célébrer la révolution de la Grande-Bretagne, dédaignant toutes les préventions nationales, et se réjouissant de tous les triomphes que la liberté et la justice remportent sur le pouvoir arbitraire, présente, à l'Assemblée nationale de France ses félicitations sur la révolution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu'elle ouvre aux deux premiers empires du monde, de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La société ne peut s'empêcher d'unir ses vœux ardents pour l'heureux et complet succès d'une révolution si importante, et en même temps d'exprimer la satisfaction qu'elle éprouve en réfléchissant sur l'influence du glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l'humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernements de l'Europe, et à rendre le monde entier heureux et libre.
Arrête que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la société, et adressée par lui à l'Assemblée nationale de France.
Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité.
Par ordre de l'assemblée.
Signé : STANHOPE, président.
Londres, 4 novembre 1789."
Décision
d'envoyer les remerciements du Président à Lord Stanhope, lors de la séance du
25 novembre 1789
"La lecture de cette adresse produit dans l'Assemblée une grande sensation, qui se manifeste par des applaudissements réitérés.
Sur la motion de M. le duc de Liancourt, il est unanimement décidé que M. le président écrira à lord Stanhope, pour lui témoigner la vive et profonde sensibilité de l'Assemblée à la démarche que fait près d'elle la Société de la révolution."
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand