Source estampe : Université de Stanford |
L'Assemblée Nationale va décider ce jour de la suppression des étrennes offertes chaque début d'année aux agents de l'administration, "ainsi qu'aux
juges". Vous pourrez lire plus bas l'échange qui eut lieu à l'Assemblée, ainsi que le contenu du décret.
Cette antique tradition des étrennes pouvait effectivement ressembler à de la concussion ! La concussion étant le terme employé pour désigner une infraction commise par un représentant de l'autorité publique ou une personne chargée d'une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n'est pas due. Recevoir un cadeau sous prétexte d'étrennes, implique pour le receveur de rendre un service au donneur, ce qui dans le cas d'un service public s'apparente à une forme de corruption.
Déesse Strena (ou Strenua) |
Les traditions ayant la vie dure, ce décret de l'Assemblée
nationale ne suffit bien sûr par à supprimer les étrennes reçues par les
fonctionnaires de l'Etat.
Un religieux libertin et corrompu.
L'estampe illustrant cet article (en haut de page) montre Dom Chabot, distribuant des étrennes à la Nation. Il s'agit probablement de François Chabot, entré dans les ordres en 1772, qui s'était fait remarquer très vite par son libertinage, ce qui lui avait valu une interdiction de prêcher en 1788. Sous la Révolution, devenu Député à l’Assemblée législative, il siégea à l’extrême-gauche. Mais ce député aimait plus l'argent que la Révolution et l'on découvrit qu'il faisait payer chèrement sa protection aux émigrés rentrés en France, qu'il était censé arrêter. En 1793, Robespierre, l'incorruptible, le fera renvoyer du Comité de sûreté générale pour cette raison.M. le Président. Je propose à l'Assemblée que, sans
s'arrêter à aucun des plans de finances dont on lui a présenté le détail, elle
s'occupe uniquement de la motion qui termine le rapport qu'elle vient
d'entendre.
(Ce mode de procéder est adopté.)
M. Lanjuinais. Je demande que la défense de recevoir à
l'avenir quelque présent que ce soit, à titre d'étrennes, ne soit pas bornée
aux agents de l'administration, mais qu'elle soit étendue aux juges, et qu'ils
ne puissent recevoir, notamment, le présent de cire et de bougies.
M. Dupont (de Bigorre) s'écrie : Vous êtes professeur de
droit canon, pourquoi ne pas y ajouter les professeurs ?
(On rit beaucoup.)
M. Dusson de Bonnac, évêque d'Agen, présente un amendement
relatif à la peine de concussion.
M. Target. Je propose d'exprimer dans le décret que la
défense s'étend, non-seulement aux agents de l'administration, mais encore à
tous ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique.
M. d'AIlly. M. le ministre des Finances m'a déclaré que le
Roi allait donner des ordres pour faire cesser, au 1er janvier, toutes les
étrennes, et notamment celles que les commandants, intendants et autres agents
du pouvoir exécutif reçoivent des corps, villes et provinces.
La question préalable est réclamée sur tous les amendements et prononcée, sauf sur celui de M. Target.
Décret
du 27 novembre 1789 concernant les étrennes
La motion contenue à la suite du rapport de M. Lebrun est lue une seconde
fois, l'amendement de M. Target y est inséré et le décret suivant est rendu :
«L'Assemblée nationale, considérant que toute fonction publique est un devoir ; que tous les agents de l'administration, salariés par la nation, doivent à la chose publique leurs travaux et leurs soins ; que, ministres nécessaires, ils n'ont ni faveur, ni préférence à accorder, par conséquent aucun droit à une reconnaissance particulière ; considérant encore qu'il importe à la régénération des mœurs, autant qu'à l'économie des finances et des revenus particuliers des provinces, villes, communautés et corporations, d'anéantir le trafic de corruption et de vénalité qui se faisait autrefois sous le nom d'étrennes, vins-de-ville, gratifications, etc. , a décrété et décrète qu'à compter du 1er décembre prochain, il ne sera permis à aucun agent de l'administration, ni à aucun de ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique, de rien recevoir à titre d'étrennes, gratifications, vins-de-ville ou sous quelque autre dénomination que ce soit, des compagnies, administrations de provinces, villes, communautés, corporations ou particuliers, sous peine de concussion ; qu'aucune dépense de cette nature ne pourra être allouée dans le compte desdites compagnies, administrations, villes, corporations.
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Bertrand