dimanche 15 novembre 2020

15 Novembre 1789 : La garde nationale du Mans refuse de prêter serment et demande la libération des meurtriers du comte de Montesson

 


    Le serment à prêter était celui exigé pour toutes les forces armées, dans le décret pour le rétablissement de la sécurité publique, publié le 10 août 1789. (Voir l’article du 10 août).

    Cette amorce de rébellion constitue l’une des suites de la tragique émeute qui avait eu lieu à Ballon, près du Mans le 23 Juillet dernier, en pleine "grande peur", au cours de laquelle le Comte de Montesson et Monsieur Cureau avaient été assassinés par la foule.

    Je vous en ai rendu compte dans un article publié en date du 23 juillet. Pour vous raconter l’événement de ce jour, je reprends la source que j’avais utilisée alors, c’est-à-dire le journal tenu par le chanoine René-Pierre Nepveu.

    Cliquez sur l’image ci-dessous pour accéder à son journal, qui, je vous préviens, est écrit dans le français du 18ème siècle.

    Contrairement à mon article du 23 juillet, j’ai actualisé un peu l’orthographe, afin de vous en faciliter la lecture.


Révolte de la Compagnie de Mr de la Borde et de Mr de Praslin

« Le 15 novembre 1789, Mr Le Boindre, Colonel en second, avait fait assembler toute la Milice Citoyenne pour prester serment. Ils étaient tous assemblés sur la place des Jacobins ; il faisait très mauvais. Quand Mr Le Boindre les vit tous assemblés, il leur dit qu’il les avait fait assembler pour prêter serment de fidélité au Roy, à la Loi et à la Nation. La plus grande partie y consentit, mais la compagnie de Mr de La Borde, qui est le quartier de Gourdaine, le Pré, St Germain, dit hautement : point de serment, nous demandons la sortie des gens de Ballon ! Mr Le Boindre leur parla sans en rien tirer ; on s’attroupa. Il y a eu une partie de la Compagnie de Mr de Praslin, qui est le quartier de St Benoist, St Jean et St Gilles, qui ne vaut pas mieux que les autres, qui firent la même chose. Ils ne voulurent donc point prêter le serment, mais encore ils demandaient qu’il n’y eût point de compagnie de cavalerie. Quand ils virent Mrs Du Comité qui venaient pour leur faire prêter le serment, ils voulaient tirer sur eux, et sans la pluie, il y aurait eu beaucoup de monde de tué. Ils en voulaient surtout à Mr Négrier de la Ferrière, le Maire, Mr le Procureur du Roy et Mr de Launay, avocat, comme Membres du Comité. Il y eût un homme de tué, qui n’était pas de la Milice ; c’était un pauvre tailleur, de Gourdaine, à qui l’on a rendu les honneurs de la Sépulture, comme à un soldat de la Milice Citoyenne. Cela fit beaucoup de bruit. Le Régiment de Chartres monta à cheval et tout fut bientôt dissipé.

Le lundi 16, on fit assembler la Milice Citoyenne pour prêter le serment qui n’avait pas eu lieu la veille, à cause de la révolte. A trois heures après midi, tout le monde était sur la place des Jacobins. Mr de la Gandie, Lieutenant-Colonel, avait fait monter à cheval le Régiment, et avait placé des piquets dans différents endroits aux environs de la place, avec défense de laisser passer aucune femme surtout. Tout se passa bien, mais il n’y avait qu’un fusilier de la Compagnie de Mr de la Borde, et il en manquait beaucoup de la Compagnie de Mr de Praslin. Tous ceux qui étaient présents, prêtèrent le serment ; les absents, très fâchés de n’avoir pas été du nombre de concitoyens, demandèrent à prêter le serment. On fit encore assembler une fois tout le monde, le jeudi matin. Ce fut ce jour-là où tout se passa dans la plus grande union et satisfaction. Mr Le Boindre leur fit donc encore prêter le serment par Compagnie ; cette cérémonie dura très longtemps, après quoi on fit le tour de la Ville, savoir : une Compagnie de Dragons à la tête de la marche, la Compagnie à cheval, celle d’artillerie, celle des Grenadiers, celle des chasseurs et pour fermer la marche, c’était le reste des Dragons. Tout le monde se retira très content. »


Le 3 décembre 1789, les assassins subiront leurs châtiments.

En voici le compte rendu donné par notre chanoine :

« Le jeudi 3 décembre 1789, il y a eu une exécution des assassins de Mrs Cureau et de Montesson; il y en a eu un de roué vif, un de pendu, un de marqué aux deux épaules et un aux galères perpétuelles. Il y en a encore plusieurs de décrétés qui pourront subir le même sort, si on les prend. Comme on craignait une révolte de la part de la paroisse de Ballon et autres voisines, il y avait un nombre de 50 personnes par chaque compagnie de la Milice Citoyenne, qui étaient autour de la place des Halles, et tout le Régiment de Chartres était distribué par piquets dans différents quartiers de la Ville et aux environs de la place. Le tout s’est passé sans aucun murmure ; les trois qui ont été punis le méritaient bien. Celui qui a été roué s’appelle Barbier ; il était déjà vieux, l’autre pendu et un qui a été marqué à trois lettres. » 

Supplice de la roue - 1633 - Dessin de Jacques Callot


 

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Bertrand