dimanche 1 novembre 2020

1er Novembre 1789 : Un avis bien senti, adressé aux cultivateurs...

 Article mis à jour le 1er novembre 2022 😉


    Dans le supplément au Numéro 305 du Journal de Paris en date du dimanche 1er Novembre 1789, est publié un "Avis aux cultivateurs sur un nouvel engrais très avantageux".

Voici le texte de cet avis bien senti :

Par arrêt du Conseil, du 18 Avril 1789, le sieur Bridet a été autorisé à dessécher et à convertir en poudre, propre à former un engrais, les matières fécales provenant de la vidange des fosses de Paris.

Cet établissement, que l'intérêt des Cultivateurs sollicitait depuis longtemps pour les campagnes des environs de la Capitale, existe depuis plusieurs années à Rouen, ou différents Arrêts du Conseil et Lettres-patentes l'ont autorisé. Il a été approuvé et encouragés par les Sociétés d'agriculture de Paris et de Rouen. Un grand nombre de Cultivateurs, et même de Communautés entières d'habitants, en ont certifié et publié les avantages.

Cet engrais est le plus chaud et le meilleur qui soit connu. Il ne porte aucune odeur ; il n'altère en aucune façon le goût et la saveur des plantes ; il est infiniment supérieur au fumier ordinaire, aux cendres de tourbe, et même à la Colombine, ou fiente de pigeons.

On s'en sert pour engraisser et fertiliser les terres labourables, les prairies naturelles et artificielles, les vignes, les jardins potagers et les pépinières. Il convient pour les lins, les chanvres, les pois, les haricots, les oignons, et tous les légumes, pour les choux-fleurs, les artichauts, les asperges, les melons, les fleurs, les orangers, et en général toutes les plantes qui demandent beaucoup de chaleur.

La manière de l'employer est expliquée dans un avis plus détaillé qui a été remis à MM. Les Curés et Syndics des Paroisses, et que le sieur Bridet distribuera.

La quantité qu'il faut de cet engrais est communément de vingt-quatre boisseaux ou deux septiers, mesure de Paris, par arpent de terre labourable ou prairie.

Le prix est, pour le présent, de vingt sols le boisseau, ou de douze livres le septier.

Ainsi, non seulement cet engrais procure l'avantage d'une plus grande fertilisation, et d'une production abondante, mais il est infiniment économique ; 1° en ce que pour engraisser un arpent, il ne faut que deux septiers de poudre, qui coûtent vingt-quatre livres, tandis qu'il faut six charrettes de fumier ordinaire, qui, prises à Paris, reviennent au moins à quarante-deux ou quarante-huit livres ; et 2° en ce qu'une seule voiture qui ne conduirait qu'une charretée de fumier peut charger quarante à quarante-cinq septiers de poudre, qui font l'engrais de vingt arpents.

Les personnes qui voudront se procurer cet engrais pourront s'adresser au sieur Bridet, rue du Faubourg Saint-Martin, maison de M. Collet, n°105, et elles en trouveront tous les jours dans les magasins situés sur la voierie de Montfaucon. Le transport s'en fait dans des bacs ou des futailles, que le sieur Bridet ne s'engage pas à fournir.


Etonnant, non ?
    
    Eh oui ! N'oubliez pas que la campagne est aux portes de Paris. Ce que l'on appelle les Faubourgs de Paris est en grande partie constitué de jardins, de vergers, de vignes et de champs. Même au cœur de Paris se trouvent de nombreux petits jardins !

    Regardez toute cette verdure sur ce plan de 1726. Il y a quelques parcs, mais aussi et surtout des jardins et des champs.

    Plus de 85% de la population française était composée de paysans ! Et qui dit culture, dit besoin d'engrais !

    A la campagne il y a les excréments des bestiaux, mais à Paris, les foules étaient plus nombreuses que les troupeaux, bien que l'on recensât plus de 21000 chevaux en 1789 !

    Paris, contrairement aux idées reçues, n'était pas aussi sale que cela ! Les ordures et autres boues étaient bien récupérées et les rues nettoyées !


Le Paris du XVIIIe siècle, ville propre ! (Pour l'époque)

    Je vous propose de lire ci-dessous quelques extraits de cet article passionnant présentant le livre de Nicolas Lyon-Caen et Raphaël Morera, "À vos poubelles citoyens ! Environnement urbain, salubrité publique et investissement civique" (Paris, XVIe-XVIIIe siècle). Champ Vallon, coll. « L’environnement a une histoire », 240 p., 22 €

L'article entier se trouve ici : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/01/27/poubelles-histoire/

Vers 1750, le récit de voyage d’Hanna Dyab, marchand d’Alep, décrit « les rues de Paris, balayées, propres et entièrement nettoyées de toute saleté et ordure ». « Voilà », dit l’auteur, « le premier système organisé que j’ai pu observer dans la florissante ville de Paris » qu’il peut comparer avec les autres cités qu’il a traversées : Istanbul, Tunis, Livourne, Marseille, Lyon. Au même moment, lettrés, artistes, médecins, administrateurs, dressent à l’inverse le tableau boueux et malodorant d’une capitale encombrée par une accumulation de déchets, polluée par les eaux usées et stagnantes, infectée par les miasmes et menacée par la maladie.

(...) 

Aux déjections humaines, à tous les résidus liés aux consommations et aux activités productrices, il faut ajouter les conséquences de l’omniprésence animale. En 1789, on compte ainsi plus de 21 000 chevaux à Paris, force motrice essentielle autant qu’élément d’ostentation. Certes, le déchet non recyclable n’existe alors quasiment pas. Les peaux, les graisses, les carcasses de milliers de têtes de bétail consommés chaque année, les cendres de bois, peuvent être réemployées dans maints processus industriels et artisanaux ; les déchets ménagers sont réutilisés sur place ; boues et excréments s’avèrent de plus en plus précieux pour les cultivateurs des environs de Paris.

 (...)

À la veille de la Révolution, il reste néanmoins 30 000 tonnes d’ordures à évacuer chaque mois, ou l’équivalent annuel des 500 à 600 kilogrammes de déchets produits par habitant.

(...) 

L’assainissement mobilise, à un rythme qui devient quasi quotidien, jours fériés compris, des tombereaux numérotés, tirés par un à trois chevaux, dotés de roues métalliques pour accroître leur capacité de charge et dont on cherche progressivement à améliorer la fermeture et l’étanchéité. La circulation multipliée de ces véhicules exige l’entretien régulier du pavé et son extension progressive, mais aussi l’aménagement des « voiries », espaces dont on souhaite qu’ils soient contrôlés, servant à entreposer les boues et les déchets évacués avant leur valorisation.

(...) 

À la fin du XVIIIe siècle s’activent encore dans les rues plusieurs centaines de balayeurs employés par la ville pour nettoyer les espaces considérés comme publics (places, promenades boisées sur les anciens remparts) et une quarantaine de vidangeurs répertoriés avec leurs dizaines de salariés. En fonction de la saison mais aussi des fluctuations du marché du travail, on confie à des salariés non qualifiés et dépourvus d’emploi le soin de casser la glace et de déblayer la neige comme lors du rude hiver 1788 où l’on en compte près de deux mille. Le nettoiement fait alors office de chantier public pour les pauvres conjoncturels, sorte d’atelier de charité en plein air procurant une rémunération minimale.

(...) 

À la fin du XVIIIe siècle, quantité de services – éclairage, vidange des fosses, ramonage, approvisionnement en eau – sont ainsi progressivement mis en régie et confiés à des entrepreneurs privés sous la tutelle de l’administration.


La réforme de l'agriculture au XVIIe siècle 

« Sans engrais point de récoltes, sans bestiaux pas d’engrais dont l’effet soit prompt ; sans prairie artificielle point de bestiaux ; enfin, sans la suppression des jachères, point ou trop peu de prairies artificielles ; tout est lié en agriculture ; son système doit être complet. »
(Instruction de la Convention nationale, 1794 ; in Mazoyer et Roudart, histoire des agricultures du monde).

"Jusqu’au 16e siècle, en Europe, la pratique de la jachère (rotation céréale / jachère pâturée) n’a pas permis d’éviter les disettes et les famines : la fertilisation des parcelles par les animaux est insuffisante et la jachère favorise la prolifération des mauvaises herbes. C’est la suppression de la jachère au profit de la prairie artificielle qui va permettre à l’Europe de doubler ses rendements, et par conséquent de libérer de la main d’œuvre au profit de l’industrie naissante."

Encore un article intéressant que je vous conseille de lire en cliquant sur le l'image ci-dessous :
(Aujourd'hui, je me repose beaucoup sur le travail des autres) 😉


L'usage des engrais chimiques est très récent. Autrefois, tout était Bio !

    Ce livre datant de 1940 nous explique que l'usage des engrais chimiques ne remonte guère à plus de soixante-dix ans. (Faites le compte).

Source : https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1940_num_4_4_5929


Voici un extrait intéressant :

"Au début du XIXe siècle, Liebig affirme dans sa « Chimie appliquée à la physiologie végétale et à l'agriculture », que les plantes contiennent des sels minéraux, et qu'elles ont extrait des substances minérales du sol. Il conclut à la nécessité de restituer à la terre les sels dont elle a été privée progressivement par l'absorption végétale.

Très lentement, ces idées sont diffusées à la campagne. On commence à fabriquer des engrais azotés et potassiques à Valenciennes en 1838. L'usage des phosphates ne se généralise en France qu'après 1870 (découverte par Pomarède des gisements du Quercy et travaux de J.-B. Dumas et de Georges Ville). En 1871, la Société Saint-Gobain monte deux usines de fabrication des superphosphates : à Chauny et à Montluçon. En 1876, le Chili et le Pérou sont en guerre pour la conquête du seul gisement d'engrais nitrates connus. Le Chili l'emporte.

Jusqu'en 1914, on se contentera de rechercher et d'exploiter les sources minérales d'engrais. Les gisements de phosphates d'Algérie sont mis en exploitation en 1893, ceux de Tunisie en 1899 (ceux du Maroc seront découverts en 1917). On utilise concurremment les scories de déphosphorisation. Dans le domaine de l'azote, on utilise simultanément les nitrates du Chili et les engrais ammoniacaux provenant de la récupération des eaux usées ou de la purification des gaz de cokeries. A partir de 1 900, le procédé Birkeland-Eye permet de fabriquer des nitrates de chaux synthétiques, et l'on commence à utiliser la cyanamide calcique. La guerre de 1914 détermine un bouleversement complet du marché des engrais azotés. L'Allemagne, isolée des producteurs de nitrates, donne une portée industrielle au procédé Haber découvert à point nommé et permettant de fabriquer de l'ammoniaque à partir de l'azote de l'air. Après la guerre, dies cartels ont rassemblé producteurs d'azote synthétique et producteurs de nitrates pour résoudre la violente crise de concurrence ouverte entre les marchés de nitrates naturels et ceux d'azote industriel."

    A noter que le génial Fritz Haber qui permettra de nourrir plus de gens grâce à son invention, sera aussi le scientifique sans conscience morale qui fabriquera le gaz Zyklon B des chambres à gaz des Nazis.

"Science sans conscience, n'est que ruine de l'âme", comme disait Rabelais.


Information de la plus haute importance !

    Le procédé chimique de synthèse de l’ammoniac par hydrogénation du diazote (lequel représente 80% de la composition de l’atmosphère terrestre) a vraiment permis de nourrir la population en pleine croissance démographique et ce, à un coût réduit.

    Néanmoins, sa fabrication nécessite beaucoup d'énergie fossile, et peut-être l'ignorez-vous, mais nous approchons irrémédiablement de la fin des énergies fossiles, d'une part parce qu'elles produisent du CO2, mais aussi et surtout, parce que les gisements s'épuisent les uns après les autres, sans qu'on en trouve de nouveaux ayant même importance et facilité d'exploitation.

Voici un article bien inquiétant publié sur le site de BFM Business le 21 octobre 2021.

Cliquez sur l'image.

"Le prix des engrais flambe et les agriculteurs ne savent pas s'ils pourront fertiliser leurs champs dans quelques mois. Il existe bien des alternatives, notamment en agriculture biologique, mais elles ne sont pas jugées satisfaisantes."

J'aurais bien une idée, mais... 💩


Crise des engrais mais aussi crise de l'énergie

    Avec ce que l'on appelle communément "les boues", sachez que l'on peut également produire de l'énergie. Dans mon travail d'ingénieur thermicien, j'avais travaillé sur un projet d'incinération des boues d'une station d'épuration pour produire de la chaleur à destination du reseaux de chauffage urbain de Vénissieux.

    Si le sujet vous intéresse, j'ai trouvé cet article sur le site IFP Energies nouvelles (ancien institut français du pétrole) : Transformer les boues de stations d'épuration en éco-combustibles

    Mais je vous conseille surtout de regarder cette vidéo pleine d'humour qui vous explique le procédé !



Etonnant, non ? 😉💩



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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand