Redécouvrez la Révolution française, avec cette étonnante chronologie commentée, illustrée de nombreuses gravures de l'époque.
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Carte à jouer représentant La Liberté de la Presse.
En complément des articles traitant le sujet de la Presse sous la Révolution, je vous propose de regarder cette petite sélection de vidéos très intéressantes.
Comment la Révolution a libéré la Presse.
Le 26 août 1789, la nouvelle Assemblée nationale adopte la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un texte
révolutionnaire qui bouleverse la société française en instaurant
la liberté d'expression.
L'ère de la Presse, commentaire d'une estampe.
À partir de 1789, les événements suscitent une insatiable soif de
nouvelles. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en
instituant la liberté d’expression, déclenche une exceptionnelle
floraison de journaux qui est immédiatement perçue comme l’une
des grandes nouveautés de la période.
La presse de l'ère révolutionnaire (1789-1799)
Conférence du
mercredi 13 mai 2009 : La presse de l'ère révolutionnaire
(1789-1799)
Intervenant : Jeremy
Popkin, Professeur à l’Université du Kentucky (Lexington, USA)
(Si la lecture d'un trop long article vous rebute, vous pouvez "scroller" jusqu'aux vidéos en bas de page). 😉
Vue d'optique ?
Il y a quelques jours, j'ai acquis cette estampe d'époque (1792), représentant la prise des Tuileries, le 10 août 1792 (début de la seconde
Révolution française). Cette gravure a une particularité. Il s'agit d'une vue
d'optique. Vous connaissez ?
En quoi est-elle différente des autres gravures ou estampes
? Comme les estampes classiques, les vues d'optiques étaient gravées à l'eau forte sur plaques de cuivre, puis colorées au pochoir. Leur taille était d'environ 23 cm
par 40 cm. Elles étaient vendues elles-aussi par des boutiquiers et des colporteurs. Cependant, elles étaient destinées à être regardées au travers d'un
appareil d'optique très particulier qui les grossissait et qui leur donnait de
la profondeur, le zograscope ! (Vous comprenez mieux à présent pourquoi sur ces gravures,
certains détails sont si petits !)
Zograscope ?
Le nom de cet appareil étrange se décompose en 3 mots d'origine grecque. On reconnaît la racine "zo"(Zoo)la vie ; le
préfixe des mots relatifs à l'écrit "grapho" et le verbe scopein"observer, voir". On pourrait donc traduire zograscope ainsi : "voir et enregistrer (écrire) la vie". Il était également connu sous le nom
de miroir diagonal, de machine à pilier optique ou
de machine diagonale optique.
Voici à quoi cela ressemblait, une sorte de visionneuse ou
de rétroprojecteur. L'observateur regardait au travers d'une lentille double
convexe, l'image posée à plat, reflétée par un miroir incliné à 45° placé
devant la lentille (on parle alors de vision catoptrique).
Je ne vais pas vous faire un cours d'optique (il y a des liens à la fin de l'article pour cela). Mais sachez que depuis le 16 siècle, les savants expérimentaient beaucoup dans le domaine de l'optique. Voici deux exemples :
En 1677, l'écrivain allemand Johann Christoph Kohlhans avait
décrit l'effet produit par une lentille convexe dans une camera
obscura(chambre obscure) comme si le sujet apparaissait « nu devant
l'œil en largeur, familiarité et distance ». Cette découverte était
promise à un riche avenir !
En 1692, William
Molyneux avait écrit dans son "Dioptrica Nova" comment
« Des parties de perspective semblaient naturelles et fortes au travers de
lunettes convexes dûment appliquées ».
C'est aux Pays-Bas, au 17ème siècle, que ces expériences débouchèrent sur une application destinée au public. Cette nouveauté enthousiasma aussi bien la bonne société que le petit peuple.
On appelait "peep show", "peep boxe", "raree show" ou "rarity show" (spectacle rare), le spectacle extraordinaire produit par cet appareil optique si spécial.
Beaucoup de gens étaient si émerveillés, si désorientés par ce phénomène qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils considéraient cela comme de la magie ! Heureusement que les Hollandais Protestants, renommés pour leur tolérance, ne brûlaient pas ces montreurs d'images magiques !
Montreur de Peep show (1835 Adolph Glasbrenner Guckkästner)
Dans le monde des arts, certains artistes de la peinture
hollandaise de l'âge d'or du XVIIe siècle, comme Pieter Janssens Elinga et
Samuel Dirksz van Hoogstraten, inventèrent eux aussi un type de peep-show avec
une illusion de perception de la profondeur en manipulant la perspective de la
vue.
Boite à perspective d'Elinga (Musée de La Haye)
Beaucoup de ces "boîtes de perspective" ou "optiques" étaient déjà équipée (comme le zograscope),d'une lentille biconvexe de grand diamètre et d'une petite dioptrie pour une perspective exagérée, donnant une plus forte
illusion de profondeur. La plupart des images montraient des sujets
architecturaux et topographiques avec des perspectives linéaires.
Jusqu'au bout du monde !
Les Hollandais étant d'aussi grands commerçants que de
grands voyageurs, raisons pour laquelle ils exportèrent vers leurs comptoirs commerciaux au Japon (l'autre pays des estampes) ces
boîtes à images. Les Japonais appelèrent les zograscope : 和蘭眼鏡
(Oranda megane, "lunettes hollandaises") ou 覗き眼鏡
(nozoki megane "lunettes voyeuses"), quant aux images ils les
appelèrent 眼鏡絵 ( megane-e , « image optique ») ou 繰絵
(karakuri-e "image délicate").
Estampe japonaise représentant une mère et son enfant, devant un zograscope.
L'arrivée en France du zograscope
C'est en 1730 qu'apparurent à Paris les premiers
zograscopes, alors appelés "optiques". Ils incorporaient un miroir mais
manquaient du moyen simple de faire varier la distance de l'objectif à l'image.
En 1745, les premières versions anglaises de ces appareils ont
commencé à se diffuser et bientôt de nombreuses vues en perspective ont été
imprimées pour répondre à la demande du public, principalement des vues d'architecture urbaine (au début). La
plus ancienne référence connue du dispositif anglais se trouve dans une
publicité d'un journal anglais d'avril 1746. Le terme machine
diagonale optique date de 1750.
Ci-dessous des "zograscopeurs".
Les zograscopes devinrent rapidement très populaires au cours de la
seconde moitié du XVIIIe siècle, aussi bien dans les beaux salons du grand monde, que sur les places de villages du petit peuple. Transportés à dos d’homme par les colporteurs, les zograscopes constituaient un formidable vecteur de diffusion d’images dans les provinces et les campagnes.
Sur cette image extraite du "Transparent" de Carmontelle, le montreur d'optique se situe au pieds du premier arbre situé à gauche. (Je vais évoquer Carmontelle plus bas)
L'arrivée de la lumière !
Les montreurs d’optique attiraient un public
nombreux, sur les places publiques et les foires, autour de démonstrations
scénarisées. Très créatifs, ils mettant en scène des vues perforées aux surprenants effets de
jour et de nuit.
Effet de nuit donnée à une vue d'optique
Explication en 3 images
Vue et Perspective de la Trinité à Vienne. A Paris chez
Chereau rue St Jacques au Coq. Gravure collée sur carton, avec nombreuses découpes et rubans de couleurs collés au dos pour l'effet de nuit.
Verso de la gravure, avec les rubans de couleurs sur les découpes.
Naissance de la société des images
Dans ce XVIIIe siècle si inventif, dont nous découvrons ensemble la seconde partie turbulente, ce succès des spectacles de vues d’optique répondait à la
curiosité grandissante de l’ensemble de la société envers le monde.
Les gens avaient toujours aimé, voire adoré, les images. Mais celles-ci, en dehors des églises et des châteaux, avaient été jusque-là fort rares.
Comme l'imprimerie, qui au 16ème siècle avait favorisé la Réforme protestante, (sans laquelle elle aurait échoué, comme les autres tentatives de réformes auparavant), l'évolution des moyens de fabrication et de diffusion des images allait bouleverser la société de l'ancien régime et faire entrer nos ancêtres dans la société des images.
Images colorées, lumineuses, animées, ça ne vous fait penser à rien ? Sur quoi lisez-vous cet article ?
Vous remarquerez au passage que le 18ème siècle vole la vedette au 19ème siècle, quant aux premiers spectacles publics d'images animées !
Pourquoi je parle d'images animées ? Continuez votre lecture 😉
Porcelaine du 18ème siècle. Enfants devant une boite à image.
De l'usage des images
Les éditeurs d'images donnèrent bien sûr une place importante aux
sujets d’actualité, souvent dramatiques : guerres, catastrophes naturelles et
industrielles, événements politiques, etc. Mais ils n'oublièrent pas de faire rêver leur public
avec l’évocation d’un passé magnifié, telles les grandes compositions
consacrées à l’histoire antique et aux Merveilles du monde.
Genre populaire par excellence, le spectacle de vues
d’optique était aussi un outil très efficace au service du pouvoir. Les
montreurs d’images diffusaient en province une vision heureuse et idyllique de
la monarchie : bals masqués, fêtes privées ou officielles, feux d’artifice,
mariages royaux, étaient autant d'occasions de fédérer le peuple autour du souverain,
mais aussi de diffuser en province les modes de la Cour et de la haute société.
Vue d'optique du feu d'artifice donnée le 30 mai 1770, en l'honneur du future Louis XVI et de Marie Antoinette.
La mode des vues d’optique satisfaisait également le goût du
voyage et de l’exotisme si caractéristique du 18ème siècle, en montrant des représentations de villes, de monuments ou de paysage de l'étranger.
Je vous avais promis des vidéos au début de l'article. Les voici !
Cliquez sur l'image ci-dessous pour visionner sur Facebook la présentation de cette exposition dédiée au zograscope, mise en ligne par la mairie de Toulouse en 2015 :
Images animées ? Au 18ème siècle ?
Je vous ai parlé d'images animées. Eh oui ! Elles aussi sont nées au 18ème siècle, pas au 19ème !
Regardez cette vidéo qui vous présente les lanternes magiques !
J'ai trouvé la vidéo ci-dessus, dans un article très intéressant, publié sur le site Proantic. Je vous conseille de le lire également : La lanterne magique
Un mot sur Carmontelle, l'inventeur du Cinéma
Je ne peux pas ne pas vous parler de Louis Carrogis dit Carmontelle. Il ne se rendit pas célèbre avec un zograscope, mais avec une autre machine à images lumineuses de son invention...
Ce Parisien était un portraitiste et un paysagiste. Il créa des jardins pour Philippe
d'Orléans et le Duc de Chartres (le parc Monceau) et organisa des fêtes. Il était
également connu comme écrivain pour ses "Proverbes dramatiques",
petites pièces théâtrales que les aristocrates jouaient entre eux.
Cette vidéo de 22 minutes présente l'œuvre graphique de Carmontelle :
Le "Transparent" de Carmontel
C'est en 1798 que Carmontelle présenta au Domaine de Sceaux son
"Transparent".
L'ensemble comprenait un coffre dans lequel un rouleau de
quarante-deux mètres, constitué de 119 dessins réalisés sur feuilles de papier
collées bout à bout, se déroulait et s'enroulait. Le panorama était éclairé à
contre-jour, ou par des bougies.
Au cours de cette séance de cinéma avant l'heure, le public émerveillé découvrit les
paysages de l'île de France qui s'animèrent alors sous les yeux de ces spectateurs
amateurs de jeux optiques. La représentation fut accompagnée de musique de
chambre, de bruitages et d'historiettes.
Sur le thème des quatre saisons, le transparent
illustrait des scènes de la vie campagnarde où les paysans et les aristocrates
vaquaient à leurs occupations. Les paysans moissonnaient le blé, sciaient
du bois, pêchaient dans l'étang, transportaient des vivres vers les châteaux, etc.
Voici un extrait de ce Transparent (sans musique, hélas) :
Le siècle des Lumières
Ce 18ème siècle qui avait commencé avec les Lumières projetées par de grands esprits, se terminait donc par des œuvres de l'esprit projetées en images et en lumières !
Etonnant, non ?
Tableau transparent, à côté d'une fenêtre (1794)
Oups ! Je regarde la pendule. Il est temps de terminer cet article !
Vous trouvez mon titre choquant, voire incompréhensible ? Alors
je vous invite amicalement à lire mon article (légèrement iconoclaste) sur le
célébrissime château de Versailles.
Oublié durant la Révolution
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y eut pas
de destructions à Versailles durant la Révolution, si ce n'est la grande grille
qui fut menée à mal lors des journées des 5 et 6 octobres 1789.
Après le retour de Louis XVI et de sa famille à Paris au château des Tuileries, Versailles fut tout simplement vidé de
ses occupants (plus de 10.000 personnes y travaillaient), puis de ses meubles
qui furent en grande partie vendus (pour payer la dette abyssale du royaume) et finalement le château fut oublié
durant le reste de la Révolution.
Arrivée du roi et de sa famille, le 6 octobre 1789 dans la soirée.
C'est après la Révolution que Versailles subit de nouvelles
modifications, entrainant parfois des destructions, comme vous le découvrirez
dans l'une des 3 magnifiques vidéos que je vous propose à la fin de cet article.
Il est de bon ton de s'émerveiller devant ce palais, si impressionnant par sa démesure. Même si c'était un château des courants d'air, glacé en hiver et sans aucune commodité. Jamais un riche romain habitué au chauffage des planchers et murs par hypocauste et aux bains chauds, n'aurait voulu y vivre ! Mais qu'importait, c'était avant tout un monument, un symbole, une représentation du pouvoir absolu.
Je souris toujours lorsque j'entends
quelqu'un dire que "Louis XIV a construit Versailles". Ce raccourci
employé également pour d'autres monuments, fait oublier les milliers d'artisans et ouvriers
qui ont construit ce château.
Louis Le Vau, Pierre Hardouin Mansart, Ange Jacques Gabriel et André le Nôtre. (Notez sur le tableau représentant Mansart qu'il est écrit Mansard avec un d)
On évoque éventuellement les savants et ingénieurs de
l'époque, qui durent déployer des trésors d'inventions pour répondre aux
attentes et aux caprices du roi Louis XIV, lequel, avec son château, ses
jardins, ses fontaines, sa ménagerie et son potager, voulait impressionner la
terre entière.
Mais bien sûr on ne dit rien des milliers d'anonymes qui
périrent lors de la construction du Château de Versailles. Périrent ? Oui, "périrent",
car la construction de ce château fut mortelle pour nombre de malheureux (autrement que par le paiement d'impôts exorbitants pour financer sa construction).
La machine de Marly avec l'aqueduc de Louveciennes en arrière-plan (1729, Pierre-Denis Martin)
Un chantier mortel...
Pour construire ce palais, à partir de 1620, il fallut commencer par assécher les étangs et marais qui entouraient à l'origine le pavillon de
chasse de Louis XIII. Ensuite pour y apporter de l’eau, il fut nécessaire de canaliser celle puisée
dans la Seine. La machine de Marly fut construite dans ce but à partir de 1681. C'était un
ouvrage gigantesque qui demanda après sa construction d'incessants (et coûteux) travaux
d'entretien et de réparations. Le pire, c'est que son débit était insuffisant pour alimenter toutes les fontaines de Versailles ! (Voir la vidéo ci-dessous)
Les travaux de ce pharaonique chantier mobilisèrent 36.000 hommes dont environ
30.000 soldats, (soit environ 10 % de l’armée). Les ouvriers, le plus souvent
réquisitionnés dans les villages, travaillaient 11 heures par jour, 220 jours
par an.
Les accidents mortels étaient si nombreux que chaque matin de
nombreuses charrettes partaient du chantier emportant les morts. En 1685, une
fièvre paludéenne tua en très peu de temps 6.000 ouvriers. Puis ce fut la
fièvre typhoïde. Aussi fallut-il sans cesse réapprovisionner ce fatal chantier en
main-d’œuvre. Selon certaines estimations, ce chantier aurait fait mourir au
total un peu plus de 10 000 ouvriers, sans que soient ici comptés les
charpentiers, les maçons ou encore les miroitiers et installateurs.
Je ne pense
pas que la construction des pyramides ait fait autant de victimes (pour le cas où
vous l’ignoreriez, celles-ci n’ont pas été construites par des esclaves, comme
dans les films américains, mais principalement par les paysans égyptiens, hors
périodes de travaux aux champs).
Un lieu de pouvoir devenu temple du luxe
A l'exception de quelques congrès (réformes de la
constitution) et d'occasionnelles réceptions diplomatiques, ce château n'est
plus un lieu de pouvoir. Au fil du temps, Versailles est devenu une sorte de
temple dédié à la consécration du luxe français.
L'industrie du luxe, dont beaucoup de Français s'enorgueillissent,
est en fait une survivance de l’ancien régime.
"Le luxe est une forme d'imposture, par laquelle les
hommes sont convenus de se tromper les uns les autres, et parviennent souvent à
se tromper eux-mêmes »
"Les Souverains commettent une très grande faute lorsqu'ils
montrent beaucoup d'estime pour les richesses ; ils excitent dans les esprits un
embrasement général qui ne pourra s'éteindre que par l'anéantissement de la
Société."
"le commerçant & l'artisan des marchandises de luxe
sont des empoisonneurs publics, dont les denrées séduisantes portent partout la
contagion & la folie. On peut les comparer à ces navigateurs qui, voulant
dompter sans peine des nations sauvages, portent aux hommes des armes, des
couteaux, de l'eau de vie, & aux femmes des colliers, des miroirs, des
jouets de nulle valeur."
" Les partisans du Luxe ne manqueront pas de nous dire,
que les folles dépenses des riches font travailler le pauvre & le mettent à
portée de subsister ; mais on leur répondra que le vrai pauvre qu'il faudrait
encourager, c'est le cultivateur"…
En résumé, le luxe est inutile à la société. Il semble qu'il faille une crise majeure pour que nous comprenions
qu'un cultivateur ou un boulanger, sont plus nécessaires à la société qu'un
bijoutier ou un maroquinier de luxe.
Avec le ridicule sac Vuitton à 6700 Euros que vous pouvez contempler ci-dessous (Notez sa sculpture de banane peinte à la main, suspendue par une chaine plaquée or), vous pouvez acheter 6700 baguettes de pains...
Voilà pourquoi je considère Versailles comme un magnifique monument aux morts, morts pour le luxe, morts pour le pouvoir absolu. Les
dorures de Versailles sont faites du sang et de la sueur des malheureux.
Bah oui, désolé, je gâche un peu l'ambiance. Mais rappelons-nous que le Citoyen Basset est tout de même un révolutionnaire dans l'âme. 😉
Magnifiques vidéos !
Pour vous faire rêver un peu (pas au point d'oublier ce que je viens de vous apprendre, j'espère), je vous propose de regarder ces trois magnifiques vidéos racontant l'histoire de ce si beau monument (aux morts).
Je me demande toujours si mon site est visité et si mes articles sont lus, car j'ai bien peu de retours. Malgré mes 759 abonnés, j'ai très peu de "likes" sur ma page Facebook(régulièrement censurée par Facebook qui refuse même que je lui paye des publicités pour ma page, sous prétexte que celle-ci est politique !)
Imaginez donc, quelle ne fut pas ma joie, quand un lecteur m'a contacté en janvier 2023 pour me dire qu'il s'intéressait depuis longtemps au petit monde des marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques et plus particulièrement à Paul-André Basset. C'est lui qui m'a gentiment signalé l'existence de l'estampe ci-dessus, sur laquelle sont représentés tous les marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques, dont Paul-André Basset qui figure en haut à gauche. Je l'en remercie chaleureusement !
Paul-André Basset, représenté à la droite de Le Clerc.
Comment j'ai rencontré Basset.
J’avais choisi d'interpréter le rôle du marchand d'estampe Paul André Basset à l’occasion du
tournage d’une émission de Mac Lesggy sur la chaîne de télévision M6, « L’histoire au quotidien », pour laquelle l’association de reconstitution historique
dont j’étais membre avait été sollicitée afin d'y faire de la figuration. Vous trouverez en bas de l'article la vidéo de l'émission.
J’ai
conservé ensuite ce rôle, parce qu’il me permettait de raconter la Révolution
française d’une façon originale et amusante lors de nos prestations publiques, rien qu’avec des estampes !
Des
estampes, il y en a eu beaucoup durant la Révolution ! On a répertorié
plus de 600 modèles différents, rien que sur la période s’étalant entre le
printemps 1789 (les états généraux et les débuts de la Révolution) et l’été 1792 (chute de la monarchie et
guerres révolutionnaires) et cela continua ensuite, bien sûr !
Le citoyen Basset était l'un de ces marchands d'estampes, et celle qui illustre cet article nous prouve qu'il a réussi à traverser la Révolution sans trop de soucis, puisqu'elle date de 1806.
Cet article va non seulement vous le présenter, lui et sa famille, mais il va également évoquer le petit milieu des imagiers de la rue Saint-Jacques, leurs liens avec l’ordre religieux des Trinitaires et plein d'autres choses encore, comme la fabrication des estampes !
Vous avez dit Basset ?
Paul André Basset était graveur ; fabricant et marchand de
papiers peints et d'estampes. Il tenait une boutique rue Saint Jacques à Paris, dont il avait
hérité de son père André. Celle-ci se situait en plein cœur du quartier Latin,
à l’angle de la rue des Mathurins, juste en face du couvent des Mathurins.
Basset avait de l’humour puisqu’il avait choisi de représenter un chien Basset
sur l’enseigne à sa boutique.
Détail d'une estampe (Orthographe d'époque !)
Où trouver sa boutique ?
La boutique se situait à l'angle de la rue Saint-Jacques et de la rue des Mathurins. Ne cherchez plus cette rue des Mathurins de nos jours, car elle a disparu. Voyez ci-dessous, une planche extraite du plan de Paris que
le prévôt des marchands Michel-Etienne Turgot avait fait réaliser entre 1734 et
1739 par Louis Bretez professeur de perspective. Sur cette représentation du
quartier Latin, on voit très bien le couvent des Mathurins (en rose), ainsi que
l’immeuble de la maison Basset (en vert), juste en face. J’ai même ajouté un
agrandissement !
Je profite de l'occasion pour vous présenter également cette autre jolie vue de Paris de l'époque, sur laquelle j'ai également signalé l'emplacement du couvent et de la maison Basset.
Estampes représentant la boutique de Basset !
Les trois estampes que je vous présente ci-dessous ont été datées de 1790. Elles évoquent la sécularisation des moines, c’est-à-dire le retour au monde profane de ces pieux citoyens !
Elles présentent l’intérêt de nous donner deux représentations (inversées) de la boutique de la maison Basset, depuis lesquelles nous voyons chaque fois un colporteur franchissant le pas de porte, chargé d’estampes à vendre. Le sujet a dû avoir du succès puisque visiblement il a été copié et que la troisième comporte une légende en anglais.
Le joli moine, profitant de l'occasion.
Le moine qui se fait séculariser.
Le joli moine - The pretty monk.
Un mot sur la rue Saint-Jacques.
Saviez-vous que la rue Saint Jacques était le cardo maximus, c'est-à-dire la rue centrale et principale de la Lutèce Gallo-romaine ?
Le couvent des Mathurins.
Depuis le 13ème siècle, le couvent des Mathurins accueillait
dans son cloître les assemblées de l'université toute proche (jusqu'en 1764,
date à laquelle, après l'expulsion des jésuites, elles furent transférées dans
le collège Louis-le-Grand). Il abritait aussi au Moyen Âge la halle aux
parchemins, où ceux-ci étaient entreposés avant d'être vendus. La bibliothèque
des Mathurins détenait au 18ème siècle entre cinq à six mille ouvrages, parmi
lesquels quelques manuscrits précieux.
Couvent des Mathurins au XVIIe siècle Source : La Dormeuse
Les confréries.
Cinq confréries du quartier Saint-Jacques étaient hébergées
dans le couvent : celle de saint Jean l'Évangéliste pour les libraires,
imprimeurs et papetiers (dits « suppôts de l'Université ») ; celle de saint
Charlemagne pour les messagers-jurés de l'université ; celle de sainte Barbe
pour les paumiers (fabricants de balles pour le jeu de Paume) et tripotiers
(tenanciers des « tripots », qui étaient à l'origine les salles de jeu de
paume) ; celle de saint Nicolas pour les huiliers et chandeliers ; et celle de la
sainte Trinité et Rédemption des Captifs.
Cette dernière dépendait de l'ordre religieux des Trinitaires, qui avait été créée en
1198 par Jean de Matha et Félix de Valois, avec pour objectif de réunir d’importantes
sommes d’argent afin de racheter dans les états barbaresques d’Afrique du Nord
les chrétiens qui y étaient maintenus en esclavage.
Cette mise en esclavage des chrétiens par les musulmans, qui dura plusieurs siècles, s’est quelque peu perdue dans les
mémoires semble-t-il. Mais ne polémiquons pas, ce n’est que de l’histoire et n’étaient-ce
pas les chrétiens qui avaient commencé à chapouiller les musulmans avec les croisades ? Et ne parlons surtout pas non-plus des treize siècles de traite négrière par les Musulmans, c'est hors sujet et politiquement très incorrect. Mais de grâce, ne vous méprenez pas sur mon propos, toutes les cultures sans exception, ont de semblables dossiers dans leurs archives ! 😈
L’ordre religieux des Trinitaires est aussi remarquable pour
l’intérêt qu’il portait précisément aux estampes. C’est ce que j’ai découvert
en lisant une soutenance d’Emmanuelle Bermès, une docteure en histoire
travaillant à présent à la BNF, intitulée « Le couvent des Mathurins de Paris et l’estampe au XVIIIe siècle ». Je vous en conseille bien
sûr la passionnante lecture.
Emmanuelle Bermès explique que cet intérêt des Trinitaires pour
les images « correspondait à une préoccupation caractéristique du temps :
depuis le concile de Trente, les estampes faisaient l’objet d’une attention
toute particulière de la part de la hiérarchie ecclésiastique. L’utilisation de
l’estampe pour établir le contact entre les religieux et les fidèles pouvait
prendre une telle ampleur qu’il n’est pas excessif de parler de propagande. »
Les religieux avaient en effet compris avant bien d’autres, le formidables
pouvoir des images sur les fidèles. On prêtait même des guérisons miraculeuses
à des estampes appliquées sur le corps de malades ! (Sans commentaire).
Le couvent Saint-Mathurin, la maison parisienne de cet
ordre, se trouvait, explique-t-elle « rue Saint-Jacques, dans un quartier
où, au XVII e siècle, les graveurs et les marchands d’estampes rejoignaient les
libraires et imprimeurs qui y étaient déjà installés en raison du voisinage de
l’Université. »
Les religieux possédaient également plusieurs maisons tout
autour de leur couvent et dans le quartier environnant : en 1634, ils avaient
seize maisons dans leur censive, et possédaient vingt-deux autres maisons et
boutiques qu'ils louaient à des particuliers, notamment des artisans. Les
derniers religieux de l'ordre quittèrent les lieux en août 1792. Les bâtiments
conventuels furent vendus à des particuliers en 1799. Quant à l'église
elle-même, elle fut démolie en 1863 en même temps que les bâtiments claustraux
situés contre l'Hôtel de Cluny au moment de l'aménagement de la rue de Cluny.
Graveur d'estampe en 1643
La période pieuse des Basset. 😇
On peut imaginer que les Basset aient fait partie à une
époque de la confrérie de saint Jean l'Évangéliste, celles des « suppôts de
l'Université ». Il est même fort probable que leur boutique ait appartenu aux Trinitaires. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les Basset, père et fils, ont bien gravé
et vendu des estampes religieuses. Une exposition leur a même été consacrée par
le musée de l’Image de la ville d’Epinal ! Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder. En revanche je ne sais pas si certaines de leurs estampes ont permis des guérisons miraculeuses. 😉
La période révolutionnaire des Basset ! 😈
Les Basset ont donc su s’adapter à l’esprit du temps, puisqu’ils
ont laissé de côté les estampes religieuses dès 1789, pour "coller au
plus près de l’actualité" et illustrer la Révolution ! La maison Basset fut
en effet très active durant la période révolutionnaire. Malgré une perquisition
qui eut lieu dans son magasin le 16 janvier 1794, pour y chercher des "signes de
féodalité", Paul André Basset traversa la Révolution sans trop d’encombres,
puisqu’il prit sa retraite en 1819. La petite entreprise des Basset fut reprise
successivement par divers membres de la famille, toujours à la même adresse,
rue Saint Jacques avant de disparaître après 1865.
Parlons des estampes.
Estampes, eaux fortes ou aquatinte ?
Ces trois mots désignent des techniques d'impressions légèrement différentes.
Estampes ?
Les estampes sont la plupart du temps directement gravées sur une plaque de cuivre par le graveur. Celui-ci utilise un outil à graver en métal trempé appelé burin, avec
lequel il creuse des rainures dans la planche habituellement de cuivre. Cette méthode dite « à la pointe sèche » exige souvent des efforts
considérables de la part du graveur et permet de réaliser des traits fins.
Eaux fortes ?
Eau-forte coloriée
Pour réaliser une eau-forte, le graveur prépare la planche
de métal en la recouvrant d’un produit cireux de réserve. À l’aide d’un outil
ressemblant à une aiguille, il gratte un motif sur la surface cireuse, exposant
ainsi le métal en dessous. Le graveur immerge ensuite la planche dans un bain
d’acide qui mord doucement le métal exposé, créant les creux et les rainures
désirés. Plus le temps d’immersion est long, plus les creux seront profonds et
plus les traits seront foncés à l’impression. Le produit cireux de réserve est
ensuite enlevé, la planche est encrée et la
gravure est réalisée au moyen d’une presse. A noter que les textes et légendes devaient être gravés à l’envers sur les plaques, ce qui donnait lieu parfois à quelques oublis sur certaines estampes qui étaient néanmoins tirées (avec des mots à l’envers). Les couleurs étaient ensuite appliquées avec des pochoirs.
L’aquatinte ou aquateinte est un dérivé de l’eau-forte où
l’on utilise également des acides pour mordre la planche de métal. Au lieu de
se servir d’un outil ressemblant à une aiguille pour gratter un produit cireux
de réserve, le graveur vaporise, verse, saupoudre ou brosse une réserve
antiacide en poudre ou en liquide directement sur la planche. En variant l’épaisseur
et l’intensité de la teinte de la résine, le graveur peut obtenir des zones
avec des variations de ton subtiles ou spectaculaires. Après le bain d’acide,
la planche de métal est encrée et le papier est imprimé comme dans le cas d’une
eau-forte ou d’une estampe normale. Les aquatintes permettent d’obtenir des
variations de tons très subtiles.
Beaucoup des images que je montre sur ce site sont des eaux fortes bien qu'on les appelle communément des estampes. Mais on y trouve aussi des aquatintes, des lithographies, des gravures au pointillé, des manières noires...
En résumé, le terme « estampe », venant de l'italien « stampa » qui
signifie « presse », on désigne en fait sous ce nom toute impression
réalisée à l'encre sur un support souple à partir d'une matrice qu'on grave ou
sur laquelle on dessine.
Les estampes de chez Basset n’étaient pas vraiment des
œuvres d’art, comme celles de Joseph Longueuil dont j’ai parlé le 16 novembre. Longueil était un véritable artiste, spécialisé dans la reproduction
d’œuvres de peintres et dessinateurs célèbres. La gravure de Longueil imprimée
en noir et blanc que je vous avais présentée, étaient vendue 3 livres,
c’est-à-dire 60 sols (ou sous).
Les estampes gravées chez Basset étaient plus modestes et même parfois proches de la caricature que de l’œuvre d’art, du moins à l’époque révolutionnaire. Les graveurs d’estampes étaient rétribués de 5 à 10 sous la plaque gravée.
Une presse à estampes et un graveur à droite
Chaque exemplaire imprimé était ensuite vendu entre 9 et 15
sous, soit dans la boutique, soit par des colporteurs comme celui que nous
voyons sur ces trois estampes.
Même si les estampes de chez Basset étaient moins chères que
celle des maîtres graveurs, tout le monde ne pouvait pas se les offrir.
En 1789, le salaire d’un travailleur journalier parisien variait entre 12 et 20
sous (plus souvent 15), et celui d’un artisan variait entre 20 et 50 sous.
Pour vous donner une meilleure idée, sachez que le 14
juillet 1789, une miche de pain coûtait 14 sous (de 1 à 3 sous la livre selon
la qualité du pain). Entre janvier 1787 et juillet 1789, le prix du pain avait
augmenté de 75%...
Vous apprendrez dans la vidéo que je vous propose ci-dessous, que comparés au revenu actuel d'un travailleur, ces 14 sous équivalaient à plus de 56 de nos euros actuels !
La vidéo !
Voici la vidéo de l'émission qui avait été diffusé sur la chaîne de télévision M6 en octobre 2015. La qualité est médiocre, mais le contenu est plutôt bien, si on le compare à celui d'autres émissions abordant le thème devenu si délicat de la Révolution française.
Quelques photos de la "réincarnation" de Basset !😉
Le bonhomme à droite, c'est Basset !
Au fond, l'échoppe de Basset et Basset dansant la Carmagnole 😂
La "start-up" de Basset, sur le tournage.
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