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mercredi 20 juillet 2022

Zograscope et vues d'optiques, pour vous en mettre plein les yeux !





(Si la lecture d'un trop long article vous rebute, vous pouvez "scroller" jusqu'aux vidéos en bas de page). 😉

Vue d'optique ?

    Il y a quelques jours, j'ai acquis cette estampe d'époque (1792), représentant la prise des Tuileries, le 10 août 1792 (début de la seconde Révolution française). Cette gravure a une particularité. Il s'agit d'une vue d'optique. Vous connaissez ?

    En quoi est-elle différente des autres gravures ou estampes ? Comme les estampes classiques, les vues d'optiques étaient gravées à l'eau forte sur plaques de cuivre, puis colorées au pochoir. Leur taille était d'environ 23 cm par 40 cm. Elles étaient vendues elles-aussi par des boutiquiers et des colporteurs.
    Cependant, elles étaient destinées à être regardées au travers d'un appareil d'optique très particulier qui les grossissait et qui leur donnait de la profondeur, le zograscope ! (Vous comprenez mieux à présent pourquoi sur ces gravures, certains détails sont si petits !)


Zograscope ?

    Le nom de cet appareil étrange se décompose en 3 mots d'origine grecque. On reconnaît la racine "zo" (Zoo) la vie ; le préfixe des mots relatifs à l'écrit "grapho" et le verbe scopein "observer, voir". On pourrait donc traduire zograscope ainsi : "voir et enregistrer (écrire) la vie". Il était également connu sous le nom de miroir diagonal, de machine à pilier optique ou de machine diagonale optique. 

    Voici à quoi cela ressemblait, une sorte de visionneuse ou de rétroprojecteur. L'observateur regardait au travers d'une lentille double convexe, l'image posée à plat, reflétée par un miroir incliné à 45° placé devant la lentille (on parle alors de vision catoptrique).

Le zograscope


Regardez dans le zograscope, via cette vidéo !

    Et lisez cet article évoquant une exposition du musée Paul Dupuy de Toulouse, d'où vient la vidéo ci-dessus : Un voyage dans l'œil du zograscope.


Origine du zograscope

    Je ne vais pas vous faire un cours d'optique (il y a des liens à la fin de l'article pour cela). Mais sachez que depuis le 16 siècle, les savants expérimentaient beaucoup dans le domaine de l'optique. Voici deux exemples :
  • En 1677, l'écrivain allemand Johann Christoph Kohlhans avait décrit l'effet produit par une lentille convexe dans une camera obscura (chambre obscure) comme si le sujet apparaissait « nu devant l'œil en  largeur, familiarité et distance ». Cette découverte était promise à un riche avenir !
  • En 1692, William Molyneux  avait écrit dans son "Dioptrica Nova" comment « Des parties de perspective semblaient naturelles et fortes au travers de lunettes convexes dûment appliquées ».

    C'est aux Pays-Bas, au 17ème siècle, que ces expériences débouchèrent sur une application destinée au public. Cette nouveauté enthousiasma aussi bien la bonne société que le petit peuple. 

    On appelait "peep show", "peep boxe", "raree show" ou "rarity show" (spectacle rare), le spectacle extraordinaire produit par cet appareil optique si spécial.

    Beaucoup de gens étaient si émerveillés, si désorientés par ce phénomène qu'ils ne comprenaient pas, qu'ils considéraient cela comme de la magie ! Heureusement que les Hollandais Protestants, renommés pour leur tolérance, ne brûlaient pas ces montreurs d'images magiques !

Montreur de Peep show
(1835 Adolph Glasbrenner Guckkästner)

    Dans le monde des arts, certains artistes de la peinture hollandaise de l'âge d'or du XVIIe siècle, comme Pieter Janssens Elinga et Samuel Dirksz van Hoogstraten, inventèrent eux aussi un type de peep-show avec une illusion de perception de la profondeur en manipulant la perspective de la vue.

Boite à perspective d'Elinga
(Musée de La Haye)

    Beaucoup de ces "boîtes de perspective" ou "optiques" étaient déjà équipée (comme le zograscope), d'une lentille biconvexe de grand diamètre et d'une petite dioptrie pour une perspective exagérée, donnant une plus forte illusion de profondeur. La plupart des images montraient des sujets architecturaux et topographiques avec des perspectives linéaires.


Jusqu'au bout du monde !

    Les Hollandais étant d'aussi grands commerçants que de grands voyageurs, raisons pour laquelle ils exportèrent vers leurs comptoirs commerciaux au Japon (l'autre pays des estampes) ces boîtes à images. Les Japonais appelèrent les zograscope : 和蘭眼鏡 (Oranda megane, "lunettes hollandaises") ou 覗き眼鏡 (nozoki megane "lunettes voyeuses"), quant aux images ils les appelèrent 眼鏡絵 ( megane-e , « image optique ») ou 繰絵 (karakuri-e "image délicate").

Estampe japonaise représentant
une mère et son enfant, devant un zograscope.

L'arrivée en France du zograscope

    C'est en 1730 qu'apparurent à Paris les premiers zograscopes, alors appelés "optiques". Ils incorporaient un miroir mais manquaient du moyen simple de faire varier la distance de l'objectif à l'image.

    En 1745, les premières versions anglaises de ces appareils ont commencé à se diffuser et bientôt de nombreuses vues en perspective ont été imprimées pour répondre à la demande du public, principalement des vues d'architecture urbaine (au début). La plus ancienne référence connue du dispositif anglais se trouve dans une publicité d'un journal anglais d'avril 1746. Le terme machine diagonale optique date de 1750.

Ci-dessous des "zograscopeurs".

 

    Les zograscopes devinrent rapidement très populaires au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, aussi bien dans les beaux salons du grand monde, que sur les places de villages du petit peuple. Transportés à dos d’homme par les colporteurs, les zograscopes constituaient un formidable vecteur de diffusion d’images dans les provinces et les campagnes.

Sur cette image extraite du "Transparent" de Carmontelle,
le montreur d'optique se situe au pieds du premier arbre situé à gauche.
(Je vais évoquer Carmontelle plus bas)


L'arrivée de la lumière !

     Les montreurs d’optique attiraient un public nombreux, sur les places publiques et les foires, autour de démonstrations scénarisées. Très créatifs, ils mettant en scène des vues perforées aux surprenants effets de jour et de nuit.

Effet de nuit donnée à une vue d'optique


Explication en 3 images

  • Vue et Perspective de la Trinité à Vienne. A Paris chez Chereau rue St Jacques au Coq. Gravure collée sur carton, avec nombreuses découpes et rubans de couleurs collés au dos pour l'effet de nuit.

 

Verso de la gravure, avec les rubans de couleurs sur les découpes.

Naissance de la société des images

    Dans ce XVIIIe siècle si inventif, dont nous découvrons ensemble la seconde partie turbulentece succès des spectacles de vues d’optique répondait à la curiosité grandissante de l’ensemble de la société envers le monde.

    Les gens avaient toujours aimé, voire adoré, les images. Mais celles-ci, en dehors des églises et des châteaux, avaient été jusque-là fort rares.

    Comme l'imprimerie, qui au 16ème siècle avait favorisé la Réforme protestante, (sans laquelle elle aurait échoué, comme les autres tentatives de réformes auparavant), l'évolution des moyens de fabrication et de diffusion des images allait bouleverser la société de l'ancien régime et faire entrer nos ancêtres dans la société des images. 

    Images colorées, lumineuses, animées, ça ne vous fait penser à rien ? Sur quoi lisez-vous cet article ?

    Vous remarquerez au passage que le 18ème siècle vole la vedette au 19ème siècle, quant aux premiers spectacles publics d'images animées ! 

Pourquoi je parle d'images animées ? Continuez votre lecture 😉

 
Porcelaine du 18ème siècle.
Enfants devant une boite à image.

De l'usage des images

    Les éditeurs d'images donnèrent bien sûr une place importante aux sujets d’actualité, souvent dramatiques : guerres, catastrophes naturelles et industrielles, événements politiques, etc. Mais ils n'oublièrent pas de faire rêver leur public avec l’évocation d’un passé magnifié, telles les grandes compositions consacrées à l’histoire antique et aux Merveilles du monde.

Rome au temps de son antique splendeur

La ville et de la tour de Babel (1761)
(Source Gallica)

    Genre populaire par excellence, le spectacle de vues d’optique était aussi un outil très efficace au service du pouvoir. Les montreurs d’images diffusaient en province une vision heureuse et idyllique de la monarchie : bals masqués, fêtes privées ou officielles, feux d’artifice, mariages royaux, étaient autant d'occasions de fédérer le peuple autour du souverain, mais aussi de diffuser en province les modes de la Cour et de la haute société.

Vue d'optique du feu d'artifice donnée le 30 mai 1770,
en l'honneur du future Louis XVI et de Marie Antoinette.

    La mode des vues d’optique satisfaisait également le goût du voyage et de l’exotisme si caractéristique du 18ème siècle, en montrant des représentations de villes, de monuments ou de paysage de l'étranger.

Voulez-vous voyager un peu ? 

Alhambra de Grenade

L'antique cité de Palmyre
(Source)

La ville de Nanquin, en Chine.


La Sibérie


Le Maroc


La Martinique


Les vidéos !

Je vous avais promis des vidéos au début de l'article. Les voici !

Cliquez sur l'image ci-dessous pour visionner sur Facebook la présentation de cette exposition dédiée au zograscope, mise en ligne par la mairie de Toulouse en 2015 :




Images animées ? Au 18ème siècle ?

Je vous ai parlé d'images animées. Eh oui ! Elles aussi sont nées au 18ème siècle, pas au 19ème !
Regardez cette vidéo qui vous présente les lanternes magiques !


    J'ai trouvé la vidéo ci-dessus, dans un article très intéressant, publié sur le site Proantic. Je vous conseille de le lire également : La lanterne magique


Un mot sur Carmontelle, l'inventeur du Cinéma

    Je ne peux pas ne pas vous parler de Louis Carrogis dit Carmontelle. Il ne se rendit pas célèbre avec un zobrascope, mais avec une autre machine à images lumineuses de son invention...

    Ce Parisien était un portraitiste et un paysagiste. Il créa des jardins pour Philippe d'Orléans et le Duc de Chartres (le parc Monceau) et organisa des fêtes. Il était également connu comme écrivain pour ses "Proverbes dramatiques", petites pièces théâtrales que les aristocrates jouaient entre eux.

Cette vidéo de 22 minutes présente l'œuvre graphique de Carmontelle :


Le "Transparent" de Carmontel

    C'est en 1798 que Carmontelle présenta au Domaine de Sceaux son "Transparent".

    L'ensemble comprenait un coffre dans lequel un rouleau de quarante-deux mètres, constitué de 119 dessins réalisés sur feuilles de papier collées bout à bout, se déroulait et s'enroulait. Le panorama était éclairé à contre-jour, ou par des bougies. 

    Au cours de cette séance de cinéma avant l'heure, le public émerveillé découvrit les paysages de l'île de France qui s'animèrent alors sous les yeux de ces spectateurs amateurs de jeux optiques. La représentation fut accompagnée de musique de chambre, de bruitages et d'historiettes.

    Sur le thème des quatre saisons, le transparent illustrait des scènes de la vie campagnarde où les paysans et les aristocrates vaquaient à leurs occupations. Les paysans moissonnaient le blé, sciaient du bois, pêchaient dans l'étang, transportaient des vivres vers les châteaux, etc.

Source : Blog de Catherine Alice Palagret

Voici un extrait de ce Transparent (sans musique, hélas) :



Le siècle des Lumières

Ce 18ème siècle qui avait commencé avec les Lumières projetées par de grands esprits, se terminait donc par des oeuvres de l'esprit projetées en images et en lumières !

Etonnant, non ?

Tableau transparent, à côté d'une fenêtre (1794)



Oups ! Je regarde la pendule. Il est temps de terminer cet article !

Pendule de 1810, portant un zograscope.
(Source)



Mes sources:

Articles sur le WEB

Sur le site Stringfixer :

Sur le site Proantic :

Présentation très complète sur tous les systèmes d'optiques : 

Sur le blog Machines du Fantasmagore :


Documents PDF :

Sur le site du Ministère de la Culture :

Sur le site de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier :

Sur le site Researchgate.net (En Anglais) :

Le livre complet (492 pages) de Laurent Mannoni :



Merci pour votre lecture !

Bertrand Tièche





vendredi 1 avril 2022

Le château de Versailles, un magnifique monument aux morts…

 

Construction du château de Versailles, par Adam François Van der Meulen
.

    Vous trouvez mon titre choquant, voire incompréhensible ? Alors je vous invite amicalement à lire mon article (légèrement iconoclaste) sur le célébrissime château de Versailles.


Oublié durant la Révolution

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y eut pas de destructions à Versailles durant la Révolution, si ce n'est la grande grille qui fut menée à mal lors des journées des 5 et 6 octobres 1789.


    Après le retour de Louis XVI et de sa famille à Paris au château des Tuileries, Versailles fut tout simplement vidé de ses occupants (plus de 10.000 personnes y travaillaient), puis de ses meubles qui furent en grande partie vendus (pour payer la dette abyssale du royaume) et finalement le château fut oublié durant le reste de la Révolution.

Arrivée du roi et de sa famille, le 6 octobre 1789 dans la soirée.

    C'est après la Révolution que Versailles subit de nouvelles modifications, entrainant parfois des destructions, comme vous le découvrirez dans l'une des 3 magnifiques vidéos que je vous propose à la fin de cet article.

Reconstruction de l'aile gauche, demandée par Napoléon en 1814.
Source : Versailles 3D


Un chantier pharaonique !

    Il est de bon ton de s'émerveiller devant ce palais, si impressionnant par sa démesure. Même si c'était un chateau des courants d'air, glacé en hiver et sans aucune commodité. Jamais un riche romain habitué au chauffage des planchers et murs par hypocauste et aux bains chauds, n'aurait voulu y vivre ! Mais qu'importait, c'était avant tout un monument, un symbol, une représentation du pouvoir absolu.

    Je souris toujours lorsque j'entends quelqu'un dire que "Louis XIV a construit Versailles". Ce raccourci employé également pour d'autres monuments, fait oublier les milliers d'artisans et ouvriers qui ont construit ce château.

On admire bien sûr et à juste raison, les architectes, Le Vau, Mansart, Gabriel, ou le jardinier Le Nôtre.

  

Louis Le Vau, Pierre Hardouin Mansart, Ange Jacques Gabriel et André le Nôtre.
(Notez sur le tableau représentant Mansart qu'il est écrit Mansard avec un d)

Podcast sur France Culture

    On évoque éventuellement les savants et ingénieurs de l'époque, qui durent déployer des trésors d'inventions pour répondre aux attentes et aux caprices du roi Louis XIV, lequel, avec son château, ses jardins, ses fontaines, sa ménagerie et son potager, voulait impressionner la terre entière.

Podcast sur France Inter

    Mais bien sûr on ne dit rien des milliers d'anonymes qui périrent lors de la construction du Château de Versailles. Périrent ? Oui, "périrent", car la construction de ce château fut mortelle pour nombre de malheureux (autrement que par le paiement d'impôts exorbitants pour financer sa construction).

La machine de Marly avec l'aqueduc de Louveciennes en arrière-plan
(1729, Pierre-Denis Martin)


Un chantier mortel...

    Pour construire ce palais, à partir de 1620, il fallut commencer par assécher les étangs et marais qui entouraient à l'origine le pavillon de chasse de Louis XIII. Ensuite pour y apporter de l’eau, il fut nécessaire de canaliser celle puisée dans la Seine. La machine de Marly fut construite dans ce but à partir de 1681. C'était un ouvrage gigantesque qui demanda après sa construction d'incessants (et couteux) travaux d'entretien et de réparations. Le pire, c'est que son débit était insuffisant pour alimenter toutes les fontaines de Versailles ! (Voir la vidéo ci-dessous)



    Les travaux de ce pharaonique chantier mobilisèrent 36.000 hommes dont environ 30.000 soldats, (soit environ 10 % de l’armée). Les ouvriers, le plus souvent réquisitionnés dans les villages, travaillaient 11 heures par jour, 220 jours par an.

    Les accidents mortels étaient si nombreux que chaque matin de nombreuses charrettes partaient du chantier emportant les morts. En 1685, une fièvre paludéenne tua en très peu de temps 6.000 ouvriers. Puis ce fut la fièvre typhoïde. Aussi fallut-il sans cesse réapprovisionner ce fatal chantier en main-d’œuvre. Selon certaines estimations, ce chantier aurait fait mourir au total un peu plus de 10 000 ouvriers, sans que soient ici comptés les charpentiers, les maçons ou encore les miroitiers et installateurs.

    Je ne pense pas que la construction des pyramides ait fait autant de victimes (pour le cas où vous l’ignoreriez, celles-ci n’ont pas été construites par des esclaves, comme dans les films américains, mais principalement par les paysans égyptiens, hors périodes de travaux aux champs).


Un lieu de pouvoir devenu temple du luxe

    A l'exception de quelques congrès (réformes de la constitution) et d'occasionnelles réceptions diplomatiques, ce château n'est plus un lieu de pouvoir. Au fil du temps, Versailles est devenu une sorte de temple dédié à la consécration du luxe français.

    L'industrie du luxe, dont beaucoup de Français s'enorgueillissent, est en fait une survivance de l’ancien régime.

Paul Thiry d'Holbach

    A propos du luxe, voici ce qu'écrivait Le baron d’Holbach, décédé le 21 Janvier 1789 dans son ouvrage intitulé : Éthocratie ou Le gouvernement fondé sur la morale :

"Le luxe est une forme d'imposture, par laquelle les hommes sont convenus de se tromper les uns les autres, et parviennent souvent à se tromper eux-mêmes »

"Les Souverains commettent une très grande faute lorsqu'ils montrent beaucoup d'estime pour les richesses ; ils excitent dans les esprits un embrasement général qui ne pourra s'éteindre que par l'anéantissement de la Société."

"le commerçant & l'artisan des marchandises de luxe sont des empoisonneurs publics, dont les denrées séduisantes portent partout la contagion & la folie. On peut les comparer à ces navigateurs qui, voulant dompter sans peine des nations sauvages, portent aux hommes des armes, des couteaux, de l'eau de vie, & aux femmes des colliers, des miroirs, des jouets de nulle valeur."

" Les partisans du Luxe ne manqueront pas de nous dire, que les folles dépenses des riches font travailler le pauvre & le mettent à portée de subsister ; mais on leur répondra que le vrai pauvre qu'il faudrait encourager, c'est le cultivateur"…

    En résumé, le luxe est inutile à la société. Il semble qu'il faille une crise majeure pour que nous comprenions qu'un cultivateur ou un boulanger, sont plus nécessaires à la société qu'un bijoutier ou un maroquinier de luxe.

    Avec le ridicule sac Vuitton à 6700 Euros que vous pouvez contempler ci-dessous (Notez sa sculpture de banane peinte à la main, suspendue par une chaine plaquée or), vous pouvez acheter 6700 baguettes de pains...

Source Vuitton


Monuments aux morts

    Voilà pourquoi je considère Versailles comme un magnifique monument aux morts, morts pour le luxe, morts pour le pouvoir absolu. Les dorures de Versailles sont faites du sang et de la sueur des malheureux.

    Bah oui, désolé, je gâche un peu l'ambiance. Mais rappelons-nous que le Citoyen Basset est tout de même un révolutionnaire dans l'âme. 😉


Magnifiques vidéos !

    Pour vous faire rêver un peu (pas au point d'oublier ce que je viens de vous apprendre, j'espère), je vous propose de regarder ces trois magnifiques vidéos racontant l'histoire de ce si beau monument (aux morts).


De Louis XIII à la Révolution.

 


Après la Révolution



Versailles, des jardins aux châteaux de Trianon 



dimanche 29 novembre 2020

Basset, graveur et marchand d’estampes, religieuses puis révolutionnaires !


Paul-André Basset, représenté en haut, à gauche

Mise à jour au 10 janvier 2023.

    Je me demande toujours si mon site est visité et mes articles lus, car j'ai bien peu de réactions et très très peu de "likes" sur ma page Facebook. 
    (Il faut savoir également que Facebook refuse que je lui paye des publicités pour ma page, sous prétexte que selon ses standards, elle est politique !)
    Je suis malgré tout heureux d'avoir aujourd'hui 639 abonnés, mais qui sont hélas un peu timides 😉.
    Imaginez donc, quelle ne fut pas ma joie, quand un lecteur m'a contacté il y a quelques jours pour me dire qu'il s'intéressait depuis longtemps au petit monde des marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques et plus particulièrement à Paul-André Basset. C'est lui qui m'a gentiment signalé l'existence de l'estampe ci-dessus, sur laquelle sont représentés tous les marchands d'estampes de la rue Saint-Jacques, dont Paul-André Basset qui figure en haut à gauche. Je l'en remercie chaleureusement !

Paul-André Basset,
représenté à la droite de Le Clerc.


La Révolution en images !

    J’avais choisi d'interpréter le citoyen Basset, à l’occasion du tournage d’une émission de Mac Lesggy sur la chaîne de télévision M6, « L’histoire au quotidien », pour laquelle l’association de reconstitution historique dont j’étais membre, avait été sollicitée afin de faire de la figuration. Vous trouverez en bas de l'article la vidéo de l'émission.

    J’ai conservé ensuite ce rôle, parce qu’il me permettait de raconter la Révolution française d’une façon originale et amusante, rien qu’avec des estampes. Et des estampes, il y en a eu beaucoup durant la Révolution ! On a répertorié plus de 600 modèles différents, rien que sur la période s’étalant entre le printemps 1789 (les états généraux et les débuts de la Révolution) et l’été 1792 (chute de la monarchie et guerres révolutionnaires) et cela continua ensuite, bien sûr !

    Le citoyen Paul André Basset était l'un de ces marchands d'estampes, et celle qui illustre cet article nous prouve qu'il a réussi à traverser la Révolution sans trop de soucis, puisqu'elle date de 1806.

    Cet article va non seulement vous le présenter, lui et sa famille, mais il va vous décrire le petit milieu des imagiers de la rue Saint-Jacques, leurs liens avec l’ordre religieux des Trinitaires et plein d'autres choses encore !


Vous avez dit Basset ?

    Paul André Basset était graveur ; fabricant et marchand de papiers peints et d'estampes. Il tenait une boutique rue Saint Jacques à Paris, dont il avait hérité de son père André. Celle-ci se situait en plein cœur du quartier Latin, à l’angle de la rue des Mathurins, juste en face du couvent des Mathurins. Basset avait de l’humour puisqu’il avait choisi de représenter un chien Basset sur l’enseigne à sa boutique.

Détail d'une estampe
(Orthographe d'époque !)

Où trouver la boutique ?

    La boutique se situait à l'angle de la rue Saint-Jacques et de la rue des Mathurins. Ne cherchez plus la rue des Mathurins de nos jours, car elle a disparu. Voyez ci-dessous, une planche extraite du plan de Paris que le prévôt des marchands Michel-Etienne Turgot avait fait réaliser entre 1734 et 1739 par Louis Bretez professeur de perspective. Sur cette représentation du quartier Latin, on voit très bien le couvent des Mathurins (en rose), ainsi que l’immeuble de la maison Basset (en vert), juste en face. J’ai même ajouté un agrandissement !

Source BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530111615/f15.item


    Je profite de l'occasion pour vous présenter également cette autre jolie vue de Paris de l'époque, sur laquelle j'ai également signalé l'emplacement du couvent et de la maison Basset.
    
    Au fait saviez-vous que la rue Saint Jacques était le cardo maximus, c'est-à-dire la rue centrale et principale de la Lutèce Gallo-romaine ?


Le couvent des Mathurins.

    Depuis le 13ème siècle, le couvent des Mathurins accueillait dans son cloître les assemblées de l'université toute proche (jusqu'en 1764, date à laquelle, après l'expulsion des jésuites, elles furent transférées dans le collège Louis-le-Grand). Il abritait aussi au Moyen Âge la halle aux parchemins, où ceux-ci étaient entreposés avant d'être vendus. La bibliothèque des Mathurins détenait au 18ème siècle entre cinq à six mille ouvrages, parmi lesquels quelques manuscrits précieux.

Couvent des Mathurins au XVIIe siècle
Source : La Dormeuse

Les confréries.

    Cinq confréries du quartier Saint-Jacques étaient hébergées dans le couvent : celle de saint Jean l'Évangéliste pour les libraires, imprimeurs et papetiers (dits « suppôts de l'Université ») ; celle de saint Charlemagne pour les messagers-jurés de l'université ; celle de sainte Barbe pour les paumiers (fabricants de balles pour le jeu de Paume) et tripotiers (tenanciers des « tripots », qui étaient à l'origine les salles de jeu de paume) ; celle de saint Nicolas pour les huiliers et chandeliers ; et celle de la sainte Trinité et Rédemption des Captifs. 

    Cette dernière dépendait de l'ordre religieux des Trinitaires, qui avait été créée en 1198 par Jean de Matha et Félix de Valois, avec pour objectif de réunir d’importantes sommes d’argent afin de racheter dans les états barbaresques d’Afrique du Nord les chrétiens qui y étaient maintenus en esclavage. Cette mise en esclavage des chrétiens par les musulmans, qui dura plusieurs siècles, s’est quelque peu perdue dans les mémoires semble-t-il. Mais ne polémiquons pas, ce n’est que de l’histoire et n’étaient-ce pas les chrétiens qui avaient commencé à chapouiller les musulmans avec les croisades ? (Ne parlons surtout pas non-plus de leurs treize siècles de traite négrière, c'est hors sujet et politiquement très incorrect.) Mais de grâce ne vous méprenez pas sur mon propos, toutes les cultures sans exception, ont de semblables dossiers dans leurs archives.

Rachat d'esclaves chrétiens
Source : La Dormeuse.

Les Trinitaires.

    L’ordre religieux des Trinitaires est aussi remarquable pour l’intérêt qu’il portait précisément aux estampes. C’est ce que j’ai découvert en lisant une soutenance d’Emmanuelle Bermès, une docteure en histoire travaillant à présent à la BNF, intitulée « Le couvent des Mathurins de Paris et l’estampe au XVIIIe siècle ». Je vous en conseille bien sûr la passionnante lecture.

    Emmanuelle Bermès explique que cet intérêt des Trinitaires pour les images « correspondait à une préoccupation caractéristique du temps : depuis le concile de Trente, les estampes faisaient l’objet d’une attention toute particulière de la part de la hiérarchie ecclésiastique. L’utilisation de l’estampe pour établir le contact entre les religieux et les fidèles pouvait prendre une telle ampleur qu’il n’est pas excessif de parler de propagande. » Les religieux avaient en effet compris avant bien d’autres, le formidables pouvoir des images sur les fidèles. On prêtait même des guérisons miraculeuses à des estampes appliquées sur le corps de malades ! (Sans commentaire).

    Le couvent Saint-Mathurin, la maison parisienne de cet ordre, se trouvait, explique-t-elle « rue Saint-Jacques, dans un quartier où, au XVII e siècle, les graveurs et les marchands d’estampes rejoignaient les libraires et imprimeurs qui y étaient déjà installés en raison du voisinage de l’Université. »

    Les religieux possédaient également plusieurs maisons tout autour de leur couvent et dans le quartier environnant : en 1634, ils avaient seize maisons dans leur censive, et possédaient vingt-deux autres maisons et boutiques qu'ils louaient à des particuliers, notamment des artisans. Les derniers religieux de l'ordre quittèrent les lieux en août 1792. Les bâtiments conventuels furent vendus à des particuliers en 1799. Quant à l'église elle-même, elle fut démolie en 1863 en même temps que les bâtiments claustraux situés contre l'Hôtel de Cluny au moment de l'aménagement de la rue de Cluny.

Graveur d'estampe en 1643


La période pieuse des Basset. 😇

    On peut imaginer que les Basset aient fait partie à une époque de la confrérie de saint Jean l'Évangéliste, celles des « suppôts de l'Université ». Il est même fort probable que leur boutique ait appartenu aux Trinitaires. Ce qui est sûr en revanche, c’est que les Basset, père et fils, ont bien gravé et vendu des estampes religieuses. Une exposition leur a même été consacrée par le musée de l’Image de la ville d’Epinal ! Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder. Par contre je ne sais pas si certaines de leurs estampes ont permi des guérisons miraculeuses. 😉


La période révolutionnaire des Basset ! 😈

    Les Basset ont donc su s’adapter à l’esprit du temps, puisqu’ils ont laissé de côté les estampes religieuses dès 1789, pour "coller au plus près de l’actualité" et illustrer la Révolution ! La maison Basset fut en effet très active durant la période révolutionnaire. Malgré une perquisition qui eut lieu dans son magasin le 16 janvier 1794, pour y chercher des "signes de féodalité", Paul André Basset traversa la Révolution sans trop d’encombres, puisqu’il prit sa retraite en 1819. La petite entreprise des Basset fut reprise successivement par divers membres de la famille, toujours à la même adresse, rue Saint Jacques avant de disparaître après 1865.


Les estampes !

    Les trois estampes que je vous présente ci-dessous ont été datées de 1790. Elles évoquent la sécularisation des moines, c’est-à-dire le retour au monde profane de ces pieux citoyens ! 
    Elles présentent l’intérêt de nous donner deux représentations (inversées) de la boutique de la maison Basset, depuis lesquelles nous voyons chaque fois un colporteur franchissant le pas de porte, chargé d’estampes à vendre. Le sujet a dû avoir du succès puisque visiblement il a été copié et que la troisième comporte une légende en anglais.

Le joli moine, profitant de l'occasion.

Le moine qui se fait séculariser.

Le joli moine - The pretty monk.


La valeur et le prix.

    Les estampes de chez Basset n’étaient pas vraiment des œuvres d’art, comme celles de Joseph Longueuil dont j’ai parlé le 16 novembre. Longueil était un véritable artiste, spécialisé dans la reproduction d’œuvres de peintres et dessinateurs célèbres. La gravure de Longueil imprimée en noir et blanc que je vous avais présentée, étaient vendue 3 livres, c’est-à-dire 60 sols (ou sous).

    Les estampes gravées chez Basset étaient plus modestes et même parfois proches de la caricature que de l’œuvre d’art, du moins à l’époque révolutionnaire.

    Les graveurs d’estampes étaient rétribués de 5 à 10 sous la plaque gravée. Le graveur reproduisait un dessin sur une plaque de cuivre qui avait été préalablement recouverte d’un vernis. C’était en fait le vernis qu’il gravait. Le dessin terminé, on appliquait de l'acide nitrique, appelé à l’époque « eau-forte », et l’acide attaquait le cuivre aux endroits où il avait été mis à nu. Du fait de l’impression sur le papier, les textes et légendes devaient être gravés à l’envers sur les plaques, ce qui donnait lieu parfois à quelques oublis sur certaines estampes qui étaient néanmoins tirées (avec des mots à l’envers). Les couleurs étaient ensuite appliquées avec des pochoirs.

Une presse à estampes et un graveur à droite

    Chaque exemplaire imprimé était ensuite vendu entre 10 et 15 sous, soit dans la boutique, soit par des colporteurs comme celui que nous voyons sur ces trois estampes.

    Même si les estampes de chez Basset étaient moins chères que celle des maîtres graveurs, tout le monde ne pouvait pas se les offrir. En 1789, le salaire d’un travailleur journalier parisien variait entre 12 et 20 sous (plus souvent 15), et celui d’un artisan variait entre 20 et 50 sous.

    Pour vous donner une meilleure idée, sachez que le 14 juillet 1789, une miche de pain coûtait 14 sous (de 1 à 3 sous la livre selon la qualité du pain). Entre janvier 1787 et juillet 1789, le prix du pain avait augmenté de 75%...

    Vous apprendrez dans la vidéo que je vous propose ci-dessous, que comparés au revenu actuel d'un travailleur, ces 14 sous équivalaient à plus de 56 de nos euros actuels !



La vidéo !

    Voici la vidéo de l'émission qui avait été diffusé sur la chaîne de télévision M6 en octobre 2015. La qualité est médiocre, mais le contenu est plutôt bien, si on le compare à celui d'autres émissions abordant le thème devenu si délicat de la Révolution française.




Quelques photos de la "réincarnation" de Basset ! 😉

Le bonhomme à droite, c'est Basset !


Au fond, l'échoppe de Basset
et Basset dansant la Carmagnole 😂


La "start-up" de Basset, sur le tournage.