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dimanche 15 mars 2020

Mars 1789 : Patience, les plumes du paon tomberont

Louis-Antoine de Gontaut, Duc de Biron

Une histoire de paon

    J'ai choisi ce magnifique tableau représentant le Duc de Biron sous la forme d'un paon, pour illustrer la petite histoire publiée dans La Gazette des gazette de Mars 1789, que je vous rapporte ci-dessous. Elle est savoureuse...

"On cite le trait d'un paysan qui a arrangé, à s'en souvenir, un orgueilleux Haubereau. Le rustre était meunier ; il conduisait trois ânes, sur l'un desquels il faisait route. Le gentilhomme qui donnait la main à des Dames, leur a dit plaisamment : "Laissez passer Messieurs du Tiers Etat". Le paysan a répliqué :"Patience, les plumes du paon tomberont." Le noble a couru sur le vilain ; il avait l'épée nue ; il a voulu l'en frapper. Le jouvenceau, qui a de bons poings, a pu lui arracher son arme, la casser, le défigurer avec la poignée, et le laisser pour mort sur la place. Puis il s'est sauvé dans l'île de Jersey ; mais comme on lui donne raison, même parmi la noblesse, il est sans doute de retour à son moulin."

Source

La Gazette des gazettes, ou Journal Politique, (dite également "Journal de Bouillon"). 

    "La Gazette des gazettes" avait commencé de paraître en 1764. Elle était rédigée par un officier en retraite, Jacques Renéaume de la Tache, un homme recommandable par une diction aisée et le talent de l'analyse" (Ozeray, éd de 1827, p 247). Paraissant chaque quinzaine, elle traitait surtout de politique internationale et évoquait également la vie littéraire. Celle-ci connu un vif succès puisqu'elle eut de nombreux souscripteurs.

Souscription: 9 £ puis 12 £ par an à Bouillon (en Belgique), 14 puis 18 £ par an en France.

    Bouillon. Editeur: «directeur du bureau des ouvrages périodiques à Bouillon»; à Paris, Lutton, Rue Sainte-Anne, Butte Saint-Roch.

    Les armes de la ville de Bouillon, où vivait Jacque Renéaume de la Tache, figuraient en couverture de chaque numéro.


Portrait du Biron en paon

La page du Ministère de la Culture, sur laquelle j'ai trouvé ce portrait nous dit que celui-ci est pour le moins inhabituel.

"C’est qu’il s’agit d’une caricature, un portrait charge, qui vise à ridiculiser le personnage. Toutefois, s’il est impossible de connaître les raisons précises d’une telle représentation, on peut imaginer une commande de l’un de ses détracteurs au sein de la noblesse. Gontaut-Biron est en effet connu pour son fort caractère. Une anecdote veut qu’il ait renvoyé un noble anglais de chez lui en payant ses dettes, après que ce dernier l’eut offusqué en minimisant les forces navales françaises et en lui assurant qu’il pourrait fort bien les vaincre: « Partez, Monsieur. Allez essayer de remplir vos promesses; les Français ne veulent se prévaloir des obstacles qui vous empêchent de les accomplir. »

L’association au paon pourrait alors être une référence à son assurance, à sa superbe et à sa propension à pavaner; peut-être faut-il y voir un lien avec les Fables de La Fontaine, alors très populaires, et plus particulièrement au Geai paré des plumes du paon, où l’oiseau, après avoir emprunté le ramage d’un autre et paradé dans un rôle qui n’était pas le sien, est reconnu, ridiculisé par ceux auxquels il s’était mêlé et rejeté par les siens. Pour autant, cette œuvre est inédite par son iconographie et tout à fait surprenante pour son temps."

Source : Le Duc de Biron en paon - Carambolages : les secrets des œuvres

mardi 3 mars 2020

3 Mars 1789, le Cardinal de Bernis demande du blé au Pape.

 

François Joachim de Pierre de Bernis

Trente mille rubbio de grains

    Nous pouvons lire en page 54 du numéro de mai 1789 du journal La Gazette des Gazettes, l'entrefilet suivant :

"On est instruit aussi que le 3 mars dernier, le cardinal de Bernis demanda, au nom du roi, au Saint Père, l'extraction pour la Provence, de 30 mille rubbio de grains ; le rubbio équivaut à environ 500 de nos livres (1). Déjà l'on apprend de la Provence & du Languedoc qu'il est arrivé dans les ports de ces provinces plusieurs bâtiments chargés de ces grains ; on en attend encore de la Sardaigne d'où, à la demande du roi, Sa Majesté Sarde a permis d'en tirer une certaine quantité."

Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4153057/f54.item

Accès à la Gazette des gazettes :


(1) Le rubbio était une unité de mesure en usage sur les terres pontificales. Le document suivant donne plus d'explications (page 281) :
 Olivier_Reguin_Anciennes_mesures_agraires 2021.pdf



Le pain !

    Le pain, encore le pain. Le pain sera l’un des personnages principaux de cette année 1789. Nous en reparlerons souvent, car en cette terrible 1789, le pain va briller par son absence ou sa rareté. Comment un pays aussi riche de terres cultivables, comme l’est la France, pouvait-il se retrouver en situation de pénurie de grains ? La France manquait-elle d’ailleurs vraiment de grains, ou bien ceux-ci étaient-ils stockés en attendant que les prix montent, ou alors exportés à l’étrangers ? Pourquoi se retrouvait-on à importer du grain d’Italie, de Sicile, ou même d’Algérie comme nous le verrons plus tard ? De nombreux articles traiteront de ce sujet.



Le cardinal de Rubis en quelques mots...

    Pour le moment, attardons-nous sur le cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis. Cet homme exceptionnel est un bel exemple du type de personnalités étonnantes qu’a pu produire l’Ancien régime. De Bernis était en effet un poète libertin, un homme politique, un ambassadeur, un Duc et un cardinal.

    Tout comme l’évêque d’Autun qui deviendra célèbre sous le nom de Talleyrand, le cardinal de Bernie était athée. Tout au moins le demeurera-t-il jusqu’à l’année 1789 qui s’avérera propice à sa révélation de la foi. L’athéisme, le théisme ou le scepticisme étaient courants à l’époque dans les hautes sphères du clergé constituée par la noblesse. La foi était plutôt l’apanage du miséreux bas clergé. De Bernis était entré dans les faveurs du Pape en s’opposant aux Jésuites qui lui avaient gâché sa jeunesse (je vous laisse deviner comment…). Il fera d’ailleurs une longue et brillante carrière de diplomate à Rome.

    Ce cardinal étonnant avait fait ses débuts en entrant dans les bonnes grâce d’Antoinette Poisson, plus connue sous le nom de Marquise de Pompadour et maitresse de Louis XV. C’est ainsi qu’il deviendra ambassadeur, puis ministre d’état, qu’il recevra le Cordon bleu des mains du roi à Paris et qu’il obtiendra l’abbaye de Saint-Médard de Soissons qui lui rapportera 30.000 livres de rente par an…

    De ses talents de poète, on retiendra que le facétieux Voltaire le surnommait « Babet la bouquetière », ou « Belle Babet », en référence au côté floral ou champêtre de ses vers et au nom d’une marchande de fleurs alors célèbre à Paris.

    Libertin, il le fut assurément, puisqu’il partagea avec Giacomo Casanova la même maitresse, une religieuse, familière du septième ciel…

    Des hagiographes nostalgiques de l’ancien régime s’extasieront du fait qu’il n’hésita pas, à la dernière heure, de choisir sa foi plutôt que les plaisirs mondains. Mais en quoi cela était-ce étonnant ? C’est le fonds de commerce du catholicisme depuis ses débuts ! Menez une vie de débauche et quand vous n’aurez plus la force de vos excès, repentez-vous sincèrement et devenez religieux, le paradis vous attend ! A l’instar d’Augustin d'Hippone, qui après une vie d’immoralité et d’excès, devint l’un des pères de l’église (Saint-Augustin) et inventa même le concept horrible du péché originel qui fait de vous un coupable dès la naissance ! Passons…

    Ne jugeons pas ce brave cardinal. Il était né dans la société malade de l’ancien régime. Il ne pouvait devenir autre que ce qu’il fut. Rendons lui grâce d’avoir intercédé auprès du souverain pontife afin d’obtenir du grain pour nourrir les Français.