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lundi 4 août 2025

Un portrait de Mirabeau (dans la « Biographie moderne » de 1815.)

 

 Un homme hors du commun.

    Vous le constaterez par vous même si vous lisez la chronique de l’année 1789, Mirabeau est l’un des personnages parmi les plus importants au sein de l’Assemblée nationale (sinon le plus important). C’est un tribun qui domine l’assemblée par ses discours éclairés de son intelligence hors du commun. Ce bouillonnant provençal semble tout comprendre avant les autres. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un personnage fort complexe. On se demande en effet souvent où il veut en venir ou « pour qui roule-t-il ? ». Personnage hors normes, Mirabeau intrigue, trame, projette, mais d’où vient-il et quel est son but véritable ?    

    Mirabeau me semble être à l’image de cet ancien régime qui s’effondre, rongé par le vice et la corruption. Dans une société plus juste et plus saine, il aurait peut-être pu développer ses talents autrement et faire des merveilles. Mais cet homme est le fruit de son époque. Il est rongé par la cupidité et par l’ambition. La Révolution est pour lui une opportunité de satisfaire son hubris démesurée. Il agit comme un joueur, n’hésitant pas à tricher ni même à trahir. On comprend mieux pourquoi certains révolutionnaires ont tenté d’intégrer la vertu en politique, l’ancien régime moribond avait atteint le comble de la corruption.

Une biographie "d'époque".

    J’ai découvert la courte biographie ci-dessous dans un ouvrage publié en 1815 par le libraire écrivain éditeur Alexis Eymery. Il s’intitule : « Biographie moderne, ou Galerie historique, civile, militaire, politique et judiciaire : contenant les portraits politiques des Français de l'un et de l'autre sexe, morts ou vivants, qui se sont rendus plus ou moins célèbres depuis le commencement de la révolution jusqu'à nos jours, par leurs talents, leurs emplois, leurs malheurs, leur courage, leurs vertus ou leurs crimes. ». (On n’avait pas peur des titres longs à l’époque.)

    Si la curiosité vous en dit, vous pourrez découvrir dans les deux tomes de cet ouvrages, les biographies de nombreux personnages de la Révolution. (Cela vous changera de Wikipédia). On m’a déjà reproché d’utiliser de trop anciennes sources pour étayer certains articles. Mais où croyez-vous que les historiens contemporains puisent les leurs ? L’avantage tient également à la disponibilité de celles-ci qui sont toutes dans le domaine public. A quoi bon vouloir publier sur Internet des articles à la disposition de tous, si mes lecteurs doivent obligatoirement acheter des livres pour vérifier ce que j’écris ?    

    Vous allez probablement être étonnés par la très turbulente jeunesse de Mirabeau ! L’article s’arrête bien évidemment à la mort de celui-ci. Aussi ne dit-il pas que le « Grand homme » fut le premier grand personnage de la Révolution à être inhumé le 5 avril 1791 dans l’ancienne Église Sainte Geneviève, devenue Panthéon des grands hommes. Il ne dit pas non-plus que Mirabeau fut aussi le premier à quitter le Panthéon le 21 septembre 1794, après que l’enquête qui avait suivi la découverte de l’armoire de fer en novembre 1792, eut révélé qu’il avait pris clandestinement contact avec le roi et sa cour et intrigué dans l’espoir de devenir ministre de la monarchie constitutionnelle. Sa dépouille fut remplacée par celle de Marat. 

Squelette de Mirabeau sortant de l'armoire de fer.

    Voici l'article dans la "Biographie Moderne" (Tome 2, page 327). L'ouvrage est accessible en sa totalité dans la fenêtre sous l'article.

Je me suis permis d'y ajouter des notes (), des liens hypertextes et quelques images. 

MIRABEAU (Honoré-Gabriel Riquetti, comte de ) député aux états-généraux,

    Né en 1749, il embrassa d'abord la carrière des armes, et fit la guerre de Corse. Une jeunesse impétueuse, dès passions ardentes semèrent les commencements de sa vie de désordres et de malheurs. Il épousa ensuite mademoiselle de Marignan   (1) ; riche héritière de la ville d'Aix ; mais cette union ne fut point heureuse et il se livra bientôt a des dépenses excessives qui dérangèrent sa fortune et l'endettèrent de 300.000 fr. Interdit par le Châtelet, à la sollicitation de son père, il ne garda plus alors de mesures ; fut renfermé au château d'If, à la suite d'une querelle particulière, et ensuite au fort de Joux en Franche-Comté.

Mademoiselle de Marignane
Source

    Il obtint cependant la permission d'aller quelquefois à Pontarlier, où il connut Sophie de Ruffey, marquise de Monnier (2) femme d'un président du parlement de Besançon, belle et spirituelle, et qui lui inspira le plus vif amour. La voir, l'adorer, la séduire et l'enlever, ne fut pour Mirabeau que l'ouvrage de quelques instants. Il se sauva avec elle en Hollande fut condamné à avoir la tête tranchée pour ce rapt ; puis ramené, en 1777, au château de Vincennes, on il resta jusqu'en décembre 1780. 

Sophie de Ruffey, marquise de Monnier (1789)

Arrestation de Mirabeau et Sophie de Ruffey
 à Amsterdam en 1776

    Il recouvra alors sa liberté ; réclama devant les tribunaux, sa femme, qui refusait de se réunir à lui ; plaida lui-même sa cause au parlement d'Aix ; et la perdit. La révolution française vint bientôt offrir une vaste carrière à l'activité et au génie de Mirabeau. Rejeté par la noblesse de Provence, lors des élections, il loua un magasin avec cet écriteau Mirabeau marchand de draps ; fut élu par le tiers-état de la ville d'Aix, et appelé dès lors le comte Plébéien. Il ne tarda pas s'emparer de la tribune et à y discuter des questions les plus importantes de l’organisation sociale. La cour l'ayant d'abord négligé et même maltraité, il se rapprocha du duc d'Orléans ; en obtint les sommes dont il avait besoin ; reconnut bientôt qu'il ne pourrait rien faire de cette âme de boue et cessa toute liaison avec lui, après les événements des 5 et 6 octobre 1789 dont il avait été le moteur et le directeur secret : on assure que le lendemain il fit encore faire de nouvelles ouvertures au roi, mais qu'elles furent de nouveau malheureusement rejetées. Déterminé à tout entreprendre pour se venger, Il conçut et exécuta le plan qu'il suivit depuis avec tant de constance et détruisit la monarchie pièce à.pièce, jusqu'à ce qu'enfin la cour lui payât ses dettes et lui accordât une pension. Il se livra alors tout entier au raffermissement du trône et de la religion ; adressa au roi un mémoire sur les causes de la révolution et sur les moyens de l’arrêter, et cherchait, dit-on, au moment de sa mort, à dissoudre une assemblée qu'il ne pouvait plus diriger. Il serait inutile d'énumérer ici tous les actes législatifs auxquels Mirabeau pris part où qu'il provoqua ; ils ont eu dans les temps trop d’éclat, pour être déjà oubliés du lecteur.

    Nous ne citerons donc ici ni sa fameuse réponse à M. de Brézé (3), ni ses attaques contre les ministres, ni les débats éloquents que fournirent, son opposition aux vues des Maury et des Cazalès ; nous dirons seulement que dans la discussion sur le veto et au moment où il était encore mal avec la cour il dit ces paroles remarquables "Si le roi n'avait pas le veto, j'aimerais mieux vivre à Constantinople qu'à Paris". Le lendemain de la prise de la Bastille, l'assemblée ayant appris que le roi devait se rendre dans son sein, en témoigna la joie la plus vive mais Mirabeau, la réprima en s'écriant : « Qu'un morne respect soit le premier accueil fait au monarque dans un moment de douleur, le silence des peuples est la leçon des rois ». Il conserva, en 1790, la plus grande influence, mais on le vit cependant perdre un peu de sa popularité à mesure qu'il combattit plus ouvertement les jacobins dont il entrevoyait le but et pressentait déjà les craintes. Cependant le 13 avril, en combattant la motion de déclarer nationale la religion catholique il s'écria : « Je supplie l'assemblée de ne pas oublier que de cette tribune on aperçoit la fenêtre ou Charles IX donna le signal de la Saint-Barthélemy. » Il exerçait encore alors un grand empire à la tribune et semblait surtout s'étudier à réhabiliter de temps en temps sa popularité, afin de pouvoir se prononcer ensuite avec plus d'avantage en faveur du roi, pour les objets importants. Nommé président de l'assemblée le 31 janvier 1791, époque de ses relations les plus intimes avec la cour, il voulut acquérir un nouvel éclat et se montrer capable de diriger l'assemblée, ce qu'il exécuta avec un art admiré de ses ennemis mêmes. Il était peut-être sur le point de réussir dans son plan de réédification de la monarchie lorsqu'il tomba malade le 28 mars, et mourut le 2 avril à huit heures et demie du matin âgé de quarante-deux ans. Il dit hautement au lit de mort, à ses amis : « J'emporte la monarchie avec moi ; des factieux s'en partageront les débris. » Il conserva jusqu'au moment de sa mort toute sa tête et sa fermeté, et écrivit le matin même ces mots : « II n'est pas si difficile de mourir. »

 (1) Biographie de Marie-Marguerite-Emilie de Covet de Marignane, future comtesse de Mirabeau

 (2) Il y a souvent une grande femme derrière un grand homme. Le vie de Sophie de Ruffey mérite vraiment d'être connue. En plus de son article sur Wikipédia, je vous propose de lire celui sur le forum du site de Marie-Antoinette et cet autre.

(3) Mirabeau aurait eu deux répliques, une célèbre, l'autre mois. Lire l'article.

Voici la fameuse biographie moderne (de 1815) disponible sur le site de la BNF : 

 
 

A noter que Mirabeau écrivait aussi bien qu’il parlait, (c’est un des bons côtés de son époque), Raison pour laquelle je me suis offert les 4 tomes qu’il a publié en 1791 : « Mirabeau peint par lui-même » 

Vous pouvez les lire intégralement via la fenêtre ci-dessous, sur le site de la BNF :

 

 
 
Post Scriptum :
 
Pour l'année 1789, je vous conseille la lecture des articles suivants, qui parlent de Mirabeau :

jeudi 15 février 2024

Hommage au visionnaire Marquis d'Argenson

 


Pourquoi un article sur le Marquis d’Argenson ?

    René Louis de Voyer de Paulmy d'Argenson, né à Paris le  et mort à Paris le , fut un ministre de Louis XV. Le roi l’avait nommé secrétaire d’état aux affaires étrangères en novembre 1774, plusieurs mois après que la France fut officiellement entrée dans la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), aux côtés de la Prusse. Eh oui, à cette époque la Prusse était l’alliée de la France contre l’Autriche ! C’est même la raison pour laquelle le mariage de Louis XVI avec l’Autrichienne Marie Antoinette fut très mal vu par une grande partie de la Cour et que celle-ci fut à l’origine de toutes les rumeurs salissant la reine, rumeurs reprises plus tard par le peuple sous la Révolution. Mais ce n'est pas là le sujet de cet article...

Marie Antoinette, luxueusement parée,
lors des Etats Généraux de 1789.
(Grosse erreur de com. vu que ceux-ci avaient été
 convoqués pour traiter du déficit des compte du royaume.)

    C’est au travers de quelques témoignages évoquant ses écrits que j’ai découvert ce grand homme. Et quels écrits ! On y retrouve bien sûr le grand style du 18ème siècle, avec son esprit et sa vivacité. Mais le plaisir ne s’arrête pas là. Comment ne pas être sensible à l’intelligence et à l’humanité de cet homme ? Ses descriptions de l’effroyable misère du peuple français dans les années 1739 et 1740 sont saisissantes. J’ai rapporté plusieurs extraits de ses mémoires dans mon article sur la misère avant la Révolution

La famille pauvre, de JB Greuze.

    Dans l’introduction du tome 1 des Révolutions de Paris, journal né durant l'été 1789 (Introduction écrite le 30 janvier 1790 pour les numéros reliés du tome 1), le rédacteur (probablement Elysée Loustallot) rendit hommage au Marquis d’Argenson qui « avait eu le courage de dire la vérité dans ses Considérations sur les gouvernements. » (p.35).

Un visionnaire prédisant la Révolution à venir.

    Ce ministre exceptionnel, au contraire de la plupart de ses pairs, connaissait particulièrement bien l'état de la France, et il s’en alarmait. Ce que l’on peut lire dans le chapitre « Misère des provinces (Février 1739 – fin 1740) » (Accessible en bas de page) ressemble à une prédiction de la Révolution qui bouleversera la France 50 ans plus tard ! (page 23 du tome 2) :

« Le mal véritable, celui qui mine ce royaume et ne peut manquer d’entrainer sa ruine, c’est que l’on s’aveugle trop à Paris sur le dépérissement de nos provinces. »

    S’en suit une effrayante description de la misère qui frappe de nombreuses provinces du royaume. Voici quelques extraits :

« Les hommes meurent autour de nous, dru comme des mouches, de pauvreté, et broutant l’herbe. » (p.24)

« Il est positif qu’il est mort plus de Français de misère depuis deux ans que n’en ont tué toutes les guerres de Louis XIV » (p.34)

19 mai 1739 :

« Le Duc d’Orléans porta dernièrement au conseil un morceau de pain de fougère. À l’ouverture de la séance, il le posa sur la table du roi, disant : Sire, voilà de quoi vos sujets se nourrissent. » (p.27)

D’Argenson est lucide sur l’aveuglement et la cruauté des puissants.

« On répond à tous ces récits que la saison est belle, que la récolte promet beaucoup. Mais je demande ce que la récolte donnera aux pauvres. Les blés sont-ils à eux ? La récolte appartient aux riches fermiers, qui eux-mêmes, dès qu’ils la recueillent, sont accablés de demandes de leurs maîtres, de leurs créanciers, des receveurs des deniers royaux, qui n’ont suspendu leurs poursuites que pour les reprendre avec plus de dureté. » (p.28)

L’éternelle rengaine des riches sur la fainéantise des pauvres...

Août 1739 :

« Il (Le conseiller d’État Fagon) a persuadé tout de bon au ministère que c’est une habitude de paresse qui corrompt les meurs des provinces. C’est ainsi que j’ai entendu accuser de pauvres enfants sur lesquels opérait un chirurgien d’avoir la mauvaise habitude d’être criards. » (p.29)

« Tels sont ceux qui ont part à la direction des affaires : durs, tyranniques, heureux de leur sort, jugeant celui des autres par le leur propre ; juges de Tournelle, habitués à voir de sang-froid disloquer les membres des suppliciés.

Toute misère provient de la fainéantise, et les impôts tels qu’ils sont ne sont pas suffisants. Ces bourreaux de ministres pensent aiguillonner l’industrie et corriger les mœurs par la nécessité de payer de gros subsides. » (p.30)

    D’Argenson a raison, on voit le monde à l’image de ce que l’on est. Un voleur n’y voit que des voleurs, un envieux ne reconnait autour de lui que d’autres envieux, un corrompu est persuadé que toutes et tous sont à vendre, etc.

Le triste constat

    Quand on lit ce terrible chapitre, on comprend que la Révolution était inévitable. La description qui y est faite de la France est bien loin de l’image idyllique que les nostalgiques de l’Ancien régime continuent de nous représenter inlassablement.

    Hélas, mille fois hélas ! Tout le monde est convaincu par les histrions qui font de l’histoire de contes de fées : L’Ancien régime était idyllique et la Révolution qui y mis fin fut une horreur  absolue ! 

    Quand donc une série télé nous montera-t-elle l’odieuse misère de cette époque plutôt que les simagrées de marquises et marquis d’opérettes ?


Digression...

    Je ne suis pas un grand cinéphile, mais je n'ai pas vu la misère et la colère du peuple aussi bien représentée en ce début de 18ème siècle que dans le film de Bertrand Tavernier sorti en 1975 : "Que la fête commence". L'histoire se situe sous la régence de Philippe d'Orléans, tuteur de l'enfant qui deviendra Louis XV. À la fin du film le carrosse du Régent lancé à toute allure sur la route de Versailles, renverse un enfant. Philippe d’Orléans propose de dédommager la mère par une somme d’argent. Des paysans accourent et incendient le carrosse. La mère dit alors à son enfant mutilé : « Regarde comme ça brûle bien » dit la mère a son enfant. On va en brûler d’autres… beaucoup d’autres. » 

 

Source :

    Le chapitre sur la misère des provinces est accessible sur la site de la BNF via la fenêtre ci-dessous :

vendredi 14 juillet 2023

Les estampes érotiques révolutionnaires...

 

La face cachée...

"La joyeuse face cachée de la Révolution."

    Je ne pouvais pas passer sous silence ces autres estampes diffusées sous la Révolution, c’est-à-dire, les coquines, les érotiques, etc. Il fallait bien que je leur consacre un article, par honnêteté envers vous, chers lectrices et lecteurs !

    Il y en a eu tellement ! Je dispose de nombre de ces images "impudiques" dans un dossier de ma base de données ! Mais bien sûr, je ne peux pas vous les montrer toutes, car je tiens à ce que mon site reste pour tous publics. L'abondance de texte caractérisant celui-ci devrait suffire à dissuader les jeunes âmes innocentes. Mais quid ensuite du référencement des images par Google ? J'ai déjà assez de soucis avec les royalistes (pas tous) qui me dénoncent régulièrement à Facebook ou Google ! Je ne vous montrerai donc dans cet article que les gravures les plus bénignes et quelques autres un peu plus scabreuses que je censurerai.

    J’ai emprunté cette expression « La joyeuse face cachée de la Révolution » à l’écrivaine Régine Desforges qui l’utilisa dans la préface qu’elle rédigea en introduction de l’ouvrage de son mari éditeur, Jean-Jacques Pauvert, publié en 1789, ouvrage consacré aux estampes érotiques révolutionnaires.

    Régine Desforges fut une éditrice et une romancière à succès dans les années 80. Défendant le droit des femmes à s'assumer seules, y compris dans leur sexualité, elle publia également des romans érotiques et fut même condamnée pour atteinte aux bonnes mœurs à cause des textes érotiques qu’elle publiait. Elle co-réalisa également en 1980 un film inspiré de l’un d’entre eux, « contes pervers ». (Ah les années 80 ! Si vous saviez !)

Je vous propose de lire cette préface de Régine Desforges :

« Quelle gaîté, quelle santé, quelle jeunesse, quelle belle humeur, quelles jolies couleurs !

Que la convulsion révolutionnaire se soit extériorisée (et finalement des deux côtés, semble-t-il), avec une exubérance aussi sensuelle, aussi printanière, me ravit.

Mais à la réflexion, y a-t-il tellement de politique là-dedans ? A faire défiler toutes ces estampes dont aucune, en fin de compte, n’est féroce (où est la guillotine, où sont les massacres des prisons ?), aucune, à bien y regarder, vraiment obscène, on se prend à penser que peut-être, bien plus que dans le combat des factions, c’est dans l’ivresse d’une liberté de tout dire, de tout montrer, dans l’allègre vertige de l’ « interdit d’interdire » que se jetaient – sur commande ou pas – les jeunes artistes des deux camps : c’est le gentil chasseur bandant, Lafayette lutinant Marie-Antoinette, le triomphe des Droits de l’Homme – un gros vit porté en triomphe -, de la maudite liberté foutant en cul, du voluptueux anachorète… tout cela dans la joie sans jamais rien de pervers.

Rien de semblable avec la littérature, qui est noire - reflet des angoisses de ce temps - c’est l’époque du grand succès des livres d’Ann Radcliffe, de Ducray-Duminil, de la Justine de Sade, de l’étrange roman de Revérony Saint-Cyr, Pauliska ou la perversité moderne, des liaisons dangereuses, toujours, du Moine de Lewis, et de tant d’autres.

Je livre la question aux historiens. Aux simples lecteurs et voyeurs comme moi, je laisse le plaisir de découvrir la joyeuse face cachée de la Révolution. »

Un nouveau concept :"Le plaisir national"

Grivoiseries révolutionnaires et libertinages d’ancien régime.

    Je partage la même impression que Régine Desforges quant à la nature de ces estampes "révolutionnaires". Leurs auteurs sont plus dans l’esprit des donneurs de fessées publiques dont je vous ai parlées dans un précédent article que de celui des septembriseurs assoiffés de sang. Ces images relèvent plus de ce que l’on appelait autrefois la grivoiserie ou la gauloiserie que d’une forme de dépravation.

    C’est plutôt dans certaines gravures de l’ancien régime que l’on découvre ce que l’on peut objectivement considérer comme du vice ou de la perversion. Pas dans toutes, bien sûr, car le libertinage fut aussi au 18ème siècle une forme de libération sexuelle et il inspira joliment des créations artistiques fort plaisantes. J'ai de très jolies estampes de ce type, que je ne publierai hélas pas dans cet article, car ce n'est pas le sujet ! 😉

L'illustration ci-dessous constitue un bel exemple de ces jolies gravures :

"Dame à sa toilette"
Gravure d'après Charles Eisen.

    Tout comme il en fut de la violence, les gravures licencieuses ne furent pas l’apanage de la Révolution. Même si elles sont contemporaines, les estampes érotiques révolutionnaires font bien pâles figures comparées aux gravures figurant dans les ouvrages du Marquis de  Sade ! Contemporaines, car c’est bien grâce à la Révolution que Sade, alors âgé de 50 ans, fut libéré de prison le 2 avril 1790 (il était alors emprisonné pour ses crimes réels et pas seulement pour ses écrits) par suite de l’abolition des lettres de cachet et c’est sous la Révolution malgré tout qu’il publiera ses principaux livres.

Un mot sur Sade.

    Je ne pense pas prendre parti en écrivant que l’univers de Sade est celui de l’Ancien régime. Il suffit de le lire pour s’en assurer. Bon courage d’ailleurs si vous vous y aventurez car c’est parfois à la limite du soutenable du fait des cruautés qui y sont décrites. Cet homme sulfureux traversera d’ailleurs sans trop de soucis la Révolution. Il sera finalement interné parmi les fous au milieu desquels il mourra en 1814. Passons. Je vous laisse lire sa bio sur Wikipédia si vous souhaitez en savoir plus.

Mise à jour au 08/04/2024 : Une de mes plus fidèles abonnées de ma page Facebook, m'a conseillé ce livre sur le ténébreux marquis : "Les Sept Vies du Marquis". Il semble en donner une autre image. Merci Lucette 😊

Marie-Antoinette confrontée à la "passivité" de Louis (extrait).

Légèreté des estampes versus gravité des livres ?

    Régine Desforges souligne une différence entre les estampes et la littérature de l’époque. Elle liste même quelques auteurs pour étayer son propos. Le livre de Jean-Jacques Pauvert montre néanmoins de nombreuses gravures qui ont été extraites de livres. Je vous propose de consulter l’un d’entre eux, publié en 1791 par "La Muse libertine", intitulé : "Les fouteries chantantes, ou Les récréations priapiques des aristocrates en vie", édité "A Couillardinos, de l'imprimerie de Vit-en-l'air et distribué chez le Sieur Flavigny, chanteur de godet, et marchand de musique, quai des Morfondus, au Vit couronné…". Tout un programme...

    Vous pourrez y constater que le texte et les images sont bien légères, comparées à ce que l’on trouve dans un livre du Marquis de Sade.

    Vous pouvez le consulter dans la fenêtre ci-dessous (Pour Sade, je vous laisse chercher par vous-même) :


Quelques exemples ?

    Je parle, je parle, mais jusque-là, bien peu d'images ! Je vous propose arbitrairement deux thèmes. 

Vigueur de soldat...

    Ces quelques estampes vantent la vigueur des soldats. La quatrième (la plus explicite) a même été dessinée par deux officiers de la Garde nationale parisienne...

 
 
Dans le même esprit...

Marie-Antoinette.

    Enormément de gravures évoquent les vices présumés de Marie-Antoinette. J'ai bien sûr choisi les moins choquantes. 
    Concernant cette réputation de Marie-Antoinette, n'oublions pas que toutes les rumeurs à son sujet sont toujours partie de la Cour de Versailles. Il existait en effet à la Cour un très fort courant anti-autrichien qui remontait au fameux renversement des alliances scellé par le traité du 1er mai 1756. Beaucoup de nobles détestait l'autrichienne. Toutes les pires rumeurs à propos de la reine qui coururent au sein du peuple, partirent toujours de la cour...

    Il apparait clairement que beaucoup d'estampes étaient destinées à orienter l'opinion. Necker s'en servit d'ailleurs énormément pour promouvoir sa personne et sa politique. D'autres, anonymes, avaient des intentions plus troubles. Il était si facile d'orienter la colère du peuple vis-à-vis de Marie-Antoinette...

 
 
 

Marie-Antoinette et La Fayette...
(Liaison purement imaginaire)


J'espère n'avoir choqué la sensibilité de personne avec cet article. 😇



Post-Scriptum :

    Si vous souhaitez une version non censurée d'une estampe, contactez-moi par un message sur ma page Facebook. Cela restera entre nous. 😉