Un homme hors du commun.
Vous le constaterez par vous même si vous lisez la chronique de l’année 1789, Mirabeau est l’un des personnages parmi les plus importants au sein de l’Assemblée nationale (sinon le plus important). C’est un tribun qui domine l’assemblée par ses discours éclairés de son intelligence hors du commun. Ce bouillonnant provençal semble tout comprendre avant les autres. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un personnage fort complexe. On se demande en effet souvent où il veut en venir ou « pour qui roule-t-il ? ». Personnage hors normes, Mirabeau intrigue, trame, projette, mais d’où vient-il et quel est son but véritable ?
Mirabeau me semble être à l’image de cet ancien régime qui s’effondre, rongé par le vice et la corruption. Dans une société plus juste et plus saine, il aurait peut-être pu développer ses talents autrement et faire des merveilles. Mais cet homme est le fruit de son époque. Il est rongé par la cupidité et par l’ambition. La Révolution est pour lui une opportunité de satisfaire son hubris démesurée. Il agit comme un joueur, n’hésitant pas à tricher ni même à trahir. On comprend mieux pourquoi certains révolutionnaires ont tenté d’intégrer la vertu en politique, l’ancien régime moribond avait atteint le comble de la corruption.
Une biographie "d'époque".
J’ai découvert la courte biographie ci-dessous dans un ouvrage publié en 1815 par le libraire écrivain éditeur Alexis Eymery. Il s’intitule : « Biographie moderne, ou Galerie historique, civile, militaire, politique et judiciaire : contenant les portraits politiques des Français de l'un et de l'autre sexe, morts ou vivants, qui se sont rendus plus ou moins célèbres depuis le commencement de la révolution jusqu'à nos jours, par leurs talents, leurs emplois, leurs malheurs, leur courage, leurs vertus ou leurs crimes. ». (On n’avait pas peur des titres longs à l’époque.)
Si
la curiosité vous en dit, vous pourrez découvrir dans les deux
tomes de cet ouvrages, les biographies de nombreux personnages de la
Révolution. (Cela vous changera de Wikipédia). On m’a déjà
reproché d’utiliser de trop anciennes sources pour étayer
certains articles. Mais où croyez-vous que les historiens
contemporains puisent les leurs ? L’avantage tient également
à la disponibilité de celles-ci qui sont toutes dans le domaine
public. A quoi bon vouloir publier sur Internet des articles à la disposition de tous, si mes lecteurs doivent obligatoirement acheter des livres
pour vérifier ce que j’écris ?
Vous allez probablement être étonnés par la très turbulente jeunesse de Mirabeau ! L’article s’arrête bien évidemment à la mort de celui-ci. Aussi ne dit-il pas que le « Grand homme » fut le premier grand personnage de la Révolution à être inhumé le 5 avril 1791 dans l’ancienne Église Sainte Geneviève, devenue Panthéon des grands hommes. Il ne dit pas non-plus que Mirabeau fut aussi le premier à quitter le Panthéon le 21 septembre 1794, après que l’enquête qui avait suivi la découverte de l’armoire de fer en novembre 1792, eut révélé qu’il avait pris clandestinement contact avec le roi et sa cour et intrigué dans l’espoir de devenir ministre de la monarchie constitutionnelle. Sa dépouille fut remplacée par celle de Marat.
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Squelette de Mirabeau sortant de l'armoire de fer. |
Voici l'article dans la "Biographie Moderne" (Tome 2, page 327). L'ouvrage est accessible en sa totalité dans la fenêtre sous l'article.
Je me suis permis d'y ajouter des notes (), des liens hypertextes et quelques images.
MIRABEAU (Honoré-Gabriel Riquetti, comte de ) député aux états-généraux,
Né en 1749, il embrassa d'abord la carrière des armes, et fit la guerre de Corse. Une jeunesse impétueuse, dès passions ardentes semèrent les commencements de sa vie de désordres et de malheurs. Il épousa ensuite mademoiselle de Marignan (1) ; riche héritière de la ville d'Aix ; mais cette union ne fut point heureuse et il se livra bientôt a des dépenses excessives qui dérangèrent sa fortune et l'endettèrent de 300.000 fr. Interdit par le Châtelet, à la sollicitation de son père, il ne garda plus alors de mesures ; fut renfermé au château d'If, à la suite d'une querelle particulière, et ensuite au fort de Joux en Franche-Comté.
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Mademoiselle de Marignane Source |
Il obtint cependant la permission d'aller quelquefois à Pontarlier, où il connut Sophie de Ruffey, marquise de Monnier (2) femme d'un président du parlement de Besançon, belle et spirituelle, et qui lui inspira le plus vif amour. La voir, l'adorer, la séduire et l'enlever, ne fut pour Mirabeau que l'ouvrage de quelques instants. Il se sauva avec elle en Hollande fut condamné à avoir la tête tranchée pour ce rapt ; puis ramené, en 1777, au château de Vincennes, on il resta jusqu'en décembre 1780.
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Sophie de Ruffey, marquise de Monnier (1789) |
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Arrestation de Mirabeau et Sophie de Ruffey à Amsterdam en 1776 |
Il recouvra alors sa liberté ; réclama devant les tribunaux, sa femme, qui refusait de se réunir à lui ; plaida lui-même sa cause au parlement d'Aix ; et la perdit. La révolution française vint bientôt offrir une vaste carrière à l'activité et au génie de Mirabeau. Rejeté par la noblesse de Provence, lors des élections, il loua un magasin avec cet écriteau Mirabeau marchand de draps ; fut élu par le tiers-état de la ville d'Aix, et appelé dès lors le comte Plébéien. Il ne tarda pas s'emparer de la tribune et à y discuter des questions les plus importantes de l’organisation sociale. La cour l'ayant d'abord négligé et même maltraité, il se rapprocha du duc d'Orléans ; en obtint les sommes dont il avait besoin ; reconnut bientôt qu'il ne pourrait rien faire de cette âme de boue et cessa toute liaison avec lui, après les événements des 5 et 6 octobre 1789 dont il avait été le moteur et le directeur secret : on assure que le lendemain il fit encore faire de nouvelles ouvertures au roi, mais qu'elles furent de nouveau malheureusement rejetées. Déterminé à tout entreprendre pour se venger, Il conçut et exécuta le plan qu'il suivit depuis avec tant de constance et détruisit la monarchie pièce à.pièce, jusqu'à ce qu'enfin la cour lui payât ses dettes et lui accordât une pension. Il se livra alors tout entier au raffermissement du trône et de la religion ; adressa au roi un mémoire sur les causes de la révolution et sur les moyens de l’arrêter, et cherchait, dit-on, au moment de sa mort, à dissoudre une assemblée qu'il ne pouvait plus diriger. Il serait inutile d'énumérer ici tous les actes législatifs auxquels Mirabeau pris part où qu'il provoqua ; ils ont eu dans les temps trop d’éclat, pour être déjà oubliés du lecteur.
Nous ne citerons donc ici ni sa fameuse réponse à M. de Brézé (3), ni ses attaques contre les ministres, ni les débats éloquents que fournirent, son opposition aux vues des Maury et des Cazalès ; nous dirons seulement que dans la discussion sur le veto et au moment où il était encore mal avec la cour il dit ces paroles remarquables "Si le roi n'avait pas le veto, j'aimerais mieux vivre à Constantinople qu'à Paris". Le lendemain de la prise de la Bastille, l'assemblée ayant appris que le roi devait se rendre dans son sein, en témoigna la joie la plus vive mais Mirabeau, la réprima en s'écriant : « Qu'un morne respect soit le premier accueil fait au monarque dans un moment de douleur, le silence des peuples est la leçon des rois ». Il conserva, en 1790, la plus grande influence, mais on le vit cependant perdre un peu de sa popularité à mesure qu'il combattit plus ouvertement les jacobins dont il entrevoyait le but et pressentait déjà les craintes. Cependant le 13 avril, en combattant la motion de déclarer nationale la religion catholique il s'écria : « Je supplie l'assemblée de ne pas oublier que de cette tribune on aperçoit la fenêtre ou Charles IX donna le signal de la Saint-Barthélemy. » Il exerçait encore alors un grand empire à la tribune et semblait surtout s'étudier à réhabiliter de temps en temps sa popularité, afin de pouvoir se prononcer ensuite avec plus d'avantage en faveur du roi, pour les objets importants. Nommé président de l'assemblée le 31 janvier 1791, époque de ses relations les plus intimes avec la cour, il voulut acquérir un nouvel éclat et se montrer capable de diriger l'assemblée, ce qu'il exécuta avec un art admiré de ses ennemis mêmes. Il était peut-être sur le point de réussir dans son plan de réédification de la monarchie lorsqu'il tomba malade le 28 mars, et mourut le 2 avril à huit heures et demie du matin âgé de quarante-deux ans. Il dit hautement au lit de mort, à ses amis : « J'emporte la monarchie avec moi ; des factieux s'en partageront les débris. » Il conserva jusqu'au moment de sa mort toute sa tête et sa fermeté, et écrivit le matin même ces mots : « II n'est pas si difficile de mourir. »
(1) Biographie de Marie-Marguerite-Emilie de Covet de Marignane, future comtesse de Mirabeau
(2) Il y a souvent une grande femme derrière un grand homme. Le vie de Sophie de Ruffey mérite vraiment d'être connue. En plus de son article sur Wikipédia, je vous propose de lire celui sur le forum du site de Marie-Antoinette et cet autre.
(3) Mirabeau aurait eu deux répliques, une célèbre, l'autre mois. Lire l'article.
Voici la fameuse biographie moderne (de 1815) disponible sur le site de la BNF :
A noter que Mirabeau écrivait aussi bien qu’il parlait, (c’est un des bons côtés de son époque), Raison pour laquelle je me suis offert les 4 tomes qu’il a publié en 1791 : « Mirabeau peint par lui-même ».
Vous pouvez les lire intégralement via la fenêtre ci-dessous, sur le site de la BNF :
7 Mai 1789 : Interdiction de publier des comptes rendus ? Mirabeau résiste !
3 Octobre 1789 : Mais que complote donc Mirabeau au Palais Royal ?
10 Octobre 1789 : Sur la base d'une rumeur, Mirabeau accuse Saint-Priest qui lui répond
15 Octobre 1789 : Le plan secret de Mirabeau
Je vous propose également de lire ce document de 11 pages sur les idées politiques de Mirabeau :