mercredi 19 août 2020

19 Août 1789 : Un inconnu fait un scandale au théâtre !

Marie-Joseph Chénier

    Ce soir, à Paris, au théâtre français (actuel théâtre de l’Odéon), un spectateur ose se lever en pleine représentation pour réclamer à grands cris que soit enfin jouée la pièce de Marie-Joseph Chénier, « Charles IX » interdite par la censure depuis 1788 !

    Fleury, l’acteur qui vient d’être interrompu par ce malotru, lui répond qu’il n’a pas l’autorisation de la jouer. Le public dans la salle se met à trépigner et à crier qu’il ne faut plus attendre les permissions, mais les prendre.

    Les forces de l’ordre sont obligées d’intervenir pour faire évacuer la salle !

    Ce provocateur, perturbateur de l’ordre public, déclinera son identité ; il s’agissait d’un avocat tout à fait inconnu alors, un certain Danton

   La première de la pièce, créée par l’acteur François-JosephTalma, aura lieu quelques semaines plus tard, le 4 novembre 1789. Elle provoquera une intense polémique qui viendra de la Cour, du haut clergé, de la Sorbonne, et plus généralement des adversaires de l’ordre politique nouveau.

    Cette pièce deviendra emblématique du théâtre politique par la hardiesse de son sujet.

    Elle constituait une allégorie du pouvoir monarchique despotique, campant un roi de France Charles IX, acceptant et ordonnant le massacre de la Saint Barthélémy. 

    De plus elle distinguait les responsabilités de la monarchie et de l’Église, en exemptant le peuple parisien.

    L'acteur Talma y était dit-on, saisissant, en Charles IX, quant au tableau final, prenant conscience de son crime il s'effondrait avant de mourir en disant :"J'ai trahi la patrie et l'honneur et les lois. Le ciel en me frappant donne un exemple aux Rois."

    Talma sera porté en triomphe à la sortie du théâtre, avec l’auteur de la pièce, Chénier.

    Danton aurait dit dans un café voisin :"Si Figaro a tué la noblesse, Charles IX tuera la royauté".

    L’Église la fera interdire à la trente-troisième représentation. Mais le 21 juillet 1790, la pièce sera de nouveau jouée malgré l'interdiction. La troupe de la Comédie-Française se divisera alors entre les révolutionnaires et les autres sociétaires qui refuseront de jouer avec Talma.

    Talma s'engagera de plus en plus politiquement et il se liera même d'amitié avec un certain Bonaparte.

    Il sera exclu de la Comédie-Française en 1791 et ira se réfugier dans un nouveau théâtre rue Richelieu. La salle prendra vite le nom de théâtre de la République, et quand les "comédiens-français" seront emprisonnés en septembre 1793, on accuse Talma d'avoir comploté contre ses anciens partenaires.

Le texte de la pièce est accessible par le lien suivant :
https://libretheatre.fr/.../2015/11/CharlesIX_Chenier_LT.pdf

Costumes pour la pièce Charles IX

Encore un mot sur le théâtre, durant la Révolution

    Dans son livre dont je vous parlerai bientôt, l’historien Eugène Despois pose la question suivante à propos de l’étonnante fréquentation des théâtres durant toute la révolution :

« Qui donc alors s’abandonnait à cette joie égoïste et à cette indifférence, plus féroce peut-être en des temps si graves que les frénésies les plus extrêmes du fanatisme ? »

Il donne l’étonnante réponse suivante :

« Hélas ! C’était au moins une notable partie de la population de Paris, puisque vingt théâtres ne suffisaient point à satisfaire la curiosité du public. Sans doute les pièces de circonstance abondaient alors, beaucoup moins pourtant qu’on ne semble le croire. Sur le théâtre du Vaudeville, par exemple, récemment ouvert, on ne compte pas moins de quarante pièces représentées pendant l’année 1793, et si j’en juge par les titres donnés dans l’Almanach des Spectacles pour 1794, je ne vois guère qu’une dizaine de pièces à intentions républicaines. Néanmoins, l’Almanach des Spectacles vante le caractère patriotique de ce théâtre et des pièces que l’on y joue. « C’est, ajoute-t-il, surtout depuis la Révolution que le Vaudeville a repris sa force et son véritable caractère. » Le répertoire des autres théâtres ne semble pas en général annoncer des préoccupations plus élevées. » 

Abolition des privilèges, pour le théâtre aussi ! 

    N'oublions surtout pas que c’est la révolution qui par la loi du 13 Janvier 1791 sur la Liberté des Théâtres, autorisera tout citoyen à « pouvoir élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tous les genres, en faisant, préalablement à l’établissement de son théâtre, sa déclaration à la municipalité des lieux ».

Ce sera ainsi la fin du privilège théâtral de l’ancien régime, détenu par la Comédie-Française.

Un article intéressant sur ledit privilège, se trouve ici : https://books.openedition.org/enc/890?lang=fr

Vous aimez le théâtre ?

    Le sujet du théâtre sous la Révolution vous intéresse ? Alors précipitez-vous vers cet article : "La Dugazon, maudite pas ses camarades du théâtre italien sans Italiens".





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Bertrand