Nous avons vu ces derniers jours (voir mes précédents articles), que depuis la nouvelle de la prise de la Bastille, un vent de peur balaie le royaume de France. Les historiens ont appelé ça la « Grande peur ».
Des rumeurs, colportée parfois par de mystérieux courriers, prétendent que des
hordes de brigands vont venir dévaster les champs et tuer tout le monde. En
Aquitaine les gens craignent un débarquement des Anglais ! Les paysans affolés
prennent les armes, avertissent les villages voisins, demandent des secours aux
villes et puis aucune troupe armée ne pointe son nez !
Nous avons constaté hier que la panique avait même gagné des
petits villages des Alpes-Maritimes ou plutôt du royaume de Sardaigne à
l’époque.
Au milieu de cette folie, ne nous y trompons pas, il y a
bien des attaques. Mais celles-ci ne sont pas menées par des hordes constituées
de vrais brigands et encore moins par des soldats anglais ! Ce sont plutôt de
vrais paysans en colère et bien souvent affamés, qui eux aussi veulent faire
tomber leurs Bastilles, c’est-à-dire les châteaux de leurs seigneurs locaux !
Nous étions hier 2 août au Puget et à Roquesteron qui demandaient du secours à Nice.
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François Bordier, parisien, ivrogne, acteur et révolutionnaire. |
« Un sieur Jourdain venu de Paris avec quelques-uns de ses consorts s’est adroitement introduit parmi la jeunesse de Rouen », dénonce ledit journal. Il pousse les troupes à la sédition, veut que Rouen devienne aussi révolutionnaire que Paris. Plus tard, c’est Bordier, « acteur de variétés se disant député », qui arrive dans la capitale. « Vers minuit une troupe de bandits ayant à leur tête Bordier, qu’ils appelaient le général, se porte chez M. l’Intendant, brise les portes de son hôtel et performe les plus horribles imprécations ».
Les émeutiers pillent les caves et s’enivrent (bien sûr) et
dès le lendemain ils menacent de décapiter l’Intendant et ils brûlent des
maisons. Le régiment de Navarre, stationné dans la ville, globalement resté
légitimiste, interviendra et arrêtera les deux meneurs le 5.
Les deux révolutionnaires seront condamnés par le Tribunal
de la Seine-Inférieure, à être pendu le 21 août 1789, pour fait de sédition.
François Bordier, né en 1758, fils d'un tailleur de pierre
parisien, était devenu acteur, d’abord dans la troupe d'enfants de Audinot puis
aux Variétés amusantes dirigées par Lécluze. Le théâtre des Variétés-Amusantes,
inauguré le 12 avril 1779, avait été rebaptisé "Variétés du Palais-Royal" à
l’occasion de son déménagement audit Palais Royal, où il avait ouvert son
premier spectacle le 1er janvier 1785.
Sachez également que ce théâtre deviendra la Comédie Française, en 1799.
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Une représentation au théâtre des variétés amusantes |
J’ai dit Palais-Royal ?
Bon dieu mais c’est bien sûr ! (Comme disait un commissaire
célèbre d’autrefois). Comment ne pas voir se profiler derrière ce forfait,
l’ombre maléfique du Duc D’Orléans, déjà maintes fois soupçonné d’être derrière
de nombreux troubles révolutionnaires ? A vous de décider...
Encore un mot sur Bordier, l’histoire n’a retenu comme image de ce malheureux fauteur de trouble (qui plus est parisien et ivrogne), que l’estampe que je vous propose aujourd’hui. On le voit en costume d’Arlequin, portant un masque de la commedia Del Arte, à côté de sa potence. La légende de cette sinistre gravure est la suivante : « Avis aux perturbateurs du bon ordre ». Le message était clair, non ?
Bordier sera malgré tout réhabilité le 22 novembre 1793 par
le Conseil général de la commune de Rouen (sous la 1ère République).
De nos jours, le site WEB de la ville de Rouen nous rappelle
tout de même que le début de révolution à Rouen s’est déroulé sur un fond de
crise économique et sociale, que la faim a connu son paroxysme pendant l'été et
que cela a entraîné des émeutes.
Toujours ces deux images qui se chevauchent et que l’on
retrouvera si souvent, celle de bandits ivrognes et assassins (voire même
parisiens) et celle de malheureux affamés.
Le site de la ville de Rouen, nous précise également que les
cahiers de doléances pour les Etats Généraux de Mai 1789, rédigés par Thouret,
faisaient « peu de place aux aspirations des plus pauvres et représentaient
essentiellement les souhaits de la grande bourgeoisie de la ville. La noblesse
et le clergé campaient sur la défense de leurs privilèges, seule une minorité
de la noblesse, représentée par le marquis d'Herbouville, était ouverte aux
idées nouvelles issues de la philosophie des Lumières. »
(Lire ici : https://rouen.fr/revolution-empire).
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Pendant ce temps-là, à l’Assemblée nationale, on travaille
toujours autant, les beaux discours s’enchaînent et l’on commence à évoquer une
déclaration des droits.
Un orateur propose un arrêté, en disant "qu’il faut se
hâter de remédier aux maux actuels ; que bientôt la France sera dans le plus
grand désordre ; que c’est la guerre des pauvres contre les riches ; et que si
l’on n’apporte aucun remède à la suspension du payement des impôts, le déficit
sera de plus de 200 millions ; que Monsieur le contrôleur général se plaint du
vide de ses caisses… ".
« La guerre des pauvres contre les riches » Vraiment ?
N’était-ce pas plutôt une guerre entre anciens riches et nouveaux riches ? Les pauvres, comme d’habitude, n’étant que des pions ?
Cela dit sans porter de
jugement de valeur, bien sûr, car il ne s’agit après tout que de comportements
bien humains, trop humains peut-être ?
Merci pour votre lecture
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand