Vous connaissez bien sûr les fables de Jean de La Fontaine, mais connaissez-vous celles de Jean-Pierre Claris de Florian ?
Le premier écrivit sous le grand Louis XIV. Le second écrivit sous la Révolution. Les fables de Florian valent bien celles du grand La Fontaine, mais curieusement Florian demeure méconnu. Peut-être parce qu’il a publié ses fables en 1792 ?
Ce n’est que par le plus grand des hasards que je l’ai découvert un jour en achetant un vieux livre de ses fables, dans une brocante.
Florian, né en 1755,
était un petit neveu de Voltaire. Il fut aimé par ses contemporains et il eut
dit-on une vie heureuse, bien qu’il mourût jeune, en 1794. Les mauvaises
langues diront que ce fut après un bref mais malheureux passage en prison.
Je vous parle de Florian aujourd’hui, parce que cet aimable poète a été nommé le 22 Août 1789, chef de la milice bourgeoise de Sceaux ! Il y eut beaucoup de ces moments festifs tout au long de la Révolution. Pour beaucoup, la Révolution était un rêve en train de se réaliser.
Florian n’était pas un va-t-en-guerre et la délégation municipale venue le solliciter au son des fifres et des tambours, le savait bien. Il ne s’agissait que d’un poste honorifique que ses concitoyens lui offraient, en raison de sa popularité.
Florian n’était pas non-plus un politique. C’était un vrai poète. Il écrivit aussi des contes, des nouvelles et des romans champêtres aux goûts de son temps, mais qu’on ne lit plus guère. Ses fables par-contre, se lisent toujours aussi agréablement, je vous l’assure. Certaines font agréablement réfléchir. Mais n’est-ce pas le propre d’une fable réussie ?
Pour vous en donner une petite idée, je vous propose les deux
suivantes, que j’ai extraites de mon précieux petit livre.
Voici la première. Elle s’intitule "Les deux
lions"
« Sur les bords africains, aux lieux inhabités
Où le char du soleil roule en brûlant la terre,
Deux énormes lions, de la soif tourmentés,
Arrivèrent au pied d'un rocher solitaire.
Un filet d'eau coulait, faible et dernier effort
De quelque naïade expirante.
Les deux lions courent d'abord
Au bruit de cette eau murmurante.
Ils pouvaient boire ensemble ; et la fraternité,
Le besoin, leur donnaient ce conseil salutaire :
Mais l'orgueil disait le contraire,
Et l'orgueil fut seul écouté.
Chacun veut boire seul : d'un œil plein de colère
L'un l'autre ils vont se mesurant,
Hérissent de leur cou l'ondoyante crinière ;
De leur terrible queue ils se frappent les flancs,
Et s'attaquent avec de tels rugissements,
Qu'à ce bruit dans le fond de leur sombre tanière
Les tigres d'alentour vont se cacher tremblants.
Égaux en vigueur, en courage,
Ce combat fut plus long qu'aucun de ces combats
Qui d'Achille ou d'Hector signalèrent la rage,
Car les dieux ne s'en mêlaient pas.
Après une heure ou deux d'efforts et de morsures,
Nos héros, fatigués, déchirés, haletants,
S'arrêtèrent en même temps.
Couverts de sang et de blessures,
N'en pouvant plus, morts à demi,
Se traînant sur le sable, à la source ils vont boire :
Mais, pendant le combat, la source avait tari ;
Ils expirent auprès.
Vous lisez votre histoire,
Malheureux insensés, dont les divisions,
L'orgueil, les fureurs, la folie,
Consument en douleurs le moment de la vie :
Hommes, vous êtes ces lions ;
Vos jours, c'est l'eau qui s'est tarie. »
Et voici la seconde, d’une certaine façon, un peu politique
: "Le lion et le léopard »
« Un valeureux lion, roi d'une immense plaine,
Désirait de la terre une plus grande part,
Et voulait conquérir une forêt prochaine,
Héritage d'un léopard.
L'attaquer n'était pas chose bien difficile ;
Mais le lion craignait les panthères et les ours,
Qui se trouvaient placés juste entre les deux cours.
Voici comment s'y prit notre monarque habile :
Au jeune léopard, sous prétexte d'honneur,
Il députe un ambassadeur :
C'était un vieux renard. Admis à l'audience,
Du jeune roi d'abord il vante la prudence,
Son amour pour la paix, sa bonté, sa douceur,
Sa justice et sa bienfaisance ;
Puis, au nom du lion propose une alliance
Pour exterminer tout voisin
Qui méconnaîtra leur puissance.
Le léopard accepte ; et dès le lendemain,
Nos deux héros, sur leurs frontières,
Mangent à qui mieux mieux les ours et les panthères ;
Cela fut bientôt fait ; mais quand les rois amis,
Partageant le pays conquis,
Fixèrent leurs bornes nouvelles,
Il s'éleva quelques querelles.
Le léopard lésé se plaignit du lion ;
Celui-ci montra sa denture
Pour prouver qu'il avait raison ;
Bref on en vint aux coups. La fin de l'aventure
Fut le trépas du léopard :
Il apprit alors un peu tard
Que contre les lions les meilleures barrières
Sont les petits Etats des ours et des panthères. »
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Bien cordialement
Bertrand