mardi 4 août 2020

Les voyages en France d'Arthur Young, 1787, 1788 et 1789, à lire absolument !

 Article mis à jour le 6 août 2023


    Je vous ai déjà parlé plusieurs fois d’Arthur Young, cet agronome anglais, ami du Duc de La Rochefoucauld Liancourt, qui voyagea plusieurs fois en France, avant et pendant la Révolution, puis qui publia le récit de ces pérégrinations à travers notre pays.

    Son livre est agréable à lire et sa lecture est même indispensable à qui veut découvrir la France du XVIIIème siècle.

    Je gage que vous serez parfois surpris, en découvrant cette France dont on ne parle guère souvent dans les livres d'histoire. Vous comprendrez alors à quel point la Révolution était inévitable.

    Pour vous donner un aperçu, je vous invite à lire cet extrait dans lequel il parle de sa rencontre avec une malheureuse paysanne, sur une route de Champagne, le 12 juillet 1789 :

"En montant une côte à pied pour ma jument, je fus rejoint par une pauvre femme, qui se plaignit du pays et du temps ; je lui en demandai les raisons. Elle me dit que son mari n’avait qu’un coin de terre, une vache et un pauvre petit cheval : cependant il devait comme serf à un seigneur un franchard (42 Livres.) * de froment et trois poulets, à un autre quatre franchards d’avoine, un poulet et un sou, puis venaient de lourdes tailles et autres impôts. Elle avait sept enfants, et le lait de la vache était tout employé à la soupe. — Mais pourquoi, au lieu d’un cheval, ne pas nourrir une seconde vache ? — Oh ! Son mari ne pourrait pas rentrer si bien ses récoltes sans un cheval, et les ânes ne sont pas d’un usage commun dans le pays. On disait, à présent, qu’il y avait des riches qui voulaient faire quelque chose pour les malheureux de sa classe ; mais elle ne savait ni qui ni comment. Dieu nous vienne en aide, ajouta-t-elle, car les tailles et les droits nous écrasent… — Même d’assez près on lui eût donné de 60 à 70 ans, tant elle était courbée et tant sa figure était ridée et endurcie par le travail ; elle me dit n’en avoir que 28. Un Anglais qui n’a pas quitté son pays ne peut se figurer l’apparence de la majeure partie des paysannes en France : elle annonce, à première vue, un travail dur et pénible ; je les crois plus laborieuses que les hommes, et la fatigue plus douloureuse encore de donner au monde une nouvelle génération d’esclaves venant s’y joindre, elles perdent, toute régularité de traits et tout caractère féminin. A quoi attribuerons-nous cette différence entre la basse classe des deux royaumes ? Au gouvernement. 

Source : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Young_-_Voyages_en_France_en_1787,_1788_et_1789.djvu/298 

    Comment ne pas penser à cette estampe de l'époque en lisant ce témoignage poignant d'Arthur Young ?


Quelques explications sur le Franchard.

    Le système de poids et de mesures en usage en France à la fin du XVIIIème siècle étaient, selon les propos de Talleyrand, évêque-député d’Autun, "d’une variété dont la seule étude épouvante" ; s’y ajoutait une grande complexité. On comptait alors 800 noms pour désigner les mesures et chaque dénomination se déclinait en un nombre infini de valeurs. Au nom "livre", par exemple, correspondaient 500 valeurs différentes allant de 366 g à 519. Il en était de même pour les mesures linéaires et pour les mesures à grains qui faisaient l’objet de ce propos de Talleyrand.

    Le franchard était une des unités de mesure pour le grain sous l'ancien régime. Les unités en usage étaient le boisseau, le bichet, le minot, le franchard, le quartel ou le résal . De plus, leur valeur changeait selon que la mesure était râclée, roiselée, sciée ou comble. Dans la région où Arthur Young rencontre cette femme, le Franchard de Verdun valait 25,56 litres en mesure raclée et 31,95 litres en mesure comble.

    La mesure raclée était obtenue en passant la racloire sur une mesure, pour faire tomber le grain qui s'élève au-dessus des bords

    La mesure "comble et chauchée" est la plus avantageuse ; dans ce cas la différence entre une « mesure rase » et une « mesure comble et chauchée » est dans le rapport de 1 à 1,4.

    L’importance du comble variait selon le diamètre de la mesure : le comble était plus important sur une mesure large et basse que sur une mesure équivalente étroite et haute.

Mesure à grain

Source info sur les mesures : Les mesures à grain du XVIIIe siècle.

Cartes de France

    L'édition en 3 volumes in-8, publiée à Paris par Buisson en 1794 (accessible à la fin de l'article), comprenait les deux belles cartes ci-dessous :

Carte du sol de France

Carte de Navigation et Climat de France

Comment lire Arthur Young ?

    On le trouve facilement en version papier (pas en librairie vous vous en doutez). Mais vous pouvez également le lire dans son intégralité sur le lien suivant :

https://fr.wikisource.org/wiki/Voyages_en_France_en_1787,_1788_et_1789

    Ou tout simplement via ma modeste page qui vous ouvre la fenêtre ci-dessous sur deux exemplaires scannés par la BNF !

L'édition de 1931 préfacée par l'historien Albert Mathiez :

L'édition de 1794 !

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Bertrand