samedi 15 août 2020

15 Août 1789 : Le journal du mystérieux Louis XVI, les ravages du copier-coller en histoire, et la fête de l'Assomption

 Article mis à jour le 15 août 2023


    Nous avons vu ces derniers jours (de 1789), combien les députés de l’Assemblée nationale travaillaient dur pour remettre la France sur pieds, France qu’ils avaient tout de même contribué à chahuter un peu depuis quelques semaines.

    L’idée m’est donc venu de savoir ce que le roi Louis XVI avait fait ce samedi 15 août 1789, alors que les députés étaient en repos.

    Ayant trouvé sur le « Blog de Louis XVI » (ça ne s’invente pas), un extrait du journal intime de Louis XVI, j’ai entrepris de trouver l’intégralité dudit journal. Quelques secondes plus tard, je découvrais, émerveillé, le précieux document scanné par notre ami Google à la librairie de l’université du Michigan.

Cliquez sur l'image pour accéder au journal

Un journal ? Vraiment ?

    Comment dire ? J’ai éprouvé une certaine déception ? Mêlée de gêne. Je vous explique.

    Louis XVI, ce n’était tout de même pas n’importe qui, non ? Qui ne se délecterait d’avance à l’idée des informations étonnantes, traits d’esprit brillants et autres aphorismes fulgurants, auxquels on devrait s’attendre de la part d’un homme sensé être au sommet de l’élite de son époque, le 18ème siècle, siècle de l’érudition s’il en est.

Voici donc ce que l’on peut lire à la date du 15 août 1789 :

« Bain 

La grand'messe

Vêpres

La procession et le salut »

    La lecture de ce journal est fort décevante. Il semble en le lisant, qu’à part la chasse et les cérémonies religieuses, rien ne semblait vraiment intéresser ce grand monarque. On peut comprendre pourquoi certains historiens ont dit que le malheureux n’était pas à la hauteur des problèmes de son époque et qu’il avait été dépassé par les événements.

    Comme on peut le lire en page 21 de l'introduction de l'édition de 1873 publiée par Louis Nicolardot :

"Ce qu'il y a de singulier, c'est que, des milliers de pages qu'on va analyser, il sera impossible de déterrer une pensée."

    Mais il ne faut bien évidemment pas s'arrêter à ce journal, pour tenter de mieux comprendre le roi. Louis XVI n'allait bien évidemment pas confier ses pensées les plus intimes dans un journal comme celui-ci, qui d'ailleurs était accessible à tout son entourage. L'a-t-il fait ? En aurait-il été capable ? Questions sans réponses.

    Peut-être nous faudra-t-il lire les journaux d'autres personnages, pour en apprendre un peu plus sur Louis XVI ? Le journal de l'abbé Véri constitue une source intéressante.

Mise à jour du 09/10/20 :

    Grâce à l'historienne Aurore Chéry, qui a rédigé le texte de la vidéo ci-dessous, de la chaîne "L'histoire vous le dira", vous allez mieux comprendre le mystère de cet étrange journal de Louis XVI. Le livre écrit par cetet historienne dévoile un tout autre visage de Louis XVI que celui auquel nous sommes habitués : "L'intriguant, Nouvelles révélations sur Louis XVI".


Les ravages du "copier-coller" en histoire

    Il semble en effet qu'en histoire, le "copier-coller" sévisse depuis bien plus longtemps que l'apparition des traitements de textes, les historiens se contentant très souvent de reprendre des informations communément admises, sans chercher ailleurs. Il est donc devenu communément admis que Louis XVI était un benêt, qui plus est un "mauvais coup" ayant mis des années avant d'honorer son épouse, ce qui relève du sacrilège pour un roi de France très catholique, qui se doit d'avoir de nombreuses et coûteuses maitresses. Tapez "Louis XVI maitresse" sur Wikipedia, et vous ne trouverez rien, pour le moment...

    Il vous faudra attendre encore un peu avant d'apprendre que Louis XVI était follement amoureux de Françoise Boze (proche des Protestants), qu'il avait envisagé d'abolir l'esclavage dès 1775 et qu'il avait même rêvé d'une république ! Oups ! Je l'ai dit ! Oubliez ! On en reparlera plus tard. 😉

Assomption
Michel Sittow, vers 1500

    Ce problème de reproduction d'une version convenue, ne concerne bien évidemment pas que Louis XVI. L'esprit humain à tendance à chérir une version ou une explication qui suffit à satisfaire sa curiosité, et ce, d'autant plus si elle va dans le sens de ses préjugés ou a priori.

    Les historiens n'échappent pas à ce biais cognitif, aussi sincères puissent-ils être, parce que cela relève en partie de leur inconscient. Il est difficile d'apprendre à penser contre soi-même, ce qui constitue parfois le seul moyen de pouvoir faire de nouvelles découvertes. J'aurais l'occasion de vous reparler de cela en d'autres occasions...


Un petit mot sur la fête religieuse du 15 août ?

    Comme le dit si bien, avec beaucoup de tact, un site officiel de l’église catholique : "Malgré la discrétion des Évangiles" concernant la mère de Jésus (effectivement, celle-ci brille la plupart du temps par son absence), "les premiers chrétiens n’ont pas mis longtemps à réfléchir à la place de Marie dans leur foi. Ils ont rapidement voulu célébrer ses derniers moments, comme ils le faisaient pour honorer leurs saints. À cause du caractère unique de sa coopération, une croyance se répand : son "endormissement" – sa Dormition – consiste en réalité en son élévation, corps et âme, au ciel par Dieu."

    Cette fête de la dormition fut instaurée en Orient au VIème siècle par l'empereur byzantin Maurice. La date du 15 août aurait été retenue parce qu’elle correspondait à la date d’inauguration par Juvénal (421-458) alors évêque de Jérusalem, d’une église dédiée à la Vierge montée au ciel.

    Elle arriva probablement dans l’église romaine d’occident par le Pape Serge 1er (687 – 701), qui venait d’Orient (il était d’origine syriaque). D’autres disent que ce fut par le Pape Théodore. Toujours est-il que cette fête fut citée sous le nom d’Assomption en 813 par le Concile de Mayence.

    Cette fête de l’Assomption fut longtemps accompagnée d’une procession nocturne qui fut supprimée par le Pape Pie V (en 1566), à cause des nombreux abus qui l’entouraient...

    Il faut dire que la période de cette fête correspondait à l’antique et païenne fête des moissons. Pour mémoire, les Romains fêtaient leur dieu agraire lors des jeux « consuales » le 21 août et ils fêtaient les moissons le 23 août lors de la fête de Vulcain. L’église catholique a toujours eu la sage habitude de célébrer ses principales fêtes aux mêmes dates que les religions précédentes. Le 25 décembre était par exemple chez les Romains le Jour de renaissance du Soleil Invaincu (Dies Natalis Invicti Solis).

Fête nationale autrefois sous l'Ancien régime et de nos jours en Acadie !

    En France, le 15 août a été la fête patronale religieuse la plus importante de 1638 à 1880. Louis XIII ayant alors décidé de consacrer la France à la Sainte vierge (Voir paragraphe suivant). Cette fête était célébrée dans tout le pays et elle fit longtemps office de fête nationale

    Le 15 août n’est plus la fête nationale chez nous mais elle l’est toujours en Acadie canadienne. L'Acadie, peuplée d'environ 300.000 habitants parlant le Français, comprend grosso modo le nord et l'est de la province canadienne du Nouveau-Brunswick, des localités et des régions plus isolées au Québec, sur l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, ainsi que le nord-ouest du Maine aux États-Unis.

    Les Français ont définitivement abandonné la fête du 15 août pour le 14 juillet en 1880, alors que les Acadiens ont adopté officiellement le 15 août comme fête nationale l’année suivante, en 1881. Cela s'explique facilement, nos amis d'outre-Atlantique ont longtemps été en effet sous l'emprise de la religion Catholique. Il faut dire aussi qu'après la victoire anglaise, l'épiscopat canadien français, préféra collaborer avec l'ennemi vainqueur afin de garder le pouvoir sur ses ouailles. L'Eglise catholique a également participé à sa manière à l'assimilation forcée des Amérindiens, dits "autochtones".


Mais revenons à notre histoire de France !

    C’est le roi Louis XIII qui a donné de l’importance à cette fête religieuse. En effet, comme il attendait un héritier depuis 22 ans d’un mariage infécond, il aurait décidé en 1638 de consacrer sa personne et la France à la Vierge Marie sous le titre de son Assomption et de demander à ses sujets de faire tous les 15 août une procession dans chaque paroisse afin d'avoir un fils.

Louis XIII

    Son épouse Anne d’Autriche tomba enceinte "miraculeusement" après une apparition de Marie (Si si !) et Louis XIII fit aussitôt publier l’édit officiel consacrant solennellement la France à Marie.

    On peut comprendre pourquoi Louis XIV, l’enfant de ce miracle, fit plus tard la guerre aux Protestants qui considéraient le culte de la vierge comme une forme d’idolâtrie ! Le règne du grand Louis XIV fut aussi celui de l’absolutisme religieux. La révocation de l’édit de Nantes (édit de tolérance) et les persécutions qui s’en suivirent furent cause de l’exil hors de France de plus de 200 000 huguenots (Protestants).

    C’est à dessein que j’ai évoqué l’origine de cette fête religieuse du 15 août. En effet, Louis XVI, tout comme ses ancêtres, était un roi très pieux et très croyant. On peut le vérifier en parcourant son très modeste journal intime. Lorsqu’il était souffrant, par exemple, la messe étaient officiée dans sa chambre. En cela rien d’étonnant, il était Roi par la grâce de Dieu. Sa foi était sincère, n’en doutons pas et son peuple, en très grande majorité partageait cette foi.

    Foi partagée en grande majorité, mais pas complètement, nous le verrons bientôt. 

    Même si les Protestants n’étaient plus persécutés (au point que l’un d’eux, Necker, fut nommé ministre), les guerres de religions avaient laissées de profondes traces dans le royaume. 

    Certains philosophes des Lumières, comme le célébrissime Voltaire ou le moins connu Baron d’Holbach, avaient grandement contribué à démystifier la religion avec leurs ouvrages très critiques et parfois très moqueurs. Du fait de leur influence, la religion était même considérée dans certains milieux privilégiés (disons "éclairés"), comme une fable utile pour tenir le peuple en respect. Certains, nous le verrons également, commençaient à se dire athées.

    C’étaient justement de nombreux représentants de ces nouvelles élites peu soucieuses de la religion, qui siégeaient à l’Assemblée nationale et qui allaient bientôt poser un gros problème de morale religieuse à ce roi très croyant…


A suivre, et bonne fête à nos amis catholiques !


Le journal de Louis XVI est consultable ici :

Le journal de l'Abbé Véri est consultable ici :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k119184g



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand