lundi 24 août 2020

24 Août 1789 : L'Assemblée nationale entérine la liberté de la Presse !

 

Source image BNF


    La Presse existait déjà bel et bien en 1789 et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle contribua largement à la diffusion des idées nouvelles, et ce, bien avant l'époque révolutionnaire.

    Dans sa grande bonté, le roi avait même autorisé le 19 Mai 1789 à ce que la Presse puisse rendre compte des opérations des Etats généraux ! Ce qui sous-entend, vous l'aurez compris, que la Presse n'était pas libre.

    Raison pour laquelle la liberté de la presse avait été demandée dans de nombreux cahiers de doléances présentés aux Etats Généraux.

    Ci-dessous, La Liberté de la Presse figure en numéro un des souhaits des habitants du Quartier des Feuillants à Paris.


    Bien sûr, tout le monde ne savait pas lire, mais ceux qui savaient, lisaient à haute voix pour les autres les articles de presses, mais aussi les pamphlets et libelles, assis sous un banc dans un parc, perchés sur un tonneau au milieu d'une place publique ou debout sur une table de Taverne !

Voici quelques estampes de liseurs de journaux !




    Je vous laisse lire les débats passionnés de l'Assemblée, Mais ensuite vous pourrez lire le compte rendu desdits débats dans "Le Journal de Paris", en date du 27 Août 1789. (il y a toujours un petit décalage entre le jour des débats et le jour de leur rendu par la Presse.

 

 

Suite de la discussion du projet relatif à la déclaration des droits, lors de la séance du 24 aout 1789

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4892_t2_0482_0000_6

On reprend la discussion du projet du sixième bureau et on lit l'article 19, oui porte :

« La libre communication des pensées étant un droit du citoyen, elle ne doit être restreinte qu'autant qu'elle nuit aux droits d'autrui. »

M. le duc de Lévis ouvre le premier son opinion sur cet article ; il ne se contente pas de présenter un projet relatif au 19e article, il essaie de faire revenir sur l'article arrêté hier matin. Il y a, dit-il, trois manières de manifester ses pensées : par écrit, par ses discours, par ses actions. Or, votre arrêté d'hier soumet les actions à la plus terrible inquisition.

Plusieurs membres rappellent l'opinant à l'ordre ; néanmoins il présente son projet tel que le voici :

« Tout homme ayant le libre exercice de sa pensée a le droit de manifester ses opinions, sous la seule condition de ne pas nuire à autrui. »

M. le duc de La Rochefoucauld parle ensuite ; il détaille les avantages de la presse. C'est elle, dit-il qui a détruit le despotisme ; c'est elle qui précédemment avait détruit le fanatisme. Il propose l'article qui suit :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux à l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre des abus de cette liberté, dans les cas prévus par la loi. »

M Rabaud de Saint-Etienne. C'est avec empressement que j'appuierai les divers projets des préopinants. Cependant il nous est impossible d'en conserver un aussi vague, aussi insignifiant que celui du sixième bureau.

Ce serait manquer à nos mandats que de ne pas assurer la liberté de la presse ; mais nos cahiers nous prescrivent encore un devoir, celui de consacrer à jamais l'inviolabilité du secret de la poste ; nos cahiers nous le recommandent, et l'article du sixième bureau n'en parle pas.

Il y a lieu d'espérer que, réfléchissant sur la sainteté de nos devoirs et sur les dangers de remplir la déclaration des droits de détails insignifiants, nous nous empresserons de remplir nos mandats sur un objet aussi essentiel. Quant à la presse, il est inutile de vous en démontrer les avantages. A qui les annoncerions-nous ? Serait-ce au peuple ? Mais les ordres qu'il nous donne annoncent qu'il les connaît. Serait-ce à nous-mêmes ? Mais nos lumières sont dans nos cahiers.

Cependant, il faut le dire : la liberté de la presse n'est pas sans inconvénients. Mais faut-il aussi, pour cette raison, rétrécir une liberté que l'homme ne tient que de lui-même ? En faisant des lois, aurons-nous plutôt égard au droit en lui-même qu'à l'abus que l'on en peut faire ? Dans l'ouvrage le plus sage, le plus modéré, ne trouve-t-on pas toujours quelque chose susceptible d'une interprétation maligne ? Interprétation qui est bientôt devenue un art perfectionné par le despotisme et l'inquisition de la police.

Si l'on s'élève contre un homme en place, il s'écrie que l'ordre est troublé, que les lois sont violées, que le gouvernement est attaqué, parce qu'il s'identifie avec l'ordre, avec les lois et avec le gouvernement.

Placer à côté de la liberté de la presse les bornes que l'on voudrait y mettre, ce serait faire une déclaration des devoirs, au lieu d'une déclaration des droits.

Jamais article ne fut plus important. Si d'un mot mal combiné il en coûtait une larme, un soupir, nous en serions responsables.

Si de quelque article rédigé dans le tumulte, il en résultait l'esclavage d'un seul, il en résulterait bientôt l'esclavage de tous ; la servitude est une contagion qui se communique avec rapidité.

J'adhère à l'arrêté de M. le duc de La Rochefoucauld, en y mettant la dernière phrase de M. le duc de Lévis, sauf à ne pas nuire, etc.

M. Target. Je propose l'article suivant qui n'est que l'extrait des deux autres.

«Tout homme a le droit de manifester ses opinions par la pensée, la parole et l'impression. Celui qui, en usant de ce droit, blesse le droit d'autrui, doit en répondre suivant les formes prescrites par la loi. »

M. Barrère de Vieuzac. C'est à la déclaration des droits à publier les grandes maximes, à constater les droits inaliénables, mais dans toute leur pureté et leur énergie. C'est ensuite à la Constitution et aux lois à adapter cette liberté au principe et à la nature du gouvernement. Vous devez faire de la déclaration des droits le code des législateurs mêmes ; c'est le type sur lequel la puissance législative formera toutes ses institutions. La déclaration des droits sera enfin la règle de la liberté publique, et si le pouvoir législatif pouvait jamais s'égarer ou se corrompre, le peuple, dont ce pouvoir émane, comme tous les autres, le rappellera sans cesse à cette déclaration, comme a une source dont les eaux ne peuvent être corrompues.

Conservez-donc, Messieurs, à la déclaration des droits l'énergie et la pureté qui doivent caractériser ce premier acte de la législation ; ne la surchargez pas de ces modifications destructives, de ces idées secondaires qui absorbent le sujet, de ces précautions serviles qui atténuent les droits, de ces prohibitions subtiles qui ne laissent plus de la liberté que le nom. Il est temps d'effacer de la législation française les absurdités qui la déshonorent depuis longtemps.

C'est à la liberté de la presse, plus encore qu'aux besoins publics, que vous devez le bienfait de cette Assemblée : consacrez donc cette liberté de la presse, qui est une partie inséparable de la libre communication des pensées. L'arbre de la liberté politique ne croît que par l'influence salutaire de la liberté d'imprimer.

D'ailleurs, Messieurs, le progrès de l'opinion armée de la presse est devenu irrésistible. Le moment est venu, où aucune vérité ne peut plus être dérobée aux regards humains ; et réprimer ou contraindre la liberté de la presse, c'est un vain projet. Réparer les droits d'autrui, est la seule modification que la morale des Etats apporte à la liberté.

Tout homme a le droit de communiquer et de publier ses pensées ; la liberté de la presse, nécessaire à la liberté publique, ne peut être réprimée, sauf à répondre des abus de cette liberté, dans les cas et suivant la forme déterminée par la loi.

M. Robespierre. Vous ne devez pas balancer de déclarer franchement la liberté de la presse. Il n'est jamais permis à des hommes libres de prononcer leurs droits d'une manière ambiguë ; toute modification doit être renvoyée dans la Constitution. Le despotisme seul a imaginé des restrictions : c'est ainsi qu'il est parvenu à atténuer tous les droits... Il n'y a pas de tyran sur la terre qui ne signât un article aussi modifié que celui qu'on vous propose. La liberté de la presse est une partie inséparable de celle de communiquer ses pensées.

Un curé du bailliage de Metz présente son cahier qui demande que tous les ouvrages soient soumis à la censure.

On allait délibérer, lorsque M. l'évêque d'Amiens a demandé la parole, et l'on a cru devoir faire une exception au règlement pour entendre ce prélat.

M. De Machault, évêque d'Amiens. Je satisfais à ma conscience qui me presse, ainsi qu'au mandat que j'ai reçu : il y a du danger pour la religion et les bonnes mœurs dans la liberté indéfinie de la presse. Combien la religion n'a-t-elle pas souffert des attaques que la licence des écrits lui a portées ! Combien le repos de la société n'a-t-il pas été compromis ! Combien de pères de famille peuvent être alarmés pour leurs enfants des mauvais principes de certains ouvrages !... Je termine en proposant un amendement pour la conservation des mœurs et l'intégrité de la foi.

M. Desmontiers de Mérinville, évêque de Dijon, lit le projet suivant :

«Toute communication libre des pensées et des opinions est un des droits du citoyen ; elle ne doit être restreinte que dans le cas où elle nuirait au droit d'autrui. »

M. le comte de Mirabeau demande à faire un amendement à tous ces modèles. Tous portaient restreindre ; il propose d'y mettre réprimer. On vous laisse, dit-il, un écritoire pour écrire une lettre calomnieuse, une presse pour un libelle ; il faut que vous soyez puni quand le délit est consommé : or, ceci est répression , et non restriction ; c'est le délit que l'on punit, et l'on ne doit pas gêner la liberté des hommes, sous prétexte qu'ils veulent commettre des délits.

Un ecclésiastique propose un autre amendement. Il demande que l'on insère dans l'article "contraires aux lois de l'Etat."

Cet amendement est rejeté.

On met aux voix l'article 19 du projet du sixième bureau.

L'article est rejeté.

On met aux voix celui de M. le duc de La Rochefoucauld.

M. Dupont demande par amendement de le terminer ainsi : les cas qui seront prévus par la loi.

M. Pétion observe que cela est inutile, et dit qu'il ne peut pas y avoir de lois antérieures à une constitution.

 

Adoption de l'article 11 de la déclaration des droits, lors de la séance du 24 aout 1789

L'article est décrété en ces termes :

« Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »


    Voici le compte rendu de cette séance mémorable du 24 Août 1789 publié dans le numéro 239 du Journal de Paris publié le 27 Août 1789 :

Cliquez pour agrandir.





Vous aurez constaté que l'on ne parle pas que de ça !


Post Scriptum

Le 15 Mai 1790 Alexandre de Lameth demandera exigera la liberté totale de la presse et demandera que le droit de déclarer la guerre soit accordé à l'Assemblée législative et non à Louis XVI,

Le 11 Mai 1791, Robespierre fera un discours sur la liberté de la presse, prononcé à la Société des amis de la Constitution (Extrait)

L’Assemblée nationale déclare :

1°. Que tout homme a le droit de publier ses pensées, par quelques moyens que ce soit ; & que la liberté de la presse, ne peut être gênée ni limitée en aucune manière.

2°. Que quiconque portera atteinte à ce droit doit être regardé comme ennemi de la liberté, & puni par la plus grande des peines, qui seront établies par l’Assemblée nationale.

3°. Pourrons néanmoins les particuliers qui auront été calomniés, se pourvoir pour obtenir la réparation du dommage que la calomnie leur aura causé, par les moyens que l’Assemblée nationale indiquera.

La liberté de la Presse sera suspendue pendant la guerre en 1792 (comme il est plus ou moins d'usage dans toutes les guerres).

Napoléon rétablira la censure de la Presse le 5 Février 1810. (Mais ce grand homme avait sûrement de bonnes raisons).




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Bien cordialement
Bertrand