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Femmes révolutionnaires |
Je remercie sincèrement la citoyenne, qui l'an dernier, dans un commentaire sur Facebook, suite à ma publication relative à la déclaration des droits de l'homme, m’a fait part de son souci de ne pas voir les femmes incluses dans la fameuse déclaration. Connaissant bien la révolution française, elle avait bien sûr évoqué Olympe de Gouge et la non moins fameuse "Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne" rédigée pas Olympe de Gouge, une femme extraordinaire devenue une égérie des Féministes (ce qui n'aurait pas manqué de l'étonner).
J’avais donc rédigé rapidement ce petit article le matin même, pour tenter de la rassurer, et par là-même, si possible, apporter à toutes et tous quelques petites précisions, tant sur les femmes du 18ème siècle en général, que sur Olympe de Gouge en particulier.
Le sujet de cet article est un bon exemple de ce que j’ai déjà évoqué quelques fois, à savoir les risques résultants de l’interprétation d’une époque passée à la lumière des idées de la nôtre. L’émancipation des femmes est une cause indéniablement juste, voire même vitale. Mais elle ne doit pas, ce me semble, s’affaiblir ou se dénaturer en se perdant dans d’inutiles combats. Pour vous expliquer cela, je vais essayer d’être aussi précautionneux que si je devais expliquer la République à un Chouan (Ceci est trait d’humour (précautionneux)).
Cinquante pourcent du genre humain, à savoir les femmes, se trouvait-il vraiment exclu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
La réponse est non.
Nos anciens ne se seraient jamais posés cette question, car ils avaient appris à l’école que la langue française donne la possibilité d’inclure les deux sexes dans un seul terme. Le terme homme de ladite déclaration, est utilisé dans ce sens. De la même façon, le terme grec anthropos, est à la racine du mot anthropologie, qui intègre bien évidemment dans ses études les femmes et les enfants.
Personne ne contestera que le si beau terme d’humanité, d’origine latine, concerne bien la totalité de celle-ci, tous sexes confondus. Le genre humain n’inclut-il pas les deux sexes ?
Pourquoi nous posons-nous cette question uniquement pour le genre humain ? Celui (forme neutre) qui se passionne pour les oiseaux, inclus dans sa passion les oiselles et oisillons, et celui (ou celle) qui combat pour préserver les éléphants, inclus dans son honorable cause les éléphantes et les éléphanteaux !
Il semble qu’en s’engageant sur le chemin de la langue, le juste combat pour l’émancipation des femmes ne soit en train de s’égarer dans un combat stérile. L’écriture inclusive en constitue un exemple. Il s’agit à l’origine d’un combat né en Allemagne, que la nature de la langue germanique rendait possible. Je vous conseille la lecture de cette tribune signée par 32 linguistes sur ladite écriture : "Une écriture excluante" qui s'impose par la propagande.
La généralisation de cette forme d’écriture ne fera qu’éloigner de l’écrit et de la lecture, ceux qui en avaient le plus besoin. Ma meilleure amie, professeure de lettres classiques, voit chaque année arriver en classes de secondes, de pauvres gosses qui savent à peine lire !
Retour au XVIIIe siècle !
Et à Olympe de Gouge !
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Olympe de Gouge remettant sa déclaration des droits de la femme à la reine Marie Antoinette. |
Revenons donc au dix-huitième siècle, à ses femmes et à Olympe de Gouge.
Concernant la belle Olympe, il semble que le personnage conceptuel qui s’est construit progressivement dans le cadre de la juste lutte pour l’émancipation des femmes, ne corresponde plus vraiment à la personne d’origine. C’est d’ailleurs le propre d’un personnage conceptuel qui du fait des constructions intellectuelles que l'on y ajoute, se détache progressivement de la personne qu'elle fut vraiment et devient peu à peu un symbole, porteur d’une idée. Le plus célèbre personnage conceptuel étant Socrate dont on ne connait surtout que la description intellectualisée de Platon.
C’est un fait banal en histoire (ou en sociologie) et je vous étonnerai peut-être en vous disant que je n’y trouve pas grand-chose à redire, lorsqu’il s’agit d’une bonne cause, et en l’occurrence le féminisme en est une. Néanmoins il ne faudrait pas que cela finisse par donner une vision fausse, voire caricaturale de la situation des femmes du 18ème siècle. Voire pire, que certains en viennent à médire de la République ! Si, si, croyez-moi, il y en a !
Tout le monde semble ignorer de nos jours que les femmes n’étaient pas exclues du vote, avant et après la Révolution. Les femmes votaient bien dans les assemblées villageoises et urbaines depuis l’instauration des chartes et coutumes au moyen âge. De plus, en 1789, de nombreuses femmes étaient chefs de feu et participaient, de droit, aux élections des assemblées primaires du Tiers-état. Cette tradition du vote des femmes dans les assemblées primaires connut, à partir de la convocation des États généraux de 1789, un réveil remarquable dans tout le pays et le mouvement populaire, formé des deux sexes, en fit très vite l’institution démocratique par excellence de la Révolution.
Les assemblées primaires, réorganisées en 1790 en communes villageoises et en sections de communes dans les grandes villes, continuèrent de se réunir de leur propre chef, pour discuter de la situation, participer aux débats, organiser manifestations et grandes journées, en un mot, construire une souveraineté populaire effective.
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Réunion de femmes révolutionnaires |
N'oublions pas qu’il y avait des courants fort différents, au sein de la révolution. Certains ne souhaitaient que la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, tandis que d’autres rêvaient d’une république démocratique et populaire.
De 1789 à 1794, le courant monarchique ou aristocratique fit tout ce qui était en son pouvoir pour supprimer tous ces prémices de gouvernement populaire, comme ces assemblées primaires communales, auxquelles les femmes participaient.
Le personnage Olympe de Gouge a publié sa fameuse déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en septembre 1791, précisément au moment où l’Assemblée constituante achevait le vote de la Constitution censitaire de 1791.
On oublie de préciser qu’Olympe de Gouge ne trouvait absolument rien à redire au système censitaire, qui excluait non seulement les femmes pour cause de sexe, mais aussi les pauvres. La raison en est qu’Olympe était tout simplement en faveur d’une monarchie et d’une aristocratie censitaire, c’est-à-dire, favorable à une citoyenneté de classe, celle de l’argent. (Ceci n’est pas un jugement de valeur, juste une observation).
C’est son hostilité à la République populaire et démocratique, ainsi qu'à sa politique économique et sociale, qui lui vaudra d’être arrêtée et condamnée, pas ses idées féministes. Les attendus de son procès ne mentionnent aucune inculpation pour cause de son sexe, mais bien pour ses écrits politiques contre le principe de souveraineté populaire.
Bon, j’espère avoir été assez précautionneux, n’avoir choqué personne et surtout vous avoir convaincu que les femmes faisaient bien partie de l’espèce humaine et de celle des hommes concernés par la déclaration des droits de l’Homme.
Cependant, comme je vous l’ai expliqué hier, la déclaration du 26 Août 1789, comporte une lacune manifeste concernant nos frères et sœurs de couleurs…
Post Scriptum :
1/ "Les femmes sont des hommes comme les autres", c'est ce que j'ai répété durant des années aussi bien à mes enfants qu'à mes amis et collègues.
2/ Si vous voulez découvrir une personnalité féminine à qui la Révolution française doit beaucoup, lisez mon article sur Louise Félicité de Keralio, publié le 18 août dernier.
3/ De nombreuses informations concernant le vote des femmes et Olympe de Gouge viennent d’un article de l’historienne Florence Gauthier, docteur en histoire : https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1597
4/ Petite profession de foi : Je ne porte jamais aucun jugement sur les événements ou les personnages que j’évoque avec vous. Même si mon style d’écriture peut parfois, par quelques traits d’humour ou d’humeur, en donner l’impression contraire. Le cœur de ma pensée, c’est que les êtres humains de tous sexes, agissent selon des lois comportementales héritées de la longue évolution de l’espèce humaine, et que cela ne relève ni du bien ni du mal. J’appelle cela de la mécanique humaine (D’autres parlent de nos jours d’algorithmes biologiques). Certains suivent par exemple les lignes de comportement usuelles des grands primates que nous sommes, esprit de clan, soumission au chef, etc. D’autres expérimentent des variantes, dont seul l’avenir prouvera le bénéfice pour l’ensemble de l’espèce.
Inutile de nous lamenter parce que la Révolution française a échoué, la nouvelle aristocratie nous jouant actuellement une parodie de république en étant la preuve. Les graines ont été semées et elles continuent de germer de-ci de-là, au gré des pays et des époques. La Révolution française est elle-même née d’autres graines semées avant elle, la renaissance, la réforme protestante, les Lumières, etc. L’humanité est jeune, son histoire est très courte. Tout reste à faire. La liberté, l’égalité et la fraternité sont des objectifs à atteindre…
Salut et Fraternité, Citoyennes et Citoyens !
J'aime beaucoup cette gouache de Lesueur, montrant une famille allant à la ginguette.
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand