jeudi 27 août 2020

Les femmes sont des hommes comme les autres !

Article mis à jour le 24 juillet 2023.
Femmes révolutionnaires

    Je remercie sincèrement la citoyenne, qui dans un commentaire sur Facebook, à la suite de ma publication relative à la déclaration des droits de l'homme, m’avait fait part de son souci de ne pas voir les femmes incluses dans la fameuse déclaration. Connaissant bien la révolution française, elle avait bien sûr évoqué Olympe de Gouge et la non moins fameuse "Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne" rédigée pas Olympe de Gouge, une femme extraordinaire devenue une égérie de la juste cause féministe.

    J’avais donc rédigé rapidement ce petit article le matin même, pour tenter de la rassurer, et par là-même, si possible, apporter à toutes et tous quelques petites précisions, tant sur les femmes du 18ème siècle en général, que sur Olympe de Gouge en particulier. 

    Le sujet de cet article est un bon exemple de ce que j’ai déjà évoqué quelques fois, à savoir les risques résultants de l’interprétation d’une époque passée à la lumière des idées de la nôtre. L’émancipation des femmes est une cause indéniablement juste et même vitale. Mais elle ne doit pas ce me semble, s’affaiblir ou se dénaturer en se perdant dans d’inutiles combats. Pour vous expliquer cela, je vais essayer d’être aussi précautionneux que si je devais expliquer la République à un Chouan (Ceci est trait d’humour (précautionneux)).

Cinquante pourcents du genre humain, à savoir les femmes, se trouvait-il vraiment exclu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?

La réponse est : "C'est plus compliqué que ça."

    Nos anciens ne se seraient jamais posés cette question, car ils avaient appris à l’école que la langue française donne la possibilité d’inclure les deux sexes dans un seul terme. Le terme homme de ladite déclaration, est utilisé dans ce sens. De la même façon, le terme grec anthropos, est à la racine du mot anthropologie, qui intègre bien évidemment dans ses études les femmes et les enfants. 

    Personne ne contestera que le si beau terme d’humanité, d’origine latine, concerne bien la totalité de celle-ci, tous sexes confondus. Le genre humain n’inclut-il pas les deux sexes ? 

   Pourquoi nous posons-nous cette question uniquement pour le genre humain ? Celui (forme neutre) qui se passionne pour les oiseaux, inclus dans sa passion les oiselles et oisillons, et celui (ou celle) qui combat pour préserver les éléphants, inclus dans son honorable cause les éléphantes et les éléphanteaux !

Digression linguistique

   Il semble qu’en s’engageant sur le chemin de la langue, le juste combat pour l’émancipation des femmes ne soit en train de s’égarer dans un combat stérile. L’écriture inclusive en constitue un exemple. Il s’agit à l’origine d’un combat né en Allemagne, que la nature de la langue germanique rendait possible. Je vous conseille la lecture de cette tribune signée par 32 linguistes sur ladite écriture : "Une écriture excluante" qui s'impose par la propagande.

    La généralisation de cette forme d’écriture ne fera qu’éloigner de l’écrit et de la lecture, ceux qui en avaient le plus besoin. Ma meilleure amie, professeure de lettres classiques, voit chaque année arriver en classes de secondes, de pauvres gosses qui savent à peine lire !


Retour au XVIIIe siècle et à Olympe de Gouge !

Olympe de Gouge remettant sa
 déclaration des droits de la femme
à la reine Marie Antoinette.


    Revenons donc au dix-huitième siècle, à ses femmes et à Olympe de Gouge. 

    Concernant la belle Olympe, il semble que le personnage conceptuel qui s’est construit progressivement dans le cadre de la juste lutte pour l’émancipation des femmes, ne corresponde plus vraiment à la personne d’origine. C’est d’ailleurs le propre d’un personnage conceptuel qui du fait des constructions intellectuelles que l'on y ajoute, se détache progressivement de la personne qu'elle fut vraiment et devient peu à peu un symbole, porteur d’une idée. Le plus célèbre personnage conceptuel étant Socrate dont on ne connait surtout que la description intellectualisée faite par Platon. 

    Cette fabrication, ou forgerie, constitue un phénomène courant en histoire (ou en sociologie) et je vous étonnerai peut-être en vous disant que je n’y trouve pas grand-chose à redire, lorsqu’il s’agit d’une bonne cause, et en l’occurrence le féminisme en est une.
    Néanmoins il ne faudrait pas que cela finisse par donner une vision fausse, voire caricaturale de la situation des femmes du 18ème siècle. Voire pire, que certains en viennent à médire de la République ! 
Si, si, croyez-moi, il y en a !

    Tout le monde semble ignorer de nos jours que les femmes n’étaient pas exclues du vote, avant et après la Révolution. Les femmes votaient bien dans les assemblées villageoises et urbaines depuis l’instauration des chartes et coutumes au moyen âge. De plus, en 1789, de nombreuses femmes étaient chefs de feu et participaient, de droit, aux élections des assemblées primaires du Tiers-état. Cette tradition du vote des femmes dans les assemblées primaires connut, à partir de la convocation des États généraux de 1789, un réveil remarquable dans tout le pays et le mouvement populaire, formé des deux sexes, en fit très vite l’institution démocratique par excellence de la Révolution. 

    Les assemblées primaires, réorganisées en 1790 en communes villageoises et en sections de communes dans les grandes villes, continuèrent de se réunir de leur propre chef, pour discuter de la situation, participer aux débats, organiser manifestations et grandes journées, en un mot, construire une souveraineté populaire effective. 

Réunion de femmes révolutionnaires

    N'oublions pas qu’il y avait des courants fort différents, au sein de la révolution. Beaucoup ne souhaitaient au début que la mise en place d’une monarchie constitutionnelle, tandis que peu à peu, d’autres se mirent à rêver d’une république démocratique et populaire. 

    De 1789 à 1794, le courant monarchique ou aristocratique fit tout ce qui était en son pouvoir pour supprimer tous ces prémices de gouvernement populaire, comme ces assemblées primaires communales, auxquelles les femmes participaient. Un des événements déclencheurs de ce revirement de l'opinion fut la fuite du roi le 21 juin 1791.

    Le personnage Olympe de Gouge a publié sa fameuse déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en septembre 1791, précisément au moment où l’Assemblée constituante achevait le vote de la Constitution censitaire de 1791. 

   On oublie toujours de préciser qu’Olympe de Gouge ne trouvait absolument rien à redire au système censitaire, qui excluait non seulement les femmes pour cause de sexe, mais aussi les pauvres. La raison en est qu’Olympe était tout simplement en faveur d’une monarchie et d’une aristocratie censitaire, c’est-à-dire, favorable à une citoyenneté de classe, celle de l’argent. (Ceci n’est pas un jugement de valeur, juste une observation). 

    C’est son hostilité à la République populaire et démocratique, ainsi qu'à la politique économique et sociale de celle-ci, qui lui vaudra d’être arrêtée et condamnée, pas pour ses idées féministes, mais pour ses idées politiques ! Les attendus de son procès ne mentionnent aucune inculpation pour cause de son sexe, mais bien pour ses écrits politiques contre le principe de souveraineté populaire. Cela ne justifiait bien sûr pas qu'elle fut condamnée à mort pour ses idées.

    Bon, j’espère avoir été assez précautionneux et n’avoir choqué personne en prenant l'exemple du martyr de la belle Olympe. Je souhaite surtout vous avoir convaincu que les femmes faisaient bien partie de l’espèce humaine et de celle des hommes concernés par la déclaration des droits de l’Homme. 

Pour info, j'ai dû consacrer un article à Olympe de Gouge, tant elle constitue un sujet complexe : "Olympe de Gouge, morte pour le féminisme ? Vraiment ?"

Ne pas sous-estimer les Femmes.


    Je ne suis pas dans le déni et je reconnais qu'effectivement les femmes constituaient une classe de citoyens n'ayant pas les mêmes droits civiques que les citoyens masculins. Mais ne sous-estimons pas nos grands-mères !

    N'oublions pas qu'il existe des lois non-écrites qui font que de tous temps, des Femmes ont eu un pouvoir sur les hommes au sein même de leurs foyers. Tandis que les hommes refaisaient le monde au troquet, ou le défaisaient le temps d'une émeute, c'étaient bien souvent les femmes qui décidaient de tout au sein du foyer. Ne voyez pas là une boutade à moitié grivoise d'un représentant du patriarcat à court d'argument ! L'estampe ci-dessous illustre assez bien ce que je veux dire.

J'espère que cette estampe passera la censure.
Je voulais la mettre en tête de l'article...

L'émancipation des femmes comme l'un des fruits de la Révolution

    Beaucoup de femmes s'engagèrent activement dans la Révolution, prenant bien volontiers les armes. La colère des femmes fut même à l'origine de nombreuses émeutes révolutionnaires, comme celles des journées des 5 et 6 octobre 1789, qui constituèrent un tournant majeur de la révolution. Certaines s'engagèrent même dans l'armée en dissimulant leur sexe et combattirent vaillamment.

  L'émancipation des femmes figure indiscutablement parmi les idées novatrices qui germèrent durant la Révolution. Comme nombre d'autres, celle-ci fut combattue, puis vaincue pour un temps; pour un temps seulement car la graine était plantée et elle finirait par fleurir un jour et porter ses fruits.

  Si je dispose de suffisament de temps, je vous parlerai de Louise Reine AuduPauline LéonClaire Lacombe, Marie Charpentier, Reine Chapuis, les citoyennes Lavarenne et Tournée, la citoyenne lieutenant Lecuyer, l'amazone Théroigne de Méricourt, la canonière Catherine Pochetat, la citoyenne Montorcier, Anne Quatresols, Angélique Duchemin, la lieutenant Ursule Aby, Marie Schellinck, Pélagie Dulière, Thérèse Figueur (dite Sangène), les sœurs guérrières Félicité et Théophile FernigRose Barreau (dite Liberté), Madame de Moulin, Rose Bouillon, Thérèse Touay dit le Diable, Clémence Alibert, Chamoton épouse Legelée, Françoise Drouet, Marie-Cécile Fiteau (de Nevers), la vendéenne Elisabeth Bourgé, Marie Saulnier...

5 octobre 1789, les Parisiennes en route pour Versailles


Les vrais exclus de la déclaration des droits de 1789...

    Comme je vous l’ai expliqué hier, la déclaration des droits de l'Homme du 26 Août 1789 comportait néanmoins une lacune manifeste, puisqu'elle excluait totalement nos frères et sœurs de couleurs. Il leur faudra attendre la République qui en 1794 en fera des citoyens comme les autres (Mais toujours avec ce problème de reconnaissance des femmes.)


 

Post Scriptum

1/ Petite profession de foi darwiniste : 

    Je ne porte jamais aucun jugement sur les événements ou les personnages que j’évoque avec vous. Même si mon style d’écriture peut parfois, par quelques traits d’humour ou d’humeur, en donner l’impression contraire. Le cœur de ma pensée, c’est que les êtres humains de tous sexes, agissent selon des lois comportementales héritées de la longue évolution de l’espèce humaine, et que cela ne relève ni du bien ni du mal. J’appelle cela de la mécanique humaine (D’autres parlent d'anthropologie et certains évoquent même de nos jours les algorithmes biologiques constituant nos schémas de pensées). Beaucoup continuent de suivre les lignes de comportement usuelles des grands primates que nous sommes, esprit de clan, soumission au chef, etc. D’autres expérimentent des variantes, dont seul l’avenir prouvera le bénéfice pour l’ensemble de l’espèce. 

    La répartition des rôles entre les sexes résulte dans toutes les espèces animales d'une adaptation optimisée aux conditions environnementales. Les comportements des individus sont adaptés ou pas à l'environnement et profitables ou pas à la survie de l'espèce. Ce n'est ni bien ni mal. Si comme de nos jours, du fait du progrès des sciences, l'environnement change totalement, c'est logique que les rôles précédemment échus à chaque sexe en viennent à changer. La force physique n'est plus indispensable à la survie de l'espèce. Raison pour laquelle des qualités comme l'intelligence ou la capacité de concentration deviennent plus utiles et qu'il s'avère que les femmes sont mieux adaptées à cette société nouvelle et qu'elles occupent de nouvelles fonctions "profitables" à la société.

2/ Si vous voulez découvrir une personnalité féminine à qui la Révolution française doit beaucoup, lisez mon article sur Louise Félicité de Keralio, publié le 18 août dernier. 

3/ De nombreuses informations concernant le vote des femmes et Olympe de Gouge viennent d’un article de l’historienne Florence Gauthier, docteur en histoire : https://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article1597 


Salut et Fraternité, Citoyennes et Citoyens !

Bertrand Tièche


J'aime beaucoup cette gouache de Lesueur, montrant une famille allant à la ginguette.




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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand