mardi 30 juin 2020

30 Juin 1789 : Libération par le peuple des soldats des Gardes françaises emprisonnés


Du jamais vu !

    Du jamais vu à Paris (ni ailleurs), ce 30 Juin 1789, entre 7 et 8 heure du soir, Onze soldats appartenant au régiment des Gardes Françaises, prisonniers dans l'Abbaye Saint Germain, pour faits d'insubordination, sont délivrés par une foule "d'honnêtes particuliers", comme les appelle le Journal des Révolutions de Paris dans l'illustration figurant dans son N°28. Bientôt certains désigneront ces "honnêtes particuliers", par des qualificatifs moins bienveillants, tels que bandits ou populace.

    Ces soldats avaient été emprisonnés car ils avaient refusé d'obéir à l'ordre de tirer sur la foule à Versailles. Les hussards et les dragons envoyés pour rétablir l’ordre refusèrent eux aussi de charger la foule et ils s'écrièrent : « Vive la Nation ! ». Une autre version affirme qu'ils se sont plaints de l'excessive sévérité de leur colonel.

    Ces refus par les soldats de différents régiments d'obéir aux ordres, nous permettent de mieux comprendre certains événements majeurs du mois de juillet 1789.

    Les Grades françaises constituaient un corps d’élite très populaire. Ils étaient disséminés partout dans la capitale et avaient progressivement créé des liens amicaux avec la population. Soldats, sous-officiers, petits artisans, commerçants et journaliers se rendaient compte qu’ils partageaient les mêmes opinions. Peu à peu ces militaires s’étaient laissé gagner par les idées révolutionnaires qui courraient dans Paris.

Nous les verrons en effet bientôt agir dans ce sens…

Les Gardes françaises.

Un évènement qui a étonné.

    L'événement a beaucoup marqué, puisque j'ai retrouvé 4 gravures différentes, dont une imprimée aux Pays-Bas.

 


 






mercredi 24 juin 2020

24 Juin 1789 : Une fessée donnée en public au Palais-Royal (réflexions sur la fessée patriotique)

Article mis à jour le 31 juillet 2023.

    Ce 24 juin 1789 un événement a marqué les esprits au point de d'être à l'origine de nombreuses estampes. Une fessée aurait été donnée en public dans les jardins du Palais-Royal. Mais qui a-t-on fessé réellement ? Selon certaines estampes, une dame de qualité qui aurait craché sur le portrait de Necker et selon d'autres estampes, un abbé insolent. Mystère.


La colère du Peuple.

    Ces événement que l'on peut trouver à première vue, cocasses mais insignifiants, révèlent en fait la colère du peuple envers certaines catégories sociales. La plupart du temps, ce sont des femmes qui ont été les actrices de ces expéditions punitives.

La semaine fouettarde d'avril 1791.

    Il y aura d'autres fessées célèbres durant la Révolution. Les plus connues sont celles administrées entre les 10 et 17 avril 1791, à Paris principalement, mais en province aussi.

    Le Docteur Robinet, dans son ouvrage intitulé « Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution (1789-1801) » évoque en page 464 les fustigations infligées à des religieuses et des prêtres :

« Au nombre des premières violences contre les personnes, doivent prendre place d'ignobles excès qui se produisirent non seulement à Paris, mais dans un certain nombre de villes.

Nous transcrivons la notice du Dr Robinet.

« Toutes les chapelles des couvents et des hôpitaux restaient le lieu d'élection des intrigues et des conspirations catholiques et royalistes.

C'est ainsi que le comprit la partie de la population de Paris (et d'ailleurs) qui était attachée à la Révolution ; aussi y eut-il sur plusieurs points de la capitale des religieuses que des femmes patriotes ne craignirent pas de fouetter publiquement.

« Ces exécutions populaires, sorte de châtiment civique, eurent lieu du 10 au 17 avril, quoique les ordres monastiques qui en furent atteints se trouvassent assez nombreux : les sœurs de la Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine ; les Miramionnes, sur le quai du même nota (aujourd'hui quai de la Tournelle) ; les Récollettes, de la rue du Bac ; les Filles du Précieux Sang ; les Filles du Calvaire et surtout les sœurs Grises, dont les maisons étaient situées dans les paroisses de Saint-Sulpice, Saint-Laurent, Sainte-Marguerite, la Magdeleine et Saint-Germain-L'auxerrois.

« S'il faut en croire les brochures et journaux du temps, trois cents religieuses, y compris quelques prêtres et quelques dévotes laïques, auraient subi cette correction de la part des marchandes de la Halle, du marché de la place Maubert, etc., auxquelles s'étaient jointes, dans les différents quartiers, mais surtout au faubourg Saint-Antoine, des femmes du peuple, voire des héroïnes (1) des 5 et 6 octobre.

« Partout le motif de cette répression extra légale était, nous l'avons dit, que ces maisons devenaient ostensiblement le refuge des prêtres non-jureurs et des nobles qui conspiraient contre le nouvel état de choses ; les couvents leur étaient ouverts, les premiers y étaient logés et nourris, et y recevaient, sous prétexte de conférences religieuses, les aristocrates des deux sexes et leurs agents, ainsi que la foule demeurée fidèle à l'ancienne Église et à l'ancien régime. On y prêchait la résistance aux nouvelles lois, la haine et le mépris des prêtres constitutionnels et de l'Assemblée nationale. On y recevait les mots d'ordre de Rome et de Coblentz, que les élèves mêmes des religieuses colportaient dans leurs familles.

« La verve gouailleuse et brutale avec laquelle sont rapportées ces violences dans les brochures du temps nous interdit malheureusement d'en donner des extraits.»

    Ce livre du Dr. Robinet est entièrement consultable sur le site Internet Archives :
 
https://archive.org/details/lemouvementreli00euggoog 

    La gravure ci-dessous illustre une fustigation infligée le 6 avril 1794 aux sœurs grises, après la messe par des "ennemis des servantes de dieu".


    Voici d'autres estampes illustrant ces fessées de la semaine Pascale de 1791. Plus d'info dans cet article du site Sciences Humaines.

 
 
 

    A noter que cet événement tragicomique choqua profondément nos amis Britanniques, au point qu'ils en firent une illustration à leur façon, l'année suivante, en 1792.

Plus d'infos sur les fessées révolutionnaires.

    Si vous souhaitez en apprendre plus sur ce sujet brûlant, je vous propose de lire ces deux articles :

    Celui, d’Annie Duprat qui parle de fesses et de fessées sous la Révolution : « La trésorière des Miramionnes n’avait qu’une fesse… »

    Et cet autre, lui aussi fort intéressant : "Tu la veux ta bonne fessée ?"

    Ce document à télécharger est également très bien ! : "Entre scatologie et fantasmes sexuels, le cul et son imaginaire".

D'autres fessées ?

    Voici trois autres estampes représentant la célèbre fessée infligée à Théroigne de Méricourt le 16 mai 1793.

  

L'art de la fessée, ou de l'utilité de celle-ci...

    Si votre soif d'érudition vous incite à en apprendre toujours plus, vous pouvez éventuellement lire cet ouvrage publié en 1788, intitulé :"Traité du fouet, ou Aphrodisiaque externe".

  


Une conclusion ?

    Là encore, de même que pour la violence, la fessée ne fut pas l'apanage de la Révolution. Cette pratique était déjà fort appréciée sous l'Ancien régime, comme le démontre si brillamment l'ouvrage que je vous ai proposé ci-dessus, ainsi que ces trois dernières illustrations :

 

    La gravure ci-dessous (une préparation à la fessée) fait partie des nombreuses images illustrant le livre du Marquis de Sade "Justine ou les malheurs de la vertu". C'est aussi une des moins choquantes, je vous assure. Car certaines des illustrations sont très "difficiles".

Désolé... 😉

vendredi 19 juin 2020

19 Juin 1789 : Fondation du journal « Le Point du Jour » par Bertrand Barère

 

    Je partage avec vous cette nouvelle source d’information numérique. Il s’agit du journal fondé par Bertrand Barère, dit Barère de Vieuzac « Le Point du Jour, ou Résultat de ce qui s’est passé la veille à l’Assemblée Nationale ». Son objet était de rendre compte des discussions et décrets de l’Assemblée et donner son avis sur les réformes à mettre en place. Ce journal connu un grand succès. Bertrand Barère publia son journal jusqu’au 31 septembre 1791.

Vous vous doutez bien que j’y jette un œil de temps en temps pour alimenter ma chronique. Mais comme je suis partageur, je vous ouvre une fenêtre sur ledit document, en bas de cet article !

Voici tout de même un court extrait de la fiche Wikipédia de Bertrand Barère, pour lequel j’éprouve une certaine sympathie.

"Bertrand Barère dit Barère de Vieuzac, né le 10 septembre 1755 à Tarbes, où il est mort le 13 janvier 1841, est un homme politique de la Révolution française et juriste français.

Bertrand Barère

Avocat méridional, élu à la Constituante, puis à la Convention où il est une des têtes politiques de la Plaine (la majorité des députés) avant de se rallier comme elle et jusqu’au 9 thermidor à la Montagne, menée par Robespierre, Bertrand Barère est l'un des orateurs les plus importants de la Révolution : l’énoncé de ses motions et de ses rapports occupe plus de douze colonnes du Moniteur, contre huit pour Robespierre et deux pour Danton.

Rapporteur attitré du Comité de salut public (où il détient le record de longévité : dix-sept mois), ses discours lui valent un succès prodigieux à la Convention : il est l’aède des soldats de l’an II avec ses carmagnoles et donne un visage avenant, par sa verve, aux mesures d’exceptions du gouvernement révolutionnaire (Wikipédia qui est de parti pris, qualifie les mesures de « terroristes »).

Proscrit sous le Directoire, amnistié sous le Consulat et l’Empire, exilé sous la Restauration, rentré en France sous Louis-Philippe, il meurt à 85 ans, conseiller général à Tarbes. Pendant cette dernière période, il sera élu à trois reprises député par les électeurs des Hautes-Pyrénées : 1797, 1815, 1834, ces élections, sauf celle des Cent-Jours, étant à chaque fois annulées par les pouvoirs en place."


dimanche 7 juin 2020

7 Juin 1789 : La famille royale frappée par le malheur. Mort du Dauphin Louis Joseph Xavier François

 

Portrait présumé de Louis Xavier François de France


    Louis Joseph Xavier François de France, né 22 octobre 1781, fils aîné de Louis XVI et de Marie-Antoinette, deuxième enfant du couple royal, s'éteint ce jour à Meudon.

    Louis XVI, accablé de douleur, demanda qu'on reculât la demande d'audience de la délégation du tiers état de quelques jours, le temps de faire son deuil. Les députés refusèrent.

« N'y a-t-il pas de pères dans cette assemblée du tiers ? » demanda-t-il alors.

    Marie-Antoinette écrira à son frère Léopold le 17 décembre 1790 : « À la mort de mon cher petit Dauphin, la Nation n'a pas seulement eu l'air de s'en apercevoir. À partir de ce jour-là, le peuple est en délire et je ne cesse de dévorer mes larmes ».

    Le malheureux enfant souffrit toute sa vie de très fortes fièvres. Une rumeur disait que sa nourrice Geneviève, surnommée Madame Poitrine lui avait transmis la tuberculose. Cet enfant intelligent souffrit malheureusement toutes sa petite vie. On lui fit porter des corsets de fer pour tenter de redresser sa colonne vertébrale.

    En janvier 1788, le docteur Petit lui avait diagnostiqué une carie vertébrale, l'enfant qui avait déjà des vertèbres gangrénées était d'ores et déjà condamné.

Le voici ci-dessous, peint entouré de sa famille, en 1782, à l'âge d'un an.





Juin 1789 : Un Louis XVI mal habillé, un Gustave III égaré et une Marie-Antoinette avisée

Gustave III, rois de Suède


















Source

    J'ai trouvé cette curieuse anecdote dans le livre de Charles Kunstler "Fersen et son secret", (que vous pouvez découvrir en bas de page). Mais c'est dans l'ouvrage de Mathieu Auguste Geffroy "Gustave III et la cour de France" que j'ai trouvé le plus d'explications concernant le contexte politique du séjour du roi Gustave III de Suède à la Cour de France. Cette anecdote s'est produite obligatoirement après l'arrivée de Gustave III à Paris le 7 juin 1789. Mais n'oublions pas que cette date correspond également à la mort tragique du fils ainé de Louis XVI et de Marie-Antoinette, Louis Joseph Xavier François.

 Visite incognito du roi de Suède à Paris

    Lors de son séjour à Venise, le roi de Suède Gustave III avait décidé d’aller en France (Gustave III était un souverain francophile et réformateur. Il avait été adepte de la philosophie des Lumières, au début de son règne). Il s'était séparé d’une partie de sa suite et n'avait gardé auprès de lui qu’Axel de Fersen, Armfelt, Peyron et Franc. Ils arrivèrent le 7 juin, à Paris.
    Le roi de Suède – ou plutôt le comte de Haga, car Gustave avait décidé de garder l’incognito – descendit chez le baron de Staël, son ambassadeur, qui demeurait rue du Bac. Le baron de Staël était également l’époux de la fille du ministre Jacques Necker. Puis Gustave III se rendit à Versailles.

Un roi de France avec un talon rouge et l'autre noir.

    Louis XVI chassait à Rambouillet. Averti par M. de Vergennes (1), il revint en toute hâte. On ne trouva point la clé de son appartement, ni ses valets de chambre. Les premiers venus l’habillèrent. Si bien que le roi de France parut devant son hôte « avec un soulier à talon rouge et un autre à talon noir, une boucle d’or et une autre d’argent, et ainsi du reste »

Chaussures d'homme du 18ème siècle

.    Gustave soupa dans les petits appartements avec Louis XVI et Marie-Antoinette. Afin d’être plus libre, il refusa le logement qu’on lui avait préparé au château et logea en ville, chez Touchet, le baigneur. 
    A partir de ce moment-là, ce ne furent, pour le comte de Haga et sa suite (au sein de laquelle figurait Fersen, le tendre ami de la reine), que réjouissances de toutes sortes. Le plus souvent, le souverain dînait et soupait au château de Versailles et, presque chaque soir, il assistait à deux ou trois représentations, au cours desquelles un public enthousiaste l’applaudissait et l’acclamait. L’opéra monta pour lui Armide, la Caravane, de Gréty, les deux Iphigénie, de Gluck, le Seigneur bienfaisant, Atys, Didon.

(1) De quel Vergenne s'agit-il ? Car le Vergen, ennemi de Necker était mort le 13 février 1787.


Un roi qui se perdit par la musique

Source du timbre commémoratif
    Gustave III était connu pour son goût des cérémonies et des spectacles ; ce goût avait même dégénéré en une passion qu’il lui fallait satisfaire à tout prix. Il en était venu en Suède à exercer une véritable tyrannie envers la noblesse de sa cour pour que rien ne manquât à ses fêtes. Il fallait que, sur son ordre, des jeunes filles de haute naissance, des mères, des vieillards, quittassent leurs familles pour paraître sur le théâtre, où il se montrait lui-même. On risquait la ruine de tout crédit et le renversement de toute fortune, si l’on tardait de complaire à de bizarres caprices qui donnaient au règne de Gustave III un fâcheux air de ridicule despotisme. C’était à l’Opéra que les ministres étrangers pouvaient entretenir le roi des intérêts de leurs cours, et l’ambassadeur de France regardait comme un solide avantage d’y avoir sa loge à côté de la sienne. 

Le ministre de Danemark avait écrit en 1781 :

 « Tel jeune cavalier de la noblesse suédoise, qui autrefois passait ses matinées à lire l’Esprit des Lois ou les oraisons de Cicéron, les emploie maintenant à faire des entrechats et des cabrioles. Le peuple, qui s’assemblait anciennement pour disserter des affaires de l’état, court actuellement en foule aux comédies pour voir représenter les parodies des opéras qui se donnent aux théâtres de la cour, et les troupes de comédiens qui se forment de toutes parts dans les provinces, ainsi que les institutions de bals, assemblées et mascarades, prouvent assez que le goût du spectacle et des amusements se répand à l’excès par tout le royaume. »

Un ambassadeur désapprobateur

    Le baron de Staël, cachait mal dans sa correspondance diplomatique, des opinions bien différentes de celles de son maître Gustave III. Bien qu’il lui fût redevable de sa charge d’ambassadeur à Paris et de son mariage avec la fille du ministre Necker, le baron ne craignait pas, dans ses dépêches, de désigner la reine Marie Antoinette « comme l’unique auteur de tous les maux qui affligeaient la France ». Mieux encore, il s’efforçait de la noircir aux yeux de Gustave III. « La Reine, mécontente du parti que votre Majesté a pris de déclarer la guerre à la Russie, lui écrivait-il, m’a dit, à plusieurs reprises, que ce n’était pas son opinion. »

Le baron de Staël

La perfide Albion...

    Le roi de Suède Gustave III avait été poussé à déclarer cette guerre par l’Angleterre et la Prusse, alliées depuis le récent avènement de Frédéric-Guillaume, successeur de Frédéric II.     Le but général de la ligue anglo-prussienne était de tenir en échec la Russie et l’Autriche (pays natal de Marie-Antoinette), en suscitant contre elles la Suède, la Pologne et les Turcs. Par ailleurs, la Suède avait perdu ses dominions baltes pendant la grande guerre du Nord avec la Russie entre 1700 et 1721 et comptait les récupérer par cette guerre. L’Angleterre cherchait particulièrement l’occasion de se venger du secours prêté par la France aux colonies d’Amérique. Déjà, en mettant aux prises les Russes et les Turcs, elle avait causé un grand embarras à la France, amie de ces deux peuples ; elle essayait cette fois de nuire davantage encore à la France en détournant d’elle Gustave III. On avait compris à Versailles d’où venait le coup, et l’on essaya en vain de retenir le roi de Suède.

    Marie-Antoinette avait compris cela. Mais qu’est-ce que Louis XVI, avec ses chaussures dépareillées, avait compris à cette affaire ?

Marie-Antoinette représentée par Elisabeth Vigée-Lebrun en 1788


Fersen et son secret :