vendredi 10 juillet 2020

10 Juillet 1789, L’assemblée des électeurs du Tiers-État demande la création d’une milice bourgeoise

Article entièrement mis à jour le 10 juillet 2023
Bouton en laiton de la milice bourgeoise de Sète
Source Musée Carnavalet
Peur de qui ?

    Est-ce par peur des troupes militaires encerclant Paris, ou par crainte des émeutes populaires qui éclatent de plus en plus souvent sous la pression de la faim ? Toujours est-il que ce 10 juillet 1789 l’assemblée parisienne des électeurs du Tiers-État demande la création d’une milice bourgeoise.

    L’idée d’établir, ou de rétablir une milice, avait déjà été proposée pour la première fois à l’Assemblée des Électeurs de Paris, le 25 juin 1789 par Nicolas de Bonneville, au lendemain de la séance royale aux États-Généraux, mais sa nécessité n’avait pas semblé "indispensable".

    Réflexe de défense suscité par la crainte des troupes se concentrant autour de Paris, ou volonté de prendre le pouvoir ?... Vous allez voir dans les prochains jours que la bourgeoisie va se mettre peu à peu en ordre de marche pour l’affrontement. Des milices vont effectivement se constituer, des armes vont être distribuée et des troupes vont être soudoyées. Il semble en effet que la bourgeoisie a décidé de mettre un terme aux atermoiements du « bien aimé » Louis XVI…

    Cette milice bourgeoise sera officiellement constituée le lendemain de la prise de la Bastille (peur du peuple cette fois-ci ?). Commandée par le général Lafayette, elle portera le nom de garde nationale. Elle sera réservée aux citoyens "actifs", c'est-à-dire ceux qui s'acquittent d'un impôt au moins égal à la valeur de trois journées de travail. De plus, ses membres devront pouvoir acheter le coûteux uniforme (Lire plus bas.).

    Des gardes nationales s'établiront bientôt partout en France, principalement sous l'effet de la grande peur qui parcourra la France durant l'été 1789.

Milice, pour la bourgeoisie, par la bourgeoisie

    La milice que désirent créer ce 10 juillet 1789 les grands électeurs du Tiers état de Paris, est donc fort différentes des traditionnelles milices créées par ordre du roi (Lire plus bas). Parce que cette fois-ci, signe des temps, c’est la bourgeoisie qui décide…

    Nous verrons bien sûr, lorsque la garde nationale parisienne sera créée, que les formes seront mises. La Garde nationale se proclamera fidèle au roi, ses drapeaux arboreront les symboles de la monarchie et ils seront même bénis à Notre Dame de Paris ! Allez voir ces magnifiques drapeaux sur mon article : « Les drapeaux des 60 districts parisiens de la garde nationale de 1789 ». 

    Mais ne nous le cachons pas, cette garde nationale parisienne sera bien le bras armé de la bourgeoisie. Nous le verrons par exemple le dimanche 17 juillet 1791, lorsque conduite par Bailly et Lafayette, elle tirera sur les pétitionnaires venus demander la destitution du roi (après sa fuite à Varennes).

    La garde nationale ne s'ouvrira au peuple, c’est-à-dire aux citoyens "passifs", que bien plus tard, le 30 Juillet 1792, après que Paris aura été menacée le 25 Juillet, de destruction totale par le Duc de Brunswick, le chef de l'armée prussienne envahissant la France. Cette garde nationale devenue « populaire » participera le 10 août 1792 à la prise des Tuileries qui entrainera la destitution du roi et son emprisonnement.

Sélection par l’argent

    Seul un bourgeois pouvait en effet se payer la tenue nécessaire pour entrer dans la Garde nationale en 1789. Un uniforme coûtait environ 117 Livres, auxquelles il fallait ajouter 66 Livres pour l'équipement suivant :

  • 1 chemise de toile,
  • 2 cols en basin blanc
  • 1 col noir
  • 1 mouchoir en coton
  • 1 paire de bas
  • 3 paires de guêtres
  • 1 cocarde
  • 2 paires de souliers de cuir à boucles
  • 1 tire-bouton
  • 1 épinglette
  • 1 havresac en peau de veau
  • 1 boucle de col
  • 1 tournevis
  • 1 sac de toile.

    Pour mémoire, en 1789, 1 Livre valait 20 sous (ou sols) et 20 sous était le montant du salaire journalier d'un ouvrier parisien (un artisan pouvait gagner jusqu'à 50 sous). L'uniforme et son équipement valait donc 243 Livres, soit 243 journées de travail d'un ouvrier. Le chiffre m'étonne tellement que je suis preneur de toute information différente !


Ne pas confondre les milices.

    Avant les milices urbaines, les villes disposaient depuis la fin du moyen-âge de compagnies d’archers ou d’arbalétriers, puis de compagnies d'arquebusiers, au sein desquelles les jeunes-gens aisés s’entrainaient à l’art de la guerre. Nombre de ces sociétés existaient encore à la veille de la révolution.

    Les milices bourgeoises ou urbaines existaient depuis longtemps et secondaient la maréchaussée du roi dans les villes. L’idée des électeurs du Tiers état n’était donc pas une nouveauté. Les milices bourgeoises n'avaient par contre rien à voir avec les milices provinciales créées par le roi qui étaient des troupes à destination purement militaire.

Un mot sur les milices provinciales


    Ces milices provinciales avaient été totalement restructurées au 17ème siècle, sous l’impulsion de Louvois, par l’ordonnance royale du 29 novembre 1688. Celle-ci avait permis d’obtenir une première levée de 25.050 miliciens, âgés de 20 à 40 ans, répartis en bataillons et compagnies. Chaque homme choisi devait être obligatoirement domicilié dans sa paroisse. Ces miliciens étaient encadrés par la noblesse locale. Tous devaient demeurer au service du roi pendant 2 ans (au départ puis durant 4 voire 6 ans), sans s’absenter de leur paroisse, dans l’attente d’être éventuellement appelés à servir. Ces miliciens étaient habillés et armés par leurs paroisses respectives et, en cas de guerre, soldés par le Roi à raison de 5 sols par jour.

    Cette organisation fut supprimée une première fois de 1697 à 1700, puis en 1715, rétablie momentanément en 1719 puis définitivement en 1726. Une ordonnance de 1765 établit l’effectif de ces milices à 105 bataillons de 700 hommes qui furent désignées sous le nom de « Gardes provinciales » à partir de 1778. En 1789, ces milices provinciales comptaient 60.000 hommes.

    Une autre différence importante : le recrutement des milices bourgeoises reposait sur le volontariat, alors que celui des milices provinciales se faisait par tirage au sort et constituait une véritable contrainte.

    Si le sujet des milices provinciales vous intéresse, je vous engage à lire cet article fort bien documenté : http://magenealogie.eklablog.com/les-milices-provinciales-a133793306C'est un vieux site, mal sécurisé, mais apparemment sans danger.


Un livre à lire !

    Je vous propose de lire un extrait intéressant d'un livre fort bien documenté racontant l'histoire de la garde nationale. Vous y accéderez en cliquant sur l'image ci-dessous :



                       


Cet article a été publié initialement sur ma page Facebook :
"Les estampes révolutionnaires du citoyen Basset"

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Bertrand