L’article va être un peu long, veuillez bien me pardonner. Mais cette journée du 13 juillet 1789 est très riche en événements, presque plus que celle du 14 ! Je suis de plus certain que vous allez apprendre au moins une ou deux choses qui vont vous étonner...
Le peuple cherche du pain et des armes...
Du pain, les Parisiens en manquent cruellement. Nous verrons plus tard dans d'autres articles quelles sont les causes de cette pénurie et nous nous demanderont même si oui ou non, elle est sciemment organisée, ou si elle est due "seulement" à l'incompétence des autorités...
Quand les Parisiens trouvent du pain dans une boulangerie, celui-ci est hors de prix pour la plupart d'entre eux. Un journalier parisien gagne entre 15 et 20 sous par jour et le pain coûte à présent 14 sous !
De plus, les Parisiens s'inquiètent de la présence de toutes ces troupes qui cantonnent autour de Paris et qu'il faut nourrir de ce pain qui leur manque tant !
Ce lundi 13 juillet 1789, excédés et rendus furieux par la faim qui les tenaille, les Parisiens entreprennent de chercher du pain, et des armes...
Scène de pillage d'une boulangerie. (Image ayant servi à illustrer la guerre des farines de 1755) |
Dans la nuit du 12 au 13 juillet, des Parisiens ont attaqué des "arquebuseries" pour se procurer des armes. Les armes manquent cruellement, mais vous verrez bientôt qu'elles apparaitront "miraculeusement", distribuée par la Bourgeoisie.
De ma collection personnelle |
Louis Legendre |
Selon Wikipédia, dans la matinée de ce lundi 13, le boucher Louis Legendre aurait entraîné les habitants de son quartier aux Invalides, afin d'y récupérer les armes entreposées. Mais la vraie prise des armes aux invalides aura lieu le lendemain matin 14 juillet.
Les Parisiens ont bien trouvé quelques armes, mais ils ne
trouvent que très peu de munitions et de poudre. Ils se rendent alors à l'Arsenal où
on les informe d’un transfert récent de poudre et de salpêtre vers la Bastille
toute proche. Rappelons qu'en avril, peu de temps avant l'affaire Réveillon, le gouvernement avait déjà transféré des armes depuis l'Arsenal vers la Bastille, par crainte des émeutes !
Jacques de Flesselles |
Des Parisiens se présentent à l’hôtel de ville et demandent des fusils au prévôt des marchands, Jacques de Flesselles, (l’équivalent du maire de Paris). 350 à 360 fusils entreposés à l’hôtel de ville sont "donnés" au peuple et Flesselles envoie la foule en colère chez les Lazaristes où, prétend-il, des armes seraient entreposées…
Le peuple ayant découvert, au port Saint-Nicolas, un bateau chargé de cinq
mille livres de poudre, cette poudre est portée
en triomphe à l'Hôtel-de-Ville, y est déposée dans une
salle basse, et confiée à la surveillance de l'abbé Pierre-Louis Lefebvre-Laroche, qui est chargé d'en faire la distribution. Celui-ci se trouve
alors à l'Hôtel de Ville en tant qu'électeur du clergé, avec l'Assemblée des électeurs de Paris réunie par Bailly.
Notre ami l’avocat Joseph Colson, dont je vous ai déjà parlé (avocat au parlement de Paris et intendant de la famille de Longaunay), rapporte dans l'un de ses courriers que le Prince de Condé, qui voulait sortir sous le nom d'un négociant, est arrêté et conduit à l’Hôtel de ville.
Il est intéressant de constater que cette garde constituée par la
bourgeoisie semble être à l’origine de la prise des barrières d’octroi durant la
nuit. Alors que la version officielle dira plus trad que ce furent des émeutiers, voire des
brigands, conduits par des fraudeurs ! Des centaines de personnes seront même emprisonnées pour cela, dont Babeuf. Vous voyez comme c’est compliqué d'écrire de l’histoire ?
Pillage de Saint-Lazare.
Comme nous venons de le lire, c’est le prévôt des marchands qui a envoyé le peuple à Saint Lazare ! L’immeuble se trouve encore au numéro 107 du Faubourg Saint-Denis.
Mais une autre estampe désigne « le peuple, qui après avoir délivré les prisonniers de la Force, se porte en foule au couvent de Saint Lazare, pille tout en faisant perquisition et en enlève les farines qu’il conduit en triomphe à la halle. »
Tient donc ! Des farines étaient bien cachées dans ce couvent ? Le graveur de la première estampe ignorait probablement ce à quoi peut conduire la faim...
Distribution de cocardes
La version la plus connue de cet événement nous raconte que la municipalité de Paris distribue des cocardes aux couleurs de la ville, rouge et bleu, afin que les patriotes se reconnaissent et se distinguent des fauteurs de complots. Rappelez-vous les cocardes vertes de la veille.
Cocarde portée par les militaires parisiens avant 1789 |
"Tout le monde est obligé de porter des cocardes, et l'on quitte, dit-on, les vertes qu'on avait prises par la remarque que c'est la couleur de monsieur le comte d'Artois et l'on va prendre le blanc, couleur de la nation, et le rouge, couleur de monsieur le duc d'Orléans."
Celle-là ? |
Pas celle-là. |
Je vous parlerai plus longuement de la cocarde bleue blanc rouge pour la journée du 17 juillet 1789. Là aussi vous serez surpris...
Pendant ce temps-là, à l’Assemblée nationale…
La bourgeoisie s’organise et prend les armes
La bourgeoisie organise un Comité permanent à l'Hôtel de Ville. Il est composé des 307 grands électeurs, dont le fermier général Antoine Lavoisier. Ce comité fait sonner le tocsin dans toutes les paroisses pour assembler tous les districts et constituer une garde bourgeoise. Il est décidé d’en établir d’abord une de 12.000 hommes et de la porter à 24.000 s’il est jugé nécessaire.
« Une légion par quartier dont elle portera le nom, ce qui fera 16 légions. Il est arrêté que 12 de ses légions seront composées de 4 bataillons et les 4 autres de 3 ; chaque bataillon sera composé de 4 compagnies et chaque compagnie de 200 hommes, ce qui composerait en totalité 48,000 hommes. »
Colson donne les précisions suivantes :
« Le curé de Saint-Étienne du Mont et trois autres curés conduisent eux-mêmes à l’Hôtel de Ville les assemblées de leurs districts pour s’enrôler. Les clercs du Palais s’enrégimentent également, ceux du Châtelet et les écoliers de l’université suivent l’exemple. La compagnie des Arquebusiers offre ses services et propose aux électeurs de se réunir à la Bourgeoisie. »
Des banquiers comme Etienne Delessert, Prévoteau, Coindre, Boscary, s’enrôlent avec leur personnel dans la garde bourgeoise en formation. Le banquier François Louis Joseph de Laborde de Méréville, également colon ayant d’énormes avantages aux Antilles, s’intéresse à l’affaire. Une source précise que des fusils furent distribués devant les hôtels particuliers des banquiers suisses Delessert et Perrégaux.
On retrouvera plus tard le trouble
banquier Perrégaux, espion à la solde des Anglais qui, entre autres, financera
ceux que l’on appelait « les enragés » en 1793, afin de créer des conditions de
désordre et d'instabilité politique pour nuire au courant politique très
puissant, d'essence populaire, incarné par Robespierre. Ce grand homme (Perrégaux, pas Robespierre) repose
au Panthéon…
De l’argent est répandu pour gagner les soldats. On s’en doutait
un peu, compte tenu du nombre de ceux qui désobéirent aux ordres de tirer sur
la foule.
Incendies des barrières d’octrois.
Dans la nuit du 13 au 14, on nous dit que le petit peuple de Paris incendie 40 octrois sur les 54 du mur des fermiers généraux qui entourait Paris. Les fermiers généraux étaient des banquiers qui proposaient au roi de faire rentrer une partie des contributions qu’ils percevaient sur l’entrée de chaque marchandise pénétrant dans Paris (une trentaine de millions dont ils reversaient la moitié au roi). Ce mur long de 24 km percé de portes faisant office de péages, avait été érigé à partir de 1785 (achevé en 1790). Il était particulièrement haï des Parisiens.
Prises des barrières du 12 au 13 juillet 1789 |
Lire également cet article :"La Révolution aux barrières : l’incendie des barrières de l’octroi à Paris en juillet 1789"
Cet assaut est souvent oublié, voire minimisé par les historiens, au détriment de la prise de la Bastille le lendemain. Mais il est le premier acte vraiment révolutionnaire des Parisiens.
Certains disent qu’il fut organisé par des fraudeurs. D’autres expliquent que, curieusement, la prise du mur fut la première action opérée par la milice bourgeoise dès sa première garde à 21h00. (Etonnant, non ?)
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand