jeudi 16 juillet 2020

16 Juillet 1789 : Le retour de Necker (et de la dette)

Tout ça pour ça ?

    Vous l’avez compris à la lecture des dernières publications, tous les événements qui se sont produits depuis le 12 juillet ont résulté du renvoi par sa majesté le roi Louis XVI de son ministre Jacques Necker, le banquier suisse et protestant. 

    Souvenez-vous de la panique qui avait saisi les agents de change à Paris le 12 juillet 1789, quand ils avaient appris le renvoi de Necker. A l’idée d’une banqueroute, ils avaient même fermé la Bourse et l’agitation révolutionnaire à Paris était alors montée d’un degré, le dernier avant l’explosion.

    Necker avait la confiance du Tiers Etat, c’était un homme intelligent, empreint des idées nouvelles du siècle des Lumières et il avait su jusqu’à présent éviter la faillite financière du royaume. Sa méthode pour éviter la banqueroute, avait été une politique d’emprunts, plutôt qu’une augmentation des impôts.

    On peut aisément comprendre que cette politique fut populaire. Le peuple était reconnaissant envers Necker de ses réformes et les banquiers étaient ravis de prêter à l’Etat français. Necker était d’ailleurs si confiant dans sa politique que sa propre banque prêtait de l’argent à la France, avec de réjouissants taux d’intérêts à 14% !...

La dette...

Necker présenté comme un joueur de bonneteau
Necker présenté comme
un joueur de bonneteau

    Le souci, avec cette politique d’emprunts, c’était vous l’aurez compris, que la dette de la France augmentait chaque année de plus en plus. En 1788 le budget de l’état présentait un déficit de 162 millions de livres (471.6 millions de revenus, contre 633.1 millions de dépenses). 

    Le 16 août 1788, la monarchie avait même dû suspendre ses paiements et le roi avait dû se résoudre à convoquer les états généraux, puisqu’aucune réforme n’avait pu aboutir lors des Assemblées des Notables de 1787 et 1788. À cette date, le déficit budgétaire était évalué à 2 milliards !

    Ce déficit venait de la somme des emprunts contractés par l’État depuis les années 1760. De plus, le royaume de France payait des taux d’intérêt presque deux fois supérieurs à ceux de sa rivale, l’Angleterre.

    Aucun ministre n’avait jamais réussi à réformer le système de financement de l’état, tant les structures de l’ancien régime étaient figées. Les parlements, aux mains de la noblesse et du haut clergé, s’y étaient toujours opposés. Quoi de plus normal puisque la noblesse et le clergé, à savoir les 2% les plus riches du pays, ne payaient pas d’impôts.

Dette de 1788 en millions de Livres

    Ne voyez pas malice à ce que je dis (du moins pas totalement). Cette situation correspondait à ce que l’on pourrait appeler « le contrat social de l’ancien régime ». Celui-ci faisait que les nobles ne payaient d’impôts parce qu’ils donnaient leur sang à la guerre et que le clergé n’en payait pas non plus parce qu’il avait la charge de s’occuper des faibles et des malheureux. Mais hélas, aussi bien la noblesse que le clergé, avaient un peu oublié ce qu’ils devaient au royaume.


    La dette de la France était colossale, mais n’en déduisez pas que le pays était pauvre, même si la majorité de sa population l’était. La France était l’un des plus riches royaumes d’Europe. La richesse était bien là, mais inégalement répartie et surtout mal gérée. (Toute comparaison avec la situation présente de notre pays n’a pas lieu d’être évoquée ici)....

    Le jeudi 16 Juillet 1789, Louis XVI doit donc se résoudre à rappeler Monsieur Necker. Celui-ci prend alors le titre de Premier ministre des finances. Dans le lien ci-dessous, je vous donne à lire cet échange entre les députés Barnave et Mirabeau à l’Assemblée Nationale, à propos de la légitimité pour celle-ci de refuser ou rappeler un ministre du roi.

Monsieur Necker redemandé par le Tiers Etat
Monsieur Necker redemandé par le Tiers Etat

    Le mariage d’amour entre Monsieur Necker et l’Assemblée Nationale Constituante ne durera pas longtemps. Très rapidement Necker s’opposera à l’Assemblée et tout particulièrement en bouillant Mirabeau. Les députés refusèrent les propositions financières de Necker. Celles-ci reposaient sur ses méthodes traditionnelles d’anticipations et d’emprunts, qui étaient causes de la dette grandissante. Les temps avaient changé. L’irréformable ancien régime agonisait de sa belle mort. Le nouveau pouvoir montant, celui issu du Tiers Etat, était plus ouvert aux réformes et il savait combien le pays était riche et surtout où trouver l’argent.

    La bourgeoisie était progressiste, mais pas au point d’augmenter les impôts qu’elle devait elle-même payer ! Raison pour laquelle, ces esprits éclairés, tous un peu voltairiens, voire même pour certains, athées, commencèrent peu à peu à se tourner vers le richissime clergé...

    L’Eglise possédait un quart de Paris et un dixième à peu près du territoire national, ce qui représentait 3 à 3,5 milliards de l’époque. Elle percevait de plus, 150 millions de rentes annuelles !

    Bien que Protestant, Necker s’opposera à la confiscation des biens du clergé et au financement du déficit par l’émission d’assignats.

    Les constituants n’avaient rien inventé. Ils s’inspiraient grandement des réformes réalisées dans son Empire, par Joseph II, le propre frère de la reine Marie Antoinette. Ce despote éclairé dont le mot d’ordre était « Tout pour le peuple ; rien par le peuple », avait soumis totalement l’Eglise à son autorité, fait prêter au évêques un serment qui les soumettaient à l’Etat, ordonné la fermeture de monastères jugés inutiles dont les biens avaient été transférés aux paroisses et tout plein d’autres réformes qui auraient fait défaillir un Chouan portant le Sacré Cœur...

    Je sens que j’en ai étonné quelques-uns. Vérifiez, je n’invente rien, cela s’appelle le Joséphisme.

    Je vous étonnerai encore bien plus, mais un peu plus tard, on vous parlant du très réformateur Louis XVI...

    Vous vous doutez bien que ceux qui pensaient que la Révolution allait s’arrêter le lendemain du 14 Juillet, étaient peut-être quelque peu optimistes. Le propre frère du roi, le comte d'Artois, ainsi que le prince de Condé, l’avaient bien compris, puisqu’ils décidèrent de prendre le chemin de l’exil.

Les premiers fuyards de la Révolution française

Source :Barnave et Mirabeau - Débat sur la responsabilité ministérielle :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/barnave-et-mirabeau-16-juillet-1789

Post Scriptum :

La dette ? Une invention géniale !

    Il faut savoir que cette idée des emprunts entraînant une dette colossale est toujours de mode, puisque les impôts des riches sont sans cesse diminués et que l'Etat finance sa politique par l'intermédiaire d'emprunts sur les marchés financiers ; Marchés financiers qui en retour imposent leurs doctrines économiques aux états par l'intermédiaire d'agences de cotations qui punissent les états récalcitrants en abaissant leurs notes, ce qui a pour effet d'élever les taux d'emprunts des malheureux états qui voudraient faire du social. (Les prélèvements imposés aux revenus les plus modestes n'ont pas vraiment un gros effet sur le financement de la politique publique). Plus d'infos sur mon article : "Quel pouvoir avons-nous ?".

   




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Bertrand