mercredi 29 juillet 2020

29 juillet 1789 : Les brigands (paysans) veulent attaquer l'Abbaye de Cluny

La ville de Cluny et son Abbaye
 Des châteaux qui brûlent.

    Nous avons vu hier 28 juillet que le château de Lugny avait été attaqué par des hordes de "brigands". Brigands qui ne sont en fait que des paysans et artisans qui ont peut-être eu vent de la prise de la Bastille (de telles nouvelles voyagent vite) et qui décident de s'attaquer à leurs Bastilles locales. La révolte des paysans fut particulièrement importante dans cette riche région du Mâconnais. Le régime seigneurial y était particulièrement dur et les paysans étaient écrasés de misère.

    J'ai eu la chance de trouver un document précieux, issu des archives de Saône-et-Loire, qui nous donne nombre d'informations, images et même de copies de dépositions de témoins concernant cette révolte en Mâconnais.

Cliquez sur l'image ci-dessous pour y accéder :

La Grande Peur en Maconnais

    En lisant ce cahier passionnant, j'ai découvert qu'une rumeur, qui plus est accréditée par des billets qui circulaient, semblait semble être à l'origine du déclenchement de cette révolte. La rumeur prétendait que le roi et l'Assemblée toléraient la destruction de ce régime féodal qui oppressait les paysans. Cela ne vous rappelle rien ? Je vous avais expliqué dans mon article du 23 juillet que dans son histoire de la Révolution française, l’historien Adolph Thiers avait émis l’hypothèse étonnante que les courriers envoyés partout en France pour annoncer l’arrivée des brigands, relevaient d’une initiative de la cour. Eux seuls étaient en effet capables de franchir aisément tous les postes de contrôles. L’idée aurait été d’armer les provinces pour les opposer à Paris, car la cour ne croyait pas à une révolution générale du royaume. Etonnant, non ?

Pillage d'un château

    Les coups de forces de ces "brigands" visaient principalement les privilèges seigneuriaux. Ils s'attaquaient aux terriers des châteaux, sortes de greniers où étaient enfermés tous les archives contenant tous les droits seigneuriaux qui les affligeaient ; ainsi que les granges aux dîmes où étaient stockées les nourritures qu'ils avaient dû payer au titre de cet impôt religieux. Leurs actions étaient violentes, mais ils menaçaient plus souvent de tuer qu'ils n'ont tué réellement.

Carte de la Grande Peur en Mâconnais

Des "brigands qui demandent du pain.

    Au cours de l'enquête qui suivit l'attaque du château de Saint-Maurice-des-Près, le jardinier dudit château, François Laurent, expliquera que les brigands ne lui demandèrent pas d'argent, mais du pain et du vin. Je ne cherche pas à minimiser ni excuser la violence. Je cherche seulement à en comprendre le pourquoi, ce qui ne semble pas être la préoccupation de nombre d'historiens.

L'Abbaye de Cluny

    Voici à présent l'extrait des archives de Saône-et-Loire, concernant l'action menée contre la célèbre abbaye de Cluny. (Fond de la Ville de Mâcon, FF 67/12)

Mois qui suit spécialiste des coquilles malheureuses, j'ai pris le soin de corriger l'orthographe fantaisiste, typiquement 18ème siècle, de cette déposition, pour que les traducteurs du web n'y perdent pas leur Latin. 😊

A l'hôtel de Ville de Cluny, le 29 juillet 1789 à onze heures du soir.

Messieurs mes chers confrères

Nous vous avons prévenu par l'exprès qui vous a été adressé de notre part cet après-midi, que nous étions menacés de l'incursion de cette quantité considérable de gens de la campagne qui depuis plusieurs jours occasionnent les plus grands dégâts dans le voisinage, que les brigands avaient brûlé le château de Lugny, celui de Senzand, qu'ils avaient dévasté celui d'Igé, la Tour de Bassy (1), Berzé la Ville et un grand nombre de maisons particulières.

Nous avons été avertis que les séditieux venaient au nombre de plus de six cents pour incendier l'abbaye de cette ville qu'ils avaient menacée dès le principe des mouvements extraordinaires auxquels ils se sont livrés. La Milice Bourgeoise que nous avions établie pour la garde de la ville a envoyé un détachement pour connaître les forces de cette troupe, le détachement qui était commandé a bientôt reconnu que ces brigands étaient en très grand nombre, en conséquence les ordres ont été donnés d'aller à leur rencontre pour les engager à se retirer. Mais à leur approche ils ont été obligés non seulement de se tenir sur la défensive pendant assez longtemps, mais encore après avoir été attaqués eux-mêmes, de courir sur eux et d'en venir aux mains, on en a tué plusieurs et on en a amené dans les prisons de cette ville (2) en très grand nombre, entre autre le nommé Pierre Maziller père (3) que nous savions s'être déclaré pour le chef de ces bandits dont il avait soulevé le plus grande partie en assurant qu'il était porteur d'un ordre de l'Assemblée nationale qui prescrivait le paiement des dîmes et celui des droits seigneuriaux.

Vous jugez bien Messieurs de toute la douleur que nous cause un événement qui n'a point d'exemples que nous nous empressons de vous en faire part, non seulement pour que vous puissiez tenir vos gardes, mais encore pour vous prier de nous envoyer des forces si votre situation le permet.

Nous sommes avec le plus parfait attachement…

  1. Commune de Saint-Genoux-de-Cissé,
  2. Il y eu 5 brigands tués et plus de 150 arrêtés,
  3. Pierre Maziller fut condamné à mort par le Comité de Cluny et pendu le 4 août aux portes de la Ville

   Apprenez qu'avec le dénommé Pierre Maziller, le Comité permanent de Mâcon (C'est-à-dire la Bourgeoisie) condamnera également à mort vingt paysans, oups ! Pardon, vingt brigands.

    Je vous conseille vivement de consulter le précieux document des archives de la Saône-et-Loire ;


 


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Bien cordialement
Bertrand