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Allégorie de la Révolution de 1789 Source : Paris Musées |
Rien ne nait de rien (ex nihilo). Les révolutionnaires français ont
inventé et créé à partir de ce qui existait déjà ici, la et même ailleurs. Essayons de trouver des pistes (de réflexion).
Une chanson pour la Révolution !
Dans son roman "Les misérables" Victor Hugo fait chanter à Gavroche, le gamin révolutionnaire parisien, une petite chanson dont le couplet suivant est resté célèbre :
« Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à Rousseau. »
Cette chanson satirique fut composée par le chansonnier parisien Béranger, en réaction à un "mandement de Messieurs les vicaires généraux du chapitre métropolitain de Paris".
La chanson de Gavroche
Ces messieurs du clergé avaient en effet commandé de lire dans toutes les
églises de Paris le 9 février 1817, (pendant la Restauration), un prêche
établissant que la culpabilité de la révolution revenait aux ouvrages de ces
deux philosophes. Cette thèse chère aux royalistes, qui ajoutèrent plus tard
sur leur charrette des coupables, les francs-maçons et les juifs, a eu le triste et honteux succès
que nous lui connaissons.
Mais si coupables il y a, qui sont-ils ?
Voltaire ?
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Voltaire |
Mais Voltaire n’était pas un révolutionnaire, car il connaissait trop bien les hommes et il ne se faisait aucune illusion sur ceux-ci. Par contre, on ne peut nier l’effet que produisit sa lumière sur les esprits qui la reçurent, à commencer par l’empereur d’Autriche, Joseph II, (le propre frère de Marie-Antoinette).
Ce « despote éclairé » entreprit en effet de réformer son empire sur la base
des idées de Voltaire. Il avait si bien compris Voltaire que lui aussi se
méfiait du peuple. Sa devise était « Tout pour le peuple, mais rien par le
peuple ». Il n’avait pas vraiment tort, puisque ledit peuple sous l’emprise de
la superstition, fit rappeler après sa mort les moines que Joseph II avait chassé
de leurs monastères contemplatifs, pour cause d’inutilité.
Il est également évident que la pensée de Voltaire a très
fortement imprégné tous les hommes de cette époque. Ils se rendaient compte que
le monde changeait et que la société devait évoluer, et ce, aussi bien du côté
de la noblesse que du Tiers État. Leur attitude critique vis-à-vis de la religion
dû beaucoup aux moqueries de Voltaire dans ses ouvrages contre celle-ci. Nous le verrons
bientôt.
La Révolution lui sera reconnaissante puisqu’elle fera
revenir en grande pompe ses cendres à Paris le 4 juillet 1791.
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Le retour des cendres de Voltaire (collection personnelle) |
Tant d'âneries ont été dites et écrites par des penseurs de pacotilles de nos jours, que j'ai jugé nécessaire de consacrer au grand Voltaire un article afin de le réhabiliter : IL FAUT SAUVER LE SOLDAT VOLTAIRE.
Rousseau ?
Rousseau fut le premier à affirmer que la démocratie était
la seule forme légitime d'État. Là où Rousseau divergeait du cynique et trop
lucide Voltaire (selon moi), c’est qu’il pensait que l’homme était
naturellement bon et que c’était la société qui le corrompait (le fameux mythe
du bon sauvage). C’est mal connaître la violence intrinsèque de la nature que
de ne pas voir que seule la culture, l’éducation et la civilisation, nous
empêchent de redevenir les prédateurs sans scrupules que nous étions à nos
origines. Notre époque est encore malheureusement prise au piège de cette
idolâtrie naïve d’une nature paradisiaque.
De tous les révolutionnaires, le plus imprégné de la pensée
de Jacques Rousseau, fut sans conteste Maximilien Robespierre qui le
considérait comme son maître.
Néanmoins, Rousseau non-plus, n’était pas un révolutionnaire, car il détestait ceux qu’il appelait les séditieux.
Et que dire de Diderot, D'Holbach, D’Alembert ou Condorcet, sans oublier Montesquieu ?
Oui bien sûr ! En particulier Condorcet qui fut même un acteur important de la révolution ! Mais pourquoi s’acharner sur les philosophes ? Car en vérité, le premier corps de la société à s’opposer ferment au roi, ce fut bien la noblesse et la partie du clergé appartenant à la noblesse !
La noblesse ?
Ce sont effectivement les nobles et le haut clergé
appartenant à la noblesse, qui des années durant, bien avant la révolution, se
sont opposés à toutes les tentatives de réformes du roi et de ses ministres
successifs ! Dans les Assemblées des Notables provoquées par Louis XVI en 1787
et 1788 pour tenter de redresser financièrement une France au bord de la
banqueroute ; Dans les différents parlements de Paris et de Provinces, depuis
lesquels ils refusaient de valider toutes les nouvelles lois, en
instrumentalisant au besoin le peuple qui réagissait violemment par des
émeutes.
Je vous conseille la lecture de cet article que j'ai consacré à ce problème très particulier : "Les Parlements contre le Roi. 30 ans d'une lutte de l'aristocratie contre l'absolutisme royal"
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Assemblée des notables du 22 Février 1787 |
Ce comportement irresponsable d’une classe qui ne veut
renoncer à aucun de ses privilèges, fera que le roi finira par se résoudre à
convoquer les États Généraux, dont les préparatifs, aussi bien lors de la
rédaction des cahiers de doléances dans la France entière, que dans les
chamailleries portant sur la représentativité des trois corps, conduiront le
pays aux conditions optimales pour une révolution.
N’oublions pas non plus tous ces nobles, acquis aux idées nouvelles, qui s’engagèrent du côté de la révolution, à commencer par le célèbre Duc D’Orléans dont nous avons parlé ces derniers jours et dont nous reparlerons.
Le clergé ?
Je parle du vrai clergé, c’est-à-dire le bas clergé, celui
des petits curés de campagne ; pas des nobles comme par exemple Talleyrand,
l’évêque d’Autun, probablement athée, que Voltaire avait même béni.
Sachez en effet que la révolution ne se serait peut-être pas
produite, si le bas clergé n’avait pas rejoint en majorité le Tiers Etat le 24
juin 1789, lors des États Généraux (3 curés du Poitou l’avait déjà fait le 13). Lire cet article.
Quoi de plus normal en fait ? Les braves curés étaient bien
placés pour connaître l’horrible misère du peuple, puisqu’ils la partageaient.
Ils avaient même contribué à ce que le peuple en grande partie analphabète, puisse
exprimer ses réclamations dans les cahiers de doléances.
On vit même, la veille de la Bastille, le curé de Saint-Étienne du Mont et trois autres curés conduire leurs ouailles à l’Hôtel de Ville pour s’enrôler, tandis que l’abbé Lefebvre organisait la distribution de petits sachets de poudre à fusil aux gens ! Certains prêtres, comme Jacques Roux en Charentes, avaient poussé les paysans à brûler des châteaux !
Hélas, tous les révolutionnaires, on le verra bientôt, ne leur seront pas vraiment reconnaissants. Les constituants (Bourgeois et nobles tous voltairiens) se méfiaient des 40.000 prêtres (sur un clergé de 44.000) qui étaient trop proches du peuple. Raison pour laquelle ils nationaliseront les biens du clergé, rédigeront une constitution civile du clergé (façon Joseph II) et qu’ils trouveront judicieuse l’idée de détourner la colère du peuple vers l’Église. Néanmoins, il faut savoir que les petits curés seront récompensés tout de même, puisque leur salaire versé par la Nation sera doublé à l'occasion de la constitution civile du clergé et qu'en plus ils auront le droit de se marier !
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Enterrement du Clergé le 2 Novembre 1789, jour de la nationalisation de ses biens. |
Ce sont les bons bourgeois Girondins qui feront passer une loi terrible contre les prêtres, disant qu’il suffirait de la dénonciation de vingt citoyens pour qu’un prêtre soit condamné à la déportation. Le Girondin Isnard avait même dit : « Le dénouement de la révolution doit être l’exclusion du christianisme ».
Le Girondin Maximin Isnard,
le pourfendeur de curés...
Robespierre luttera en vain contre cette déchristianisation, en affirmant qu’elle dissimulait une manœuvre politique et qu’elle aggravait l'agitation menée par les sans-culottes radicaux tels que les hébertistes et les enragés. Il avait effectivement raison puisqu’on découvrira par la suite que les « enragés » étaient financés par l’Angleterre pour créer le désordre, par l’intermédiaire du banquier suisse Perregaux. Le 21 novembre 1793, Robespierre inaugurera même au Club des Jacobins sa croisade contre l'athéisme.
La hiérarchie de l’église reprendra vite la main sur le désordre révolutionnaire régnant dans ses rangs (des milliers de prêtres s’étaient mariés) et bien vite, comme elle sait si bien le faire, l’Eglise tissera une belle légende présentant à sa façon la révolution comme une abomination.
Les francs-maçons ?
En 1789, il y avait des francs-maçons dans presque tous les corps d’état de la société. Même Louis XVI, semble-t-il, en faisait partie !
Le projet maçonnique étant le progrès de l’humanité
et la fraternité entre les hommes, il n’y avait donc rien d’étonnant à ce que
les « frères » soient acteurs à divers degrés de ce changement de société. Il
est même très vraisemblable que le travail intellectuel issu de leurs loges
(les fameuses planches), ait servi de base à de nombreux projets.
Si leur participation a été à la hauteur de ce que
prétendent les nostalgiques de l’ancien régime, nous ne pouvons que leur en
être reconnaissant.
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Assemblée de Francs-maçons |
Les Protestants ?
Nombre de révolutionnaires étaient en effet des Protestants.
Boissy d’Anglas, Cambon, Marat, Necker, Rabaud Saint-Etienne, Barnave, Jean-BonSaint-André étaient Protestants, sans parler des banquiers suisses présents à
Paris ; mais rien d’autre que leur religion, ne semblait relier ces hommes dont
les sensibilités et les opinions étaient aussi différentes que celles du reste des
Français ? Les Protestants étaient 5% à la Convention (moins de 2% aux États
Généraux), mais ils se situaient aussi bien parmi les Feuillants royalistes que
chez les régicides, aussi bien à la Gironde qu’à la Montagne. L’époque n’était
plus aux persécutions. Ils étaient considérés comme des citoyens ordinaires et
ils bénéficiaient même un peu de l’estime suscitée par leurs cousins
américains.
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La croix huguenote des Protestants Cliquez sur l'image pour connaître son origine et sa signification. |
Les Juifs ?
Soyons sérieux et laissons en paix ce peuple cultivé et travailleur qui a dû attendre la Révolution française pour avoir le droit
d’être citoyen français. C'est principalement l'Abbé Grégoire qui fut le promoteur de leur émancipation durant la Révolution.
Malgré quelques fautes de frappe (j'en fait aussi) la page suivante décrit bien la situation des Juifs de France à l'aube de la Révolution :
http://judaisme.sdv.fr/histoire/historiq/consisto/rneher.htm
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Famille juive, visite aux grands parents |
Les Suisses ?
Ne riez pas ! Vous avez pu découvrir dans mes précédentes publications, la
participation active et surtout financière des banquiers suisses Delessert et
Perregaux aux préparatifs des événement des 13 et 14 juillet. C’est encore un
Suisse, Hulin, un homme de main de Perregaux qui conduira l’attaque de la
Bastille !
Je ne plaisante qu’à moitié ! Il faut en effet savoir qu’en
1782, l’aristocratie genevoise avait appelé Louis XVI à l’aide pour reprendre
un pouvoir qu’elle avait perdu. Genève capitula le 2 juillet 1782 devant 3
armées coalisées dont l’armée du roi Louis XVI. Les cercles, sortes de clubs
politiques, furent dissous et la liberté de la presse supprimée. Un millier de
genevois s'exilèrent à Paris, où leurs idées de liberté trouvèrent une écoute
pour le moins favorable. De là, l'explication de la participations de Suisses à la Révolution
française.
Plus d'infos sur la révolution suisse sur le lien figurant
avec l'illustration ci-dessous :
A Genève, l’Édit du 10 février 1789, résultat politique de
l’émeute frumentaire du mois précédent, met brutalement fin au musellement
qu’avaient enduré les Genevois pendant sept années. Les exilés de 1782 sont
admis à revenir dans leur patrie, les compagnies bourgeoises sont rétablies et
les cercles rouverts. Le Conseil militaire est supprimé tandis que l’accès à la
bourgeoisie est plus amplement accordé aux natifs. Enfin, dans un délai de dix
ans, le Conseil général sera maître de l’élection des conseillers d’État et des
syndics. Encore fallait-il juger de la réaction des puissances garantes de
l’édit de 1782...
Les réactions à la nouvelle de la prise de la Bastille et
plus tard aux réformes révolutionnaires, furent donc très différentes selon les
régions et surtout en fonction de la conscience politique balbutiante de ce
grand oublié de l’histoire qu’est toujours le peuple.
Comprenez bien que certains paysans ne savaient même pas qu’ils
étaient français et que la majorité ne parlait ni ne comprenait la langue dite
française ! Néanmoins, la souffrance, les humiliations et surtout la faim,
étaient bien là et ce peuple, dans son ensemble, était à bout. Dès les
premiers jours de la révolution, et même bien avant, le peuple sera manipulé,
instrumentalisé. Nous en avons déjà parlé et nous en reparlerons.
Ce ne sera que progressivement, lentement, que ce peuple prendra conscience de son pouvoir, de sa souveraineté.
J'ai failli oublier les Américains et même les Anglais ! 😉
Les États-Unis d’Amérique.
Comment ne pas penser à la Révolution américaine ? Les institutions qui en naquirent inspirèrent nombre des nôtres. La révolution américaine fut même l’une des causes directes de la nôtre, puisque les dépenses astronomiques qu’occasionna le soutient de la France aux colons américains insurgés, achevèrent de ruiner notre pays.
Nos deux révolutions furent cependant différentes. Les colons américains étaient pour la plupart des propriétaires aisés et leur révolution fut victorieuse (grâce à notre soutient militaire et financier). Alors que notre révolution entraina dans son torrent les millions de paysans français qui pour la plupart vivaient dans la misère, et surtout, grande différence, notre révolution fut finalement vaincue, épuisée par toutes les guerres qu’elle dû mener contre toutes les armées d’Europe et même contre des ennemis de l’intérieur. Raison pour laquelle ces deux révolutions, aussi sanglantes l’une que l’autre, font l’objet de récits historiques fort différents (légende dorés vs légende noire).
Je vous propose de lire cet article qui vous fera voir la révolution américaine sous un angle différent : "4 Juillet 1776, les 13 colonies font sécession".
Washington et Lafayette à Valley Forge.
N’oublions pas l’Angleterre !
Le Royaume Uni eut lui aussi ses grands penseurs politiques au 18ème siècle et n’oublions pas que nos voisins anglais avaient déjà fait deux révolutions avant que nous ne fassions la nôtre ! Ils avaient déjà même coupé la tête de leur roi Charles 1er !
A noter que les historiens anglais désignent leurs révolutions sous l'appellation de "guerre civile". C'est plutôt judicieux et si l'on y réfléchit bien, notre Révolution fut elle aussi une guerre civile.
Les deux révolutions anglaises instaurèrent la monarchie constitutionnelle, une nouvelle forme de régime politique qui inspira les représentants élus aux États Généraux devenus député de l’Assemblée nationale. Tous les députés français étaient nourris de la pensée politique anglaise comme on le remarque souvent dans leurs discours et dans leurs actes. C’est bien une monarchie constitutionnelle à l’anglaise que voulaient instaurer les députés de 1789 et ils y parviendront en 1791, comme nous le verrons.
Même l’idée d’une
République fut nourrie des idées anglaises. Nombre de membres du fameux club
des Cordeliers avaient lu les ouvrages d’auteurs anglais engagés sur l’idée
politique républicaine ! Je vous propose de lire l’article que j’ai
consacré ce sujet : 26 Novembre 1789 : "L'affaire Rutledge, ou de l'influence des républicains anglais sur la révolution française."
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William Pitt le jeune, à la chambre des Communes Source image : Histoire de la monarchie britannique |
L'explication de Lafayette !
Que s'est-il réellement passé durant ces journées chaudes de juillet 89 ? Lafayette aurait répondu ainsi le 24 juillet 1789 :
"On ne le sait pas on ne le saura jamais, car une main
invisible dirige la populace".
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M. Le Marquis de Lafayette (Que l'on connaîtra aussi dorénavant pour son humour) |
Si vous avez lu mes articles sur les journées précédentes de juillet 1789, peut-être que certains parmi vous vont se demander s'il ne s'agirait pas plutôt de la main invisible du marché, imaginée par Adam Smith, tant il semble évident qu'une certaine classe industrieuse et financière a œuvré durant des mois à une certaine préparation des événements.
Alors la faute à qui ?
En histoire, comme en beaucoup d’autres domaines, il n’y a jamais de réponses simples. Qui plus est, le mot « faute », implique un jugement de valeur négatif et un historien ne doit pas juger, mais comprendre.
(Lire cet article quand vous aurez le temps :"L'histoire, la vérité, le bien le mal et toutes ces sortes de choses très relatives".)
Mon modeste site est là pour nous aider à prendre conscience du chaos qui régna durant cette période et comment certains réussirent, soit à lui donner du sens, soit à l'utiliser. Comprendre les actes et les gens...
Je ne vous dis pas quoi penser. Je vous donne de quoi penser.
A suivre.
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand