samedi 25 juillet 2020

25 Juillet 1789 : Débat sur le secret des lettres.

Grand bureau de poste à Paris sous Louis XVI

    Dans la nuit du 22 au 23, un paquet contenant trois lettres ouvertes et une cachetée, a été saisi par des membres du comité de Paris sur la personne de Monsieur le Baron de Castelnau, alors que celui-ci traversait le Pont Royal. L’une des lettres était adressée du Comte d’Artois, le frère du roi, le tout premier de la famille royale qui ait pris la route de l’exil le 16 juillet dernier.

"Les premiers fuyards"

    Les lettres n’ont pas été lues et le débat qui s’engage à l’Assemblée porte sur la question de savoir si on a le droit de les ouvrir et de les lire. Dans cette ambiance révolutionnaire où les complots pullulent, certains bien sûr, demandent à connaître le contenu de ces lettres.

    Peut-être serez-vous étonnés par l'objet de ce débat, vous qui vivez à une époque où votre vie privée n'a plus guère de secret pour certaines compagnies commerciales du numérique et même l'Etat. Mais sachez que l'inviolabilité de la correspondance faisait partie des demandes figurant dans les cahiers de doléances constitués partout en France pour les Etats Généraux ! Le cahier de la noblesse du baillage de Nancy demandait par exemple :

"que la correspondance par lettres sera inviolable ; tous attentats et délits à ce sujet seront poursuivis à la requête des parties intéressées, même à la réquisition du ministère public, et jugés par les tribunaux ordinaires."

Mirabeau sera le 1er à entrer au Panthéon
et le 1er à en sortir

    Je vous donne à lire cet extrait de l’intervention de Mirabeau. Celle-ci lui fait honneur, car il défend (interdit) qu’on les lise et il expose brillamment ses raisons.
    Ses arguments sont beaux et ils sonnent étrangement à nos oreilles, pour nous qui vivons dans une société de la surveillance. Mais Mirabeau est-il sincère ? Lui, dont on découvrira plus tard qu’il était payé par le roi pour orienter les débats de l’Assemblée ?

Ecoutons-le :

« Est-ce à un peuple qui veut devenir libre à emprunter les maximes et les procédés de la tyrannie ? Peut-il lui convenir de blesser la morale, après avoir été si longtemps victime de ceux qui la violèrent ? Que ces politiques vulgaires qui font passer avant la justice que, dans leurs étroites combinaisons, ils osent appeler l’unité publique ; que ces politiques nous disent du moins quel intérêt peut colorer cette violation de la probité nationale. Qu’apprendrons-nous par la honteuse inquisition de ces lettres ? De viles et sales intrigues, des anecdotes scandaleuses, de méprisables frivolités. Croit-on que les complots circulent par les courriers ordinaires ? Croit-on même que les nouvelles politiques de quelque importance passent par cette voie ? Quelle grande ambassade, quel homme chargé d’une négociation délicate ne correspond pas directement, et ne sait échapper à l’espionnage de la poste aux lettres ? C’est donc sans aucune utilité qu’on violerait les secrets des familles, le commerce des absents, les confidences de l’amitié, la confiance des hommes. Un procédé si coupable n’aurait même pas une excuse, et l’on dirait de nous dans l’Europe : en France, sous le prétexte de la sûreté publique, on prive les citoyens de tout droit de propriété sur les lettres qui sont les productions du cœur et le trésor de la confiance. Ce dernier asile de la liberté a été impunément violé par ceux mêmes que la nation avait délégués pour assurer tous ses droits. Ils ont décidé par le fait, que les plus secrètes communications de l’âme, les conjectures les plus hasardées de l’esprit, les conjectures les plus hasardées de l’esprit, les émotions d’une colère souvent mal fondée, les erreurs souvent redressées le moment d’après, pouvaient être transformées en dépositions contre des tiers ; que le citoyen, l’ami, le fils, le père, deviendraient ainsi les juges les uns des autres, sans le savoir ; qu’ils pourront périr un jour l’un par l’autre ; car l’Assemblée nationale a déclaré qu’elle ferait servir de base à ses jugements des communications équivoques et surprises, qu’elle n’a pu se procurer que par un crime.

L’Assemblée ne prend aucune détermination et passe à l’ordre du jour.

Toute la séance du 27 se trouve rapportée ici : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4720_t2_0273_0000_7

    Le 27 juillet prochain, une lettre datée du 26, écrite par Monsieur de Castelnau depuis Versailles, sera lue devant l’Assemblée, lettre dans laquelle il demandera que les lettres saisies sur lui, soient lues devant tous.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1875_num_8_1_4728_t2_0278_0000_16


Cliquez sur l'image ci-dessous pour découvrir une intéressante histoire de la poste.



       





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Bertrand