mardi 28 juillet 2020

28 Juillet 1789 : Brigands, « sous prétexte de disette ».

 

Les brigands brûlent des châteaux !
    Le terme de brigand revient si souvent dans nombre de livres et documents sur la révolution, que j’ai cru nécessaire de vérifier si ce mot avait eu une signification différente au 18ème siècle. J’ai appris que le mot brigand désignait au moyen âge des soldats à pied (des fantassins) regroupées en brigades. Les exactions de ceux-ci sur les civils, (souvent autorisées par les seigneurs en guerre, parce que ça valait pour une solde), ont fait que le mot a fini par désigner des bandes organisées de pilleurs.

    A noter que le dictionnaire en ligne du CNRS mentionne que le nom de brigands a été donné aux Vendéens royalistes sous la Révolution française. Pourquoi cette remarque à propos des Vendéens, alors que l’on ne cesse de parler de brigands pendant toute la Révolution française ? Je vous laisse deviner…

    Selon les textes et les auteurs, le mot brigand désigne aussi bien les hordes imaginaires sensées dévaster le pays, (faisant donc vraiment actes de brigandages), que les émeutiers ou plus communément les foules en colère. Ce qui veut dire que les émeutiers étaient considérés comme de réels malfaiteurs, même si c’était la faim qui les motivait. Le choix de ce mot n’est pas innocent puisqu’il contient un jugement de valeur négatif. Les termes de rebellions et d’émeutes existaient aussi à l’époque, mais fort curieusement, ils n’ont pas été utilisés.

Bandits bandits !

    Adrien Joseph Colson, avocat au Parlement de Paris, utilise même le mot bandit dans sa correspondance avec le régisseur des terres du Berry de la famille de Longaunay. Il écrit le 18 août :

« Les bandits font toujours beaucoup parler d’eux et ils causent en Normandie beaucoup de préjudices chez les seigneurs dont ils brûlent les titres et détruisent les colombiers. ».

    Nous reparlerons prochainement de cette haine des paysans envers les colombes et autres pigeons.

    Le 23 Juillet, le Président de l’Assemblée nationale, Monsieur le Duc De Liancourt, avait ouvert la séance par la lecture d’adresses de plusieurs villes qui demandaient des secours pour dissiper des troupes de brigands qui, sous prétexte de la disette des grains, infestaient le pays et causaient des soulèvements. C’était le début de la grande peur !

    Adolphe Thiers, certes républicain, mais que l’on ne peut guère qualifier d’ami du peuple, donne une explication fort intéressante à propos de la grande peur. En tout cas une explication plus futée que celle du complot franc-maçon, chère aux royalistes.

    Dans son histoire de la Révolution française, Adolphe Thiers émet l’hypothèse étonnante, que les courriers envoyés partout en France pour annoncer l’arrivée des brigands, relevaient d’une initiative de la cour. Eux seuls étaient en effet capables de franchir aisément tous les postes de contrôles. L’idée aurait été d’armer les provinces pour les opposer à Paris, car la cour ne croyait pas à une révolution générale du royaume.

    Cette idée de Thiers est vraiment très intéressante, voire, révélatrice du personnage, car c’est ce que lui-même fera pour écraser la Commune en 1871. Il enverra des soldats de la province, tous d’origines paysannes, pour mater la révolte des communards parisiens, ceux que l’on appelait haineusement dans les campagnes, « les partageux » (1).

    Comme quoi chaque historien, aussi honnête soit-il, interprète l’histoire en fonction de ce qu’il est. Mais c’est un autre sujet.

(1) Rappelons que Thiers ordonnera l'écrasement de la Commune de Paris en mai 1871, lors de la semaine sanglant au cours de laquelle entre 20.000 et 30.000 communards seront massacrés. Rappelons également que le principal crime des Communards avaient été de vouloir résister aux Prussiens qui encerclaient Paris, alors que le gouvernement de Thiers à Versailles, préférait négocier la reddition sans combattre (L'armée de plus de 60.000 avait préféré se rendre à Metz, avec tous ses canons). Ce seront des soldats français honteusement vaincus qui passeront leur rage en mitraillant les Parisiens, hommes, femmes et enfants.

L'écrasement de la Commune,
peint par Bertrand Tillier.

Revenons au Thiers historien...

« Quoi qu’il en soit », comme dit le rusé Thiers, « ce moyen tourna au profit de la nation, qu’il mit en armes, et en état de veiller à sa sureté et à ses droits ».

    Voici d’ailleurs comment Thiers présente ce peuple en armes, avec un peu plus de lucidité, sinon d’indulgence :

« Le peuple des villes avait secoué ses entraves, le peuple des campagnes voulait lui aussi secouer les siennes. Il refusait de payer les droits féodaux, il poursuivit ceux des seigneurs qui l’avaient opprimé ; il incendiait les châteaux, brûlait les titres de propriété, et se livrait dans quelques pays à des vengeances atroces. »

    C’est ainsi que le 26 juillet 1789, dans le petit village d’Igé, les habitants, en conflit avec leur seigneur François Charles Albert de La Bletonnière, au sujet d'un droit d'eau, ont sonné le tocsin et se sont portés en nombre au château qu’ils ont saccagé. Le seigneur a sauvé sa vie en allant se réfugier dans les bois. Le château voisin d'Azé a subi le même sort.

    Le lendemain 27 Juillet, ces mêmes « Brigands » se sont rendus au château de Lugny, propriété de Florent-Alexandre-Melchior de La Baume, élu député de la noblesse du Mâconnais aux États généraux et ils y ont mis le feu.

    Et ce 28 juillet 1789, des bandes armées de paysans (encore des brigands) attaquent le château de Senozan, propriété des Talleyrand-Périgord. Ils brûleront ensuite le château de Mercey à Montbellet puis celui d'Uchizy.

    Peut-être commencez-vous à deviner le pourquoi de l’événement qui se déroulera dans la nuit du 4 août ?

Post Scriptum :

    Pour illustrer cet article à propos de brigands qui n’en sont pas vraiment (l’est-on vraiment quand c’est "pour cause de disette"), je vous offre cette estampe de brigands, un peu coquine, dédiée au comte d’Artois, frère du roi, et les copies des pages du livre de Thiers.

« Le sieur Gillet dit Ferdinand Maréchal des Logis, au régiment d’Artois Cavalerie, retournant de Nevers à Sainte Menehould sa patrie, s’étant égaré dans la forêt est attiré par les cris lamentables d’une jeune fille que deux assassins avaient dépouillée et attachée à un arbre ; le brave militaire vole au secours de l’infortunée, blessé désarmé et met en fuite l’un des Scélérats ; d’un coup de sabre coupe le poignet au second, qui le couchait en joue avec un pistolet, délie la fille et la ramène à ses parents. »

Les pages du livre d'Adolphe Thiers :

La France entière se met en armes

Troubles dans les campagnes

 
     


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Bertrand