lundi 20 juillet 2020

20 Juillet 1789 : Depuis Strasbourg, Arthur Young explique ce que la Révolution va devenir.

 Article rédigé le 9 août 2023

La ville de Strasbourg en 1720

    Je l’ai déjà écrit ailleurs. Il faut lire le récit des voyages en France d’Arthur Young. Je cite régulièrement des passages de ses écrits dans cette chronologie de l’année 1789.

    Ce passage est passionnant. Arthur Young arrive le 20 juillet 1789 à Strasbourg au moment où la nouvelle de la révolte parisienne agite la ville. Ses suppositions, de ce qui selon lui risque d’arriver, sont d’une lucidité étonnante.

Lisez plutôt :

(J’ai actualisé l’orthographe pour faciliter le travail des outils de traduction automatique et aérer le paragraphe de quelques sauts de lignes).

    "Le 20 (juillet). Je m’avance vers Strasbourg à travers une des plus belles scènes d’agriculture qu’il y ait en France, qui ne peut être rivalisée que par la Flandre, qui cependant la surpasse. J’y arrivai dans un moment critique, qui pensa me faire rompre le cou : un détachement de cavalerie avec ses trompettes d’un côté, un corps d’infanterie avec ses tambours de l’autre, et une grande populace faisant retentir l’air de ses cris, épouvantèrent tellement mon cheval, que j’eus de la peine à l’empêcher de passer sur les corps de ces Messieurs du tiers-état. 

    En arrivant à l’auberge, j’appris la nouvelle intéressante de la révolte de Paris : - que les gardes-françaises s’étaient jointes au peuple ; que l’on ne pouvait pas compter sur le reste des troupes ; que la Bastille était prise ; que l’on avait formé une milice bourgeoise ; en un mot, que l’ancien gouvernement était absolument culbuté. Tout étant ainsi décidé, et le royaume se trouvant entre les mains de l’assemblée, elle a le pouvoir de faire une nouvelle constitution, telle qu’elle le jugera à propos ; et ce sera un grand spectacle pour le monde entier, de voir, dans ce siècle de lumières, les représentants de vingt-cinq millions d’hommes travailler à la constitution d’une nouvelle fabrique de liberté meilleure qu’aucune de celles que l’Europe ait encore offerte. 

    On verra maintenant s’ils copieront la constitution anglaise en élaguant ses défauts, ou s’ils s’en rapporteront à la théorie, pour former simplement quelque chose de spéculatif. Dans le premier cas, ils feront le bonheur de leur pays ; dans le second, ils l’entraineront dans des désordres et dans les guerres civiles interminables, peut-être pas au moment actuel, mais sûrement à quelqu’époque future. 

    Je n’ai pas encore appris qu’ils aient quitté Versailles ; s’ils y restent sous la domination d’une populace armée, il faudra qu’ils fassent un gouvernement agréable à la populace ; mais ils auront, je crois, assez de sagesse pour se retirer dans quelque ville centrale, telle que Tours, Blois, ou Orléans, où ils pourront délibérer librement. 

    Mais l’esprit de révolte parisien se répand avec rapidité ; il est déjà parvenu jusqu’ici ; les troupes qui m’ont presque fait casser le cou, sont chargée de surveiller le peuple qui menace d’une insurrection ; il a cassé les fenêtres de quelques magistrats peu populaires, et il y a dans ce moment une populace assemblée qui demande à hauts cris, qu’on mette la viande à 5 sols la livre : elle a un cri de ralliement qui la conduira loin, c’est points d’impôts et vive les États."

Source, page 438 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102002g/f457.item

Vous pouvez bien sûr consulter le livre en son entier par la fenêtre ci-dessous :

Que se passa-t-il ensuite ?

    Dès le lendemain 21 juillet, des émeutes éclateront dans la ville jusqu'au 23. L'Hôtel de ville sera mis à sac le 21 juillet. Malgré sa faible importance symbolique, il constituera en quelque sorte la Bastille de ces révoltés. Une fois de plus, les émeutiers évoqueront leur colère contre les voleurs et les brigands, un argument qui reviendra sans cesse à l'occasion de toutes les émeutes lors de la Grande Peur. 

    Chose étonnante les autorités civiles et militaires n'interviendront pas, ou alors seulement quand tout sera terminé, juste pour disperser les pilleurs.

    Les illustrations de ces journées se trouvent dans l'article suivant : "21 Juillet 1789 : Début des émeutes à Strasbourg"

L'Hôtel de Ville de Strasbourg lors de la visite de Louis XV le 5 octobre 1744.
Gravure de J.M. Weiss.



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Bertrand