vendredi 9 octobre 2020

9 octobre 1789 : Messieurs Guillotin et Guillaume contre la "boucherie judiciaire" de l'ancien régime

Article mis à jour le 9 octobre 2023 

Gravure de 1769/1774, par Daniel Chodowiecki (1726-1801)
Source Journal du CNRS

Malgré l'agitation parisienne, les députés reprennent leur travail

    Alors que la fièvre de Paris est loin d’être encore retombée, les députés de l’Assemblée ont repris leur travail acharné. Je m’étonne toujours de ce décalage que l’on observe entre ceux qui s’efforcent de construire une société nouvelle et plus juste, et ceux qui subissent encore les affres de l’ancienne société. Quoiqu’en disent les ardents défenseurs de l’ancien régime, celui-ci n’était plus viable. Faute d’avoir pu se soigner par des réformes indispensables, le vieux monde commençait sa longue agonie, et ce, malgré les soins attentionnés de tous ces députés aimant tellement leur roi.

    Parmi toutes les tâches abordées ce jour à l’Assemblée nationale, deux interventions ont attiré mon attention, la motion de Monsieur Guillotin, suivie de celle de Monsieur Guillaume.

Joseph Ignace Guillotin

    Monsieur Guillotin était un député, un médecin et un professeur d'anatomie, mais il était aussi un philanthrope. Cet ami des hommes souhaitait non seulement supprimer toutes les abominables pratiques de l’ancien régime concernant les punitions des condamnés (voir les liens ci-dessous), mais aussi, qu’il n’y ait plus de traitements différents en fonction du rang du coupable.

    Un assassin, un traître ou un déserteur, même s’il méritait la mort, n’en était pas moins un homme et méritait à ce titre quelques égards. Raison pour laquelle il demandait que la peine de mort se fasse uniquement par la décapitation, qui jusque-là était réservée aux nobles (mort rapide), et non plus par pendaison (mort lente) ce qui était le lot des roturiers, quand ce n’était pas l’écartèlement. Le Docteur Guillotin proposa que soit utilisée une machine comme il en existait déjà une en Italie, qui d’un coup de lame, tranchait net le coup du condamné, en une seconde et sans souffrance.

Présentation de la machine de M. Guillotin.

    Je vous invite à consulter sur le site du Musée d’histoire de la justice, des crimes et des peines, le diaporama commenté qui détaille les différentes formes d’exécutions publiques sous l’ancien régime.

« En crimes qui méritent la mort, le vilain sera pendu et le noble décapité » Antoine Loysel, Institutes coustumieres, 1607

Cliquez sur l'image ci-dessous :




Vous pouvez également lire les articles suivants :



Le 3ème n'est pas sécurisé HTTPS du fait de son ancienneté mais il est sans danger.
Paris au XVIII e siècle et son spectacle de la roue, le spectacle de la torture avant la mort.

Limitation de la peine de mort.

Louis Marie Guillaume

    En complément de l’intervention de Monsieur Guillotin, Monsieur Guillaume demande que la peine de mort ne puisse être appliquée que pour les forfaits les plus atroces. Il explique que celle-ci fait diminuer l’horreur pour le crime par la pitié qu'elle fait naître souvent en faveur du coupable.

    Nous reparlerons bien sûr de l’invention du docteur Guillotin, destinée à abréger le supplice du condamné. Apprenez néanmoins que lors de la première exécution par guillotine en place publique, la foule poussera des huées de mécontentement en raison de la brièveté du « spectacle ».

    Monsieur Guillaume avait donc bon cœur en gratifiant d’un sentiment de pitié les spectateurs des exécutions. Mais ce sentiment n’était pas le plus unanimement partagé.

Exécution du Protestant Calas (injustement condamné) le 9 mars 1762


Contenir la violence.

    Nous avons tous connaissance de l’usage abusif qui sera fait de la guillotine durant la Révolution. Mais il faut savoir que le peuple "assoiffé de vengeance" (je n’aime pas cette expression), demandait toujours plus de têtes. Ce sera même la raison pour laquelle, Danton dira en mars 1793 : « Soyons terribles pour dispenser le peuple de l'être » et qu’à son instigation la Convention créera un Tribunal criminel extraordinaire, plus tard appelé Tribunal révolutionnaire. Nous en reparlerons en temps voulu…

    D’où venait cette violence du peuple ? Cela fait l’objet d’un article plus complet : "A propos de la violence de la tempête révolutionnaire". Mais en attendant je vous laisse réfléchir à cette explication donnée par Babeuf dans un courrier adressé à son épouse, après qu’il ait assisté dans la journée du 22 juillet 1789, au massacre de l’intendant général Foullon :

« Les supplices de tout genre, l’écartèlement, la torture, la roue, les bûchers, les gibets, les bourreaux multipliés partout nous ont fait de si mauvaises mœurs ! Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé. »

    Concernant la violence révolutionnaire, je vous conseille de lire absolument cet article de l’historien Jean-Clément Martin : Révolution française et « violence totale 

Le supplice de la roue, notamment imposé par François 1er,
pour "donner crainte et terreur" au peuple...

Voici les retranscriptions des interventions de Messieurs Guillotin et Guillaume.

M. Guillotin, membre de l'Assemblée, a proposé d'ajouter aux articles décrétés les six articles qui suivent relatifs aux suppliciés (1) :

Art. 29. Les mêmes délits seront punis par le même genre de supplice, quels que soient le rang et l'état du coupable.

Art. 30. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, quelle que soit la nature du délit dont il se sera rendu coupable. Le criminel aura la tête tranchée.

Art. 31. Le crime étant personnel, le supplice d'un coupable n'imprimera aucune flétrissure à sa famille. L'honneur de ceux qui lui appartiennent ne sera nullement entaché, jet tous continueront d'être également admissibles à toutes sortes de professions, d'emplois et dignités.

Art. 32. Quiconque osera reprocher à un citoyen le supplice d'un de ses proches, sera puni de .....

Art. 33. La confiscation des biens des condamnés ne pourra jamais avoir lieu, ni être prononcée en aucun cas.

Art. 34. Le corps d'un homme supplicié sera délivré à sa famille, si elle le demande ; dans tous les cas, il sera admis à la sépulture ordinaire, et il ne sera fait sur le registre aucune mention du genre de mort.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5151_t1_0393_0000_5

 

M. Guillaume propose l'addition suivante, à la motion de M. Guillotin (2).

Messieurs, rendre les hommes égaux devant la loi, comme ils le sont aux yeux de l'Etre suprême ; effacer de notre code pénal des supplices stérilement barbares ; détruire le malheureux préjugé qui jusqu'à présent avait frappé de déshonneur et d'infamie une famille entière, pour une faute commise par un de ses membres, sur lequel la loi ne lui avait cependant donné aucune autorité : tels sont les différents objets de la motion de M. Guillotin, motion également conforme à la religion, à la philosophie et aux mœurs de la nation.

Mais il est des abus non moins révoltants, et dont l'humanité sollicite également la réforme.

La peine de mort, prononcée trop indistinctement, diminue l'horreur pour le crime, par la pitié qu'elle fait naître souvent en faveur du coupable. Je vous proposerai donc de réserver le dernier supplice pour les forfaits les plus atroces.

Mais, quand il est une circonstance où cette peine doit être prononcée sur de simples soupçons, il suffit sans doute de vous indiquer la loi barbare qui l'ordonne ainsi, pour en obtenir aussitôt l'abrogation.

Que dirai-je maintenant de diverses peines encore eu usage parmi nous ; par exemple, du fouet, devenu depuis si longtemps dérisoire ; de la flétrissure, qui marque à jamais du sceau de l'infamie celui qui n'est souvent séquestré qu'à temps de la société ; du bannissement, qui, laissant à celui contre lequel on le prononce, une liberté dont il ne peut plus faire qu'un mauvais usage, est moins une peine pour lui que pour la  province où il voudra se retirer ; enfin des procès faits à des coupables qui ne sont plus, et dont on flétrit plutôt les parents que la mémoire ?

Mais, Messieurs, vous réformerez en vain ces abus, si vous laissez subsister le tribunal Sanguinaire de la maréchaussée ; et les expressions manquent à quiconque en connaît le régime, pour peindre l'horreur qu'inspire, je ne dirai pas cette juridiction, mais cette boucherie judiciaire.

IL est enfin, Messieurs, dans cette partie, des améliorations de détail qu'il suffira d'exposer à celte Assemblée pour lui en faire sentir l'importance.

C'est d'après ces considérations que je crois devoir vous proposer de décréter ce qui suit :

Article 1er. La peine de mort ne sera prononcée que contre les assassins, les empoisonneurs et les incendiaires. Les galères à perpétuité seront substituées au dernier supplice, dans tous les autres cas où il avait lieu-

Art. 2. L'édit de Henri II, concernant les filles et veuves enceintes, est et demeure abrogé ; en conséquence, il n'y aura lieu à la peine portée par cette loi, qu'autant qu'abstraction faite du défaut de déclaration de grossesse, il y aura preuve suffisante que lesdites filles ou veuves auront détruit leur fruit.

Art. 3. On ne condamnera plus au fouet, et nul ne sera flétri d'un fer chaud, s'il n'est condamné aux galères perpétuelles.

Art. 4. La peine du bannissement sera remplacée par celle de la réclusion du coupable dans une maison de force, où il sera employé à des travaux, pendant la même durée de temps qu'il aurait dû, suivant les lois anciennes, rester expatrié.

Art. 5. On ne fera plus de procès à la mémoire.

Art. 6. La juridiction des prévôts des maréchaux est supprimée, et tous les détenus dans leurs prisons, et en vertu de leurs décrets, seront par eux transférés, avec les charges et les pièces de conviction, par devant les juges ordinaires, qui continueront l'instruction des procès à la charge de l'appel.

Art. 1. Défenses sont faites au ministère public d'interjeter appel des jugements d'absolution, et de ceux qui ne prononceront aucune peine afflictive ou infamante, lorsque les condamnés y auront acquiescé.

Art. 8.Tous jugements d'absolution seront rendus publics par la voie de l'impression et de l'affiche, aux frais de l'Etat, et l'accusé obtiendra en outre des indemnités proportionnées aux dommages qu'il aura soufferts, contre son dénonciateur, et subsidiairement sur les fonds publics qui seront à ce destinés.

Art. 9. Hors les cas d'émeute populaire et de sédition, il sera sursis à l'exécution de tout jugement portant peine de mort, pendant trois mois, à compter de la notification qui en sera faite au conseil de l'accusé, et la révision du procès se fera de droit huit jours avant l'exécution.

Art. 10. Aucun jugement de mort, hors les cas d'exception mentionnés en l'article précédent, ne sera exécuté qu'il n'ait été signé par le Roi.

Art. 11. Le Roi pourra faire grâce, excepté lorsqu'il s'agira de crimes de lèse-nation, ou de lèse-majesté, au premier chef, de haute trahison, de péculat ou de concussion ; il pourra aussi dans tous les autres cas commuer les peines ; le tout néanmoins, seulement après le jugement en dernier ressort de l'accusé.

Art. 12. Les articles ci-dessus seront incessamment présentés à la sanction du Roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres nécessaires pour leur exécution.

(1) La motion de M. Guillotin n'est pas au Moniteur.

(2) La motion de M. Guillaume n'a pas été insérée au Moniteur.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5151_t1_0393_0000_6


Décret du 9 Octobre 1789 sur la réforme de la procédure criminelle

A l'issue de la journée de débat, sera publié ce décret qui date en quelque sorte la naissance de la justice moderne et la mort de la justice arbitraire et brutale de l'ancien régime.

En voici le texte :

Plusieurs membres ont demandé qu'il fût donné lecture des 28 articles décrétés sur la procédure criminelle.

Cette lecture a été faite ainsi qu'il suit :

DÉCRET DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

sur la réformation de quelques points de la jurisprudence criminelle.

L'Assemblée nationale, considérant qu'un des principaux droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu'il est soumis à l'épreuve d'une accusation criminelle, de toute l'étendue de liberté et de sûreté pour sa défense, qui peut se concilier avec l'intérêt de la société qui commande la punition des délits ; que l'esprit et les formes de la procédure pratiquée jusqu'à présent en matière criminelle, s'éloignent tellement de ce premier principe de l'équité naturelle et de l'association politique, qu'ils nécessitent une réforme entière de l'ordre judiciaire pour la recherche et le jugement des crimes ; que si l'exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation de l'avantage de plusieurs dispositions, qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l'innocence, et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent :

Article 1 er. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux judiciaires établis, la municipalité, et en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté d'habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du ressort, parmi lesquels seront pris les adjoints qui assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi qu'il va être dit ci-après.

Art. 2. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de bonnes mœurs et de probité reconnue. Ils devront être âgés de vingt-cinq ans au moins, et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans. Ils prêteront serment à la commune, entre les mains des officiers municipaux, ou du syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et surtout de garder un secret inviolable sur le contenu en la plainte, et aux autres actes de la procédure. La liste de leurs noms, qualités et demeures sera déposée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux, par le greffier de la municipalité ou de la communauté.

Art. 3. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu'en présence de deux adjoints amenés par le plaignant, et par lui pris à son choix. Il sera fait mention de leur préférence et de leurs noms dans l'ordonnance qui sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité.

Art. 4. Les procureurs généraux, et les procureurs du Roi ou fiscaux qui accuseront d'office, seront tenus de déclarer, par acte séparé de la plainte, s'ils ont un dénonciateur ou non, à peine de nullité ; et s'ils ont un dénonciateur, ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information, avant qu'elle soit commencée.

Art. 5. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l'ordre du tableau mentionné en l'article 2 ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations dont sera fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de la juridiction, les notables nommés dans le chef-lieu pourront être suppléés dans la fonction d'adjoints aux procès-verbaux, par les membres de la municipalité ou de la communauté du lieu du délit, pris, en pareil nombre, par le juge d'instruction.

Art. 6. L'information qui précédera le décret continuera d'être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront également appelés par le juge, et qui assisteront à l'audition des témoins.

Art. 7. Les adjoints seront tenus en leur âme et conscience de faire au juge les observations, tant à charge qu'à décharge, qu'ils trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou l'éclaircissement des faits déposés ; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les deux adjoints, ainsi que par le juge, à l'instant même et sans désemparer, à peine de nullité ; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.

Art. 8. Dans le cas d'une information urgent| et provisoire qui se ferait sur le lieu même pour flagrant délit, les adjoints pourront, en cas de nécessité, être remplacés par deux principaux habitants, qui ne seront pas dans le cas d'être entendus comme témoins, et qui prêteront, sur-le-champ, serment devant le juge d'instruction.

Art. 9. Les décrets d'ajournement personnel ou de prise de corps ne pourront plus être prononcés que par trois juges au moins, ou par un juge et deux gradués ; et les commissaires des cours supérieures qui seront autorisés à décréter dans le cours de leur commission, rie pourront le faire qu'en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise de corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés, que dans le cas où, par la nature de l'accusation et des charges, il en pourrait échoir peine corporelle. Pourront néanmoins les juges faire arrêter, sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit, ou de rébellion à la justice.

Art. 10. L'accusé décrété de prise de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement en tout état de cause ; et l'entrée de la prison sera toujours permise auxdits conseils : dans le cas où l'accusé ne pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui en nommera un d'office, à peine de nullité.

Art. 11. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirement avec lui, publiquement, et les portes de la chambre d'instruction étant ouvertes : dès ce moment l'assistance des adjoints cessera.

Art. 12. Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports, et l'information ; il lui fera représenter aussi es effets déposés pour servir â l'instruction ; il lui demandera s’il a choisi, ou s'il entend choisir un conseil, ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office : en ce dernier cas, le juge nommera le conseil ; et l'interrogatoire ne pourra être commencé que le jour suivant. Pour cet interrogatoire et pour tous les autres, le serment ne sera plus exigé de l'accusé ; il ne le prêtera, pendant tout le cours de l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins.

Art. 13. Il en sera usé de même à l'égard des accusés qui comparaîtront volontairement sur un décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel.

Art. 14. 4près l'interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procédure, signée du greffier, sera délivrée sans frais à l'accusé, sur papier libre, s'il la Requiert ; et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.

Art. 15. La continuation et les additions d'information, qui auront lieu pendant la détention de l'accusé, depuis son décret, seront faites publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition.

Art. 16. Après que la déposition sera achevée, l'accusé pourra faire faire au témoin, par le juge, les observations et interpellations qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication de la déposition. La mention, tant des observations de l'accusé, que des réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation ; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin.

Art. 17, Les procès criminels ne pourront plus être réglés à l'extraordinaire, que par trois juges au moins. Lorsqu'ils auront été ainsi réglés, il sera publiquement et en présence de l'accusé, ou des accusés, procédé par un seul et même acte, d'abord au récolement des témoins, et de suite à leur confrontation. Il en sera usé de môme par rapport au récolement des accusés, sur leur interrogatoire et à leur confrontation entre eux. Les reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en tout état de cause, tant après qu'avant la connaissance des charges, et l'accusé sera admis à les prouver, si les juges les trouvent pertinents et admissibles.

Art. 18. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent à tous les actes de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre, si ce n'est dans le cas d'une nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquels il pourra faire ses observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.

Art. 19. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de cause, ses défenses et faits justificatifs ou d'atténuation ; et la preuve sera reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents quoiqu'ils n'aient point été articulés par l'accusé dans son interrogatoire, et autres actes de la procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même temps que ceux de l'accusateur, sur la continuation ou addition d'information.

 Art. 20. Il sera libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins à sa requête, soit de les indiquer au ministère public pour qu'il les fasse assigner ; mais, dans l'un ou l'autre cas, il sera tenu de commencer ses diligences ou de fournir l'indication de ses témoins, dans les trois jours de la signification du jugement qui aura admis la preuve.

Art. 21. Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l'audience publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier ; mais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions données, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges seront tenus de se retirer ensuite à la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique, pour la prononciation du jugement.

Art. 22. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante, en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l'accusé sera condamné, sans qu'aucun juge puisse jamais employer la formule, pour les cas résultants du procès.

Art. 23. Les personnes présentes aux actes publics de l'instruction criminelle se tiendront dans le silence et le respect dû au tribunal, et s'interdiront tout signe d'approbation et d'improbation, à peine d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui sera fixé par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, ou même poursuivies extraordinairement , en cas de trouble ou d'indécence grave.

Art. 24. L'usage de la sellette au dernier interrogatoire, et la question, dans tous les cas, sont abolis.

Art. 25. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne pourra être prononcée par les juges, en dernier ressort, qu'aux quatre cinquièmes.

Art. 26. Tout ce qui précède sera également observé dans les procès poursuivis d'office et dans ceux qui seront instruits en première instance dans les cours supérieures. La même publicité y aura lieu pour le rapport, les conclusions, le dernier interrogatoire, le plaidoyer du défenseur de l'accusé, et le jugement, dans les procès criminels qui y sont portés par appel.

Art. 27. Dans les procès commencés, les procédures déjà faites subsisteront ; mais il sera procédé au surplus de l'instruction et au jugement, suivant les formes prescrites par le présent décret à peine de nullité.

Art. 28. L'ordonnance de 1670, et les édits, déclarations et règlements concernant la matière criminelle, continueront d'être observés en tout ce qui n'est pas contraire au présent décret, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.



Petit complément d'information : 

    J'ai trouvé sur la page d'un avocat, un court document analysant cette réforme pénale importante, dans laquelle on assiste également à la naissance du droit de défense pénale. En voici le lien : 

http://www.cercle-du-barreau.org/files/ABROGATION_DE_LORDONNANCE.pdf


Post Scriptum :

    Pour qui sait penser contre le consensus académique et social, ou tout simplement contre ses propres a priori ; il est possible d'interpréter autrement les événements révolutionnaires. Il est en effet assez facile de découvrir une lutte permanente des principaux acteurs de la Révolution, contre la violence populaire. Les révolutionnaires en dentelles, ne répugnent bien évidemment pas à instrumentaliser cette violence lorsque cela les arrange. Mais la plupart du temps, et cela depuis le début, avec la création de la Garde nationale, leur principale préoccupation est de la contenir, voire de la réprimer.

    Je rappelle que la violence révolutionnaire n'est rien d'autre que celle de l'Ancien régime. Il faudra beaucoup de République, de pain, d'école et de justice sociale, pour que les citoyens en colère se contentent de brûler des pneus sur des ronds-points au lieu de pendre les banquiers à des réverbères.




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Bien cordialement
Bertrand