Anna Karina dans "La religieuse" de Jacques Rivette en 1966, d'après le livre de Jacques Diderot |
L’intervention de M. Rousselet ce jour à la tribune, pourrait constituer un exemple. Il va rendre compte à l’Assemblée, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et une religieuse, pour demander que l'Assemblée s'explique sur l'émission des vœux, et il va proposer de défendre (interdire) les vœux monastiques perpétuels. N'est-il pas quelque peu étonnant que l'Assemblée nationale constituante soit interpellée à ce propos ?
Concernant les vœux monastiques, il faut savoir qu'une fois les vœux perpétuels prononcés, le profès, c’est-à-dire
l’homme ou la femme qui les avait prononcés, était contraint de rester à vie
dans l’institution religieuse à laquelle il s’était voué et ne pouvait plus
remettre en question son appartenance à la communauté.
La nature aliénante de ces vœux était déjà contestée depuis
longtemps.
Martin Luther
Sur les vœux monastiques |
Fil rouge
Il existe comme un fil rouge (une continuité) entre La Réforme protestante, la Renaissance, les Lumières puis la Révolution. Et les adversaires de la Révolution ne s’y sont jamais trompé, en mettant dans le même sac à jeter, les idées de ces étapes précédant la Révolution.
Jacques Diderot
Plus récemment, celui qui avait vraiment marqué
les esprits de l’époque sur ce sujet, c’était Diderot, l’un des philosophes des
Lumières, l’initiateur de la grande encyclopédie. Comme tous les philosophes
des Lumières, il était très critique vis-à-vis de la religion ; la
religion en générale au demeurant, pas seulement le Catholicisme. Il prônait l’usage
de la raison.
Je vous ai trouvé cette petite vidéo de 7 minutes qui le
présente plutôt bien.
Video sur Diderot, l'encyclopédiste.
La religieuse
Parmi les œuvres de Diderot, l’une d’entre-elles s’intitule « La religieuse ».
Elle fut inspirée d’une histoire vraie, celle d’une religieuse de l'abbaye
royale de Longchamp, nommée Marguerite Delamarre, qui avait écrit à la
justice en 1752 pour demander à être libérée du cloître où ses parents
l’avaient enfermée. La pauvre jeune femme était une enfant illégitime de sa
mère avec un autre homme que son père. Par crainte de l'enfer, mais aussi par peur des jugements de son entourage, sa mère l’avait
convaincue de se faire religieuse et de disparaitre à jamais dans un couvent. Margueritte était allée en justice mais elle avait perdu son procès et un arrêté du 17 mars
1758 l’avait obligée à réintégrer la prison de son cloître.
Se débarrasser des enfants illégitimes de cette façon, était chose courante à cette époque dans la noblesse. Chacun le savait. Mais l’Eglise était très puissante et il était vain et même dangereux de s’opposer à elle.
Si cette histoire vous étonne, peut-être serez-vous encore plus étonnés d’apprendre que l’adaptation cinématographique du roman de Diderot réalisée par le cinéaste Jacques Rivette, fut totalement interdite de sortie sur les écrans de cinéma en avril 1966, par le ministre de la Culture de l’époque Yvon Bourge, sous la pression de l’Eglise qui en demandait la censure ! A l'époque, l'Eglise Catholique disait que c'était un blasphème. Ça vous parle ? Il fut ensuite interdit aux moins de 18 ans et ce ne sera qu’en 1988, que cette interdiction tombera finalement.
Regardez cet extrait du journal télévisé de 1988 qui traite
de l’événement :
La suspension
La suspension ordonnée ce jour par l’Assemblée durera jusqu’au
13 février 1790, date à laquelle elle publiera un décret interdisant les vœux
monastiques et supprimera les ordres religieux contemplatifs. Ceux
chargés de l’éducation publique, ainsi que les maisons de charité seront
conservées provisoirement (jusqu’au décret du 18 août 1792 de la Convention,
qui les supprimera).
La Constitution qui sera publiée le 3 Septembre 1791 précisera que : « La loi ne reconnaît plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution ».
L’esprit du temps
L’esprit du temps, c’était l’esprit des Lumières. Tous les
gens éduqués avaient lu les philosophes des Lumières, et ce, pas seulement en France,
mais dans toute l’Europe. Raison pour laquelle, le propre frère de la reine
Marie Antoinette, Joseph II, l’empereur d’Autrice Hongrie, avait ordonné lui
aussi la vente des biens de l’Eglise dans son Etat et fait fermer les
monastères, et ce, bien avant la Révolution française ! Les députés de l’Assemblée
nationale ne faisaient que marcher dans les pas de Joseph ii, le despote
éclairé !
Les couvents ne choquaient pas seulement pour ces cas d’enfermements,
mais aussi et surtout pour la vie fort agréable que beaucoup de religieux y
menaient. Je publierai prochainement une série d’estampes de l’époques, caricaturant
durement ces opulents religieux dont la richesse choquait de plus en plus le
peuple.
En voici juste deux, pour vous donner une idée :
"La vie très incroyable des moines" |
"Réjouissance d'un monastère" |
Le décret promulguant la suspension des vœux.
Lors de cette séance du 28 octobre, M. Rousselet rend
compte, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et
une religieuse, pour demander que l'Assemblée s'explique sur l'émission des
vœux ; il propose de défendre les vœux monastiques perpétuels.
M. Target demande l'ajournement du fond, et présente le décret suivant :
« Ouï le rapport (dans le sens de « entendu » du verbe ouïr) …. L’Assemblée ajourne la question sur l'émission des vœux, et cependant, et par provision, décrète que l'émission des vœux sera suspendue dans les monastères de l'un et de l'autre sexe. »
Plusieurs ecclésiastiques représentent que la suspension provisoire juge la question, et réclament l'exécution du règlement qui exige trois jours de discussion pour les matières importantes.
Le décret proposé par M-Target est adopté.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5252_t1_0597_0000_8
Une réclamation le 29 octobre
Le lendemain 29 octobre, un Monsieur de Bonnal montera à la
tribune pour préciser que le clergé aurait dû faire quelques protestations, et
il demandera que l'on y insère les siennes sous le titre observations.
M. Target observera que jamais on n'avait fait mention, dans
le procès-verbal, des réclamations faites par quelques membres contre les
décrets de l'Assemblée. Et, dit le PV, cette légère contestation se terminera
par la question préalable.
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5254_t1_0598_0000_1
La discussion sur l’avenir du clergé va se poursuivre durant
des semaines. Nombre de représentants du clergé étaient favorables aux réformes, mais
ils ne constituaient pas la majorité et surtout ils ne représentaient pas l’avis de
l’autorité ecclésiastique suprême, celle du Pape. Celui-ci, qui avait déjà fort mal reçu les réformes de Joseph II, refusera bientôt en bloc celle des députés constituants.
Antoine Christophe Gerle |
De la justice...
Journal de Paris |
« Une approbation presque universelle a répondu à cette
motion d’un Chartreux, qui concilie si bien ensemble & les vœux de la
Religion & les vœux de la Philosophie : la véritable justice est un
traité de paix entre tous les intérêts & toutes les opinions, & les
avis extrêmes, au contraire, divisent tout parce qu’ils offensent tout. »
Source : https://books.google.fr/books?id=kiAgiWUJ0msC&hl=fr&pg=PA1360#v=onepage&q=1633&f=false
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand