samedi 24 octobre 2020

24 Octobre 1789 : Le Roi « autorise » le Tribunal du Châtelet à juger les crimes de lèse-nation.

Le grand Châtelet

    Ce 24 Octobre, le roi Louis XVI autorise provisoirement le Châtelet à juger les accusés de crimes de "lèse-nation", qui annulent et remplacent les crimes de "lèse-majesté". Par la même, le roi donne sa sanction au décret de la loi martiale, promulguée le 22 octobre, qui sera adressée à tous les tribunaux ainsi qu'à toutes les municipalités.
    Ce faisant, le roi fait un sacré cadeau à la Commune de Paris dirigée par Bailly. Nous allons voir pourquoi.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5231_t1_0517_0000_6

Pour mémoire : Chaque fois que nous apprenons une décisions ou un acte de Louis XVI, gardons à l’esprit la lettre qu’il a adressée le 12 octobre à son cousin le roi d’Espagne, dans laquelle il lui confie sa « protestation solennelle que j’élève contre tous les actes contraires à l’autorité royale, qui lui ont été arrachés par la force depuis le 15 juillet de cette année ».

La forteresse du Châtelet

    Le Chatelet, ou plutôt le Grand Châtelet, était une forteresse édifiée sous Louis VI, située sur la rive droite de la Seine, au débouché de la rue Saint-Denis, en lieu et place de l’actuelle place du Chatelet. Elle abritait le tribunal, la police, des cachots et la première morgue de la capitale. Elle était d’aspect sinistre et de plus, du fait qu’elle servait de morgue et qu’elle était entourée de boucheries et autres triperies, c’était également l’un des endroits les plus puants de la capitale.

Le tribunal de Paris

    Le tribunal du Châtelet relevait de la juridiction royale et il était le siège de la prévôté de la capitale. Il était compétent au premier degré pour tous les cas civils et criminels relevant de son ressort, à l'exception des cas royaux (lèse-majesté, hérésie...).

En accorder ce droit au tribunal du Chatelet, Louis XVI abandonnait donc un grand pouvoir à la Commune de Paris, dirigée par Bailly, et ce dernier ne se retiendra pas d’en faire usage.

On y retrouvera Babeuf en Juin 1790, lorsqu’il sera incarcéré avec quelques 500 autres pauvres bougres, accusé avec eux d’avoir incendié les barrières d’octroi du mur des Fermiers Généraux lors de la fameuse nuit du 13 au 14 juillet 1789. Rappelons que cette insurrection fut pour le moins bénéfique pour les hommes à présent au pouvoir en 1789. A l’époque on avait accusé les émeutiers d’être des fraudeurs, mais certains historiens rappellent que la prise du mur des Fermiers Généraux fut la première action opérée par la milice bourgeoise dès sa première garde de 21h00. (Disons qu’une fois que l’on est au pouvoir, on est toujours libre de réécrire un peu l’histoire).

Après avoir jugé les premiers accusés de crime de lèse-nation (voir plus bas), la cour de justice du Châtelet fut supprimée par la loi votée le 25 août 1790. Ses fonctions cessèrent le 24 janvier 1791, mais la prison subsista.

Plus d'infos sur le site du ministère de la justice en cliquant sur l'image ci-dessous :

Grand sceau du Châtelet
Les geôles de la prison

Les détenus incarcérés au Chatelet avaient la réputation d’être de grands criminels. Damien, qui avait tenté d’assassiner Louis XV, y avait été jugé et condamné. Les prisonniers devaient payer leur emprisonnement et certaines geôles particulièrement horribles. La pire d’entre-elles était la fosse, également appelée Chausse d'hypocras, dans laquelle les prisonniers étaient descendus à l'aide d'une poulie. Les malheureux avaient en permanence les pieds dans l'eau (la Seine était proche) et ne pouvaient se tenir ni debout, ni couché. On y mourait habituellement après quinze jours de détention. Une autre appelée Fin d'aise était remplie d'ordures et de reptiles. Lors des massacres des prisons, le 2 septembre 1792, sur les deux cent soixante-neuf détenus incarcérés au Châtelet, deux cent seize prisonniers furent massacrés.

Le crime de lèse-nation

L’expression « crime de lèse-nation » annulait et remplaçait le « crime de lèse-majesté » qui s’appliquait au roi souverain. Cette nouvelle désignation était apparue le 23 juillet 1789, consacrant ainsi le transfert de souveraineté qui avait eu lieu entre le roi et la nation.

Vous trouverez une intéressante étude sur le crime de lèse-nation dans cet article « Qu'est-ce que la lèse-nation ? A propos du problème de l'infraction politique sous la constituante (1789-1791) ».

Voici son URL : https://www.persee.fr/doc/ds_0378-7931_1990_num_14_4_1200


Un seul condamné à mort pour crime contre lèse-nation, le Marquis de Favras.

    Le 30 novembre 1789, on décrétera de crime de lèse-nation : Charles-Eugène de Lorraine, Pierre Joseph Victor de Besenval, Charles Marie Auguste Joseph de Beaumont, comte d'Autichamp, Victor-François de Broglie, Charles Louis François de Paule de Barentin garde des Sceaux, Louis Pierre de Chastenet de Puységur ministre de la Guerre, pour leurs agissements répressifs à l’égard des Parisiens révoltés en juillet 1789.

Marquis de Favras

    Mais ce crime de lèse-nation ne condamnera à la peine capitale qu’un seul homme, le marquis de Favras pendu le 19 février 1790 en place de Grève à Paris. Le Marquis de Favras aurait pu être sauvé s’il avait parlé, attendu que les complots dont on l’accusait avait été ourdis sous l’autorité du frère du roi, le comte de Provence et même de la reine. Mais son confesseur, l’abbé le Duc (fils naturel de Louis XV), lui aurait « conseillé » de se soumettre au sort qui lui est réservé au nom de la famille royale et de sa famille…


Le Grand Chatelet


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Bertrand