mardi 20 octobre 2020

20 Octobre 1789 : L'Assemblée nationale vient rendre hommage à son roi adoré au palais des Tuileries

Vous comprendrez mieux en lisant cet article, le ton légèrement moqueur du titre...

L’Assemblée nationale a décidé qu’à l’issue de la séance de ce mardi 19 octobre qui se tient encore provisoirement à l’Archevêché de Paris, elle se rendra en délégation au palais des Tuileries pour rendre hommage à Louis XVI.

Monsieur Fréteau
A six heures et demie de l’après-midi, la délégation conduite par le président de l’Assemblée, Monsieur Emmanuel-Marie-Michel-Philippe Fréteau de Saint-Just, se présente dans le salon de l’œil de bœuf, qui comme à Versailles sert d’antichambre au roi. (Un chroniqueur fait remarquer qu’ils font une entorse à l’Etiquette du fait qu’ils ne sont pas en habits de cour comme cela doit être pour une audience royale). Les huissiers ouvrent les deux portes par lesquelles les députés pénètrent dans la chambre du Lit. Les officiers des cérémonies marchent à droite et à gauche du président de l’Assemblée.

N’ayant pas été prévenu de cette visite, (ce qui semble quelque peu étonnant), Louis XVI les reçoit assis dans un fauteuil. Il ôte, son chapeau, à l’entrée et pendant les révérences du président de l’Assemblée nationale.

M. le Président Fréteau s’avance et dit :

« Sire,

« L'Assemblée nationale a promis de s'unir inséparablement à Votre Majesté. Appelée près de vous par son amour, elle vient vous offrir l'hommage de son respect et de son immuable affection.

« L'affection du peuple français pour son monarque semblait ne pouvoir s'accroître depuis ce jour mémorable, où sa voix vous proclama le restaurateur de la liberté : il lui restait, Sire, un titre plus touchant à vous donner, celui du meilleur ami de la nation.

« Henri IV l'obtint des habitants d'une ville fameuse dans laquelle il avait passé une partie de sa jeunesse ; et les monuments de l'histoire nous apprennent qu'il signait de ces mots, votre meilleur ami, les lettres qu'il leur écrivait avec une affabilité incomparable. (Lettres de Henri IV aux Rochelois.)

« Ce titre, Sire, c'est la France entière qui vous le doit. On a vu Votre Majesté, ferme et tranquille au milieu des orages, prendre pour elle seule la chance de tous les hasards, essayer d'y soustraire, par sa présence et ses soins, ses peuples attendris. On vous a vu, Sire, renoncer à vos plaisirs, à vos délassements, à vos goûts, pour venir, au milieu d'une multitude inquiète, annoncer le retour des jours de la paix, pour faire renaître l'espoir du calme, resserrer les nœuds de la concorde et rallier les forces éparses de ce grand empire.

« Qu'il nous est doux, Sire, de recueillir les bénédictions dont vous environne un peuple immense pour vous en offrir l'honorable tribut ! Nous y joignons l'assurance d'un zèle toujours plus actif pour le maintien des lois et la défense de votre autorité tutélaire.

« Ces sentiments sont une dette de notre reconnaissance envers Votre Majesté ; ils peuvent seuls nous acquitter vis-à-vis de nos commettants, répondre à l'attente de l'Europe étonnée, et nous assurer les suffrages de la postérité. »

Sa Majesté lui répond :

« Je suis satisfait de l'attachement que vous m'exprimez ; j'y comptais, et j'en reçois les témoignages avec une grande sensibilité. »

Des acclamations répétées de : Vive le Roi ! Vive la Reine ! Ont confirmé l'expression des sentiments dont l'Assemblée venait, par l'organe de son président, d'offrir l'hommage à Sa Majesté ;

Suite à ce grand moment, la délégation de l’Assemblée nationale fait part au roi de son désir de présenter ses hommages à la Reine. Le roi le permet, et autorise les députés à traverser son grand cabinet, pour se rendre chez la Reine, par la galerie de Diane. Les huissiers ouvrent les deux battants qui conduisent de la Chambre du Lit au grand cabinet. Les députés passent, devant le Roi qui s’était placé près de cette porte, en faisant une profonde révérence.

A l’extrémité de la galerie de Diane se trouve l’appartement de la Reine qui était l’ancien appartement de la Reine Marie Thérèse. Il est adossé à la galerie de Diane, donne sur le jardin et se compose de cinq pièces.

Marie Antoinette n’a pas été avertie non-plus de cette visite et est à sa toilette. Ne souhaitant pas faire attendre les députés, elle leur accorde audience sans délai et elle s’assoit dans un fauteuil de son grand cabinet. Les députés sont alors introduits chez la reine par les officiers des cérémonies. Pour leur marquer une attention particulière, celle-ci se lève à leur entrée, alors qu’elle reste assise ordinairement.

M. le Président Fréteau dit :

« Madame,

« Le premier désir de l'Assemblée nationale, à son arrivée dans la capitale, a été de présenter au Roi le tribut de son respect et de son amour. Elle n'a pu se défendre de céder à une occasion si naturelle de vous offrir ses sentiments et ses vœux. Recevez-les, Madame ; permettez-moi de vous les exprimer tels que nous les formons, vifs, empressés et sincères. Ce serait, Madame, avec une véritable satisfaction, que l'Assemblée nationale contemplerait un moment dans vos bras cet illustre enfant, que les habitants de la capitale vont désormais regarder comme leur citoyen, le rejeton de tant de princes tendrement chéris de leurs peuples, l'héritier de Louis IX, de Henri IV, de celui dont les vertus font la gloire de la France. Il ne jouira jamais, non plus que les auteurs de ses jours, d'autant de gloire et de prospérité que nous leur en souhaitons. »

La reine ordonne alors au comte de Nantouillet, maître des cérémonies, d’aller chercher M. le Dauphin et elle répond au président :

« Je suis touchée au-delà de toute expression des sentiments de l'Assemblée nationale. Si j'eusse été prévenue de son intention, je l'aurais reçue d'une manière plus digne d'elle. Voici mon fils. »

La Reine prend M. le Dauphin dans ses bras, et le porte dans les diverses parties du salon de jeu où était l'Assemblée.

La réponse de la Reine a été suivie d'acclamations réitérées de Vive la Reine ! vive M. le Dauphin !

À son arrivée et à sa sortie, l'Assemblée nationale a été conduite et reconduite avec les honneurs accoutumés (dit le PV de l’Assemblée).




"Débriefing"...

Vous aurez remarqué, j’en suis sûr, que nos députés révolutionnaires sont toujours aussi épris de leur roi et de leur reine. Sont-ils naïfs à ce point, ou venons-nous d’assister à une parade bien calculée ? Je ne sais qu’en penser pour le moment. Peut-être en apprendrons-nous plus, plus tard ?

Rappelons en effet que ce roi compréhensif et avenant, est le même qui a adressé le 3 septembre une lettre à l’évêque de Tréguier pour se plaindre de ses malheurs et de prier pour lui ? le même qui le 12 octobre a envoyé une lettre à son cousin roi d’Espagne pour lui affirmer que tout ce qu’il disait et faisait depuis le 15 juillet, l’était contre son gré ?

Quant à la reine Marie-Antoinette, elle vient de prier Jacques-Mathieu Augeard, son secrétaire des commandements de la reine, d’examiner les modalités d’une fuite de la famille royale !


La famille royale se promenant dans le jardin des Tuileries
(en bonne compagnie)


Un des derniers portraits de la famille royale,
puisqu'il date de 1793.



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Bien cordialement
Bertrand