samedi 10 octobre 2020

10 Octobre 1789 : Un évêque diabolique et boiteux nationalise les biens du clergé

 

Talleyrand, la girouette politique

    L’évêque d’Autun, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, propose en séance ce 10 octobre 1789, de mettre les biens du Clergé à la disposition de la Nation, le but étant bien sûr de redresser les finances du pays. En contrepartie de cette nationalisation, ladite Nation prendra en charge les salaires des ecclésiastiques dont elle déterminera le nombre total.

    Les historiens semblent insister beaucoup sur cette proposition de Talleyrand, en date du 10 octobre. Est-ce à cause de la personnalité de Talleyrand, celui que l’on surnomma « Le diable boiteux », à cause de son pied bot et de son esprit retors ? (Lisez sa fiche Wikipédia qui en brosse un portrait assez détaillé). 

    C’est oublier en effet que ce sujet est déjà dans l’air de l’auguste Assemblée nationale depuis un moment. Souvenez-vous de la proposition faites le 24 septembre dernier par Monsieur Dupont de Nemours !

    Monsieur Dupont de Nemours a-t-il été oublié pour quelque obscure raison ? Le fait qu’il soit Protestant ? Ou que son nom ait traversé ces deux derniers siècles en raison de sa bonne fortune en Amérique ? Disons que Talleyrand est un personnage théâtral qui se prête mieux aux imaginations des fans "d'histoire spectacle". Nous aurons d’autres occasions de parler de cet évêque un peu spécial, qui ne l’était d’ailleurs que depuis un an et qui ne le restera pas longtemps.

Vous pourrez lire la très longue présentation de ce projet par le lien suivant :

https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5157_t1_0398_0000_4

Réforme dans l'air du temps.

    Vous vous doutez bien que cette réforme du clergé va faire grand bruit, et ce, même si elle n’avait rien de très originale.

    Les constituants n’avaient en effet rien inventé. Ils s’inspiraient grandement des réformes réalisées dans son Empire, par Joseph IIle propre frère de la reine Marie Antoinette. Ce despote éclairé dont le mot d’ordre était « Tout pour le peuple ; rien par le peuple », avait soumis totalement l’Eglise à son autorité, fait prêter au évêques un serment qui les soumettaient à l’Etat, ordonné la fermeture de monastères jugés inutiles dont les biens avaient été transférés aux paroisses et tout plein d’autres réformes qui auraient fait défaillir un Chouan ou un de nos contemporains ignare en histoire !

    Vous ne me croyez pas ? Vérifiez, je n’invente rien, on appela le Joséphisme.

Joseph II, le despote éclairé qui mis l'Eglise au pas dans son Empire

    La bourgeoisie au pouvoir était progressiste, mais pas au point d’augmenter les impôts qu’elle devrait payer ensuite. Voilà pourquoi ces esprits éclairés, tous un peu voltairiens, voire théistes ou athées, s'étaient tournés vers le richissime clergé.

    L’Eglise possédait un quart de Paris et un dixième à peu près du territoire national, ce qui représentait 3 à 3,5 milliards de l’époque. Elle percevait de plus, 150 millions de rentes annuelles !

Des débats en prévision !

    Cette proposition de Talleyrand va être âprement débattue trois semaines durant. Elle sera combattue d'un côté par l'abbé Maury, Malouet et Sieyès sur des critères mettant en cause le droit de propriété transgressé par la Nation lorsqu'elle s'approprie les biens d'autrui. Mais elle sera soutenue par Mirabeau ou Thouret qui argueront du fait que ces biens n'appartiennent pas au clergé mais à la masse des fidèles qui leur en ont fait don, donc à la Nation.

    Le clergé va se diviser également. Tout d'abord surpris par la proposition de Talleyrand, les curés se joindront finalement à elle. Probablement en raison du doublement de salaire qui en résultera pour eux. En effet, le salaire versé par la Nation ne pourrait être inférieur à 1200 livres annuel (non compris le logement et le jardin), soit plus du double que ce dont ils disposaient). De plus, la réduction du nombre d'ecclésiastique évoqué dans le projet de Talleyrand n’allait concerner que la catégorie des prélats et des hauts dignitaires, tous nobles, et bien souvent éloignés des soucis de la religion, comme Talleyrand...

    Concernant Talleyrand, j’aurais pu vous renvoyer sur un des nombreux sites évoquant cet étonnant personnage. Mais la fantaisie me prend de vous proposer cette vidéo. Il s’agit d’un extrait de 11 minutes, du film de Sacha Guitry, « Le diable boiteux » réalisé en 1948. C’est du pur Sacha Guitry. Le plus anciens comprendront ce que je veux dire par là. 😉 

    C'était déjà un vieux film quand j'étais jeune, mais je conseille aux jeunes de ne pas se laisser rebuter par le noir et blanc et de regarder cet extrait qui devrait les faire sourire, voire les étonner. Les dialogues sont délicieux. Ils me font penser à du Audiard, mais niveau Académie française.




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Bertrand