jeudi 15 octobre 2020

15 Octobre 1789 : Le plan secret de Mirabeau

 

    À la suite des journées des 5 et 6 octobre, la révolution a pris un nouveau tournant et ses principaux acteurs l’ont bien compris.

    Le roi est à présent à Paris et l’Assemblée nationale va bientôt le rejoindre.

    Les personnages influents au sein de l’Assemblée ont changé. Mounier et ses amis ont été discrédités, au point que celui-ci a choisi de se retirer de la vie politique et de se réfugier dans son Dauphiné natal. C’est à présent au tour de Lafayette, Mirabeau, Barnave, Duport et les frères Lameth de jauger leurs pouvoirs respectifs au sein de l’Assemblée.

    Mirabeau est toujours aussi difficile à cerner. Son attitude n’a pas été claire lors des journées révolutionnaires d’octobre, où il semblait soutenir tantôt l’insurrection et tantôt la couronne. De plus, on le soupçonne toujours de comploter avec le duc d’Orléans dans le but de renverser Louis XVI, ce qui ne manque pas de le faire rire haut et fort.

    Mirabeau est un animal politique. Il a compris au matin du 7 Octobre, que la monarchie était vraiment menacée. Il s’est donc rendu chez son ami La Marck, un grand aristocrate étroitement lié aux cours autrichienne et française, et il lui a proposé d’élaborer un plan pour le roi. La Marck lui aurait répondu : « occupez-vous de bâtir votre plan, je saurai bien le faire parvenir au roi... »

Comte de La Marck

    Le 15 octobre, Mirabeau remet au comte de La Marck son fameux plan dans lequel il expose ses idées avec force détails. La Marck a obtenu un rendez-vous dans la nuit du 15 au 16 avec Provence, le frère du roi, (futur Louis XVIII) dans le but que celui-ci fasse parvenir à Louis XVI le plan de Mirabeau. La Marck expose à Provence les dangers qui menacent Louis XVI et sa famille. Il dresse un tableau très précis de la situation, des difficultés que va éprouver l’Assemblée qui va bientôt siéger à Paris. Provence reconnait que la situation est grave et que le plan de Mirabeau, pour lequel il n’éprouve aucun a priori, est fort bien construit. Mais il est convaincu que Louis XVI n’acceptera jamais de jouer le rôle envisagé pour lui dans ce plan. La Marck insiste, demande que l’on en parle à la reine, mais Provence lui avoue que l’indécision du roi a atteint un tel stade qu’il est devenu incapable de se prononcer, quel que soit le problème posé !

Les grandes lignes de ce plan étaient les suivantes :

1° Le roi a été contraint de résider à Paris : une partie de la nation va donc refuser d’obéir à un souverain qui n’est plus libre.

2° Le roi est inséparable de la Révolution. Il ne peut s’appuyer que sur le peuple et, pour cela, il doit lui garantir ses conquêtes sociales.

3° Le roi doit agir avec énergie ; gagner la Normandie, région fidèle à la couronne, plutôt que l’Est qui est trop proche de l’étranger et de certains émigrés. De là il fera une déclaration solennelle pour rappeler que seul compte pour lui l’amélioration du sort du peuple.

4° Le Roi doit promettre :

  • L'accroissement des droits politiques des citoyens ;
  • Le respect et la garantie de la dette publique ;
  • L'abolition définitive des Parlements ;
  • La sanction définitive de certains décrets (liberté de la presse, rachat des droits féodaux... etc.).

5° Le roi appellera l’Assemblée nationale à lui. Si elle vient, la cause est gagnée ; si elle ne vient pas, le Roi sera alors fondé à faire appel à la force pour dissoudre l'Assemblée et en faire élire une nouvelle qui établisse une Constitution sur les bases précitées.

    Le 16 au matin, très tôt, La Marck rendra compte à son ami Mirabeau de l’échec de son entrevue avec le frère du roi. Plein de ressources, Mirabeau organisera le soir même une réunion avec les hommes forts du moment, La Fayette, Duport, Barnave et les frères Lameth. (Mirabeau se voit ministre et pourquoi pas premier ministre). A l’issue de cette réunion, il sera décidé que La Fayette accompagnera Mirabeau chez Montmorin le lendemain 17 Octobre et, qu’à la suite de cette entrevue, Mirabeau pourrait rencontrer Necker en tête à tête.

Montmorin

    Le matin du 17, l’entrevue avec le ministre Montmorin se passera très mal et l’après-midi la rencontre avec Necker qui durera 5h sera tout aussi infructueuse. Mirabeau sortira de chez Necker fort en colère, son opinion étant définitivement faite sur « …le misérable charlatan qui a mis le trône et la France à deux doigts de leur perte et qui s’obstine à la consommer plutôt que de s’avouer à soi-même son incapacité…»
Souvenons-nous que c'était grâce à Mirabeau que le plan de redressement financier de Necker avait été voté "de confiance", par les députés le 26 septembre 1789...


    Certains documents mentionnent le fait que durant ces mêmes jours, lors d’une entrevue secrète avec Lafayette, Mirabeau aurait refusé l’exil doré d’une ambassade qui lui était proposée, mais qu’il aurait néanmoins accepté l’argent de Lafayette.

    Toutes ces manœuvres évoquées, furent secrètes sur le moment. La plupart de ce que l’on en sait nous vient de la correspondance de La Marck. Gardons néanmoins à l’esprit que des révélations de secrets, peuvent parfois être fausses afin de dissimuler d’autres secrets. Je plains parfois les historiens qui doivent faire le tri dans toutes ces machinations !


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Bertrand