jeudi 22 octobre 2020

22 Octobre 1789 : L’encombrant duc D’Orléans est « retenu » à Boulogne sur Mer. Comme c’est bizarre !

Le duc d'Orléans

    Ce 22 octobre, Monsieur de Menou informe l’Assemblée d’une bien étonnante nouvelle concernant le duc d’Orléans.    L’Assemblée avait accordé à ce Prince un passeport pour l’Angleterre le 14 octobre dernier, afin qu’il puisse s’acquitter d’une mission confiée par le roi. Mais aujourd’hui, on apprend que Louis Philippe Joseph d'Orléans est retenu contre son gré par les habitants de Boulogne sur Mer. 

    La raison en est, que depuis le départ de cet encombrant duc, les rumeurs vont bon train. On le soupçonne d'avoir participé à des complots ; et des mauvaises langues prétendent qu’il ne s’est ainsi éloigné que pour échapper à la justice ! 

    Même notre ami Colson, dans son courrier du 18 octobre écrit à propos du duc : « monsieur le duc d'Orléans, qui est allé à Londres pour une négociation dont on ignore encore l'objet, y était allé pour trahir ». L’Assemblée nationale est d’autant plus inquiète qu’on l’accuse de partager certains des sombres projets du duc d’Orléans ! Si vous avez lu les articles de ce site depuis le mois de juillet, vous devez sourire intérieurement, et vous avez raison !

    L’ombre du duc d’Orléans est en effet omniprésente tout le long des événements révolutionnaires de cette année 1789 ! Peut-être lui prête-t-on plus qu’il n’en a fait, mais il n’a rien fait pour dissiper les doutes et faire taire les rumeurs. De nos jours, certains ouvrages d’historiens continuent d’affirmer qu’il fut à l’origine de tous les grands événements de ce début de révolution. Mais bien sûr, l’histoire est bien plus compliquée que cela. Je vous prie de croire qu’il m’a fallu en lire des documents, pour démêler autant faire se pouvait, le fil de cette intrigue.

    N’oublions pas malgré tout, que puisqu’il s’agit d’une mission secrète confiée par le roi, tout ce qui a pu se dire et s’écrire, est peut-être partiellement, voire totalement faux !


Historique de cette aventure rocambolesque

    Nous avions vu que le 10 octobre, Lafayette était allé faire bonne figure devant le roi et tenter de le convaincre de sa fidélité, suite à sa conduite équivoque durant les journées des 5 et 6 octobre. Nous avons dit à cette occasion que le roi le soupçonnait d’être un agent du duc d’Orléans.

    Peut-être le 10, ou alors le 13, selon les sources, Lafayette aurait, pour prouver sa fidélité, offert au roi de s’acquitter de n’importe quelle démarche que sa Majesté exigerait de lui. Louis XVI lui aurait alors confirmé qu’il l’avait en effet cru vendu au duc d'Orléans. Le roi lui aurait également fait part de ses soucis avec le duc d’Orléans, qui venait de plus de contracter un emprunt de 6 millions en Hollande, mais qu'il répugnait malgré tout à la Famille Royale de le ranger parmi des assassins. Louis XVI aurait alors proposé à Lafayette, pour regagner son estime, de l'aider à faire sortir le duc d'Orléans du Royaume. Le marquis de La Fayette, trop heureux de rendre ce service, assura au roi qu'il se ferait fort de réussir dans cette entreprise.

    Par suite de cette entrevue (secrète), le marquis de Lafayette aurait alors demandé au duc d'Orléans, une entrevue (également secrète, bien sûr). Le Duc la lui aurait accordée sans peine car le marquis de La Fayette était alors un homme qui comptait, un homme à ménager. Lafayette se serait adressé au duc avec le langage de l'indignation, lui déclarant que s'il ne prenait pas le parti de l'obéissance, on le démasquerait. Le duc d'Orléans, effrayé, n'aurait pas osé refuser ce qui lui était demandé et se serait contenté de demander que le roi lui confiât une quelconque négociation à conduire, pour sauver les apparences.

    A l’annonce du départ prochain du Duc D’Orléans, Mirabeau serait alors venu le trouver pour lui reprocher sa faiblesse excessive, et l’aurait conjuré de tout avouer et de dénoncer à l'Assemblée nationale, le marquis de La Fayette puis la Reine. Le duc d'Orléans, effectivement faible, aurait alors cédé à Mirabeau et se serait résolu à braver Lafayette.

    Bien sûr, Lafayette fut rapidement informé de ce retournement et aussitôt il courut au Palais Royal où résidait le duc (J'abandonne l’emploi du conditionnel 😉). Le général en colère, somma le duc d’être fidèle à sa parole donnée et le menaça de témoigner contre lui si les juges l’interrogeaient sur les journées des 5 et 6 octobre. Le duc d'Orléans frémit à cette menace et tenta, en vain, de séduire le marquis de La Fayette. Mais Lafayette exigea son départ dans les plus brefs délais.

    Le duc d'Orléans céda finalement à Lafayette et écrivit un billet à Mirabeau :
"J'ai changé de dessein ; ne faites rien, nous nous verrons ce soir."
Après avoir lu ces lignes, le comte de Mirabeau dit : 
"Il est lâche comme un laquais ; c'est un... qui ne vaut pas la peine qu'on s'est donnée pour lui."

    L’Assemblée nationale accorda un passeport pour une demande de congé du duc, lors de la séance du 14 octobre. Un billet de M. Saint-Priest au président, avait annoncé que ses bureaux étaient occupés à expédier à la hâte des instructions que M. le duc d'Orléans devait emporter en Angleterre pour y remplir une commission qui lui était confiée par le Roi.

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5174_t1_0441_0000_1

    A 5h30, le comte de Montmorin reçu le duc d’Orléans et lui donna ses instructions pour sa "mission" diplomatique en Angleterre. Le duc pris alors le chemin de Boulogne en compagnie de Choderlos de Laclos et de Clarke. Sa maîtresse la comtesse de Buffon le suivit dans sa propre voiture. Son épouse, la duchesse de Chartre, avertie ce soir-là du prochain départ « en mission » de son époux, dû se résoudre à rester à Paris.

La jolie comtesse de Buffon

Lisons "pour le plaisir" la motion faite ce 22 octobre par Monsieur Menou devant l’Assemblée, à propos des misères du duc d’Orléans !

Motion de M. de Menou sur le départ du duc d'Orléans

https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5217_t1_0478_0000_3

M. le baron de Menou fait ensuite une motion sur le départ de monseigneur le duc d'Orléans.

M. le baron de Menou. L'homme vraiment attaché à l'intérêt général doit dire ce qu'il prévoit et ce qu'il craint. Le salut public est la suprême loi. J'ai demandé la parole avant l'ordre du jour pour remplir ce devoir.

M. le duc d'Orléans est venu, il y a plus de huit jours, demander un passeport pour aller en Angleterre remplir une mission que le Roi lui avait confiée ; mais ce prince, chargé de stipuler pour le bailliage de Crépy et pour la France entière, pouvait-il se soustraire ainsi à ses fonctions ? Depuis son départ, on l'a accusé hautement d'avoir participé à des complots ; on a dit qu'il ne s'était éloigné que pour échapper à la surveillance du ministère public. S'il eût été instruit de ces bruits, il se serait présenté, il se serait justifié ; un député à l'Assemblée nationale, chargé de faire le bien par la confiance, ne doit pas même être soupçonné. Leduc d'Orléans n'est pas seul inculpé : on accuse une partie de l'Assemblée de partager les projets et les intrigues qu'on lui prête, tandis que ces députés, fiers de la pureté de leur conscience, consacrent tous leurs vœux, tout leur temps à la chose publique

Les habitants de Boulogne-sur-Mer ont retenu ce prince ; s'il est encore détenu, vous devez ordonner qu'il soit relâché ; mais n'est-il pas aussi de votre équité de le mettre à même de se justifier ? S'il est innocent, sa justification doit être éclatante ; s'il est coupable, il doit être puni. Votre décision à cet égard ne serait point contradictoire avec le passeport que vous avez accordé. Les bruits injurieux à M. le duc d'Orléans ne se sont répandus qu'après son départ,

 

Et voici la brève discussion qui s’en suivit :

Discussion

Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5217_t1_0478_0000_4

M. le duc de Liancourt. On ne peut présenter nul motif plausible de rappeler M. le duc d'Orléans. La notoriété publique et la connaissance particulière qui m'a été donnée par ce prince des motifs de son départ, doivent empêcher toutes dispositions à cet égard. M. le duc d'Orléans partait volontairement, chargé d'une mission importante et touché de la confiance que Sa Majesté lui avait témoignée, il n'y a nul lieu à délibérer sur la motion du préopinant.

M. le comte de La Touche. Je suis aussi compromis dans les pamphlets relatifs au départ de M. le duc d'Orléans, et je demande que le comité des recherches examine sévèrement ma conduite.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer quant à présent.


Etonnant, non ? 😉 


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Bien cordialement
Bertrand