Notre-Dame de Paris (Photo prise le 31 mars 2015) |
Dans le numéro 1 de son journal des Révolutions de France et de Brabant publié le 28 novembre 1789, Camille Desmoulins évoque d’une étrange façon le suicide d’un malheureux abbé. Vous allez comprendre en le lisant, pourquoi je trouve étrange sa façon de traiter le sujet.
À noter que les
événements évoqués par Desmoulins sont souvent difficile à dater dans son
journal. Il n’évoque que la date de "jeudi dernier". Raison pour
laquelle je me suis permis de supposer qu’il pouvait s’agir du jeudi précédent
la parution du numéro 1 de son journal.
Commençons par
lire sa relation du tragique événement :
« Jeudi, un Abbé s’est précipité des tours de Notre-Dame. On a trouvé sur lui un paquet de verre pilé, et un fragment de lettre qui contient ses plaintes contre un Supérieur de Séminaire, quelque Busiris* en soutane, que cet infortuné accuse d’être l’auteur de son désespoir : je me souviens que dans mon enfance je disais à mon père, il y a tant de suicides, comment ne s’en trouve-t-il pas que se disent, avant de sortir de ce monde, je veux au moins le délivrer de ses tyrans, et rendre service à la société.
Je n’en mourrais pas moins, j’en mourrai moins coupable.
Il est vrai que, comme il n’y a plus de tyrans en France, ce malheureux Abbé aurait eu une longue route à faire, et il n’avait que quatre livres quatre sols dans sa poche. Oh combien il y a de pauvres diables ! »
(* Busiris est un personnage légendaire de l'Antiquité, célèbre pour sa cruauté.)
A quoi pense Desmoulins ?
Outre le récit dramatique de la mort de ce malheureux désespéré, c’est la réflexion de Camille Desmoulins que je trouve particulièrement étonnante. Que veut-il dire ? Que suggère-t-il ? Il y a tant de suicide affirme-t-il. "délivrer le monde de ses tyrans, et rendre service à la société" ? J’ai eu la nette impression que l’idée de Desmoulins était que les désespérés puissent agir comme des kamikazes contre les tyrans, ou plutôt, comme des terroristes...
Cette idée n’est pas aussi absurde que ça puisqu'hélas, elle a déjà été de nombreuses fois appliquée dans l’histoire.
Songeons par exemple aux sept étudiants conspirateurs de l’attentat de Sarajevo, le 12 juillet 1914. Chacun d’entre eux portait une ampoule
de cyanure, (qui n’en tua aucun parce que le contenu des fioles était trop
délayé ou périmé). Ces jeunes gens étaient prêts à mourir pour tuer l’Archiduc François-Ferdinand
d'Autriche et ils moururent effectivement par la suite, sanctionnés par la
justice. Voilà à quoi ressemble un "suicide utile" en politique extrême.
Le procès des conjurés, tous prêts à mourir... |
Était-ce bien à cela que songeait Camille Desmoulins ?
On peut même imaginer qu’écrivant cela dans son journal, il songeait peut-être à
donner des idées à quelques désespérés ? Son affirmation sur le fait qu’il
n’y a plus de tyrans en France, n’est guère crédible quand on lit ses articles…
Cette interrogation m’a plongé dans un abîme de réflexions ! Imaginez la tournure qu’aurait pris la Révolution si cette forme de terrorisme était apparue ! A l’image de la célèbre secte des Assassins de l’Iran médiéval qui tuaient en mourant !
Des sans-culottes terroristes se jetant contre des carrosses avec des bombes !? Il n'aurait plus manqué que ça pour alimenter la légende noire de la Révolution !
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Je vous remercie pour ce commentaire.
Bien cordialement
Bertrand