"Parlamen, Mistraou et Durenço, Souri lés très fleous de la Prouvenço".
(Dicton provençal)
"Le Parlement, le Mistral et la Durance, sont les trois fléaux de la Provence."
C’est le Parlement de Provence qui est visé par Mirabeau. Ce
Parlement si renommé pour sa dureté qu’il a même inspiré le dicton qui fait le
titre de cette page, et que va citer Mirabeau.
Ses parlementaires font fi des décrets de l’Assemblée
nationale et entendent bien continuer de mener leur justice à eux, une justice
d’exception, garante de leurs privilèges.
Cet incident nous donne également un premier aperçu des règlements
de comptes qui auront lieu dans les provinces sous la Révolution, et qui bien
souvent n’avaient rien à voir avec celle-ci. Ces « haines secrètes »,
comme les appelle Mirabeau, feront que l’on dénoncera plus tard un voisin
gênant au Tribunal révolutionnaire, comme on dénoncera encore plus tard un voisin
gênant à la Gestapo allemande…
Ecoutons l’intervention de Mirabeau :
« Messieurs, la réclamation que j'ai l'honneur de vous
porter au nom de ma province est relative à l'inexécution de vos décrets, et
notamment de celui qui intéresse le plus les hommes sensibles ; je veux parler
de la loi provisoire sur la procédure criminelle, ce premier bienfait que vous
deviez à la classe la plus malheureuse de l'humanité.
Depuis trois mois, Messieurs, une des plus importantes
villes du royaume, Marseille, qui fut le berceau de mes pères, et dont je suis
le fils adoptif, Marseille tout entière est sous le joug d'une procédure
prévôtale que l'esprit de corps et l'abus du pouvoir ont fait dégénérer en
oppression et en tyrannie.
Il était difficile que cette ville ne se ressentît pas de
l'agitation du royaume. Plus de sagesse dans son administration municipale
aurait prévenu des désordres. C'est pour les punir que la procédure a été prise
; mais des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. Les vrais
coupables ne sont pas jugés et mille témoins ont été entendus. On a informé,
non sur les délits, mais sur des opinions, mais sur des pensées. On a voulu
remplacer par cette procédure celle qu'on n'avait pas permis au parlement de
commencer, ou qu'on avait arrachée de ses mains ; et des haines secrètes, dont le
foyer ne nous est pas inconnu, ont rempli les cachots de citoyens.
Ne croyez point en effet que cette procédure soit dirigée
contre cette partie du peuple que, par mépris pour le genre humain, les ennemis
de la liberté appellent la canaille, et dont il suffirait de dire qu’elle a
peut-être plus besoin de caution que ceux qui ont quelque chose à perdre. Non,
Messieurs, c'est contre les citoyens de Marseille les plus honorés de la
confiance publique que la justice s'est armée ; et un seul fait vous prouvera
si les hommes qu'on a décrétés sont les ennemis du bien. M. d'André, à qui
l'Assemblée accorde son estime et le Roi sa confiance, ayant fait assembler les
districts de Marseille, pour nommer des députés et former une municipalité
provisoire, partout la voix publique s'est manifestée ; elle a nommé ces mêmes
décrétés ; et comme des lois, susceptibles sans doute de quelque réformation,
s'opposaient à ce qu'ils fussent admis dans le conseil, où le conseil, où le
suffrage de leurs concitoyens les appelait, on a choisi pour les remplacer
leurs parents, leurs amis, ceux qui partageaient les principes des accusés,
ceux qui pouvaient défendre leur innocence.
Le temps viendra bientôt où je dénoncerai les coupables
auteurs des maux qui désolent la Provence, et ce parlement qu'un proverbe
trivial a rangé parmi les fléaux de ce pays (l), et ces municipalités
dévorantes qui, peu jalouses du bonheur du peuple, ne sont occupées depuis des
siècles qu'à multiplier ses chaînes, ou à dissiper le fruit de ses sueurs. Je
dois me borner à vous entretenir aujourd'hui de l'inexécution de votre décret
sur la procédure criminelle.
Ce décret fut sanctionné le 4.
Le 14, il fut enregistré au parlement de Paris.
Le 18, il était connu publiquement à Marseille.
Cependant, le 27, des juges arrivés d'Aix le même jour, et
réunis à quelques avocats, ont jugé suivant les anciennes formes une récusation
proposée par les accusés. Ce fait est prouvé par plusieurs lettres que je puis
mettre sur le bureau.
Par quel étrange événement s'est-il donc fait que le décret
de l'Assemblée ne soit parvenu ni au prévôt, ni à la municipalité de Marseille
? Les ministres chercheraient-ils encore des détours ? Voudraient-ils rendre
nuls vos décrets en ne s'occupant qu'avec lenteur de leur exécution ? ou bien
les corps administratifs, les tribunaux, oseraient-ils mettre des entraves à la
publicité de vos lois ? Je ne sais que penser de ces coupables délais. Mais ce
que personne de nous ne peut ignorer, c'est qu'il est impossible de relever
l'empire écrasé par trois siècles d'abus, si le pouvoir exécutif suit une autre
ligne que la nôtre, s'il est l'ennemi du Corps législatif, au lieu d'en être
l'auxiliaire ; et si des corps auxquels il faudra bien apprendre qu'ils ne sont
rien dans l'Etat osent encore lutter contre la volonté publique dont nous
sommes les organes. — Je propose le décret suivant :
«Qu'il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d'Etat de représenter les certificats, ou accusés de la réception des décrets de l'Assemblée nationale, et notamment de celui de la procédure criminelle qu'ils ont dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis, auxquels l'envoi a dû être fait ; et qu'il sera sursis provisoirement à l'exécution de tous jugements en dernier ressort, rendus dans la forme ancienne par tous les tribunaux, antérieurement à l'époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal. »
Source : https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1877_num_9_1_5291_t1_0696_0000_2
Un clic sur l'image ci-dessous vous conduira à un article intéressant sur le Parlement de Provence :
Un mot sur le vandalisme d'ancien régime...
Un nouveau clic sur la légende d'une des deux images ci-dessous vous conduira à un article relatant l'histoire du Palais des Comtes de Provence, qui avait été démoli en 1786, en raison de sa vétusté. Peu importait que certaines de ses parties soient d'origine romaine. On ne se souciait guère des vestiges du passé sous l'Ancien régime. On pourrait appeler cela le "vandalisme de l'ancien régime", en référence au prétendu vandalisme révolutionnaire...
Palais des Comtes de Provence et des Cours Souveraines démoli en 1786 |
Tours et constructions romaines enclavées dans l'édifice démoli en 1786 |
Source images : http://clap.jac.free.fr/livre/comtes.html
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Bien cordialement
Bertrand