Le fameux fusil "Charleville", modèle 1777. |
La ville de Saint-Étienne était déjà réputée au Moyen Âge pour son artisanat de coutellerie. Près de 80 moulins produisaient des armes de guerre ou de chasse. Elle était devenue à la veille de la Révolution, la plus importante manufacture d’armes à feu portatives du royaume, en concurrence avec celle de Charleville. Plus de 12000 pistolets et fusils y étaient produit par an.
Ses artisans avaient été autorisés en 1764 à s'organiser en
société d'entrepreneurs et obtenir le titre de "Manufacture royale", avec
l’approbation du roi Louis XV. Elle était ainsi devenue un
fournisseur officiel des armées du roi.
La manufacture d'armes de Saint-Etienne se répartissait sur de nombreux sites, aussi bien en
ville, notamment des églises désaffectées, comme le couvent des Ursulines,
l'église des Pénitents ou la Grand'Église, que dans les campagnes alentours,
où travaillaient à domicile de nombreux artisans et compagnons (environ un
millier en 1727). Chacun d’entre eux était spécialisé dans la fabrication de
l’une ou l’autre partie de l’arme. Un plus petit nombre, essentiellement des monteurs,
étaient regroupés dans les bâtiments de la Manufacture, place Chavanelle.
Ce système de fabrication fractionnée finit d’ailleurs par
poser un problème quant à la qualité des armes. Il y eut donc plusieurs
réformes dans le but de normaliser les pièces. Pour le modèle de fusil de 1773,
les ouvriers furent contraints d’employer des mesures, calibres, matrices et
proportions de toutes les pièces du fusil.
La qualité du fer était également très importante. De 1749 à
1763, la préférence fut donnée à celui provenant de la forge de Lœuilley en Haute-Saône,
puis ensuite à celle de Pesmes en Haute-Marne.
Le règlement du 26 février 1777 apporta un changement majeur, avec l’abandon de
la liberté d’approvisionnement du fer pour les entrepreneurs. Tout fer reconnu
bon pour la fabrication des armes devait dorénavant être marqué du poinçon
d’acceptation, puis distribué aux ouvriers en présence d’un contrôleur. Le fer
étant contrôlé, l’inspecteur pouvait désigner un responsable pour les canons
éventés ou crevés à la suite du test qu’ils subissaient obligatoirement en fin
de fabrication.
Toutes ces réformes aboutirent à la fabrication du fameux modèle 1777, conçu par l'ingénieur Gribeauval, qui fut utilisé durant toutes les guerres de la Révolution (et dont je vous reparlerai plus tard).
J’ai passé un peu de temps à chercher d’où venait cette désignation « de pièce ronde » pour la manufacture pillée. J’ai pensé un moment que c’était peut-être une référence aux balles rondes tirées par les fusils de cette époque, ou alors aux types de platines à corps plat et chien à corps rond des fusils fabriqués dans la manufacture de Saint-Etienne. Mais je m’égarais ! J’ai fini par apprendre l'existence d’un clos de la pièce ronde à Saint-Etienne dans un vieux livre de 1826, puis je trouvé son emplacement sur la reproduction d’une carte de la ville de Saint-Etienne en 1767. Le clos de la pièce ronde se situait tout près de la place Chavanelle (au sud). Voilà donc l’explication de cette désignation de la manufacture de la pièce ronde, dont un bâtiment devait surement occuper ce lieu.
Carte sur le site Gallica de la BNF |
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Bien cordialement
Bertrand